Substances chimiques dans les océans, les récifs coralliens des Outremers menacés.

récifs coralliens

La Guadeloupe mais aussi l’ensemble des Outremers français sont de véritables Eden disséminés aux quatre coins du monde. Pourtant, ces petits paradis tropicaux sont bel et bien menacés. Parmi les menaces identifiées, il y a les filtres UV, les hydrocarbures, les pesticides et les métaux sont les plus à risques pour nos coraux !

La Guadeloupe mais aussi l’ensemble des Outremers français sont de véritables Eden disséminés aux quatre coins du monde. Les territoires d’outre-mer français présentent une biodiversité particulièrement riche et variée, mais fragilisée par les activités humaines. Les outre-mer regroupent 80 % de la biodiversité française, permettant ainsi à la France dans son ensemble d’abriter 10% de la biodiversité mondiale alors que ces bouts de France ne représentent que 0,08 % de la surface terrestre. Mais ils abritent plus d’espèces endémiques que toute l’Europe continentale. Or, 83 % de ces espèces endémiques françaises sont en Outre-mer.

L’un des avantages de ces territoires est que pour la grande majorité, ce sont des îles, sauf la Guyane-Française et tous regorge d’une nature offrant un havre de paix pour de nombreuses végétales comme animales, terrestres comme aquatiques. Les 11 territoires coralliens de la France outre-mer représentent 78 % du territoire maritime de la France, deuxième au niveau mondial derrière les États-Unis d’Amérique (mers territoriales et ZEE, janvier 2021, portail national des limites maritimes)

Néanmoins, ces petits paradis tropicaux sont bel et bien menacés. La principale menace de ces écosystèmes vient bien évidemment de l’action humaine. Parmi les menaces identifiées, il y a les filtres UV, les hydrocarbures, les pesticides et les métaux sont les plus à risques pour nos coraux !

Autant d’éléments qui font figurer les écosystèmes de l’Outre-mer parmi les « points chauds » de biodiversité. C’est-à-dire les zones les plus riches du monde en espèces endémiques, mais aussi les plus menacées. Il en existe trente-six mais quatre de ces points chauds se situent en Outre-mer : dans les ,Caraïbes, dans l’océan Indien, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Résultat : la France figure parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.

Pour rappel les récifs coralliens sont des édifices calcaires que l’on rencontre dans les régions tropicales. Ils présentent la particularité d’être bâtis par des organismes vivants, principalement des coraux. Les squelettes calcaires de ces animaux demeurent en place après leur mort, se soudent entre eux et finissent par s’accumuler sur des dizaines de mètres d’épaisseur. Cette structure reste très poreuse et percée d’une multitude de cavités de toutes tailles qui fournissent des abris à une faune particulièrement riche et abondante. En fait, très peu d’animaux se nourrissent directement des coraux. Ceux-ci jouent au sein des récifs un rôle comparable à celui des arbres dans une forêt, c’est à dire d’infrastructure et d’abri pour les autres organismes de l’écosystème.

L’écosystème récifal présente une richesse et une complexité unique dans le milieu marin et ne peut être comparé sur ces plans qu’avec la grande forêt amazonienne. En outre, il revêt une importance économique considérable, car l’essentiel du produit de la pêche côtière dans la zone intertropicale est tiré des récifs coralliens.

Les coraux sont des animaux qui recherchent des eaux tièdes (moyenne minimale annuelle supérieure à 20°C), limpides et bien éclairées. Ils supportent très mal les eaux peu salées et boueuses (c’est pourquoi les récifs coralliens sont absents de toute la côte amazonienne). Par ailleurs, ils ont besoin d’un fond dur pour se fixer.

Les côtes des Antilles sont donc des sites de prédilection pour leur édification. Dans la Caraïbe, tous les fonds rocheux, situés entre la surface et une soixantaine de mètres de profondeur relèvent de l’écosystème récifal.

Lorsqu’un récif devient important, il exerce une action de protection vis-à-vis de la houle, sur la côte située en retrait. Son érosion par la mer produit une énorme quantité de sable qui se dépose dans les fonds de lagons et constituent des plages sur le littoral. Grâce à son abri, d’autres écosystèmes comme les mangroves et les herbiers de Phanérogames marines vont pouvoir prospérer ainsi que des espèces de Poissons et la majorité des invertébrés.

Comme l’ont révélé nos confrères de RCI Martinique,  » Une étude sur l’impact et l’évaluation des substances chimiques sur les coraux dans les Outre-mer, a été publiée ce lundi. Menée par L’Anses – l’Agence nationale de sécurité sanitaire -, avec l’appui de l’Office français de la biodiversité, elle révèle que les coraux, déjà touchés par les effets du dérèglement climatique, sont menacés par des substances chimiques. »

Si bien que, les récifs coralliens de Guadeloupe et plus largement du nord des Antilles ont été placés, mercredi 13 septembre, en alerte maximale par l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique pour « blanchissement sévère et risque de mortalité probable »

Mais que dit l’étude de l’ANSES ?

Selon l’ANSES, les récifs coralliens abritent près de 100 000 espèces : mollusques, crustacés, éponges, poissons, raies, tortues, requins, etc. Ces écosystèmes, parmi les plus riches de la planète, sont hélas gravement menacés : au niveau mondial, 20% des récifs coralliens ont été irrémédiablement détruits au cours des dernières décennies et seul un tiers des coraux restant serait dans un état satisfaisant.

Dans une étude datée du 30 juin 2023 et postée sur le site du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoire, il est dit que la dynamique des récifs des outre-mer suit généralement les tendances évolutives classiques des récifs dans le monde : stabilité, mortalité après perturbation, résilience plus ou moins importante. Toutefois, l’état de santé des récifs varie fortement entre les régions, les territoires, et au sein d’un même territoire. Sous réserve des limites méthodologiques, on distingue de façon globale :

• les territoires étendus, à faible démographie ou inhabités, avec des zones côtières soumises à des pressions faibles ou modérées, où les récifs sont plutôt préservés : dans le Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française – hors archipel de la Société –), et dans les îles Éparses (Europa, Tromelin) ;

• des territoires plus réduits, soumis à une forte pression démographique et très anthropisés, où la majorité des récifs sont plutôt dégradés : dans les Antilles françaises et dans l’océan Indien (Mayotte, La Réunion).

Selon l’étude menée, depuis le dernier bilan de l’état de santé des récifs coralliens, daté de 2015, la tendance est à la stabilité pour les états de santé sur ces territoires. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (dans les archipels autres que la Société), 69 % des récifs inventoriés sont stables, 16 % présentent une amélioration et seuls 15 % se dégradent. Dans l’archipel de la Société, la tendance à l’augmentation globale du recouvrement corallien sur la période 2015-2019 a été suivie d’une rupture entre 2019 et 2020 due à un blanchissement massif ayant affecté tous les sites de cet archipel courant 2019. L’évolution des états de santé depuis le dernier bilan n’a pas pu être évaluée pour les îles Éparses (données non disponibles) et Wallis et Futuna (suivis trop récents).

Pour ces territoires, sur le long terme également, les récifs de ces territoires sont globalement stables et montrent pour le moment une bonne résilience après des évènements extrêmes. Par exemple, en Nouvelle-Calédonie, malgré la dégradation localisée de certains récifs de la Grande-Terre, particulièrement ceux côtiers de la côte est, la tendance générale de l’état de santé des récifs est à la stabilité, avec une bonne résilience. Les populations de poissons récifaux sont plutôt stables et localement exceptionnelles.

En Polynésie française, compte tenu de l’étendue particulièrement importante de la Polynésie en latitude et en longitude, l’état des récifs est naturellement variable selon les archipels. Les évolutions sur le long terme sont donc variables elles aussi, et très fortement dépendantes des événements. Les récifs des îles de la Société présentent sur les 15 dernières années des variations très fortes à la suite de perturbations (Acanthaster, blanchissement, parfois cyclone), avec de fortes dégradations suivies d’une remarquable résilience. Mais la composition des communautés coralliennes a beaucoup changé (fort déclin des Acropora)

Dans les îles des autres archipels, là aussi même constats, les récifs, qui n’ont pas subi de perturbation majeure dans les 10 dernières années, sont en relative stabilité. La biomasse totale de poissons, en revanche, décroît sur les 10 dernières années. À Wallis et Futuna, les tendances sont variables selon l’exposition aux cyclones et aux vents dominants. Les récifs exposés ont subi des pertes coralliennes importantes, tandis que les récifs abrités sont soit stables (Futuna), soit en nette progression corallienne au cours du temps (Alofi et Wallis). Dans les Îles Éparses : le bon état de santé actuel traduit pour l’instant une bonne résilience des récifs, même si l’augmentation de la fréquence des événements de blanchissement sur les îles situées dans le nord du Canal Mozambique, suggère une trajectoire potentiellement en déclin. L’évolution des biomasses de poissons est généralement en augmentation sur les pentes externes, stable ou en diminution à Juan de Nova et aux Glorieuses.

Cependant, dans les Antilles-Françaises et dans l’Océan Indien, autre son de cloche. Pour les territoires français des Caraïbes, La Réunion et Mayotte, l’étude révèle qu’en 2020, la majorité (62 %) des récifs inventoriés sur ces territoires sont dégradés. À Mayotte et à La Réunion, les recouvrements coralliens sont de l’ordre de 20 à 30 %, même s’ils peuvent localement atteindre 70 % à Mayotte par exemple. Aux Antilles, ils sont également relativement faibles, avec 20 à 45 % en Guadeloupe et en Martinique (mais peuvent localement atteindre jusqu’à 57 %, ce qui est exceptionnel pour la zone) ; ils sont naturellement plus réduits (10-20 %) dans les îles du Nord (Saint-Martin et Saint-Barthélemy). Partout, le recouvrement en macroalgues ou en assemblages algaux est important. Dans ces territoires, les abondances et biomasses des peuplements de poissons associés aux récifs sont généralement faibles ; on constate notamment une diminution inquiétante de la richesse spécifique à Mayotte, conséquence probable du dernier épisode de blanchissement majeur en 2016.

Depuis le dernier bilan (en 2015), la tendance est à la stabilité sur ces territoires. Bien que quelques sites montrent une amélioration (10 %), la majorité des récifs inventoriés est restée stable (57 %) ou s’est dégradée (33 %) depuis le dernier bilan.

Sur le long terme, les trajectoires de ces récifs vont, dans l’ensemble, dans le sens d’une dégradation. • Antilles françaises : on observe une dégradation importante des récifs de la région dès le début des années 1970 (maladies, surpêche, blanchissements), avec un remplacement progressif des coraux par les macroalgues. Cette tendance se poursuit jusqu’à aujourd’hui, malgré des disparités locales et quelques sites qui présentent encore des caractéristiques exceptionnelles pour la région, comme Caye d’Olbian, situé dans le sud de la Martinique (57 % de couverture corallienne en 2019). Les peuplements de poissons ont été soumis à une forte pression de pêche et les classes de tailles sont réduites, avec des abondances et des biomasses relativement faibles. On observe notamment un déclin significatif dans la baie de Grand Cul-de-sac Marin, en Guadeloupe. Toutefois, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les réserves naturelles marines ont un effet positif sur les les poissons herbivores.

A La Réunion : on observe une perte de couverture corallienne, au profit des gazons algaux qui entrent en compétition avec les coraux et limitent les possibilités de leur recrutement. Depuis 2002, la diminution de la biomasse globale de poissons est de 80 %. Elle se maintient à un niveau. Alors que dans l’archipel de Mayotte : malgré des zones encore bien vivantes et résilientes sur les récifs interne et barrière, le recouvrement corallien est globalement en diminution. Les niveaux généraux des peuplements de poissons (diversité, densité et biomasse totale) sont à la baisse depuis le début des suivis.

Au premier plan des menaces identifiées figurent les conséquences du dérèglement climatique comme la hausse de la température des océans et leur acidification ou encore la multiplication des cyclones. A cela s’ajoute les pollutions liées aux activités humaines conduisant à la présence de nombreuses substances chimiques dans les océans.

La France possède des récifs coralliens dans les trois océans tropicaux. Elle est ainsi particulièrement concernée par la protection de ces écosystèmes pour ses territoires ultra-marins.

Pour ce faire, l’Agence recommande de créer ou de renforcer la surveillance et le suivi des substances chimiques ayant un impact sur les récifs coralliens. Compte tenu des différentes aires de répartition des coraux, elle préconise d’intégrer cette surveillance aux conventions de protection du milieu marin applicables aux zones marines concernées (convention de Carthagène, etc.). Pour préserver au mieux les coraux déjà menacés par les effets du dérèglement climatique, l’Anses appelle à limiter les rejets de substances dangereuses à la source par des mesures de gestion : application de restrictions d’utilisation ou d’interdiction de mise sur le marché de produits chimiques dans le cadre des réglementations telles que REACH. Enfin, elle recommande d’améliorer l’implantation et le fonctionnement des réseaux d’assainissement des eaux usées.

Pour la famille des filtres UV, l’expertise a notamment identifié trois substances comme toxiques pour les coraux : l’oxybenzone, l’octinoxate et l’octocrylène. Un certain nombre de produits solaires apposent des mentions ou des pictogrammes mettant en avant leur respect du milieu marin. Ces marquages doivent être soutenus par des études menées sous la responsabilité des fabricants qui les vendent. La présence d’une des substances mentionnées ci-dessus semble incompatible avec la possibilité de bénéficier de telles allégations

Comment protéger cette biodiversité ?

En Outre-mer, certaines collectivités ont plus d’autonomie que les autres pour choisir la façon de protéger leur nature. Toutes sortes de dispositifs sont mis en place par les autorités : au niveau local, national et même international. La Guyane possède ainsi le plus grand parc national de l’Union européenne. La Polynésie est entrain de créer une des plus grandes aires marines protégées au monde. Par exemple, cela fait 26 ans que plus aucune licence de pêche n’est accordée aux navires étrangers, pour réserver la ZEE uniquement aux bateaux de pêche locaux. Autre exemple notable, la ZEE polynésienne étant le plus grand sanctuaire de mammifères marins de la planète depuis 2002, toutes les espèces de requins sont protégés et interdites de pêche.

À ces aires protégées s’ajoutent le travail de nombreuses associations ainsi que des actions citoyennes, c’est le cas notamment en Guadeloupe où à la Martinique.

En outre, pour faire participer les populations, le gouvernement a décidé de créer en 2021, un ,Compteur de biodiversité d’Outre-mer, avec le muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité. Ce site Internet est dédié au partage de la connaissance, à la sensibilisation et au relais des initiatives locales.