La plus grande crainte des économistes, des politologues de l’Argentine et du reste du monde s’est concrétisée, Javier Milei, libertarien, antisystème, ultralibéral, militant antiavortement, pro-arme qui avait créé la surprise en août dernier en prenant la tête des sondages et des primaires pour la présidentielle argentine, a remporté le scrutin. Il devient donc le nouveau président de l’Argentine, Il devient donc le nouveau président de l’Argentine, ancienne puissance régionale désormais plus que l’ombre d’elle-même. Il faut dire que le pays est empêtré dans une grave économique et sociale.
Il y a eu les victoires de Viktor Orban en Hongrie, Donald Trump aux Etats-Unis et celle de Jair Bolsonaro au Brésil. Désormais, nous pouvons inscrire l’Argentine dans la liste ( qui se fait grande) des pays qui sont tombés dans l’escarcelle de la mouvance populiste d’extrême droite néolibérale.
Ce que l’on craignait est arrivé. Javier Milei, libertarien, antisystème, ultralibéral, militant antiavortement, pro-arme, qui avait créé la surprise en Août dernier en se plaçant en tête de la primaire de la présidentielle Argentine, a remporté les élections présidentielles après de très longs mois de bataille politique. Il devient donc le nouveau président de l’Argentine, ancienne puissance régionale, grâce à son industrie et son agriculture mais cette élection est un choc pour ce pays qui a vécu des années de plomb durant les différentes dictatures militaires des années 1970-1980.
Avec son style rock’n’roll, ses positions et ses propos volontairement choquants, l’homme détonne. Il envoute, fascine, cristallise. Ce fils d’un homme d’affaires dans les transports de passagers, économiste de formation avec un passage chez HSBC Argentine, aurait même été membre du groupe de politique économique de la Chambre de commerce internationale et du Forum de Davos mais l’homme a toujours été un proche de l’aile la plus à droite du paysage politique argentin en étant conseiller économique du général Antonio Domingo Bussi lorsque celui-ci, mis en cause pour crimes contre l’humanité commis sous la dictature, fut élu député en 1999. Longtemps homme de l’ombre, il connaît une forte médiatisation depuis, 2014 où il est fréquemment invité dans des émissions de télévision et de radio pour livrer ses analyses économiques. Une médiatisation qui lui permet de figurer dans le classement les plus influentes d’Argentine en 2019. A ses heures perdues, il écrit des livres d’économie à succès dans lesquels il présente sa vision pour l’économie argentine. S’il n’écrit pas, il chante du Rock dans plusieurs petits groupes.
Ce lien avec d’anciens cadres de la junte militaire aurait pu interpeller mais loin de là puisque comme nous l’écrivions en début d’article, l’homme s’est imposé dans le débat public ces dernières années au point de déclarer sa candidature, de devenir le candidat favori des argentins toutes catégories sociales lors des Primaires de la présidentielles et aujourd’hui devenir le Président de la République. Lors des Primaires, il avait obtenu 30% des suffrages devançant même des ténors de la politique argentine, comme Patricia Bullrich, 67 ans, qui, dans une primaire indécise à droite, a pris l’avantage sur le maire (centre droit) de Buenos Aires, Horacio Larreta, avec plus de 28 % des voix ; et Sergio Massa, ministre de l’économie du gouvernement sortant.
L’homme de la droite libérale a remporté les élections en obtenant 56,7% des suffrages exprimés. C’est une défaite historique pour le péronisme mouvement de centre gauche fondé au milieu des années 1940 autour de la figure de Juan Perón qui a dominé la vie politique argentine depuis 80 ans et une vraie défaite pour le clan Kirchner dirigée par l’ancienne Première Dame puis Présidente Cristina Fernandez Kirchner.
Javier Milei a surgi dans l’arène politique il y a deux ans en se faisant élire député de la ville de Buenos Aires. Avec son abondante chevelure brune savamment désordonnée à la Boris Johnson, ses favoris et ses yeux bleus, il se fait vit remarquer sur la scène médiatique argentine . En parlant des médias, l’homme aime passer devant les caméras ou sur les ondes des radios locales et nationales. Chacune de ses sorties médiatiques sont assez vite relayées sur les réseaux sociaux argentins.
Populiste à souhait, il se dit fan de Trump et de Bolsonaro. D’ailleurs comme ses deux modèles , il a adopté un discours outrancier qui l’a mené finalement à la présidence de l’Argentine. Dans ses diatribes, il ne manque pas d’attaquer la classe politique, tous bords confondus. Par exemple dans sa vidéo de lancement de campagne: «Tremblez, politiques. Continuez à mentir aux gens, bandes de délinquants, voleurs. Notre plan ne vous plaît pas… C’est parce que vous n’allez plus pouvoir voler, vous allez devoir travailler comme d’honnêtes personnes.»
Se revendiquant de l’école autrichienne, l’économiste argentin se situe dans la mouvance libertarienne, estimant qu’il faut réduire l’État à son minimum pour laisser la liberté aux citoyens et aux initiatives économiques. Défenseur de toutes les libertés individuelles, telles que le mariage homosexuel, la légalisation de toutes les drogues, il défend notamment la liberté de vente d’armes. Dans son profond libéralisme, l’homme de droite veut libéraliser la vente d’organes. Sa soif de liberté s’arrête en ce qui concerne l’avortement. Il veut revenir sur la loi votée en 2020 qui donnait libre accès aux femmes à l’interruption volontaire de grossesse. A ce sujet justement, il souhaite organiser un référendum sur le sujet et considère l’interruption volontaire de grossesse comme un meurtre. « Evidemment, la femme a les droits sur son corps, mais l’enfant n’est pas son corps », estime-t-il. D’autre part, l’homme nierait l’existence d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes, malgré un écart qui atteint 27,7% en Argentine. « Si les femmes gagnaient moins que les hommes, les entreprises en seraient remplies, car les patrons veulent gagner de l’argent ! », a-t-il lancé lors d’un débat télévisé au mois d’octobre.
Il revendique ses affinités avec l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro. Par dessus tout, il veut supprimer à terme la Banque centrale, dollariser l’économie argentine, dégraisser l’administration à coup de tronçonneuse. Toutefois, les opposants affirment que les propositions de Milei sont irréalistes. Il s’agit notamment du projet de dollarisation de l’économie, auquel la plupart des Argentins sont opposés en dépit de la dépréciation rapide du peso et de la forte inflation. Une parité dollar-peso introduite pour des raisons similaires dans les années 1990 a apporté des avantages à court terme, mais s’est soldée par une dévaluation peu glorieuse.
A l’image de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro, Javier Milei est un climatosceptique convaincu. Selon lui, les conséquences du réchauffement climatique ne sont pas dû aux activités humaines, question climatique qu’il associe à un complot émanant des socialistes. « Il existe, dans l’histoire de la Terre, un cycle de températures », avait-il aussi déclaré début octobre lors de la campagne présidentielle. Celui qui affirme qu’il « n’y aura pas de marxisme culturel » sous sa présidence avait alors exprimé son refus d’adhérer à l’agenda 2030 de l’ONU, qui prévoit un programme de 17 objectifs de développement durable à atteindre d’ici la fin de la décennie. Libertarien, le nouveau président argentin est allé jusqu’à défendre l’idée de privatiser des fleuves en Argentine, rapporte le quotidien. « Si l’eau se fait rare, elle arrête de ne rien valoir et alors un commerce commence, et vous allez voir comment la pollution [des entreprises] se termine », a-t-il notamment déclaré pendant la campagne.
En ce qui concerne, l’histoire tragique argentine du XXe siècle, Javier Milei qui comme nous le disions est un proche d’anciens cadres de la Junte militaire verrait l’histoire de sa nation d’un tout autre oeil. En effet, comme le souligne nos confrères de France Info, pendant la campagne présidentielle, les propos tenus par Javier Milei sur la dictature militaire ont choqué, laissant entendre une révision de l’histoire de cette période (1976-1983). « Pendant les années 1970, il y a eu une guerre. Et pendant cette guerre, les forces de l’Etat ont commis des excès », a-t-il déclaré début octobre. A ce sujet, Le président élu a également contesté le bilan des morts et des disparus (environ 30 000 personnes selon les organismes des droits humains) pendant ces années noires de l’histoire argentine. Javier Milei divise également avec sa proposition d’une justice « équitable » pour les militaires en détention préventive, dans le cadre des 360 procédures en cours pour crimes pendant la dictature.
Durant la campagne, il a promis de refaire de l’Argentine une « puissance », comme lorsqu’elle était « terre promise » de l’émigration européenne, au début du XXe siècle. Un thème de « grandeur retrouvée » qui n’est pas sans rappeler Donald Trump ou Jair Bolsonaro.
Intelligent, il l’a été puisque, l’économiste a surfé sur la colère générale contre les résultats économiques du président péroniste Alberto Fernandez catastrophiques. L’inflation dépasse les 100 % annuels, la récession menace. 40 % des 46 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté et 51 % reçoivent une forme d’aide de l’État.«Les exportations ont chuté, notamment à cause de la sécheresse et cela met notre économie dans une situation préoccupante, analyse l’économiste Luis Palma Cane.
L’ascension de Milei reflète une tendance régionale plus large de ces dernières années où l’on a vu des politiciens latino-américains s’écarter du courant dominant pour s’engager à rompre le statu quo. Ce fut le cas au Brésil, en Colombie, au Pérou et au Chili. En pleine campagne, le leader libéral avait déjà annoncé la couleur de ce que serait sa politique internationale. Il avait traité de « communiste corrompu », son voisin Lula, le président brésilien. Il avait également dit qu’il ne collaborerait pas avec Nicolàs Madùro du Venezuela tout en définissant ses potentiels futurs alliés :
« Je ne ferai pas d’affaires avec des communistes. Je suis un défenseur de la liberté, de la paix et de la démocratie[…] nos alliés sont « les États-Unis, Israël et le monde libre ».
Javier Milei-candidat et Président de l’Argentine.
Pourtant, il devra forcément se réconcilier avec le Brésil et la Chine, les deux premiers partenaires commerciaux de l’Argentine.