Le monde de la culture pleure Jacques Martial

Jacques Martial n’est plus. Grande figure incontournable du théâtre, du cinéma Français et de la mémoire de l’esclavage, l’ancien directeur du Mémorial Acte s’est éteint à l’âge de 69 ans. Acteur, doubleur et homme politique engagé, il laisse derrière lui une œuvre marquée par l’exigence artistique et la défense des cultures ultramarines.

Le monde des arts et de la culture ultramarin et même Français est encore sous le choc. Jacques Martial est décédé dans la nuit du 12 au 13 août des suites d’une longue maladie, à l’âge de 69 ans. Comédien et homme politique, le Guadeloupéen était hospitalisé depuis 4 mois. De son vivant, il s’est illustré dans le théâtre, la comédie ainsi que dans le cinéma.

Jacques Charles Victor-Emmanuel Martial est né le 7 mai 1955 à Saint-Mandé, en région parisienne, de parents guadeloupéens. Dès son enfance, il est exposé à diverses cultures, notamment durant des séjours en Guadeloupe, en Guyane, au Congo et à Madagascar, en raison des affectations militaires de son père.

 Si c’est à Brazzaville que le petit Jacques apprend à lire, c’est en Guadeloupe qu’il découvre les auteurs qui marqueront plus tard son parcours d’homme et de comédien : Aimé Césaire, Maryse Condé ou Sony Rupaire, autant de noms qui résonnent dans son Panthéon personnel.  

Dès la petite enfance, il découvre la Guadeloupe où il reviendra régulièrement. C’est plus tard qu’il lira Sony Rupaire, Aimé Césaire ou encore Maryse Condé, etc., qui lui permettront de disposer de clefs pour accéder à d’autres dimensions de la culture guadeloupéenne, antillaise et caribéenne.

 Jacques Martial a mené une part importante de sa carrière au théâtre, à la fois dans l’enseignement, la mise en scène et le jeu. Il commence sa formation à l’atelier de Sarah Sanders, avant de devenir son assistant. Leur collaboration durera plusieurs années au cours desquelles il enseignera les auteurs du répertoire, de Racine à Shakespeare, et les contemporains, de Césaire à Pinter et à Jean-Louis Bourdon ou à Koltès. Dans le même temps, il met en place et anime à Cayenne une série de stages de formation et de développement d’acteurs.

Si le film Noir et Blanc, de Claire Devers, 1ère Caméra d’Or du Festival de Cannes en 1986 ou le Maître d’école, de Claube Berri avec Coluche, la série Navarro aux côtés de Roger Hanin… ont contribué à le faire connaître du grand public, il a surtout prêté sa voix à de nombreux acteurs américains tels que Denzel Washington,  Samuel L. Jackson, Laurence Fishburn, Ving Rhames ou encore Wesley Snipes.

Loin d’être cantonné au monde du théâtre et du cinéma, dans le domaine politique parisien, Jacques Martial avait été le président de l’Établissement public du parc de la grande halle de la Villette entre 2006 et 2015. Il choisi de quitter ses fonctions de l’établissement public et culturel de la Villette pour devenir le premier président du Mémorial ACTe, le Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage, qui fête ses 10 ans cette année. Il restera à la tête de la structure jusqu’en 2019.

Le Guadeloupéen est fait chevalier de la Légion d’honneur en 2006, une décoration qui vient récompenser ses 29 années d’activités artistiques. Il est ensuite promu au grade d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2015.

En 2020, il est nommé conseiller délégué aux Outre-mer à la mairie de Paris avant d’être nommé adjoint de la maire Anne Hidalgo en 2022. 

Après l’annonce de sa mort, les hommages et les réactions se succèdent.

Jacques Martial a défendu avec passion sa vision de la culture, mais aussi la place des Outre-mer dans les politiques publiques françaises. L’annonce de son décès a déclenché une série de réactions sur « X ». Tous décrivent un homme charmant et engagé et un comédien passionné et rigoureux.

Sur son compte Instagram, Anne Hidalgo a salué la mémoire de celui qu’elle décrivait comme son « ami« , lui qui était son adjoint en charge des Outre-mer depuis 2022. La Maire de Paris écrit : « Jacques aimait décrire les Outre-mer non pas comme le bout du monde, mais comme le bout de la France. Il nous invitait à regarder et aimer l’hexagone à partir des Outre-mer, fenêtres ouvertes sur les autres continents et sur le monde ».

« Engagé, il a consacré sa vie à la lutte contre le racisme, à la mémoire de l’esclavage et à la valorisation des artistes ultramarins », poursuit-elle.« Nous lui devons de nombreux projets emblématiques, comme la statue de Solitude, le jardin Toussaint Louverture ou encore la statue de Paulette Nardal rue de la Chapelle »,rappelle-t-elle.

Audrey Pulvar, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts, se rappelle sa rencontre avec « son grand frère guadeloupéen« , il y a une vingtaine d’années. « On se taquinait souvent. Je lui disais ‘Tu es Guadeloupéen, personne n’est parfait.’ Et moi, j’étais sa petite sœur martiniquaise. (…) C’était un être solaire et c’était un géant, physiquement et dans son attitude et ses engagements« , raconte-t-elle.

 » Mon ami, mon grand frère, guerrier Guadeloupéen, quelle chance la vie m’a accordée en me donnant le privilège de te connaître ! Géant à la voix si douce quand tu t’adressais à plus vulnérable que toi, aux accents de tonnerre quand il fallait combattre. Toi la stature, toi l’élégance, toi le sourire, le rire grand, le fraternel, toi l’érudition, toi jamais blasé devant toute manifestation de la Beauté. Notre amitié, sa tendresse et sa longévité font partie de ces présents qui vous aident à grandir. Tu me manques. Avec ton départ, le cahier résonne d’encore plus loin. Repose en paix, Jacques Martial. « 

Le sénateur de Guadeloupe, Dominique Théophile, salue la mémoire d’« un homme de culture profondément engagé, de conviction, un pont entre cultures et mémoires ».

La députée de la Martinique garde de Jacques Martial l’image d’un homme généreux de son temps et de ses idées, fidèle à ses engagements et à ses amitiés.

Homme d’une vaste culture, Jacques Martial savait transmettre son savoir sans jamais l’imposer. Son érudition se mêlait à une personnalité truculente, pleine d’humour et d’humanité. Il parlait avec la même passion de théâtre, de cinéma, de politique ou de la vie quotidienne. Et chacun repartait de ses conversations avec quelque chose à méditer. Attaché aux Pays des océan dits des Outre-mer, il en connaissait les richesses comme les défis et n’a cessé, tout au long de sa vie, de les défendre et de les mettre en valeur. Il en a fait son combat, aux côtés de la maire de Paris, où il a œuvré avec conviction pour que nos cultures, nos histoires et nos enjeux soient mieux connus et reconnus. Face à la maladie, Jacques a fait preuve d’une force remarquable. Il a affronté cette épreuve avec dignité, courage et lucidité, sans jamais perdre son goût pour les échanges et son attention aux autres.

Le préfet de la région Guadeloupe exprime sa profonde tristesse à l’annonce du décès de Jacques Martial, survenu ce mercredi (13 août).

Isabelle Vestris, la nouvelle directrice générale du MACTe, explique que c’est avec une profonde émotion que les équipes du Mémorial ACTe, le président du conseil d’administration, l’ensemble des administrateurs et elle-même ont appris le décès de Jacques Martial, qui fut président du Mémorial ACTe de 2015 à 2020.

Ses amis du cinéma lui rendent aussi hommage. C’est notamment le cas de la Guadeloupéenne Firmine Richard, avec qui il a collaboré dans la série Wish en Guadeloupe. « Jacques fait partie de ceux qui ont représenté les Antillais au cinéma, il a marqué toute une génération. […] Le décès d’un homme comme Jacques, ça touche tout le monde. Nous avions encore des projets, donc ça fait très mal« , confesse-t-elle.

La communauté ultramarine pleure cet homme emblématique. « Jacques Martial, c’était un homme qui œuvrait pour la communauté ultramarine. On perd quelqu’un qui au niveau culturel a fait pas mal de choses, comme être président du Mémorial ACTe en Guadeloupe », réagi l’Antillais Samuel Fereol assistant adjoint au ministère de la Jeunesse et des sports et militant associatif. « C’était pour moi l’un des premiers noirs que je voyais jouer le rôle de policier, […] c’était marquant pour nous, un flic antillais. C’est mon souvenir que j’ai de ce Monsieur« , se rappelle-t-il.

Jacques Martial en quelques dates

1977 : Prend ses premiers cours de théâtre et joue avec le Théâtre Noir
1983 : Fonde l’association Rond Point des Cultures
1998 : Porte parole du collectif Egalité
2000 : Créé sa compagnie de théâtre : la Compagnie de la Comédie Noire.
2003 : Metteur en scène et interprète de « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire.
2006 : Directeur de la Grande Halle de la Villette.
2015 : Président du Mémorial ACTe.
2020 : Conseiller délégué aux Outre-mer à la mairie de Paris
2022 : Adjoint de la maire Anne Hidalgo

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