L’ex-président Dési Bouterse est une personnage d’histoire controversé. L’homme qui a pris le contrôle du Suriname indépendant des Pays-Bas a été condamné par la Haute Cours de Justice de son pays à 20 ans de prison pour l’exécution par balles d’opposants du temps où il dirigeait l’unique pays néerlandophone d’Amérique Latine. La Haute Cour a confirmé en appel un verdict datant de 2019, mais n’a donné aucune instruction quant à l’arrestation de l’ancien président, laissant planer le doute sur l’application de la peine.
Il aura fallu quarante et un ans pour que la justice soit dite. Mercredi 20 décembre, la condamnation à vingt ans de prison de l’ancien président du Suriname Dési Bouterse, prononcée en 2019, a été confirmée en appel par la Haute Cour. L’ancien dictateur était jugé pour l’exécution par balle de quinze opposants – avocats, journalistes, hommes d’affaires, militaires – en décembre 1982.
M. Bouterse, 78 ans, parvenu au pouvoir à la suite d’un putsch en 1980, cinq ans après l’accession de ce petit pays sud-américain à l’indépendance, n’était pas présent à l’audience. Le tribunal n’a donné aucune directive quant à son arrestation, laissant planer le doute sur l’exécution de la peine. Le gouvernement a précisé dans un communiqué qu’il n’y avait « pas d’emprisonnement immédiat » et a appelé « l’ensemble de la population, et en particulier les sympathisants [de l’ancien président], à respecter et à accepter la décision de justice ».
« Les juges du Suriname qui ont rendu la décision d’aujourd’hui et ceux qui ont prononcé la condamnation initiale alors que Bouterse était encore président devraient être félicités pour leur courage et leur indépendance », a posté sur le réseau X, depuis Paramaribo, Reed Brody, de l’ONG Commission internationale de juristes, basée à Genève.
Mercredi matin, les autorités avaient déployé un important dispositif policier dans le centre de la capitale, près du tribunal, dont les abords avaient été interdits au public pour éviter des regroupements. Les écoles du secteur avaient été fermées. « Le gouvernement considère le jugement comme le début d’un processus de guérison, ont indiqué les autorités dans le communiqué. (…) Le verdict d’aujourd’hui est une étape importante sur cette voie. Avec la population, le Suriname travaillera à la guérison, à la réconciliation et à l’avènement d’une société juste pour tous. »
Désiré Delano Bouterse, dit Desi Bouterse, conserve une popularité importante auprès des classes les plus défavorisées. Les autorités craignaient des émeutes après cette décision, lorsqu’en février des centaines de manifestants ont tenté de prendre d’assaut le Parlement, accusant l’actuel président du Suriname, Chandrikapersad Santokhi – qui a battu M. Bouterse lors de l’élection présidentielle de 2020. Des commerces ont également été pillés. Mais mercredi, après l’annonce de la décision, les rues de Paramaribo sont restées calmes.
Samedi 16 décembre, des milliers de partisans de Dési Bouterse se sont rassemblés au siège de son parti, le Parti national démocrate (NDP), avec pour slogan « Bouta gratuite » (« Bouta libre »), tandis que l’ancien putschiste avait appelé à la sérénité : « Ne causons pas de problèmes, nous sommes des gens civilisés. Nous tiendrons jusqu’aux élections de 2025.» a-t-il déclaré, tout en prévenant que les choses pourraient toujours “glisser”.
Auteur de deux coups d’Etat, Desi Bouterse, ancien homme fort de l’armée, a été élu président du Suriname en 2010 et l’est resté jusqu’en 2020.
Après sa condamnation à 11 ans de prison en 1999, Interpol avait émis un mandat d’arrêt contre lui aux Pays-Bas pour trafic de cocaïne. Son statut de dirigeant l’a cependant protégé de l’extradition.