Parias du monde diplomatique, frappés par des sanctions économiques ou simples rivaux, l’Iran des Mollahs, la Chine communiste, la Russie de Vladimir Poutine et le régime socialiste du Venezuela entretiennent des liens plus qu’étroits. Selon une enquête du FBI, le Venezuela est devenu la base arrière des activités illégales des services de renseignements iraniens russes, chinois aux USA. Entre assassinats, kidnappings et espionnage. Enquête en eau trouble.
Cet article pourrait ressembler à un roman d’espionnage comme l’écrivait John Le Carré. On plante le décor, chaleur tropicale, sable fin, musique salsa, cocktails et eau de coco. Sauf que vous êtes loin du paradis tropical hispanophone, vous êtes au Venezuela. Grand pays d’Amérique Centrale bordé par la Mer des Caraïbes au nord et l’Amazonie au sud. Le Venezuela n’est plus le pays touristique et accueillant qu’on a connu.
Depuis plusieurs décennies, période datant de l’ère Hugo Chavez, le pays latino est en Guerre Froide avec son grand frère du nord, les Etats-Unis. Une guerre qui a commencé dès 1999, année où le pays, longtemps proche de Washington, s’est tourné vers le Socialisme. Pas de quoi ravir son ancien parrain qui a longtemps investit dans son économie pétrolière. Au fil des années, la relation entre les deux puissances régionales s’est détériorée. Fluctuant entre crise diplomatique, menaces d’interventions militaires américaines, sabotage de l’économie vénézuélienne, guerre du renseignement entre la CIA et son rival le SEBIN ( Service National du Renseignement Bolivarien), nationalisation des entreprises privées américaines sur le territoire vénézuélien, soutien aux opposants au régime bolivarien et répression de ces derniers. La crise s’est aggravée en 2018 avec la réélection controversée de Nicolas Maduro, dauphin du défunt leader charismatique Hugo Chavez décédé en 2013. Disons-le clairement, les relations entre les deux pays sont au plus bas.
Mis sur le banc des nations, le Venezuela s’est retrouvé sur la liste des pays ennemis des Etats-Unis. Une liste des mauvais de la classe qui se trouvent finalement un point commun, la haine de l’Oncle Sam. Parmi eux, on retrouve, l’Iran des Ayatollahs, pays aussi visé par des sanctions occidentales depuis 1979 mais renforcées depuis que le pays Chiite a décidé de mener un programme d’enrichissement de l’Uranium.
Pour la petite histoire, l’Iran lui aussi était un allié des Etats-Unis, du moins jusqu’à la Révolution de 1979 menée par l’Ayatollah Khomeini . Dirigé depuis des millénaires par une Monarchie autocratique à la tête on trouvait le Shah, Reza Shah Pahlavi. L’Empereur était loin d’être un tendre avec sa population et surtout ses opposants qui étaient traqués par son puissant service de renseignement la Savak. Un régime répressif même contre les religieux. Pourtant, cela n’a pas empêcher le Royaume de devenir une République Islamique. Depuis, Etats-Unis et Iran n’ont eu de cesse de s’affronter directement ou par Proxi soit durant la Guerre Iran/Irak, ou encore durant la Guerre civile libanaise (1975 à 1990) ou encore plus récemment la guerre en Irak ( 2003 à 2016 et même jusqu’à aujourd’hui) et la Syrie ( 2011 à aujourd’hui). L’Iran est même considéré comme faisant partie de l’Axe du Mal par Washington. A savoir, la liste des pays qui déstabilisent la sécurité mondiale.
En ce qui concerne la Russie ou de la Chine, les deux grandes puissances sont elles aussi des rivales déclarées des Etats-Unis. Nul ne peut l’ignorer, la guerre qui se joue en Ukraine, commencée en 2014 et qui s’est intensifiée en 2022 avec l’invasion russe ce qui a accru les tensions entre Moscou et Washington grand soutien de Volodomyr Zelensky. Il existe aussi des tensions entre Pékin et les Etats-Unis sur la question de Taïwan et même en matière économique. Portés par un désir de domination planétaire, la Russie et la Chine communiste ont clairement pour objectif de détrôner les Etats-Unis d’Amérique dans les enjeux planétaires.
Parias du Monde diplomatique, frappés par des sanctions économiques ou simples rivaux, l’Iran des Mollahs, la Chine, la Russie ont trouvé au régime socialiste du Venezuela, un allié de taille. Tout ce beau monde entretien des liens plus qu’étroits. D’ailleurs, selon une enquête du FBI, le Venezuela est devenu la base arrière des activités illégales des services de renseignements iraniens, russes et chinois en Amérique. Entre assassinats, kidnappings et espionnages sur son territoire, les Etats-Unis tirent la sonnette d’alarme et parlent d’une véritable menace pour sa sécurité intérieure. Le service de renseignement américain parle même d’un axe de terreur au cœur des Amériques.
Actions de déstabilisation, assassinats, espionnage depuis Caracas :
La semaine dernière, le FBI a émis un avis de recherche à l’encontre de l’espion iranien Majid Dastjani Farahani membre du VEVAK iranien accusé de mener des assassinats ciblés à l’encontre d’officiels américains sur le territoire des Etats-Unis depuis sa base arrière du Venezuela.
En 2021, quatre iraniens ont été arrêtés puis condamnés par un tribunal de Brooklyn pour avoir tenté de kidnapper la journaliste et opposante iranienne Masih Alinejad, surveillée depuis plusieurs années par les services de renseignements de son pays d’origine. Le plan des agents iraniens était simple. Il consistait à attirer la journaliste iranienne hors de chez elle, la capturer et la transférer par vedettes rapides vers un pays ami, à savoir, le Venezuela pour ensuite l’envoyer en Iran afin qu’elle soit jugée pour haute trahison. Selon les détails de l’enquête du Département de Justice, les espions iraniens avaient des cartes et des données satellites pour identifier les différentes routes maritimes pour évacuer l’opposante de Brooklyn à Caracas. Le plan a heureusement échoué. Les auteurs de cette tentative de kidnapping sont toujours recherchés et toujours selon le Department of Justice, ils prévoyaient d’enlever d’autres dissidents au Canada et au Royaume-Uni.
Un an après, soit en 2022, la journaliste iranienne a échappé à une tentative d’assassinat qui a aussi été déjouée de façon anodine.
Toujours en 2022, plusieurs personnalités politiques américaines auraient été visées par des tentatives d’assassinat. Comme John Bolton, proche du président Donald Trump et Ancien Conseiller à la sécurité intérieure. Mike Pompeo a aussi été la cible des tueurs iraniens suite à l’assassinat Quassem Soleimani. Le FBI pense que Farahani visait également Brian Hook, l’envoyé de Trump à Téhéran. Depuis, Pompeo et Hook sont surveillés par les agents du FBI H24, en raison de l’augmentation du niveau de menace.
On peut aussi parler de la tentative d’assassinat de l’écrivain Salman Rushdie, dont le roman « Les Versets sataniques » a suscité des menaces de mort de la part de l’Ayatollah Khomenei en 1989. L’homme de lettres indien a été poignardé au cou et à l’abdomen par Hadi Matar, 24 ans, originaire de l’État du New Jersey. L’auteur des faits, arrêté par la police et placé en détention. Chiite d’origine libanaise, il avait exprimé sur Facebook son soutien aux Gardiens de la révolution islamique iranienne. Sa photo de profil affichait un portrait de l’ayatollah Khomeiny.
D’autres personnalités politiques ou publiques présentes sur le sol des Etats-Unis ou ayant la nationalité états-unienne vivent sous la menace des services de renseignements iraniens. Cela inclut aussi bien des dissidents iraniens, que des journalistes américains et même des membres du gouvernement des Etats-Unis. Toutes ces tentatives d’assassinats ont été commandités par les Gardiens de la Révolution dont la base opérationnelle serait située à Caracas.
Selon Joseph Humire, expert en Sécurité internationale, au même titre que la Syrie a servi de base opérationnelle des actions iraniennes dans la zone du Levant ( Liban, Irak, Yemen, Gaza), le Venezuela s’impose comme le lieu favori des espions iraniens en Amérique afin de défier directement les Etats-Unis dans leur sphère d’influence.
Des informations confirmées par l’ancien maître espion vénézuélien, Jose Antonio Colina, désormais exilé à Miami. Pour l’ancien officier militaire vénézuelien, » Le Venezuela, en raison de sa situation géopolitique et géographique, pourrait devenir une plate-forme importante dans un éventuel conflit entre l’Iran et les États-Unis, et il pourrait être une base importante pour que l’Iran lance de futures attaques contre les USA. »
Rien d’étonnant quand on connait le passif entre les deux pays avec Washington. D’ailleurs selon la CIA, depuis 2013, les deux nations partagent un programme commun de renseignement. Toujours selon l’agence américaine et comme nous l’écrivions, les relations entre l’Iran et le Venezuela remontent aux premières années du régime de Chavez, les deux nations se liant sur leurs positions anti-démocratiques ainsi que sur l’exploration de l’uranium au Venezuela dont l’Iran a grand besoin pour son programme nucléaire. L’alliance a continué de croître malgré la mort de Chavez en 2013, alors que Maduro a poursuivi son programme. D’autre part, n’oublions pas que les deux états sont également membres de l’OPEP. En 2022, Nicolas Maduro et son homologue Ebrahim Raisi ont signé un accord bilatéral de coopération économique et militaire renouvelable dans vingt ans. Qui plus est, le régime iranien est l’un des plus grands fournisseurs d’armes de l’armée vénézuélienne.
En ce qui concerne la Russie ou de la Chine, les deux grandes puissances sont elles aussi des rivales déclarées des Etats-Unis. Membres fondatrices du BRICS, bloc économique regroupant plusieurs économies émergentes du Sud, Moscou comme Pékin partagent des ambitions hégémoniques communes.
Pour la Russie, nul ne peut l’ignorer, la guerre qui se joue en Ukraine à l’heure où nous écrivons cet article. Commencée en 2014 avec la révolution de la Place Maidan, elle s’est intensifiée en 2022 avec l’invasion russe ce qui a accru les tensions entre les deux anciens rivaux de la Guerre Froide. Dès l’accession au pouvoir d’Hugo Chavez, la Russie est devenue la garante de la survie du régime bolivarien. Les deux pays entretiennent des liens militaires très étroits. L’armée vénézuélienne s’équipe en grande partie avec du matériel russe. Par ailleurs, en 2013, la restructuration des services de renseignement vénézuéliens s’est faite avec l’aide Moscou et de La Havane, l’autre allié historique de la Russie dans la région. De plus, il est récurrent que des navires ou des sous-marins militaires comme scientifiques russes accostent dans les ports vénézuéliens ou les utilisent comme base pour leurs longues traversées maritimes. Au chaque crise politique ( 2015 et 2018) dû aux élections présidentielles, la Russie de Vladimir Poutine répond toujours présente pour soutenir diplomatiquement et bien plus encore. On sait qu’en 2018, lors de la crise politique vénézuélienne, Moscou n’a pas hésité à envoyer des troupes pour aider les forces de l’ordre vénézuéliennes à réprimer l’opposition anti-maduro portée par le président de l’Assemblée Nationale Vénézuélienne Juan Guaido.
La même année, ce sont des avions de transport d’armes nucléaires tactiques qui ont atterri à Caracas. Une première sur le continent américain depuis la Crise des Missiles de Cuba en 1963. Depuis la guerre en Ukraine et les sanctions à son encontre, la Russie s’est tournée vers son fidèle allié sud américain pour maintenir une diplomatie. De plus, en manque de devises étrangères, le Venezuela s’est imposée comme LA destination préférée de milliers de touristes russes fortunés, concernés par les sanctions internationales.
Relation de circonstance avec Pékin :
Il existe aussi des tensions entre Pékin et les Etats-Unis sur la question de Taïwan et même en matière économique. Portés par un désir de domination planétaire, la Chine communiste a clairement pour objectif de détrôner les Etats-Unis d’Amérique dans les enjeux planétaires. L’Empire du Milieu retrouve sa place de puissance mondiale abandonnée entre le XIXe et le XXe siècle du fait de la colonisation de son territoire par les puissances occidentales et le Japon. Pour atteindre ses objectifs, la Chine n’a aucun scrupule à utiliser le Venezuela comme base pour atteindre indirectement les Etats-Unis dans la région.
D’ailleurs, les liens entre la Chine Communiste et le pays sud-américain remontent eux-aussi à l’ère Chavez. Amitié socialiste diront certains mais au cours de l’année 2023 que le président Xi Jinping a placé le Venezuela comme pays à haute valeur stratégique dans le déploiement de sa stratégie globale. Avant cela, seuls trois pays bénéficiaient de ce statut » privilégié » : le Pakistan, la Russie et la Biélorussie. Pour illustrer cette belle entente, depuis qu’il est au pouvoir, Nicolas Madùro a effectué une bonne dizaine de visites officielles à Pékin. La récente remonte à 2023. Alors que le président chinois a visité le pays latino en 2014.
Toutefois, le régime chinois, évite de rentrer en conflit direct avec son principal rival mais principal partenaire économique, les USA. Afin de mener à bien ses missions de déstabilisation dans la région, Pékin délègue le sale travail avec ses alliés iraniens ou vénézuéliens qui n’ont plus rien à perdre. Ceux-ci en guerre quasi ouverte avec Washington mènent des missions d’écoutes des ambassades ou consulats américains dans d’autres pays de la région pour le compte de la Chine ( ou de la Russie).
Cependant, comme dans toutes les relations internationales, cela ne se fait pas gratuitement. De son côté, la Chine a surtout besoin de Caracas et de ses immenses réserves en hydrocarbures pour booster son économie fortement consommatrice d’or noir. Pour rappel, le Venezuela est le pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole au Monde, de quoi satisfaire les appétits toujours plus grandissants de Pékin. Pour Madurò, l’objectif est de trouver des créanciers pour son pays en crise. Isolé de la scène internationale depuis de nombreuses années, frappées des sanctions économiques sans pareil, le président du Venezuela cherche surtout en la Chine une aide pour renflouer les caisses vides de son pays. L’économie vénézuélienne est au plus bas. Elle est frappée par l’une des pires inflations au monde (+436% en glissement annuel en mai) et son PIB s’est contracté de 80% en 10 ans sous l’effet de la crise économique. Selon des estimations fin juillet 2023 de l’Observatoire vénézuélien des finances (OVF), un organisme de référence en l’absence de chiffres officiels, l’économie vénézuélienne s’est contractée de 7% au premier semestre par rapport à la même période en 2022. En contre partie, la Chine communiste s’oppose à tous les votes onusiens contre Caracas. Une alliance de circonstance entre les deux états socialistes. Il en va de même entre Pékin et Téhéran.
En attendant ,depuis 2015, du fait de l’inflation, de l’insécurité grandissante et de la répression toujours intense, 7,7 millions de vénézuéliens ont pris les chemins de l’exil. Beaucoup ce sont installés dans pays limitrophes tandis que les autres ont gagné : les Etats-Unis.