Eugène Mona, nous quittait il y a 32 ans.

Eugène Mona

Il est de ceux qui ont su incarner et porter la culture de la Martinique à son plus haut sommet. Surnommé « le chanteur aux pieds nus », Eugène Mona, fut l’un des plus grands artistes et militants de la culture martiniquaise. Il s’est éteint le 21 septembre 1991. Artiste complet, animé d’un réel talent et d’une passion pour son territoire, pourtant, ce n’est qu’après sa disparition que son nom est entré dans l’histoire. L’érigeant en légende.

Aux Antilles-Françaises, il y a des personnes qui ont marqué l’histoire de leur empreinte. Certains ce sont illustrés en politique, en littérature, en sport tandis que d’autres ont investi le champ culturel ou musical en mettant en avant la langue créole avec des textes traditionnels ou inspirés de la réalité de l’époque. Ils se sont posés comme des avant-gardistes, bravant les interdits. Ils ont dû aussi essuyer les nombreuses critiques ou autres railleries à leur égard. Pourtant, aujourd’hui, ils sont adulés, cités en exemple et sont même au centre de plusieurs études universitaires.

Eugène Mona fait partie de cette catégorie d’artistes engagés qui étaient animés par une seule ambition, que nos populations soient fières de qui elles sont. Il est de ceux qui ont su incarner et porter la culture de la Martinique à son plus haut sommet. Surnommé « le chanteur aux pieds nus », Eugène Mona, fut l’un des plus grands artistes et militants de la culture martiniquaise. Il s’est éteint le 21 septembre 1991. Artiste complet, animé d’un réel talent et d’une passion pour son territoire, pourtant, ce n’est qu’après sa disparition que son nom est entré dans l’histoire. L’érigeant en légende.

De son vrai nom, Georges Vélus NILECAM est né le 13 juillet 1943 au Vauclin en Martinique. Fils de Solange DEMAR et d’Anita MALFLEURY, il sera reconnu par son beau-père qui lui donnera son nom NILECAM. C’est ce même homme qu’il considèrera comme son père qui lui apprendra la musique. Il grandit dans cet univers et se fit remarquer en remportant un concours de chant créole à l’âge de 15 ans. Déscolarisé, il entre en apprentissage en tant qu’ébéniste au Marigot. Entre temps, il s’initie au chant et à la danse. Révélé en 1968 lors d’un concours de chanson créole, MONA s’engage, dès le début de sa carrière, sur le chemin de la musique traditionnelle, héritée des campagnes martiniquaises. Il faut dire qu’il a appris auprès des plus grands de la musique locale martiniquaise, Ti-Émile, Vava, Didi ou encore Max Cilla avec qui il perfectionne sa maitrise de la flûte.

Surnommé « le Nègre debout » ou « poto mitan », le chanteur flûtiste se disait artiste créole, revendiquant les héritages africains et européens, bien sûr, mais aussi indiens en introduisant notamment des sonorités tamoules dans ses rythmes détonants. Pour ce qui est de son nom de scène, c’est simple. A l’instar de Malcom X, il réfute le nom qui lui a été attribué à sa naissance en l’occurrence Georges NILECAM. Il ne voulait pas d’un nom qui lui soit imposé. Pour la petite histoire, il aurait opté pour le pseudonyme d’Eugène MONA dès son adolescence. Il est dit que pendant son apprentissage en tant qu’ébéniste, il aurait fait la connaissance d’une femme qui avait des enfants avec un monsieur Mona au quartier Plate-Forme au Marigot. Lui et cette femme mariée aurait eu une aventure dont tous ses amis proches étaient au courant qui, pour l’embêter commencèrent à le surnommer Mona.

En 1973, son premier album BWA BRILÉ, rencontre un grand succès auprès des médias et du public. Entre 1976 et 1984, Mona sortira 5 albums sous le nom de MONA avec des titres emblématiques tels que « ma maman m’a dit » , « Energie vibration positive » , « Ti Milo, « oui je finirai » « pafè lank fo» « face à face » « mango a ve » « mi moin mi ou » « la chandelle » « tant pis pour moi » , « bégui bégui bang » . Après 7 ans d’absence et de silence, Eugène MONA revient sur la scène musicale en 1990 avec un 10ème album longuement mûri pendant sa retraite : « Blan manjé ». On y retrouve cette même pulsation des percussions, avec de nouveaux apports blues, africains et caraïbes, mais aussi au-delà des mots, le blues de l’homme qui a traversé des expériences de vie difficiles. « Chaque mélodie doit être un voyage dans une contrée différente, je suis un enfant du Marigot, qui veut toucher à l’universel… C’est possible, non ? » disait-il.

L’originalité de sa musique résidait en une rencontre créative entre le chœur poly-rythmique des percussions traditionnelles (tanbou bèlè, tanboudibas, tibwa, chacha, triangle), et les instruments mélodiques modernes tels que la basse, la guitare ou le clavier. Cette orchestration nouvelle des instruments traditionnels, alliée aux apports modernes, donnaient à la musique d’Eugène MONA un style unique. Il accordait également les rythmes martiniquais de la biguine, de la mazurka, du bèlè, à ceux de la Caraïbe, comme le calypso, et même de l’Amérique, comme le blues, ou le negro-spiritual.Les paroles de ses chansons font également sa force : ses textes sont autant de messages qui veulent « provoquer la réflexion chez les auditeurs, les informer, et les édifier.

Les chansons d’Eugène MONA se nourrissent de beaucoup d’images et de paraboles, et sont rarement à prendre au premier degré. C’est au-delà de ses mots qu’il faut creuser, pour arriver à la source du vrai message qu’il voulait transmettre. Certains thèmes l’inspirent particulièrement : la défense du patrimoine (Tanbou séryé, Mango vè-a), la dénonciation des injustices (ralé ralé’y, bwa brilé, bibon dachine, yo lé’w touni an tèt, misyé kriminel, pa touché lou-a, etc.), la satire sociale ou politique (mi mwen mi ou, ma maman m’a dit, mi bach, etc.) Homme de foi, Eugène MONA exprimait souvent dans ses chansons sa quête de spiritualité, en replaçant l’homme face à sa propre nature, face à la Nature, à la vie, à la Lumière (Tant pis pour moi, Agoulou sé lanmò, Energie vibration positive, Oui je finirai, etc.) La quête spirituelle, liée à un contact rapproché avec la Nature, occupait une grande partie de sa vie.

Autre thème abordé dans ses chansons, la politique et notamment les problèmes sociaux que la Martinique traversait à cette période. Par exemple, dans la chanson « Mi lago » Mona raconte la dispute électorale entre Alfred Marie-Jeanne et Rodolphe Désiré lors des sénatoriales de 1977.

Dans ses titres Mona incitait les martiniquais à reprendre possession de leur identité créole. Il a redonné ses lettres de noblesses au tanbou bèlè et à la flûte en bambou. Afin de mieux ressentir les énergies de la Terre, il marche souvent sans chaussures d’où son surnom de l’homme aux pieds nus.

Artiste phare de la musique antillaise, il a reçu les éloges d’écrivains tels que Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant encore Raphael Confiant.

Incompris, il passait parfois pour un illuminé et avait même du mal à se faire rémunérer après ses prestations. Personne ne voulait payer pour écouter de la musique traditionnelle ou le voir sur scène. Disons aussi qu’à cette époque, le parler créole dans les textes était chose rare qui plus est quand les chansons sont engagées. Il était conscient de cela.

Malgré la ferveur d’un public rallié à sa cause, au début des années 1980 Mona se sent rejeté avec l’avènement du zouk.

Il décède brutalement le 21 septembre 1991, à l’âge de 48 ans d’une congestion cérébrale, à la suite d’une altercation verbale avec un voisin au Morne Calebasse, un quartier de Fort-de-France (Martinique)… « Le matin du 21 septembre, le chanteur au pieds nus conduisait une amie à l’hôpital, quand il traversa le terrain d’un voisin qui l’a mal pris. Eugène Mona aussi, qui s’énerve pour la dernière fois ». (Libération) En apprenant la nouvelle, la Martinique est stupéfaite et pleure Eugène MONA comme un héros perdu. Ses obsèques bloquent la Martinique du Marigot au Vauclin en passant par Fort-de-France pendant plusieurs heures. Un cortège de tambours et de flûtes accompagne la procession.

Comme il l’avait prédit, c’est après sa mort que l’engouement pour ses productions commence. Les albums se vendent par milliers. Depuis sa mort, ils sont nombreux, à avoir repris au moins une fois, un de ses titres. Depuis son décès, de nombreuses initiatives d’hommage ont eu lieu, comme lorsqu’Aimé Césaire Aimé Césaire, avec qui il avait noué une profonde amitié, inaugure en 1992 une « avenue Eugène Mona » au Morne calebasse, un quartier de Fort-de-France, ou encore en 2006, un album hommage de reprises intitulé Léritaj Mona fut édité. On y retrouve de nombreux chanteurs antillais dont Jean-Michel Rotin, François Ladrezeau de Akiyo, Oliver Jean-Alphonse, Max Télèphe, Pipo Gertrude, Cindy Faustin, Dominique Lorte, Claudine Pennont, Adeline Crouard, Harry Saint-Aimé ou encore Marcé. Plusieurs concerts furent organisés par ce collectif d’artistes. Fin 2011, l’album de reprises Léritaj Mona – vol.2 en mémoire de son travail. De nombreux chanteurs antillais y participent tels que Max Télèphe, E.sy Kennenga, Dominik Coco, Olivier Jean-Alphonse Victor O, Jean-Michel Rotin, Admiral T, Marcé, Dédé Saint-Prix, Saël, Robert Mavouza, Kolo Barts, Max Mona. Puis, le 7 juin 2013, le collège du quartier la Marie dans la commune du Marigot en Martinique a été officiellement inauguré collège Eugène Mona. En 2019, c’est autour de la commune de Sainte-Marie en Martinique d’inaugurer une place au nom du chanteur. Pour finir, le 23 juillet 2021, Big In Jazz Collective réinventent neuf titres antillaises dont La chandelle