On ne la présente plus, tant son nom est valeur de référence dans le 7e Art. Elle est connue pour ses rôles dans » Adieu Foulards » de Christian Lara, » Sheena, Queen of the Jungle » de John Guillermin ou » L’Exil du Roi Behanzin » de Guy Deslauriers. A la télévision, elle a joué le rôle d’Anne Parker, mère de Léa Parker, de la série du même nom et interprétée par Sonia Rolland. De passage en Guadeloupe dans le cadre de la 7e édition du Cinestar International Film Festival, France Zobda s’est installée dans nos fauteuils et elle est revenue sur sa carrière longue en longs métrages et en séries télévisées.
“ Aujourd’hui, avec ce que vous avez comme outils,
vous pouvez inventer des choses, vous pouvez créer
et je crois que c’est là que vous avez cette force.
J’espère que vous allez en profiter
pour faire un cinéma universel .” France Zobda
Le cinéma antillais est jeune. A l’ombre du cinéma français, il grandit, s’émancipe même de toute tutelle et se fraye un chemin à travers la jungle du 7e Art. Nous pouvons même dire qu’il n’a rien à envier ni rien à prouver aux autres cinémas du Globe. Certaines productions parviennent à ravir le cœur des cinéphiles étrangers au point d’en devenir des références cinématographiques mondiales. Citons, “ La Rue Cases-Nègres” d’Euzhan Palcy, “ Passage du milieu “ de Guy des Lauriers “ ou encore “ Coco La Fleur “ de Christian Lara considéré comme le père fondateur du cinéma antillais.
Le concernant, lorsqu’on lui demanda, d’apporter sa définition du cinéma antillais, Christian Lara, nous a quitté très récemment, disait dans les années 1980 : « Le réalisateur doit être antillais, le sujet principal doit être une histoire antillaise, l’acteur/l’actrice principal(e) doit être antillais(e), le créole doit être utilisé, la boîte de production doit être antillaise.
Loin des clichés doudouistes véhiculés par des œuvres cinématographiques aux relents coloniaux, où mythe du bon sauvage, racisme et préjugés se côtoient, des pionniers vont monter au créneau pour porter à l’écran les réalités de ces terres éloignées. Sans édulcorant, épurés des stéréotypes qui collent si bien à la peau de l’antillais qui se respecte, leurs films sont tels des contes. Il s’agissait pour ces précurseurs de se réapproprier leur Histoire et de la dévoiler au reste du Monde.
Une génération après l’autre, les réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs ou actrices ultramarins ont à cœur de porter à l’écran leur culture, leurs paysages et même le parler créole. Tous vous diront, qu’ils sont animés par une réelle volonté de dévoiler à ce monde beaucoup plus grand, nos “ Mès é Labitid “ . D’ailleurs, Patrice Chéreau n’a t-il pas dit que le cinéma est le lieu du réel et de la vie ? Justement, qui d’autre qu’un Guadeloupéen, un Martiniquais, un Guyanais pour raconter son histoire. Celle de cette terre de souffrance qui a vu naître parents, grands-parents et aïeux.
Disons-le clairement, le cinéma antillais est un cinéma militant mais pas que puisqu’il s’est étoffé vers d’autres genres comme les comédies : “ Antilles sur Seine” ou “ Ma première étoile”. Le Drame avec Neg Maron Jean-Claude Barny thrillers et même le polar comme “ Le gang des Antillais”. Bien que des pionniers ont tracé le chemin pour les nouvelles générations, il faut l’avouer, tout reste à créer.
Par ailleurs, parmi ces initiateurs, il y a bien une dame qui retient l’attention depuis ses toutes premières apparitions. En effet, elle est connue dans le monde pour la particularité de ses yeux qui, selon le Guiness Book, auraient le record mondial des nuances de couleurs d’yeux : sept à gauche, quatre à droite. Au niveau de sa carrière cinématographique, là encore, on ne la présente plus, tant son nom est valeur de référence dans le 7e Art. Elle est connue pour ses rôles dans » Adieu Foulards » de Christian Lara, » Sheena, Queen of the Jungle » de John Guillermin ou » L’Exil du Roi Behanzin » de Guy Deslauriers. A la télévision, elle a joué le rôle d’Anne Parker, mère de Léa Parker, de la série du même nom et interprétée par Sonia Rolland. De passage en Guadeloupe dans le cadre de la 7e édition du Cinestar International Film Festival, France Zobda s’est installée dans nos fauteuils et elle est revenue sur sa carrière longue en longs métrages et en séries télévisées.
Emrick : Bonjour, France Zobda bienvenue sur The Link Fwi. Merci de prendre de votre temps pour répondre à nos questions. Vous êtes, actrice et réalisatice, mais pouvez-vous vous présentez à nos téléspectateurs et téléspectatrices mais aussi revenir un peu sur l’ensemble de votre carrière même si elle est très longue ?
France Zobda : C’est vrai, elle est longue, J’irai donc à l’essentiel. Premièrement bonjour à tous vos lecteurs et toutes vos lectrices. En effet, comme vous l’avez mentionné, je suis productrice depuis une quinzaine d’années mais on me connait avant tout comme actrice. J’ai commencé en 1985 comme actrice depuis, j’ai eu une carrière cinématographique et audiovisuelle puisque j’ai fait les deux. J’ai commencé par un film d’ailleurs de Christian Lara qui s’appelle « Adieu fouard « . Il m’a vraiment mis le pied à l’étrier avec Greg Germain Par la suite, j’ai eu la chance d’avoir une carrière américaine puisque j’ai fait très vite eu un rôle dans une production nommée “Sheena, Queen of the Jungle “ en français, “ Sheena, reine de la Jungle. D’ailleurs, c’est ce rôle qui m’a propulsé dans le milieu cinématographique. A l’époque, c’était avec la Colombia, donc vous dire qu’il s’agissait d’un film à gros budget. J’ai également fait une carrière théâtrale. J’ai monté une troupe de théâtre qui s’appel qui s’appelait la “Compagnie des Grillot d’aujourd’hui “ en mémoire à Jenny Alpha, Toto Bissainthe, et Robert Liensol pour ne citer qu’eux. C’était un théâtre engagé. Par la suite, je suis revenu au cinéma où j’ai interprété des rôles dans des longs métrages parmi lesquels « Les Caprices du fleuve” avec Bernard Giraudeau. J’ai fait Harlet de Claude Zidi. J’ai aussi joué dans un film qui parlait du cancer qui se nomme “ Sauve-toi, Lola ! “ Ensuite j’ai eu une carrière télévisuelle. Je suis également partie au Canada, pays qui m’a permis d’intégrer le monde télévisuel. À Montréal où j’ai tourné une série qui s’appelait » Lance et compte « Cogne et Gagne » en France.Il s’agissait d’une série sur le hockey où j’avais le rôle principal féminin donc c’était le rôle de la première actrice noire à Montréal. J’étais donc une des premières actrices noires à Montréal. On peut dire que j’ai vraiment été un fer de lance et une figure de prou dans le monde télévisuel canadien. La série a fait trente-neuf épisodes, ça a pris trois ans de ma vie. Puis, je suis revenue dans l’Hexagone où, effectivement j’ai commencé à faire des séries comme un » Un Flic nommé le cœur”. J’ai joué le rôle de la maman de Sonia Rolland, l’ancienne Miss France 2000 dans Léa Parker ensuite j’ai fait “ Sos 18” où j’étais une femme pompier.
A la télé française, j’ai eu toutes sortes de rôles, beaucoup de flics, et en même temps des rôles de comédie aussi puisque j’ai fait une « Suite en Ré » avec Guy Marchand qui a pas mal marché et, où les gens vraiment m’ont découverte dans la comédie. Puis, il y a une quinzaine d’années, à l’ône de mon expérience je me suis rendu compte que nous étions encore assez invisibles pas assez le dans le paysage audiovisuel français et j’ai eu envie de me mettre en amont des projets et non plus en aval donc j’ai monté une société de production qui s’appelle Eloa Prod avec Jean-Lou Monthieux qui est mon mari et associé. Avec ses 30 ans de carrière cinématographique et ça nous a permis effectivement de réunir moi l’enfant de la télé lui l’enfant du cinéma réunir nos forces pour pouvoir créer cette société de production qui met en lumière en valeur euh nos diversités notre inclusion et qui permet effectivement de mettre en avant les Outremers puisque évidemment étant une enfant de l’Outremer et une ultramarine de Martinique, Guadeloupe, Guyane parce que j’ai un peu des trois départements dans ma famille et dans mon sang, de permettre une visibilité en tout cas des comédiens des talents émergents, scénarios des imaginaires et donc c’est pour ça que j’ai eu envie de me lancer là-dedans pour permettre justement cette exposition que nous avons trop peu et je dirais même, pas encore assez même si ça a bougé depuis quelques années. J’avais envie effectivement de participer activement et de façon très engagée à l’émergence de ces talents et on réussit pas mal puisqu’on a fait 22 films en 15 ans avec France Télévision en co-production des fois avec Arte, nous avons fait beaucoup de choses pour le service public qui nous a permis de porter ces valeurs-là dans la mesure où il y a une obligation d’une représentativité de qui nous sommes dans cette France puisque nous sommes une France d’Outremer donc il n’y a aucune raison qu’on n’existe pas donc France Télévision nous l’a permis et c’est vrai que j’ai choisi le vecteur télévision à ce moment-là parce que c’est plus populaire qu’on nous voit mieux qu’on est mieux exposé c’est vrai qu’un film qui fait six millions de téléspectateurs ne fera pas forcément six millions spectateurs au cinéma donc je me suis dit que ça nous permettait en tout cas une plus lar visibilité donc ça a été la raison pour laquelle j’ai choisi le vecteur télévision. C’est aussi parce que il y a un droit et une obligation d’une représentativité de la France en général donc nous en faisons partie.
Emrick : Comment cette passion pour le cinéma est-elle née ? Était-ce déjà une passion d’enfance ou est-elle venue sur le tard ?
France Zobda : alors c’était une opportunité j’avoue honnêtement que j’ai pendant longtemps j’ai fui peut-être mon métier d’actrice je me suis dit que parce que j’ai un doctorat d’anglais un DUT de gestion administration des entreprises j’ai fait des études C an d’études mes parents étaient très fiers de ça et puis je me suis dit “ qu’est-ce que je veux faire” alors je voulais devenir interprète car à cette époque, je voulais voyager beaucoup et puis parce que mon père est artiste, ma mère est plutôt syndicaliste était plutôt une femme de tête une femme de poigne et tout et mon père était plutôt quelqu’un qui était évanescent donc j’ai eu la chance d’avoir les deux donc j’ai satisfait ma mère en ayant des diplômes et puis j’ai fait plaisir à mon père en disant j’ai envie de la liberté que mon père a de la créativité et c’est vrai que pendant des années je me suis dit non, je suis pas faite pour ça je ne veux pas qu’on me regarde comme une jolie plante ou autre chose donc j’ai fui je pense cette partie de moi-même et puis ça m’a rattrapé puisque j’ai été comptable dans une entreprise. Ensuite, j’ai fait du marketing. J’occupais un poste de distributrice dans une société qui m’a proposé un petit rôle, j’ai dit oui et je me suis retrouvée à l’affiche du film après j’ai plus pu revenir à mes fondamentaux c’est-à-dire la comptabilité. Depuis, je n’ai pas quitté le monde du 7e art.
Il se trouve qu’avec Sheena, Reine de la Jungle, c’était la première fois que je me confrontais vraiment au monde professionnel de l’audio du cinéma puisque c’est un film de de cinéma et je me suis retrouvée avec le réalisateur de “Mort sur le Nil”, “King Kong”, un énorme réalisateur et j’ai été passé mon casting en Angleterre. Nous étions pratiquement 1500 comédiennes en en compétition. J’étais la seule Française, mais comme j’avais un anglais parfait, j’ai été sélections parmi les 1500 candidates, donc comme quoi quand je dis aux jeunes, “faites des études”, ça sert toujours. Ce n’est jamais pour rien. La preuve, j’avais un anglais qui était très bon et du coup j’ai pu passer ce casting et c’est moi qui ai été choisi parmi 1500 comédiennes de la planète et j’étais antillaise, française mais des Antilles et j’ai eu cette chance. A partir de ce moment-là il y a eu un déclic et que j’ai compris que j’avais ça en moi mais en même temps depuis des années, je suis toujours devant de la scène. J’étais quand même championne d’athlétisme. J’ai aussi fait de la danse. J’ai également joué au piano. J’ai notamment été voix off.
Enfin, vous comprendrez que j’ai fait beaucoup de choses où je me mettais en avant. Toutefois, lorsque j’ai dû chercher ma profession, j’ai voulu être plutôt dans l’ombre donc je pense que j’ai fui mon métier et il m’a rattrapé. C’est vrai que depuis petite, j’étais un peu un pitre un clown j’aimais bien chanter, danser, jouer la comédie. Finalement je me suis exprimé là-dedans et ça m’a fait du bien parce que c’était ça ma carrière, ma vraie voie. C’était l’art, particulièrement la comédie. Mon père était un artiste peintre, c’est sans doute cela qui a influé sur ce choix professionnel, parce que oui, j’étais admirative du travail de mon père. Il avait cette liberté de création, il n’y avait rien qui l’empêchait de faire ce qu’il avait envie de faire. Il me disait souvent “la liberté est un luxe très cher à payer”. Il me répétait aussi très souvent que “c’est le jour où tu voudrais être artiste, il faudra comme moi accepter aussi qu’il y a des creux de vagues, il y a des moments où ça brille, des moments ça descend “ et ce que je voyais de mon père, c’est qu’il était toujours dans le champ des possibles. Rien n’était impossible pour lui et j’enviais sa disponibilité aussi parce qu’on a eu la chance de l’avoir, il était très présent à la maison. Savoir qu’il était là, était rassurant. Quelque part, j’enviais aussi cette liberté de créativité et j’avais envie certainement de lui ressembler dans l’ombre parce que comme je le disais, j’ai toujours été admirative de mon père. Je peux même dire qu’il a influé sur ma vie, ma carrière mais on est quatre enfants, quatre artistes, cela veut dire qu’il nous a vraiment beaucoup influencé.
Emrick : justement vous parliez de vos expériences professionnelles qui étaient vraiment éloignées du cinéma comptable, doctorante en anglais. Comment êtes-vous entrée dans le monde du cinéma ? Comment la jeune France que vous étiez, a t-elle décidé de faire du cinéma ?
France Zobda : En fait je crois que c’est quand j’ai je me suis retourné sur le passé, et que je me suis dit mais qui sont mes modèles est-ce que j’ai des modèles à ce moment-là je me suis dit mais on a besoin de finalement de continuer aussi d’une transmission parce que mais mes modèles étaient américains. Je peux cite Marpesa Dawn dans Orfeu Negro. Tout ce que je regardais c’était Jenny Alpha, mais que je ne connaissais pas assez bien puisque ce n’était pas forcément ma génération mais je regardais ce qu’elle faisait avec Toto Bissainthe avec tout ce théâtre noir aussi et je crois que j’ai pris conscience à un moment donné que nous avions besoin de modèles et de nous identifier à des gens à des acteurs à des actrices et croire que c’était possible. J’ai pris cette mission là et je me suis demandé “mais qu’est-ce que je fuis ? Pourquoi je ne veux pas accepter ce rôle- là ? “ Une fois que j’ai en plus à la comédie, je me suis dit :” je vais le faire. Je vais faire ce métier”. Cependant, je le ferai avec engagement pour permettre à des petites filles ou à même des petits garçons de s’identifier et de se dire demain ça peut être moi. Je crois que, j’ai pris ça comme quelque chose que je devais faire. Une espèce de mission pour être justement ce modèle, cette représentation, ce chant des possibles, car nous avons la chance d’être ce que nous sommes en Outremer parce que nous sommes métissés, est mélangé avec plusieurs origines. Il y a une palette de couleurs. Nous sommes aussi une palette de cultures et je me disais que nous sommes hyper riches. Je me disais donc “qu’est-ce qu’on a de moins que les autres ? Nous avons au contraire tout ça. Nous pouvons aller partout dans le monde, la preuve, j’ai incarné des antillaises, des australiennes mais aussi des italiennes puisque j’ai toute cette palette-là et j’ai la chance d’avoir aussi un physique qui fait que l’on n’arrive pas à bien me définir. On me demande si je suis brésilienne ? Cubaine ?. Je réponds : “non, je suis juste antillaise, de la Martinique.” J’ai vraiment la chance de venir des Antilles car, cest vrai que cela nous permet justement d’incarner différents rôles puisque ce qui compte vraiment c’est le visuel au sens où quand on vous voit, qu’on se dise, mais, elle est ça et puis elle peut être ça et peu importe le tout c’est que nous ça nous permet effectivement d’embrasser tous ces pays, toutes ces cultures parce qu’on a un petit peu de tout ça, il y a l’Inde aussi que l’on touche. Par exemple, j’ai joué le rôle d’une indienne dans une série, donc oui, par notre métissage, nous touchons à tout cela. e pense que l’on n’a pas rougir et en ayant pris cette mission là je crois que j’ai su en tout cas transmettre à d’autres et aujourd’hui plus que jamais à une jeune génération que c’était possible et qu’il fallait pas reculer au contraire fallait être fier de ce que nous sommes.
Emrick : Vos premiers pas étaient-ils difficiles ? Vu que vous êtes une femme, des Outremers et une femme noire ?
France Zobda : tout à fait ça n pas été simple parce qu’en plus, on n’arrivait pas à me définir. Comme je le disais précédemment, je me définis dans tout ça mais quand vous arrivez de l’autre côté de la planète et que vous arrivez dans l’Hexagone, quand on vous regarde comme on ne sait pas vous définir vous n’êtes pas assez blanches pour jouer les blanches donc vous êtes vraiment le cul entre de chaises donc ça m’est arrivé souvent qu’on me dise “ben non elle est pas assez noire”. Un jour on m’appelé pour me demander “est-ce que vous avez plus de café dans votre lait ou plus de lait dans votre café pour que je décrive ma de quel si j’étais une incarnation café au lait ou de lait dans votre café pour que je décrive ma incarnation café au lait ou si j’étais une carnation un peu plus blanche on ne savait pas comment me dire les choses donc ça veut dire quand même que j’ai essuyé des moments difficiles ça pas été tout simple. Il y a eu des moments difficiles où le regard porté sur moi c’est un regard de mais où est-ce qu’on va la placer avec ses yeux bleus en plus je n’ai pas des yeux noirs. J’ai des yeux spéciaux pas tout à fait bleus donc tout ça n’a pas été que du plus ça a été compliqué ça a été un peu plus simple au niveau nord-américain mais au niveau français ou francophone cela m’a été plus difficile. L’Amérique du Nord m’a ouvert les portes parce que le Canada c’est une terre d’accueil donc il n’y a pas eu de problème mais c’est vrai que dans l’Hexagone on avait du mal à croire aussi que quelqu’un comme moi pouvait être drôle systématiquement j’étais la belle plante celle qui trompait toujours son mari ou qui prenait les maris des autres c’est toujours empreint d’exotisme et puis le cliché !
On pense que des femmes comme nous, nous sommes toujours des troublions donc j’ai souvent joué des troublions et et ce qui est pas du tout mon cas dans la vie donc je me disais mais pourquoi on ne me donne pas au moins des rôles simples drôles, une flic une gangster quelque chose comme ça, mais non c’était souvent ciblé et c’est vrai que ça a été difficile dans mes débuts mais comme je suis quelqu’un d’assez déterminé j’ai su dire non à des rôles que je ne voulais pas faire et quand j’ai dit oui c’est parce que vraiment je me disais j’ai quelque chose à proposer j’ai quelque chose à montrer j’ai quelque chose à valoriser et ça toujours été pour moi de rester une actrice engagée avec mes moyens parce que c’est toujours difficile quand on est acteur de dire non à des rôles parce qu’on a envie de travailler on a envie d’exister donc voilà et en tant que femme noire c’est vrai que si on a fait par exemple le ce livre noir né par mon métier avec Aïssa Maïga et ses quinze autres actrices c’est parce qu’on avait un cri à pousser on avait des choses à dire c’est-à-dire la considération qu’on a de nous le côté cliché le côté folklorique ou exotique on en avait marre on avait envie juste d’incarner des rôles et pas des rôles de noir des rôles point bas qu’on avait envie que dans un scénario quand on dit elle est astronaute il a il est banquier elle est banquière pourquoi pas nous et comme je dis souvent on cumule des handicaps quand on est femme et noir donc parce que c’est plus noire femme et française d’Outremer parce que on est un peu les oubliés on dira de cette France. Nous venons d’une île et souvent les gens ne savent même pas où sont nos îles c’est à nous de dire ce petit point c’est nous et ce petit point est riche aussi donc c’est un combat de tous les jours.
Emrick : C’est vrai que lors de la cérémonie d’ouverture de la 7e édition du CIFF, vous avez exprimé l’importance de raconter notre histoire, de ne pas laisser l’autre la raconter à notre place. Etait-ce la motivation principale pour que vous deveniez productrice ?
France Zobda : Tout à fait. Je reprends ce que je disais, l’image c’est le reflet d’une culture d’un peuple donc on doit prendre ça à notre propre compte. Nous ne pouvons pas laisser tout le temps les autres nous raconter. Ils ont tendance à vouloir toujours avoir une image de nous, mais nous, nous devons aujourd’hui nous raconter. Raconter nos propres histoires et on doit y mettre ce que nous sommes. Nous pouvons avoir un cinéma universel parce que la définition du cinéma Antillais n’est pas toujours facile à faire. Selon moi, je pense qu’on fait partie d’un monde mondialisé et nous avons notre place dans cette mondialisation, nous avons une place importante à prendre parce que nous sommes riches en imaginaire, nous avons des choses à raconter. Nous, nous sommes baignés de mystique, de spiritualité et même de religion, d’images mais aussi de décors qui sont la mer, la montagne, le sable, la terre la Latérite. Selon moi, aujourd’hui avec les plateformes numériques, avec le cinéma numérique, vous avez de la chance vous les jeunes parce que nous, à l’époque, on aurait eu ça, je pense qu’on aurait fait plus de choses avec tout ça. Nous, nous étions obligés de passer par des institutions, par des conventions ou par des choses où on ne pouvait pas faire de nous-même si on n’allait pas voir, désolé de le dire mais nous devions aller voir “Bwana” pour lui demander la permission de faire il fallait qu’on passe par des institutions par lever le doigt pour dire “Est-ce que je peux avoir ? “ “Est-ce que jeux ?” Aujourd’hui, avec ce que vous avez comme outils, vous pouvez faire des choses, vous pouvez inventer, créer et je crois que c’est là où vous avez cette force et que j’espère vraiment que vous allez en profiter pour faire un cinéma universel parce qu’on peut parler d’un cinéma Antillais ou d’un cinéma Guadeloupéen comme Christian Lara l’a fait ou autre mais en fait, nous faisons un cinéma pour que les autres nous regarde aussi, ce n’est pas pour que nous nous regardions ou que l’on s’autosatisfasse. De nos jours, nous avons envie que nos images traversent la mer et le monde mais aussi que les gens nous regardent qu’ils aient un point de vue de nous.
Après, ce n’est pas un point de vue des autres sur nous, c’est un point de vue de nous sur les autres. Je crois aussi qu’il faut que les choses passent de l’autre côté. A savoir, que ça bascule vers un point de vue sur les autres et un point de vue sur nous-même qu’on doit donner aux autres et c’est pour ça que je disais qu’il faut qu’on se raconte c’est la raison pour laquelle je parlais de l’ouverture d’une bourse. J’ai créé un concours qui s’appelle Auteur Talent d’Outremer ( ATOM) où j’ai permis à quatre jeunes originaires de la Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. Il y a eu un Réunionnais un Guadeloupéen une Martiniquaise et une Guyanaise qui aujourd’hui sont deuxième année de formation d’écriture du scénario pour devenir des futurs scénaristes et des scénaristes de demain. Diplômés puisque c’est une formation diplômante en 2 ans. J’estimais que nous avions des imaginaires incroyables et qu’on ne les voit pas, on a des comptes, des histoires particulières. Nous avons une jeunesse qui est en souffrance, une violence qui est présente. Quand je vois tous les films que j’ai vu, ça choque certains que de dire mais il y a toujours des armes, il y a toujours de la drogue et tout, c’est une réalité sociale du pays puisque l’on ne peut pas raconter quelque chose que l’on ne vit pas. Par exemple, les armes, la drogue sont des choses qui touchent la jeunesse de nos territoires. Les Italiens ont bien commencé avec le Western Spaghetti qu’ils importé aux Etats-Unis. Nous aussi, qui sait, peut-être que nous sommes à l’aurée de quelque chose. L’unique façon pour la jeunesse de se raconter est de parler de cette violence quotidienne qui les concerne. Personnellement, je suis bien placée parce que je suis très proche de la jeunesse, je suis dans la transmission. J’écoute naturellement ces jeunes et leurs souffrances. J’écoute les manques, les vides et je me rends compte qu’à travers les films, un peu comme Spike Lee l’a fait au tout début avec “Boys in the wood », « Nola Darling » et tout on peut raconter des choses de notre quotidien qui peuvent sensibiliser les autres parce qu’ils vivent ces choses-là mais peut-être différemment de nous mais en fait on a les mêmes thématiques universelles la souffrance la violence, l’amour la trahison donc on a de quoi faire. Il faut qu’on continue à faire ça !
Emrick : justement c’est ce qui vous a permis de raconter notre histoire ? Est-ce ce qui vous a poussé à passer derrière la caméra ?
France Zobda : Oui ! Parce que je me suis dit qu’il fallait que des gens soient aussi dans l’ombre et qu’ils portent les histoires, c’est-à-dire donner la parole aux autres. J’avais l’envie de le faire pendant pas mal d’années et jusqu’à présent d’ailleurs. Maintenant que j’ai de l’expérience. Je suis dans beaucoup de commissions je participe à beaucoup de choses. Mais j’ai eu envie d’ouvrir mon réseau aux autres notamment à cette jeunesse et c’est vrai qu’en étant productrice, j’ai le choix des armes. Je peux dire, j’ai envie de voir tel sujet à l’écran j’ai envie qu’on parle de la Guadeloupe, de Marie Galante. Je veux que l’on évoque la Martinique ou même la Guyane ou La Réunion et qu’est-ce qu’on peut raconter sur nos légendes là on vient de faire “ Le fantôme des Saintes “ , film à travers lequel on aborde nos contes et légendes. Aujourd’hui, en tant que productrice, je peux aller chercher des auteurs et leur dire que je souhaite que l’on travaille sur ça comme “ Le Rêve Français” qui parle du BUMIDOM, c’est aussi le cas avec “ Toussaint Louverture” pour parler du combat contre l’esclavage et évoquer l’histoire de ce personnage historique d’Haïti et de l’Humanité. Ainsi, comme je constatais que l’on ne nous donnait pas les moyens ou la possibilité de raconter qui nous sommes, j’ai voulu prendre cette mission et le faire. De ce fait, avec Jean-Lou Monthieux, on va aller chercher des sujets qui nous concernent qui nous intéresse et ça va me permettre d’aller chercher des auteurs qui soient ultramarins qu’il vivent dans l’Hexagone ou qui vivent ici pour les faire travailler sur des sujets qui nous concernent mais qui peuvent traverser l’Atlantique et qui peuvent être en en prime time tous les projets qu’on a fait sont diffusés juste après le journal télévisé, vous dire la visibilité que cela entraîne pour une production tournée en Outremer. Par exemple, j’ai reçu les chiffres de Meurtres en Guadeloupe en Belgique, nous avons fait un carton, 26 % d’audience c’est énorme donc ça veut dire que ça a sensibilisé les Belges ça veut dire qu’ils ont regardé la Guadeloupe, ils ont vu Marie Galante donc ça veut dire quand même que on peut être vu ailleurs. C’est tout ceci qui m’a poussé à passer derrière la caméra. Je suis un peu en retrait pour permettre à d’autres de pouvoir exister.
Emrick : vous êtes en Guadeloupe, en tant que présidente de Jury de cette 7e édition, du festival qui met en avant des productions cinématographiques de chez nous ou d’ailleurs, ce genre d’événement est-il important pour la production cinématographique locale ?
France Zobda : Capital ! Indispensable ! Nous avons besoin de nous réunir nous avons besoin de nous retrouver. Nous avons besoin d’une force et d’une solidarité c’est ce qui fera notre avenir brillant. Il ne faut pas qu’on reste dans nos dans nos coins chacun dans son petit son petit précarré les martiniquais à la Martinique, les Guadeloupéens en Guadeloupe ou les Guyanais en Guyane. Il faut que nous nous réunissions autour de projets communs par l’art qui est au passage universel. Lorsque l’on a des festivals comme ça, cela nous permet d’être connu et en même temps de faire des propositions pour échanger avec ceux qui font les œuvres et peut-être les faire évoluer avancer leur dire ce que l’on en pense, les récompenser, leur donner espoir parce qu’il faut donner espoir à à des jeunes créateurs il faut leur donner espoir faut leur dire qu’ a il y a une possibilité de faire on est dans le champ des possibles. Aujourd’hui, il ne faut pas se priver et même si on n’ a pas beaucoup de moyens, comme je l’ai dit, un film c’est d’abord un scénario, un scénario doit être un très bon scénario. Il faut apprendre à écrire et il ne faut pas qu’on ait le côté égocentrique de se dire, “je sais écrire, je sais réaliser, je sais produire”. Moi qui suis productrice, je prends des gens qui écrivent même si j’ai l’idée, je leur dis voilà si on pouvait travailler sur ça “ après je prends un réalisateur il réalise les idées des autres et ça permet qu’il y ait quelque chose qui qui se dessine et qui se mélange et je crois que nous avons besoin aussi de n’avoir pas le syndrome de celui qui croit qu’il peut tout faire il y a des réalisateurs qui peuvent écrire mais il y a peut-être des réalisateurs qui peuvent prendre des scénaristes pour leur dire “j’ai envie de parler de tel sujet, telle thématique. Comment tu peux écrire ça avec moi ou sans moi ? Pour que je puisse mettre en image et être produite par des gens qui vont avoir la sensibilité ou qui vont comprendre ce que je veux raconter ” Pour moi, un festival comme le CIFF c’est un festival capital pour nous réunir et pour partager ensemble quelque chose qui est commun c’est-à-dire l’art, la culture. Nous en avons besoin et que ça se passe ici c’est important parce que nous ça permet à des faisceaux de se retrouver et de créer vraiment une passerelle entre l’hexagone et les autres territoires d’outremer.
Emrick : Lors de la cérémonie d’ouverture vous avez rendu hommage à Christian Lara, précurseur du genre ciné antillais, on sait que vous avez tourné avec lui, comment s’est passée cette collaboration ? Était-il un visionnaire ?
France Zobda : j’ai parlé de ceux qui ceux qui sont disparus ceux qui ont disparu et il y avait Sarah Maldoror ou encore Osange Silou qui était une femme de cinéma. J’ai parlé d’elle parce que voilà elle a disparu et qu’on a oublié puis Gérard César qui était un documentariste formidable et qui a fait vraiment les belles heures aussi de du documentaire dans la Caraïbe.
Emrick : Pour finir, qel serait votre message pour un jeune guadeloupéen, martiniquais, guyanais qui voudrait réaliser un film ou même devenir acteur ?
France Zobda : Mon premier conseil serait de dire formez-vous ! La formation est essentielle car on ne naît pas scénariste inné, on ne nait pas comédien inné on n’est pas on ne né pas comédien on ne naît pas producteur on n’est pas né réalisateur cela s’apprend ce sont des métiers quand un maçon doit faire une maison ben il apprend son métier ce n’est pas parce que c’est de l’art que l’on doit débarquer et croire que tout est possible comme ça mais pour que tout soit possible il faut qu’on faire une maison ben il apprend son métier ce n’est pas parce que c’est de l’art que on doit débarquer et croire que tout est possible comme ça mais pour que tout soit possible. Il faut qu’on soit formé pour qu’on ne puisse pas nous nous reprocher de ne pas savoir faire ou de faire mal. Je conseille donc à la jeunesse de se former et d’y croire ! Vous avez des droits, des ouvertures. Vous avez partout, ne serait-ce dans l’Hexagone, de l’argent pour écrire ou pour être formé donc ne croyez pas aujourd’hui que ce n’est pas possible parce que la chance est à votre portée. De nos jours, nous avons des visio-conférences possibles nous pouvons traverser les planètes sans bouger formons-nous formez-vous et sachez une chose c’est qu’il faut aussi que vous profitiez du réseau des autres quand vous connaissez quelqu’un qui peut vous aider prenez la main tendue parce que c’est nécessaire c’est utile c’est comme ça qu’on avancera ensemble.
Emrick : Quelle est votre actualité cinématographique ?
France Zobda : Hé bien, il y a eu la diffusion de “Meurtre en Guadeloupe “ au Cinéstar durant le CIFF. Ensuite, actuellement, je prépare un film à Saint-Martin et puis j’espère revenir en Guadeloupe on est en train de développer une série 4 fois 52 minutes une série qui on espère prendra bien et sera bien entendu diffusée sur France Télévision ou même ailleurs, comme les plateformes numériques qui sont en demande de l’outremer. Je travaille donc à quatre séries dont une qui se déroule à La Réunion, une autre en Guadeloupe, éventuellement on va revenir peut-être pour refaire des choses ensemble donc mon actualité est très riche et surtout, je fais écrire énormément de choses parce que j’ai beaucoup de projets j’ai beaucoup d’envie beaucoup de désirs on fait ce qu’on peut avec les moyens qui nous sont donnés mais on arrive à faire et à montrer.
Emrick : merci beaucoup France Zobda
France Zobda : C’est moi qui vous remercie, toi et ton équipe.