De poilu à maire : l’incroyable destin de Gustave Létard, héros de Guyane

Le 11 novembre 2025 marque les cent-sept ans de la fin de la Première Guerre mondiale, le conflit le plus meurtrier de l’histoire moderne. Parmi les millions d’hommes et de femmes venus du monde entier, figurait un Guyanais oublié des manuels : Gustave Létard. Mobilisé en 1915 à seulement 23 ans, il quitte sa terre natale pour rejoindre le front en métropole, via Saint-Nazaire. Il fait partie des 1 800 soldats guyanais envoyés combattre pour la France — un destin exceptionnel, marqué par deux mobilisations et un courage sans faille.

Il y a des héros qui ne portent pas des capes et pourtant leur vie et leur destinée est digne d’un romain épique. En ce 11 novembre 2025, la France commémore ces millions d’hommes ( et de femmes) qui ont sacrifié leur jeunesse et leur vie pour que nous puissions vivre en liberté. Une grande guerre qui marque encore les esprits tant les ouvrages et les témoignages de ceux qui l’auront vécu dans leur chair sont nombreux.

Durant quatre ans, la France et ses alliés Italiens, Belges, l’Empire Britannique et ses Dominions, Serbes, Portugais, Russes, Japonais, ont affronté les Empires Centraux qu’ont été l’Empire Allemand, l’Empire Austro-Hongrois, le Royaume de Bulgarie ainsi que l’Empire Ottoman. Un conflit mondial qui a broyé des millions de jeunes vies à travers des batailles toutes plus meurtrières les unes que les autres. Une guerre durant laquelle, la France et le Royaume-Uni ont puisé dans leurs immenses viviers de soldats issus des colonies et dominions. Des hommes d’origines géographiques différentes qui se sont retrouvés à combattre d’autres hommes qu’ils ne connaissaient même pas pour des questions géopolitiques qu’ils ignoraient.

La Guadeloupe, Martinique ainsi que la Guyane-Françaises, nommées les vieilles colonies, ont aussi payé le prix du sang lors de cette Première Guerre Mondiale moderne, où les corps étaient broyés dans les km de tranchées de ce front figé. Parmi ces soldats des colonies, il y a eu un homme, son nom, Gustave Létard. Mobilisé en 1915, à l’âge de 23 ans, il débarque en Métropole, à Saint Nazaire. Il a fait parti des 1 800 soldats Guyanais qui furent appelés. Il devint malgré lui, un héro de cette folie humaine et parvint à survivre à l’une des pires boucheries de cette guerre.

Recruté au 4ᵉ régiment des Zouaves, Gustave Létard devient l’aide de camp d’un jeune lieutenant de 26 ans. Être à l’arrière, loin du front, semblait une chance. Mais à l’hiver 1916, le destin en décide autrement. Un soir, le lieutenant part seul en mission, laissant Létard au camp. Une heure plus tard, il est fauché par une rafale ennemie. Létard échappe à la mort de justesse.

Envoyé ensuite dans les tranchées de la Somme, il y endure l’enfer : la boue glacée, les poux, la faim, les maladies. Il contracte une pneumonie aiguë qui manque de l’emporter. Rapatrié en Guyane, il survit miraculeusement.

Mais en 1917, jugé à nouveau apte, il est renvoyé au front, cette fois sur le théâtre oriental, Grèce, Turquie, Dardanelles. Canonnier au 78ᵉ régiment d’artillerie lourde, il voit tomber des camarades, pulvérisés par les obus ennemis. Ce jour-là, il vit sauter 10 hommes et leur canon en éclat, à peine à une vingtaine de mètres du leur, victimes d’un obus ennemi. C’est là qu’il dénombra le plus de cadavres autour de lui. « Dieu a voulu que je sorte vivant mais j’ai connu à cet endroit le pire moment de mon existence. Je n’y croyais plus !!! ». Il était sur le front oriental quand l’Armistice fut signé le 11 novembre 1918. Son convoi de « contingent créole » ne fit route vers la Guyane qu’au printemps 1919, pour arriver à Cayenne le 29 mai 1919.

Profondément marqué, « Il parlait très peu de la guerre. Il en était dégoûté, tout comme de la France », confie son fils Raphaël.

De retour à Sinnamary, il devient agriculteur. Il s’intéressera dès 1924, à la politique de sa commune, à Sinnamary, où il fut Maire à plusieurs reprises, et conseiller général jusqu’à sa mort, à 70 ans, des suites d’une pneumonie. De son vivant, l’homme fuyait les commémorations et ne revint jamais dans cette France Hexagonale qu’il avait pourtant aidé à défendre.


De cette guerre, il ne ramena qu’un souvenir : une bague offerte par sa marraine de guerre, aujourd’hui portée par son fils, ultime témoin d’un combat mené deux fois.

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