Au Brésil : à Rio de Jainero, l’opération policière la plus meurtrière de l’histoire fait 132 morts

Sur une place de Penha, le quartier visé par une méga opération policière contre un puissant gang de narcotrafiquants. (Pablo Porciuncula/AFP)

Horreur et consternation au Brésil. Durant 48h, Rio de Janeiro a vécu des heures sombres, suite à ce qui devait être la plus grosse opération de police de l’histoire de la mégalopole contre le Comando Vermelho. Le raid policier menée mardi 28 octobre dans un ensemble de favelas à Rio a fait au moins 132 morts, dont des dizaines de civils et des policiers.

Quand on évoque Rio de Janeiro, c’est souvent son côté carte postale qui s’impose à l’esprit : la farniente sur les longues plages de Copacabana ou d’Ipanema, une caïpirinha à la main, les corps sculptés par le sport ou la chirurgie, la samba et ses rythmes envoûtants, ou encore le carnaval, l’un des plus spectaculaires au monde.

Mais derrière cette image de rêve se cache une réalité bien plus sombre. Rio, mégalopole emblématique du Brésil membre du BRICS est aussi le théâtre d’une fracture sociale abyssale, où l’extrême pauvreté côtoie la richesse ostentatoire. Ce contraste nourrit la criminalité, les vols violents, les cambriolages et surtout l’influence tentaculaire des gangs armés qui contrôlent de nombreuses favelas.

Parmi eux, le plus redouté reste le Comando Vermelho (ou Commando Rouge), fondé en 1979 à la suite d’une alliance improbable entre détenus de droit commun et militants de gauche emprisonnés sous la dictature militaire. Ce mouvement, d’abord teinté d’idéaux politiques, s’est rapidement transformé en réseau criminel structuré, centré sur le trafic de drogue et d’armes. Depuis les années 1980, le Comando Vermelho règne en maître sur une grande partie des favelas de Rio, imposant sa loi et ses règles à des quartiers entiers..

Mourners gather around bodies, the day after a deadly police operation against drug trafficking at the favela do Penha, in Rio de Janeiro, Brazil, October 29. REUTERS/Ricardo Moraes

Les forces de l’ordre brésiliennes, parmi les plus violentes au monde, mènent régulièrement des opérations pour perturber le trafic de drogue qui alimente non seulement les gangs, mais aussi, indirectement, de nombreuses familles vivant dans ces zones défavorisées sans oublier certains membres corrompus des institutions locales, voire nationales.

À chaque intervention de la police militarisée, la situation dégénère en véritable bain de sang. Car en face, les trafiquants lourdement armés ne se laissent pas faire. C’est exactement ce qui s’est produit entre le lundi 27 et le mardi 28 octobre 2025, lors d’une opération d’une ampleur inédite.

Plus de 2 500 agents ont été mobilisés dans les favelas du nord de Rio, principalement dans les Complexo da Penha et Complexo do Alemão, situés à proximité de l’aéroport international. À l’hôpital Getúlio Vargas, tout proche, les détonations résonnaient jusque dans les couloirs tandis qu’un flux continu de véhicules déposait des corps et des blessés par balles — policiers, présumés trafiquants ou simples habitants pris entre deux feux.

À Vila Cruzeiro, l’une des favelas du Complexo da Penha, des policiers lourdement armés surveillaient une vingtaine de jeunes hommes interpellés. Torse nu, les mains sur la tête, ils étaient assis à même le sol, le regard baissé, serrés les uns contre les autres — image glaçante d’un quotidien de violence sans fin.

A drone views shows mourners gatherering around bodies, the day after a deadly police operation against drug trafficking at the favela do Penha, in Rio de Janeiro, Brazil, October 29. REUTERS/Ricardo Moraes

Dans le détail, au cours de cette mission, 115 criminels présumés seraient morts, ainsi que quatre policiers. Les services du Défenseur public, organe de l’Etat de Rio qui offre une assistance juridique aux plus démunis, comptabilisent même un minimum de 132 morts.

Durant l’intervention policière, des écoles avaient suspendu les cours, les transports publics ont été lourdement perturbés et des milliers d’habitants sont restés coincés, incapables de rentrer chez eux. La vie reprenait progressivement mercredi.

Le gouverneur a aussi annoncé l’arrestation mardi de « 81 criminels », ainsi que la saisie de 100 fusils d’assaut et d’« une énorme quantité de drogue ». Dans une déclaration, 30 organisations de la société civile, dont Amnesty International, ont affirmé que l’opération « exposait l’échec » des politiques de sécurité brésiliennes. L’ONG Human Rights Watch au Brésil a déploré une « énorme tragédie » et réclamé l’ouverture d’enquêtes sur « chaque mort ».

« Beaucoup d’entre eux ont été tués d’une balle dans la nuque, un tir dans le dos », dit Raull Santiago, activiste qui réside dans le quartier.

« On voit des marques de brûlure, des personnes ont été attachées. Certains se sont rendus, mais ont été tués de sang-froid », affirme l’avocat Albino Pereira Neto, qui représente trois familles ayant perdu un de leurs membres. Les corps ont ensuite été enveloppés dans des sacs mortuaires et amenés à l’institut médico-légal.

Le président Luiz Inacio Lula da Silva a été « sidéré » par le nombre de morts, a indiqué son ministre de la Justice Ricardo Lewandowski. Selon lui, le gouvernement fédéral de Brasilia n’était pas au courant de l’opération. D’ailleurs, plusieurs ministres du gouvernement fédéral se sont réunis à Brasilia pour évaluer la situation, décidant qu’une délégation se rendrait à Rio pour une « réunion d’urgence » mercredi. Jusqu’à présent, l’opération policière la plus meurtrière dans cette ville de plus de 6 millions d’habitants, avait eu lieu durant la pandémie de Covid-19, en 2021, quand 28 personnes étaient mortes en une seule journée dans la favela de Jacarezinho.

 En 2024, environ 700 personnes sont mortes lors d’interventions des forces de l’ordre à Rio, soit presque deux par jour.

Jusqu’à présent, l’intervention policière la plus mortelle de l’histoire du Brésil avait eu lieu en 1992, quand 111 détenus avaient été tués dans la répression d’une mutinerie dans une prison à Carandiru, près de Sao Paulo.

Des employés de l’hôpital Getulio Vargas sortent une personne blessée d’un fourgon de police après qu’elle a été blessée lors d’une opération policière contre des trafiquants de drogue présumés dans la favela Complexo do Alemão, à Rio de Janeiro, au Brésil, le mardi 28 octobre 2025. - Silvia Izquierdo/AP/SIPA

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