Après un pontificat de douze ans, le pape François est décédé ce lundi 21 avril à l’âge de 88 ans. Sans toucher à de nombreux fondamentaux, il a mené une lente mais visible réforme de l’Église pour que celle-ci s’adapte aux évolutions du monde. Son décès marque la fin d’une ère d’ouverture au Vatican.
On le savait le souverain Pontife était affaibli suite à une double pneumonie qui l’avait hospitalisé durant près de trente-huit jours. L’homme qui dirigeait l’Eglise Catholique depuis 2013 avait pourtant tenu à assister à la messe de Pâque ce dimanche. Nul n’aurait pu savoir qu’il s’agissait de sa dernière apparition publique, car l’homme mort en début de matinée dans sa résidence de Rome en ce lundi de Pâque.
Rien ne prédestitait Jorje Mario Bergoglio a un titre si honorifique. En effet, né en Argentine dans une famille modeste d’origine italienne, il grandit dans un quartier populaire de Buenos Aires. Son père était cheminot, et sa mère, femme au foyer. Il a fait des études de chimie période durant laquelle il a fait du ménage pour des foyers riches ou encore en étant videur de boîte de nuit, avant d’entrer chez les jésuites en 1958, une congrégation catholique connue pour son engagement intellectuel, social, spirituel et à la défense de causes humanitaires.
Il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969. Il poursuit ensuite des études de théologie et devient professeur, puis recteur du séminaire de San Miguel. Il gravie pas à pas les marches de la hiérarchie chrétienne où il devient évèque en 1992 auxiliaire de Buenos Aires, puis archevêque en 1998. En 2001, le pape Jean-Paul II l’ordonne Cardinal de Buenos Aires. Autant de titres qui ne l’ont pas détourné de sa mission auprès des plus démunis de la capitale argentine. Pour preuve, son surnom était » le curé des pauvres. » Dans son pays, il est alors reconnu pour son humilité, sa vie simple (il prend les transports en commun, cuisine lui-même).
Pourtant, malgré lui, Jorge est appelé à de plus hautes fonctions au sein de l’Eglise. À la suite de la démission du pape Benoît XVI, Jorge Mario Bergoglio est élu pape le 13 mars 2013, devenant le 266e pape de l’Église catholique. Il choisit le nom de François, en hommage à Saint François d’Assise, symbole de paix, de pauvreté et de simplicité. Il est le premier pape jésuite, le premier d’Amérique latine, et le premier non-européen depuis plus de 1 200 ans.

Le Pape François : un style de vie unique.
A son arrivée au Vatican, pas question pour lui de vivre au Palais pontifical comme ses prédécesseurs. Il s’installe dans un appartement de trois pièces de la résidence Pontificale Sainte Marta à Rome avec le reste du Clergé.
Pour son premier voyage hors du Vatican, il choisit l’île italienne de Lampedusa où en pleine crise migratoire, sont entassés des milliers de migrants subsahariens, afghans, irakiens venus tenter leur chance en Europe. Sur place, il invite les croyants à ouvrir leurs portes avec un esprit d’ouverture, de tolérance envers ces populations.
Son règne a été marqué par les scandales politico-financiers au sein du Vatican qui l’ont conduit a épuré l’Eglise en diminuant drastiquement les dépenses du Saint Siège. D’autre part, le Pape François s’exprime publiquement et demande pardon aux nombreuses victimes des abus sexuels commis par des prêtes ou des évêques.
De plus, tout au long de son rège, le Pape a été un souverain ouvert au dialogue interreligieux en faisant des rencontres avec des représentants d’autres religions. Le souverain pontife prônait aussi le respect de la nature ou encore des sujets bien plus sensibles au sein même de l’Eglise, comme le mariage des prêtes, : les personnes LGBTQ+ qui selon lui ne doivent pas être marginalisés, que ce soit dans la société ou au sein de l’Église. A ce sujet, il a rencontré à plusieurs reprises des groupes LGBTQ+, des parents de personnes homosexuelles, et il les a soutenu dans leur chemin de foi. En 2020, dans le documentaire Francesco, le pape François déclare :
« Les personnes homosexuelles ont le droit d’être en famille. Ce qu’il faut, c’est une loi d’union civile. »
Il est devenu alors le premier pape à soutenir publiquement les unions civiles pour les couples de même sexe, affirmant qu’ils méritent une reconnaissance légale, même si l’Église ne reconnaît pas le mariage homosexuel. Cependant, il ne change pas la doctrine de l’Eglise qui condamne encore à ce jour, les actes homosexuels mais pour lui, ces personnes doivent être respectées de tous.
Autre thématique abordé durant son règne, la place des femmes dans l’Église. Encore une fois plus ouvert que ses prédécesseurs, Il dénonce le machisme dans l’Église, parle de la nécessité d’une « théologie de la femme », et invite à leur donner plus de rôles de responsabilité
il a souvent affirmé que l’Église avait besoin des femmes :
« L’Église sans les femmes est comme le collège apostolique sans Marie. »
(Discours de 2013)
Néanmoins, il est resté très prudent sur la question de leur ordination, où il est resté sur la position traditionnelle de l’Eglise où seuls les hommes peuvent devenir prêtres. Ce qui a mené à des critiques venant de celles et ceux qui défendent la cause féministe. Pourtant, en 2021, François a modifié le droit canon pour permettre aux femmes d’accéder officiellement à des ministères institués, comme : Lectrices (lecture de la Bible), Acolytes (aide à la messe). Et plus récemment, catéchistes. Parmi les avancées à ce propos, Sœur Nathalie Becquart est nommée sous-secrétaire du Synode des évêques, une première dans l’histoire. Depuis, plusieurs femmes occupent désormais des rôles-clés dans les dicastères (équivalents des ministères du Vatican).
Encore plus récemment, en Octobre 2024 lors du Synode sur la réforme de Gouvernance de l’Église catholique. Le Pape François a exprimé le pardon de l’Eglise pour avoir pris part à l’Esclavage des noirs, à la colonisation ainsi que l’oppression des femmes et bien sûr les abus sexuels commis sur des mineurs ou des peuples autochtones.
Ces excuses sont historiques, quand on connait l’histoire de l’esclavage et la traite négrière en période coloniale et la colonisation qui les a succédé et la part active des Eglises Catholiques et Protestantes dans ces crimes. Ils étaient des millions de fidèles « colonisés » ( pas seulement en Afrique ou aux Amériques) à les attendre. Les prêtes à travers l’Eglise ont pris une part active dans le commerce triangulaire. En effet, quarante ans après le débarquement de Christophe Colomb, le pape interdit ainsi l’esclavage des Amérindiens bien qu’ils n’appartiennent pas à la chrétienté. L’Eglise considère que ceux-ci, soumis à la domination de rois chrétiens, sont en voie d’évangélisation. Il en va différemment pour les populations d’Afrique subsaharienne qui sont païennes et vivent dans des Etats indépendants. Même convertis après leur déportation en Amérique, les théologiens considèrent que, dans la mesure où ils ont été acquis légalement comme esclaves sur les côtes d’Afrique, la traite et la servitude sont légitimes. D’ailleurs, les prêtres étaient bien présents dans les comptoirs négriers où étaient acheminés les captifs africains avant la traversée de l’Atlantique. Ils étaient également là sur les navires négriers qui transportaient les esclaves vers le Nouveau Monde. Dans ces nouvelles terres, l’Eglise était déjà bien implantée et c’est elle qui baptisait les bossales ( noms des esclaves qui avaient été transportées de l’Afrique aux Amériques.)
Durant cette période noire de l’Histoire Humaine, l’Eglise a clairement béni ce commerce odieux, le justifiant sur la couleur de la peau de l’individu mis en esclavage et se basant sur la fameuse malédiction de Cham, fils de Noé. Ce dernier aurait ainsi condamné tous les descendants de Cham – considérés comme africains, ce que ne dit pas la Bible à la servitude éternelle. Quand la question d’abolir l’esclavage est apparue et a fait son long cheminement, jamais l’Eglise ne s’est positionnée. Si certains de ses membres se sont opposés à l’esclavage, ce n’est qu’à titre individuel en revendiquant les valeurs évangéliques et sans engager l’Eglise. A la fin de l’esclavage, c’est cette même Eglise qui donnera son approbation aux régimes coloniaux pour s’accaparer la totalité de l’Afrique ( sauf l’Ethiopie jamais colonisée.) afin d’évangéliser les peuples de ces royaumes millénaires. Il faut le dire, ce sont les missionnaires qui ont été les premiers colons en Afrique. Leur présence dans ces contrées lointaines a favorisé l’implantation de nouveaux colons venus pour des raisons économiques. Dans ces territoires sous domination des puissances occidentales, ils ont tenu des écoles, des orphelinats en Afrique mais aussi aux Amériques, en Australie. Des prêtres ont usé de leur pouvoir pour violer, torturer des générations d’enfants, de femmes et mêmes des hommes. L’Eglise a donc été une complice active de l’aliénation et de l’asservissement des différents peuples vaincus et soumis.
Moins médiatique mais la grande révolution menée par le souverain pontife concerne la Réforme de la Constitution de l’Eglise. La cinquième seulement en deux mille ans d’histoire du Christianisme. Pour la première fois, la Curie, le Gouvernement de l’Eglise a perdu une partie de son pouvoir. Ce qui lui a valu des critiques virulentes des cardinaux.

Le Pape François : un style qui dérangeait au sein même du Vatican :
Malgré ses ouvertures sur un Monde en marche qui n’attend pas la bénédiction de l’Eglise, en 12 ans de pontificat, le pape François, décédé lundi à l’âge de 88 ans, a fait l’objet de critiques internes d’une virulence inédite par les plus conservateurs des cardinaux.
Comme nous le révèlent nos confrères du DEVOIR, le pape François s’est attiré les foudres de plusieurs cardinaux, censés être ses plus proches collaborateurs mais aussi les plus haut placés après lui dans la hiérarchie de l’Église. En 2017, le pape argentin profite de ses vœux à la Curie pour tacler sans les nommer les « traîtres » qui freinent sa réforme des institutions. En janvier 2023, à la mort du controversé cardinal australien George Pell, un journaliste italien révèle que celui-ci était l’auteur d’une note anonyme attaquant frontalement Jorge Bergoglio. Pell, ancien proche conseiller de François, y qualifie le pontificat de « désastre à de nombreux égards » et pointe du doigt les « lourds échecs » de sa diplomatie, fragilisée par la guerre en Ukraine à partir de février 2022.
En janvier 2023, le cardinal conservateur allemand Gerhard Müller, ancien préfet de la puissante congrégation pour la doctrine de la Foi, publie un livre où il lance une violente charge contre la gouvernance de François, dénonçant l’influence d’une « coterie » autour de lui et s’inquiétant de sa « confusion doctrinale ».
Et l’été suivant, avant l’ouverture du Synode sur l’avenir de l’Église, cinq cardinaux conservateurs émettent publiquement des dubia (doutes) au pape, craignant un dévoiement de la doctrine sur l’homosexualité ou l’ordination des femmes.
Toujours selon nos confrères du DEVOIR. Après la mort du pape émérite Benoît XVI le 31 décembre 2022, son secrétaire particulier Mgr Georg Gänswein égratignait le pape argentin, affirmant que ce dernier avait « brisé le cœur » de son prédécesseur en limitant le recours à la messe en latin. En réponse, François a regretté que la mort de Benoît XVI ait été « instrumentalisée » par « des personnes sans éthique, qui agissent à des fins partisanes ».
En novembre 2023, le pape démet d’office l’évêque américain Joseph Strickland, une décision rarissime. Ce conservateur, l’un de ses ennemis les plus féroces, lui reprochait notamment son laxisme sur l’avortement et sa complaisance à l’égard des homosexuels et des divorcés. En juillet 2024, l’évêque ultraconservateur italien Carlo Maria Vigano, 83 ans, connu pour ses critiques acerbes contre le pontificat, est carrément excommunié pour avoir rejeté l’autorité du chef de l’Église catholique. Cet éminent prélat traditionaliste, ancien ambassadeur du Saint-Siège aux États-Unis, pro-Trump et antivax, avait accusé François d’« hérésie » et de comportement « tyrannique ».
Toujours en décembre 2023, le Vatican publie un document intitulé Fiducia supplicans (La confiance suppliante) ouvrant la voie aux bénédictions de couples de même sexe, provoquant une levée de boucliers dans le monde conservateur, notamment en Afrique et aux États-Unis. La vague de critiques, notamment venue des Cardinaux Africains, oblige le Vatican à une « clarification » pour se défendre de tous errements doctrinaux, tout en reconnaissant que son application serait « imprudente » dans certains pays où l’homosexualité est interdite.
A l’heure où nous terminons cet article, les hommes de plusieurs dirigeants de la Planète, affluent. Les funérailles s’organisent et avec elles, la succession auxquelles nous reviendront dans un autre article.