Scènes de liesse dans la Caraïbe : trois petites nations viennent de réécrire l’histoire du football mondial. Curaçao, modeste État insulaire, décroche pour la première fois son billet pour une Coupe du Monde, tandis que le Panama – mais surtout Haïti – retrouveront l’effervescence des plus grands stades de la planète. Cinquante-deux ans après sa première participation en 1974, Haïti regoûtera enfin à la saveur unique d’un Mondial, celui de 2026, organisé entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.
Si la religion est un opium pour le peuple, le football, lui, en est le remède fulgurant. Il rassemble, transcende, unifie. Dans ses scènes de liesse populaires, il fait vibrer ensemble des supporters pourtant hétérogènes. Et quand ce sont les équipes nationales qui jouent — et qui gagnent, l’émotion devient un phénomène collectif qui dépasse le sport.
Alors que se disputent les derniers matchs de qualification pour la Coupe du Monde 2026, plusieurs nations créent la surprise en renversant des adversaires jugés plus puissants.
Curaçao en est l’exemple éclatant. Ce minuscule État insulaire du sud de la Caraïbe, face aux côtes du Venezuela et peuplé d’à peine 150 000 habitants, a déjoué tous les pronostics. L’État autonome lié au Royaume des Pays-Bas a tenu en échec la Jamaïque (0-0) dans le groupe B, conservant ainsi la tête et devenant le pays le moins peuplé de l’histoire à se qualifier pour une Coupe du Monde. Une première historique pour la “Blue Wave”, qui redonne une fierté immense à une île pourtant secouée par les tensions géopolitiques actuelles entre les États-Unis et le Venezuela. À Willemstad, la capitale, les bars et restaurants débordaient de chants, de drapeaux et de sourires.
Pour la Jamaïque, en revanche, ce nul a été la goutte de trop. Le sélectionneur Steve McClaren, à la tête des « Reggae Boyz » depuis juillet 2024, a annoncé sa démission après avoir échoué à décrocher la qualification directe.
La Jamaïque n’a toutefois pas dit son dernier mot. Deuxième de son groupe, elle figure parmi les meilleurs deuxièmes de la zone Concacaf, tout comme le Suriname. Les deux nations participeront en mars au tournoi de barrages intercontinental, où six équipes — l’Irak, la RDC, la Bolivie, la Nouvelle-Calédonie, le Suriname et la Jamaïque — se disputeront les deux ultimes tickets pour le Mondial.

Même scène de liesse du côté du Panama. Les Panaméens ont dominé le groupe A et bouclé leur campagne par une victoire nette 3-0 contre le Salvador. Ils décrochent ainsi leur deuxième participation à une Coupe du Monde, huit ans après celle de 2018. « Maintenant, personne ne peut nous arrêter », a lancé, visiblement ému, le sélectionneur hispano-danois Thomas Christiansen au coup de sifflet final.
Haïti met fin à 52 ans d’attente !
D’ordinaire, lorsque l’on évoque Haïti, c’est son actualité explosive qui domine : pauvreté extrême, catastrophes naturelles meurtrières, instabilité politique et violence des gangs. L’image de la première République noire, souvent caricaturée, peine à sortir du chaos médiatique. Pourtant, loin de ces clichés, c’est bien par le football qu’Haïti a créé la surprise hier soir.
Au coude-à-coude avec le Honduras avant la dernière journée, les Grenadiers n’avaient pas le choix : battre le Nicaragua pour décrocher leur ticket. Mission accomplie. Malgré l’obligation de jouer tous leurs matches « à domicile » sur terrain neutre, la sélection haïtienne a déjoué les pronostics : victoire 2-0 face au Nicaragua dans le Groupe C du troisième tour, combinée au nul du Honduras contre le Costa Rica (0-0). Résultat : Haïti disputera la Coupe du Monde 2026.
Le groupe n’avait pourtant rien d’une partie de plaisir : le Costa Rica, quart de finaliste du Mondial 2014, le Honduras, habitué de la compétition, et un Nicaragua en pleine montée en puissance. Sous la direction de Sébastien Migné, les Haïtiens ont décroché trois victoires, deux nuls et concédé un unique revers, 3-0 face au Honduras.
Le tournant ? Très probablement ce spectaculaire 3-3 contre le Costa Rica en septembre. Menés 2-0 à la pause, les Grenadiers renversent le match grâce à un triplé express de Duckens Nazon. Quelques semaines plus tard, ils confirment : victoire 1-0 face au même adversaire en novembre. Dans le même temps, le Honduras craque : défaite 2-0 au Nicaragua puis nul au Costa Rica. La voie est libre : Haïti écrit l’histoire.
Les Grenadiers renouent ainsi avec le Mondial, 52 ans après 1974. L’ambition est simple : faire mieux que leurs illustres aînés qui avaient conclu l’aventure par trois défaites, deux buts inscrits et quatorze encaissés. Cette génération, elle, veut décrocher au moins un point – et plus si affinités.

La joie est immense, à la mesure d’un pays profondément meurtri, déchiré par la violence et les tensions politiques. La sélection non plus n’échappe pas à la réalité : de nombreux joueurs sont issus de la diaspora européenne – notamment française – car la situation empêche les talents locaux de s’exporter. Les Grenadiers jouent d’ailleurs toutes leurs rencontres loin de leur territoire.
Parmi les cadres :
- Jean-Ricner Bellegarde et Jean-Kevin Duverne, formés au RC Lens et devenus des piliers de la sélection ;
- Leverton Pierre, passé par Dunkerque, titulaire face au Nicaragua ;
- Yassin Fortuné (FC Vizela), forfait pour cette fenêtre internationale.
Bellegarde a exprimé toute sa fierté sur ses réseaux sociaux. Duverne, blessé ce mois-ci, reste un élément clé du projet.
Pour Haïti, cette qualification dépasse le sport. C’est une bouffée d’espoir, un moment d’unité nationale, une preuve que même au milieu de la tourmente, un pays peut encore rêver et gagner.


Le joueur panaméen Jose Rodriguez
Ces trois pays rejoignent les trois pays hôtes de la future compétitions que sont les Etats-Unis, le Canada et le Mexique membres également de la Concacaf.
À sept mois de la compétition aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada (du 11 juin au 19 juillet), et à deux semaines du tirage au sort, qui sera effectué le 5 décembre à Washington, 42 des 48 participants sont désormais connus. Les six tickets restants seront attribués lors des barrages européens et intercontinentaux, en mars prochain.
Zone Europe (UEFA)
À l’issue des éliminatoires, douze pays ont validé leur billet pour le Mondial nord-américain. Mardi soir, l’Espagne, la Belgique, l’Ecosse, la Suisse et l’Autriche ont été les cinq derniers à décrocher leur précieux sésame, rejoignant ainsi l’Allemagne, l’Angleterre, la Croatie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et, bien sûr, l’équipe de France. Des Bleus qui sont assurés de figurer parmi les têtes de série lors du tirage au sort.
- Les 12 qualifiés: Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Croatie, Ecosse, Espagne, France, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suisse.
- Les 16 barragistes: Albanie, Bosnie-Herzégovine, Danemark, Irlande, Irlande du Nord, Italie, Kosovo, Macédoine du Nord, Pays de Galles, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suède, Turquie, Ukraine.
Zone Afrique (CAF)
- Les 9 qualifiés: Algérie, Afrique du Sud, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Egypte, Ghana, Maroc, Sénégal, Tunisie.
- Le barragiste: RD Congo.
Zone Amérique du Sud (CONMEBOL)
- Les 6 qualifiés: Argentine, Brésil, Colombie, Equateur, Paraguay, Uruguay.
- Le barragiste: Bolivie.
Zone Amérique du Nord et centrale (CONCACAF)
- Les 6 qualifiés: Canada (*), Curaçao, Etats-Unis (*), Haïti, Mexique (*), Panama.
- Les 2 barragistes: Jamaïque, Suriname.
Zone Asie (AFC)
- Les 8 qualifiés: Arabie Saoudite, Australie, Corée du Sud, Iran, Japon, Jordanie, Ouzbékistan, Qatar.
- Les 2 barragistes: Emirats Arabes Unis, Irak.
Zone Océanie (OFC)
- Le qualifié: Nouvelle-Zélande.
- Le barragiste: Nouvelle-Calédonie.

