Durant quatre cent ans, l’Afrique a été saignée à blanc. Des millions de ses enfants sont partis de force vers les terres d’Amérique afin d’abreuver les bouches occidentales. Six pays se sont adonnés à ce trafic juteux et se sont enrichis sur le malheur de millions d’êtres humains. Parmi eux, la France. Petit récapitulatif des dates clés de l’histoire de l’esclavage pratiqué en France.
12 à 18 millions. C’est le nombre estimé d’Africains déportés depuis l’Afrique Subsaharienne vers les Amériques, entre le milieu du 17ème siècle et les années 1850. Si la pratique de l’esclavage n’est pas apparue avec les Européens, ce sont bien eux qui ont initié et organisé la traite transatlantique jusqu’à étendre le commerce des humains à des régions d’Afrique dont il était absent. Basé sur une idéologie éminemment raciste, le système esclavagiste est avant tout un commerce extrêmement lucratif, tant pour les négriers que pour l’État.
Durant quatre cent ans, l’Afrique a été saignée à blanc. Des millions de ses enfants sont partis de force vers les terres d’Amérique afin d’abreuver les bouches occidentales. Quatre cent ans de misère, de racisme, de violence, de travail forcé pour le plus grand plaisir du Royaume-Uni, de la France, du Portugal, de l’Espagne et des Etats-Unis. Pays qui se sont enrichis considérablement tandis que l’Afrique, les Caraïbes et les populations noires des USA sont encore très pauvres.
Avec plus de 1,6 millions d’esclaves africains transportés vers les Antilles, la France est clairement un acteur majeur dans le commerce d’esclave. Ses ports négriers contribuèrent grandement aux progrès économiques du pays au XVII° siècle. Beaucoup de ses villes de la côte ouest, comme Nantes, Lorient, La Rochelle et Bordeaux, construisirent leur richesse grâce aux principaux bénéfices du commerce triangulaire. Entre 1738 et 1745, de Nantes, leader des ports négriers de France, 55 000 esclaves furent embarqué, dans 180 navires, pour le Nouveau Monde. De 1713 à 1775, près de 800 navires négriers partirent de Nantes. Le revenu et les taxes de la production de sucre esclavagiste sont devenus une source importante du budget national français. Chaque année, plus de 600 bateaux visitèrent les ports d’Haïti pour transporter son sucre, café, coton, indigo, cacao et consommateurs européens. Avec la Révolution de 1789, de grands changements politiques s’opèrent sur le territoire, sauf dans les territoires d’Amérique (Haïti, Guadeloupe) et l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion). La demande d’émancipation des noirs commencera à Saint Domingue, où les mulâtres et métisses demandèrent les même droits que les blancs. Droit qu’on leur accorda rapidement. Face à cela, les noirs entamèrent des révoltes sanglantes pour la reconnaissance de leur droit. Il faudra attendre le 4 Février 1794 pour que la Convention, abolisse enfin l’esclavage dans toutes les possessions françaises. Cette décision aura des conséquences politiques dans les îles à sucre. Sur une proposition des députés René Lavasseur, Delacroix et Danton, l’esclavage est aboli sur tout le territoire de la République Française. A la tribune, les représentants de Saint-Domingue, principale colonie française, sont ovationnés. La loi du 16 pluviôse an II sera transgressée dès 1799 quand la traite reprendra au Sénégal. En 1802, le Premier consul Napoléon Bonaparte rétablira l’esclavage en France, ce qui aura des conséquences politiques : Saint Domingue prend son indépendance après des années de guerre en 1804 tandis qu’à la Guadeloupe, Delgrès, Ignace et les soldats noirs mourront pour leur liberté. L’esclavage sera définitivement abolit en 1848.
Fini le temps du déni historique. Chaque année, au mois de Mai, la France rend hommage aux victimes de l’esclavage et de la traite négrière. Ainsi, il existe pas moins de sept dates d’abolition de l’esclavage, principalement dans les DOMS, institués en 1983 et ils sont fériés. Ils diffèrent d’un DOM à l’autre: le 27 mai en Guadeloupe, le 22 mai en Martinique, le 10 juin en Guyane, le 20 décembre à la Réunion et le 27 avril à Mayotte.Ces jours fériés ont été institués par une loi de 1983. Après une demande des assemblées locales, entérinée par Mitterrand après son arrivée au pouvoir. Une circulaire détermine ces jours en fonction de jours historiques.
Il faudra attendre la loi Taubira de 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La loi prévoit qu’«en France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation la plus large». Cette date ne fut fixée que cinq ans plus tard, en 2006. Et après de multiples réflexions qui ne furent pas sans susciter des polémiques, c’est le 10 mai qui fut retenu: 10 mai pour 10 mai 2001, jour de l’adoption en dernière lecture au Sénat de la loi Taubira. Petit récapitulatif des dates clés de l’histoire de l’esclavage en France.
17e siècle : Esclavage légal.
1642 : Louis XIII autorise la traite des Noirs.
1672 : Une ordonnance royale encourage la traite privée en accordant aux négriers une prime de treize livres par « tête de nègre » importé des colonies.
Mars 1685 : Louis XIV édicte le Code noir, qui réglemente la vie des esclaves dans les colonies françaises. L’Article 44, notamment, dénie tout droit juridique et officialise le statut des esclaves comme des « biens meubles », que l’on peut posséder, vendre ou échanger. D’autres articles légitiment le châtiment corporel et la peine de mort.
18e siècle : entre développement continu et éveil des consciences
1766 : Dans un article intitulé « Traite des nègres » paru dans « l’Encyclopédie, dictionnaire raisonné des arts des sciences et des métiers », Louis Jaucourt écrit : « Cet achat de nègre pour les réduire en esclavage est un négoce qui viole la morale la religion, les lois naturelles, et tous les droits de la nature humaine. »
1780 : Des organisations antiesclavagistes voient le jour, avec pour but de propager leurs idées humanistes.
26 août 1789 : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le cas des colonies n’étant pas mentionné, elle ne s’y applique pas.
1791 : Des révoltes éclatent à Saint-Domingue, colonie française des Antilles. Composé à 90% d’esclaves, ce territoire est surnommé le « moulin à broyer les nègres ». Esclaves noirs et affranchis dont la vie est régie par le Code Noir revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs.
28 septembre 1792 : La Constituante abolit l’esclavage en France (mais toujours pas dans les colonies).
4 février 1794 : Le décret d’émancipation et d’abolition de l’esclavage adopté par Robespierre et les membres de la Convention est enfin étendu aux colonies françaises.
19e siècle : le temps des révoltes et des prises de conscience.
20 mai 1802 : Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage par décret. Dans le même temps, il mène une répression intense dans les colonies françaises, notamment en Guadeloupe et en Guyane. Toussaint Louverture, figure de la révolution des esclaves à Haïti, est arrêté.
1er janvier 1804 : Haïti devient la première République noire du monde. L’indépendance est proclamée sous la direction de Jean-Jacques Dessalines. Les anciens esclaves ont vaincu l’armée napoléonienne.
1807 : La suppression de la traite négrière est votée en Angleterre.
1814 : La France s’engage, par le Traité de Paris, à unir ses efforts à ceux de la Grande-Bretagne pour abolir la traite. En théorie seulement, car des navires négriers continuent d’affluer jusqu’en 1830.
1832 : la France accorde aux mulâtres et Noirs libres l’égalité civile et politique.
1834 : Création de la « Société française pour l’abolition de l’esclavage » à Paris.
27 avril 1848 : Promulgation du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises sous l’impulsion de Victor Schoelcher, sous-secrétaire d’État aux colonies
22 mai 1848 : Proclamation du décret d’émancipation en Martinique (74 000 esclaves émancipés).
27 mai 1848 : Proclamation du décret en Guadeloupe (87 000 esclaves émancipés).
10 août 1848 : Proclamation du décret en Guyane (environ 13 000 esclaves émancipés).
20 décembre 1848 : Proclamation du décret à la Réunion (62 000 esclaves émancipés).
30 avril 1849 : Vote de la loi qui fixe le montant des indemnisations aux colons. On verse aux anciens propriétaires d’esclaves par l’État français plus de 126 millions de francs, soit l’équivalent de 4 milliards d’euros aujourd’hui.
20e siècle : à défaut de réparations, un devoir de mémoire :
23 mai 1998 : Commémoration pour les 150 ans de l’abolition. Une marche silencieuse réunit 40 000 personnes dans les rues de Paris réclamant la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité.
10 mai 2001 : La loi n°2001-434 du Parlement français, dite loi Taubira « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité » est votée par le Parlement, avant d’être promulguée le 21 mai suivant. En 2006, Jacques Chirac fera du 10 mai la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.
15 mai 2013 : Une redéfinition de l’esclavage est inscrite dans le code du travail : « Le fait d’exercer sur une personne les attributs du droit de propriété ou de la maintenir dans un état de sujétion continuelle en la contraignant à une prestation de travail, ou sexuelle, ou la mendicité, ou toute prestation non rémunérée »
10 Mai 2015 : inauguration du Mémorial Acte ou « Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la Traite et de l’Esclavage » en Guadeloupe
source : JeuneAfrique