Hé oui nous entrons dans la dernière ligne droite des festivités carnavalesques. Cette année il fut court mais intense. Evidemment qui dit Mas dit Istwa a mas ! Notre série de reportage sur l’histoire des Mas a Po de la Guadeloupe est de retour pour une saison 4 ! Pour ce premier épisode, coup de projecteurs sur Moun Ki Moun. En sept ans, Moun Ki Moun est devenu l’un des Mas a Po majeurs du carnaval de la Guadeloupe. Nous sommes allés la rencontre de celles et ceux qui font vivre ce Mas a po incontournable des déboulés pointois.
A l’image du territoire, le carnaval de la Guadeloupe est à son firmament. Il se dévoile, le Monde entier le découvre et l’apprécie. Au point de figurer dans le top 10 des plus beaux carnavals à travers le Monde. Autant dire que le carnaval est une vitrine pour le territoire dont le tourisme joue un rôle important dans le tissu économique local.
A ce sujet justement, très récemment, dans son classement des plus beaux carnavals du monde, le spécialiste du voyage sur mesure, Voyageurs du monde, inscrit la Guadeloupe et la Martinique respectivement à la quatrième et la cinquième place, après celui de Cologne, mais devant le célèbre carnaval de Rio. Même son de cloche du côté de CIVITATIS, un autre magazine spécialisé dans les destinations touristiques, qui place le carnaval de la Guadeloupe ainsi que celui de la Martinique dans la liste des quinze meilleurs carnavals du monde. En effet, le carnaval de la Guadeloupe a le privilège de figurer aux côtés de carnavals de renommée internationale tel que celui de Venise, de Rio au Brésil, de la Nouvelle Orléans ( Etats-Unis), de Notting Hill ( Royaume-Uni), de Santa Cruz de Tenerife ( Espagne) et se positionne après celui de Nice.
Bien évidemment, ces différents classements participent à la promotion des destinations à travers le monde. Une bonne presse donc pour nos territoires et ce pan de notre culture. Vous l’aurez donc compris, le carnaval s’impose de plus en plus comme un vecteur économique pour nos îles.
D’ailleurs pour information, en Guadeloupe, à la différence des autres pays où le Carnaval est une période festive assez courte, celui des Îles de Guadeloupe fluctue. Tout est question d’année et de calendrier. Ainsi, il peut y avoir des saisons carnavalesques plus longues que d’autres, avec des carnavals qui durent un mois voire un mois et demi.
Contrairement aux autres carnavals du Monde, qui ont lieu au cours de la période dite des » Jours Gras », en Guadeloupe et dans ses dépendances, celui-ci commence dès la première semaine du mois de janvier, parfois même dès le 1er janvier et peu s’étendre, comme nous le disions, jusqu’en Février et même en fonction de l’année, jusqu’en Mars. Durant cette période très marquée, chaque week-end, des défilés sont organisés à travers tout l’archipel et les différentes communes rivalisent entre elles pour organiser la plus belle parade de la saison.
Toutefois au-delà de l’aspect économique, le carnaval est la période que les guadeloupéens ne rateraient pour rien au monde. Carnaval c’est la période où les groupes se défient en termes de musicalité, de déguisement et de couleurs. Le mot d’ordre : être original ! C’est aussi la période durant laquelle, les Gwoup à Po sont de sortie et présentent les différents déguisements traditionnels.
Pour celles et ceux qui ne savent pas ce qu’est le Mas a Po, c’est bien plus qu’un style musical, c’est la touche d’originalité du carnaval de la Guadeloupe. Les Mas a po sont même les uniques formations du genre parmi tous les carnavals existants dans le Monde.
Pour aller plus loin dans le descriptif, le Mas a Po est un groupe de carnaval qui utilise des tambours faits de peau d’animal, généralement des peaux de kabris (chèvres) bœufs mais moins récurrent. Ils utilisent aussi des chachas (maracas) et de conques à lambi ( konn a lambi). Sur la région Pointoise, nous trouvent des mas a po dits “ mas a Senjan “ parmi lesquels nous trouvons Akiyo, Mas ka Klé, Le Pwen, VIM, Klé La; tandis que sur la région basse-terrienne, notamment dans la ville de Basse-Terre, la musique jouée par l’un des seuls groupes du chef-lieu est le Mas Gwo Siwo, qui est jouée par VOUKOUM.
Leur musique héritée du gwoka est vigoureuse et ces groupes sont souvent surpeuplés et comme dit l’adage bien créole, “ Mas a Po sé mas a pèp la.” Présents dans le paysage carnavalesque depuis les années 1960, les Mas a po continuent de marquer la culture guadeloupéenne. Sans prétention, ce sont les mas a po qui font l’originalité du carnaval de la Guadeloupe et qui font que celui-ci soit unique en son genre.
Pour les premières formations musicales carnavalesques Mas a po l’objectif était de permettre à la classe populaire des îles de la Guadeloupe de participer au carnaval qui était célébré principalement par la classe bourgeoise locale qui intégrait des formations carnavalesques dites à caisses claires “ beaucoup plus strass et paillettes, et à plumes”. Ainsi du strass et paillettes, les membres des gwoup a po crééent des costumes dits “ linj a mas “ à partir d’éléments naturels présents dans la nature et dans le quotidien : des éléments végétaux, minéraux, synthétiques, animaux : roukou, gwo siwo, tissus autres vieux draps, vêtements usagés, feuilles de bananiers etc. Ces costumes donneront naissance aux masques traditionnels du carnaval de la Guadeloupe : Mas a lanmò, mas a fwèt, mas a miwa, mas a kongo, mas a ruban, mas a hangnyon, mas a lous, mas a woukou, mas a zonbi etc.
Istwa a Mas revient pour une saison 4 :
Depuis 2018, The Link Fwi propose une série de reportages constituée de trois épisodes par an. Cette série est axée sur l’histoire des Mas a po, véritables piliers de la culture carnavalesque de l’archipel.
Depuis la première saison, The Link Fwi tournesdes épisodes de façon immersive. A savoir, des tournages en “inside”, où nous partons à la rencontre des fondateurs et des membres de ces groupes. L’objectif est de dresser un portrait de chaque gwoup a po de l’île en donnant la parole à ces acteurs ou actrices principaux. Des reportages informatifs, ludiques et immersifs où nous partons à la rencontre des fondateurs et les membres de ces formations. A travers Istwa a Mas, c’est l’histoire du style “ mas a po “ qui est abordée et dans une moindre mesure, c’est aussi l’histoire des groupes mis en lumière. On y voit la vie associative au-delà des déboulés(défilés), l’ambiance en amont des défilés du dimanche, les ateliers coutures, répétitions, réunions).
Après une première saison tournée en 2019 et consacrée aux groupes Le Pwen, Nasyon a Neg Mawon, Mas ka klé, suivie d’une saison 2 en 2020 axée sur l’histoire des groupes Ti Kanno, VIM, Kle La. Après les deux ans de forte pandémie de la COVID-19 durant laquelle nous avons été obligés de faire une pause, Istwa a Mas a signé son retour pour une troisième saison où nous avons mis en avant Voukoum, 50/50 et Mas a Wobè.
Cette année, malgré un carnaval plus court que les autres années, Istwa a Mas est de retour pour une saison 4. Pour ce premier épisode, coup de projecteurs sur Moun Ki Moun. En sept ans, MKM (c’est l’acronyme) est devenu l’un des Mas a Po majeurs du carnaval de la Guadeloupe. Nous avons rencontré celles et ceux qui font vivre ce Mas a po, désormais, incontournable des déboulés pointois.
Moun Ki Moun : Konnèt pasé a-w sé on biyé pou dèmen
A l’image de Mas A Wobè et 50/0, c’est dans le quartier populaire et historique de Carénage que l’association Moun Ki Moun a élu domicile. Carénage est vraisemblablement l’un des plus des anciens quartiers de la ville. Avec sa réputation de quartier chaud de la ville, c’est bien dans cette partie de la ville de Pointe-à-Pitre que se trouvait l’usine sucrière de Darboussier.
En effet, le quartier de Carénage est né aux XIXè et XXè siècle. A l’écart de la ville ancienne limitée par le canal Vatable, à quelques pas de la place Camille Desmoulins, les quartiers de Bas-de-la-Source et Raspail, au sud-est, constituaient avec d’autres quartiers au nord, les faubourgs de Pointe-à-Pitre. L’activité croissante de la ville et du port et l’ouverture de l’usine Darboussier en 1867, qui employa jusqu’à 700 personnes pour une rémunération considérée comme la plus haute de la région, attirèrent une main d’œuvre de plus en plus nombreuse. Celle-ci cherchait à se fixer près de son lieu de travail. La période de grands travaux qui succéda au cyclone de 1928 provoqua un nouvel afflux de candidats. Les terrains marécageux en périphérie furent occupés, sans pour autant qu’ils soient correctement assainis. Avec des matériaux sommaires, les nouveaux venus édifièrent tant bien que mal leurs logements. Le quartier demeura ainsi jusqu’au lancement, en 2000, d’une opération de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI). Aujourd’hui, le quartier se métamorphose, les vieilles cases des ouvriers laissent place peu à peu place à des immeubles d’habitation plus solides. D’ailleurs, c’est dans cette partie de la zone urbaine qu’on retrouve le Mémorial Acte inauguré en 2015.
Plus jeunes des gwoup a po populaires, l’association Moun Ki Moun est ancrée dans le paysage culturel guadeloupéen depuis le 9 mars 2017 après une volonté d’Eddy Chateaubon et d’autres carnavaliers provenant d’autres groupes de créer un Mas qui leur permettrait de laisser libre court à leur créativité. Depuis, MKM se déploie aussi bien dans le domaine sportif avec ses tournois de football en salle inter Mas a Po, que culturel avec le volet carnaval chaque début d’année. Cependant, comme l’a évoqué Ninette Hubert, à sa création, au-delà de l’aspect Mas, l’association s’est posée pour objectif de favoriser, développer et promouvoir des actions et activités dans des domaines divers tel que l’insertion, le social et l’éducatif à travers des dictées Maké Kréyol, des rencontres thématiques ouverte au public, des animations musicales, boot camp et même des campings organisés.
Pour parler du volet Carnaval, le groupe a eu le mérite de remporter des prix comme en 2018, lors de la parade Bémao Mi Mas, nous avons remporté le 2ème prix de l’Eco conception ou encore en 2020 où ils ont remporté la parade Doubout pou on gran vidé aux Abymes et la même année, la Grande parade du dimanche gras dans la catégorie gwoup a po.
Comme nous le relations au début d’article, le carnaval guadeloupéen s’exporte aux quatre coins du moins et sur ce point, le groupe n’a pas démérité puisque dès sa création, il a fait voyager son Mas vers des destinations comme la Martinique en février 2018. La Guyane où une délégation de 50 personnes s’est rendue pour la Parade du Littoral de Kourou, du 21 au 26 février 2019 et la même année, Moun Ki Moun a posé son Mas au Canada avec une participation à la Grande Parade Carnaval des Caraïbes -“Caribana de Toronto”, et à la parade Nuestroaméricana de Montréal.
Malgré son jeune âge donc, Moun Ki Moun a imposé sa touche au carnaval de la Guadeloupe au point d’être ambassadeurs du carnaval guadeloupéen et nul ne peut nier se fait. Rencontre avec Moun Ki Moun.