Chose promise chose due, les autorités françaises ont officiellement retiré à l’activiste franco-béninois Kemi Seba, sa nationalité française. Très critique vis-à-vis des relations entre la France et l’Afrique, celui qui fut à la tête de la Tribu Ka et ancien membre de la Nation of Islam est accusé de faire des actes contraires aux intérêts de Paris comme ceux d’entretenir des liens très étroits avec des pays sulfureux comme le Venezuela, l’Iran des Ayatollahs et la Russie de Vladimir Poutine.
Stellio (Stélio) Gilles Robert Capo Chichi plus connu sous le nom de Kemi Seba est une star des réseaux sociaux. Mi influenceur, mi activiste, autant dire que partout où il passe, les foules panafricaines se déplacent par centaines voire par milliers et ce même si elles ne parlent pas le français. Digne des plus grandes messes évangéliques. La preuve, très récemment, le leader panafricaniste a fait une immense tournée planétaire, telle une rockstar, qui l’a mené durant un an aussi bien au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, dans plusieurs pays d’Afrique Francophone ainsi qu’en France et ses territoires d’Outremer de la Guadeloupe, Martinique, Guyane. La tournée l’a aussi amené vers des destinations inattendues comme la Colombie, Cuba, l’Afrique du Sud, le Venezuela, l’Iran, la Russie. Bref, la notoriété de Kemi Seba n’est plus à redire mais elle ne date pas d’aujourd’hui.
En effet, celui qui est né à Strasbourg en 1981 a commencé son militantisme il y a plus de deux décennies et c’est en France, pays qu’il critique ouvertement que tout a commencé quand il rejoignit la branche francophone de la Nation of Islam lors d’un voyage à Los Angeles en 1999. Ce qui lui permis de perfectionner ses bases militantes, doctrinales, idéologiques et surtout ses capacités d’orateur qui feront de lui le leader charismatique que l’on connait de nos jours. Adepte des préceptes du fondateur de la secte politico-religieuse fondée par Wallace Fard Muhammad, il prôna pendant longtemps la « revalorisation de la race noire » qui passe, selon Elijah Muhammad, successeur de Fard Muhammad et principal idéologue de la Nation of Islam, par la séparation avec les Blancs vus comme les oppresseurs naturels des Noirs du fait de l’histoire coloniale qui lie les deux ethnies.
Passionné par l’histoire révisée de l’Egypte ou plutôt, l’histoire de l’Egypte vu par les Kémites, il renie l’islam et l’ensemble des religions abrahamiques pour embrasser la spiritualité ou si on peut l’appeler comme cela, la religion Kémite. C’est à partir de ce moment que le personnage Kemi Seba commence à faire parler de lui à travers, premièrement, le parti Kémite qu’il participe à structurer en 2002, mais il finit par le quitter, jugeant le parti extrémiste noir trop ouvert sur les autres avec la présence de noirs pratiquants les religions du livre. C’est d’ailleurs cette année-là qu’il opte pour le pseudonyme de Kemi Seba qui signifie » Etoile Noire « .
Deux ans après son départ du mouvement, soit en 2004, sa notoriété médiatique grossit lorsqu’il créé et devient porte parole de la » Tribu Ka » qui se voulait être un mouvement de défense des intérêts des afrodescendants nés en France et donc réservé exclusivement aux personnes noires. Accusé à plusieurs reprises de véhiculer des discours à caractère racistes, l’association est finalement dissoute par le Conseil des ministres le 26 juillet 2006 pour cause d’incitation à la haine raciale. L’une des plus grandes polémiques qui entourne le groupuscule noir est et restera son soutien à Youssouf Fofana, cerveau et auteur du meurtre horrible d’Ilan Halimi « Que notre frère [Fofana] soit coupable ou pas, nous vous prévenons que si d’aventure, il vous prenait l’envie d’effleurer ne serait-ce qu’un seul [de ses] cheveux au lieu de lui laisser avoir un procès équitable, nous nous occuperons avec soin des papillotes de vos rabbins ». C’est durant cette période que Kémi Seba radicalise son discours en invitant tous les Noirs de France à la quitter pour venir s’installer en Afrique, à ne pas se métisser et refuser l’intégration à la nation française. C’est à partir de là que les médias commencèrent à s’intéresser un peu plus à celui qui invitait les noirs de France à se protéger contre les violences commises à leur encontre. Un appel soldé par une action, toujours en mai 2006 où des membres de son groupuscule se rendirent dans le quartier juif de la rue de Rosier dans le 4e arrondissement de Paris pour en découvre avec les groupes sionnistes radicaux du BETAR et de la Ligue de Défense Juive. Ce qui conduisit les autorités de l’époque à dissoudre son mouvement comme le stipule la loi sur les groupes de combat et milices privées.
A plusieurs reprises, il tenta de recréer la Tribu Ka sous différentes appellations » Génération Kemi Seba » ou » Jeunesse Kémi Séba » mais à chaque tentative, elle fut interdite et dissoute. Une interdiction suivie évidemment d’une condamnation le 1er avril 2008 où il fut condamné pour avoir tenté de recréer illégalement la Tribu Ka sous l’appellation Génération Kémi Séba. Il écopa d’une peine de six mois de prison dont deux ferme ainsi que d’un an de privation de ses droits civiques, civils et de famille. Cependant, loin de s’arrêter à ces premiers faits d’armes, Kemi Seba poursuivit son activisme en créant un nouveau mouvement nommé les » Damnés de l’impérialisme ». Un nouveau mouvement sulfureux qui sur le papier semblait ouvert puisque contrairement aux précédentes organisations qu’il a fondées, l’adhésion à ce mouvement n’est pas limitée aux personnes noires car à cette création il déclarait avoir abandonné l’« afrocentricité » pour l’idéal plus « universel » du panafricanisme. Toutefois, il sera de nouveau sous les feux de la critique en se voyant accusé d’entretenir des liens trop étroits avec les mouvements néonazis et islamistes. Encore une fois, il sera accusé d’inciter à la haine raciale et l’antisémitisme à travers les discours qualifiés de complotistes et d’antisémites et du fait de la présence dans l’association de personnages controversés comme le Blogger d’extrême droite Boris Lellay ou encore Salim Laibi islamiste et complotiste. Finalement, les Damnés de l’Impérialisme cessa toutes ses activités en 2010.
Dans une énième tentative de revenir sur le devant la scène, Kémi Séba intégra en 2010, l’organisation New Black Panther Party basée à Washington aux USA. Mais contre toute attente, l’activiste joint les actes à la parole et décide de quitter la France pour retourner en Afrique et c’est d’abord au Sénégal qu’il s’installe avant d’opter pour le pays de ses origines, le Bénin. En Afrique, Kémi Séba trouva un écho à ses propos anti-France et sa notoriété ne fit que grandir. A chacun de ses déplacements, il se disait anti-colonialiste, n’hésitant pas à critiquer ouvertement la France et sa politique en Afrique, invitant les Africains, notamment la jeunesse à prendre son destin en main en se débarrassant de la présence française. On se souvient tous de ce geste plus que symbolique fait en septembre 2017, où il brûla un billet de Franc CFA pour dénoncer le manque de souveraineté monétaire des pays d’Afrique Francophone ce qui conduisit les autorités sénégalaises à l’expulser vers la France car il fut considéré comme « une menace grave pour l’ordre public ».
C’est à partir de ce moment que Kémi Seba entre dans le collimateur de plusieurs services de renseignements occidentaux et africains qui l’accusent d’entretenir des liens plus qu’étroits avec le Venezuela d’Hugo Chavez puis de Nicolas Maduro, l’Iran des Ayatollahs mais surtout avec la Chine communiste et la Russie de Vladimir Poutine, deux pays qui cherchent à accroitre leur zone d’influence sur le continent. Plusieurs pays d’Afrique l’accusant de mener des opérations de déstabilisation économique, monétaire et politique. Un activisme qui a longtemps déplu à Paris. Depuis quelques années, il était devenu, un véritable relais de l’influence russe en Afrique pour son million d’abonnés sur Facebook, notoirement opposé à la présence de militaires français en Afrique subsaharienne, notamment au Mali. Il a notamment publiquement soutenu l’arrivée de mercenaires du groupe Wagner, dans une conférence de presse au Mali, en septembre 2021.
D’ailleurs à ce sujet, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait exprimé son mécontentement alors que l’activiste panafricaniste participait à un forum sur la multipolarité à Moscou en février après un passage remarqué en Guadeloupe et en Guyane dans le cadre de sa tournée panafricaine. Le Ministère avait déclaré l’ouverture d’une procédure de déchéance de la nationalité, chose qui ne s’est faite qu’après la Seconde Guerre Mondiale avec les procès des collaborateurs dont quelques uns furent privés de leur nationalité. Le militant afrocentriste avait confirmé avoir été notifié de la démarche du ministère français de l’Intérieur qui l’accusait de « posture résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français et de nature à caractériser une déloyauté manifeste », mais aussi de « divers agissements destinés à attiser, dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, un sentiment anti-français », et d’inciter à la rébellion contre des autorités locales « jugées proches des autorités françaises ». Interrogé par différents médias lors de son passage en France, il affirmait qu’il utilise peu son passeport français et que la procédure du ministère français de l’Intérieur est une attaque qui vaut une médaille, un « ballon d’or dans le cadre de la géopolitique ». Selon lui, il s’agit d’une « diabolisation » qui se révèle un coup d’épée dans l’eau pour ceux qui, « du côté de l’Élysée », ne sont « pas très futés ». Plus globalement, il considère que cette démarche néocoloniale de la France atteste que « les Africains qui disent ce qu’ils pensent et veulent obtenir leur souveraineté deviennent des menaces pour les intérêts du gouvernement français ».
Il avait un mois pour faire parvenir ses observations à l’Etat. Mais en réponse, Kemi Seba a brûlé publiquement son passeport français face à la presse nationale, internationale et panafricaniste. Il déclarait à l’occasion de ce rassemblement face à Fleury-Mérogis être un « Béninois libre » : « Votre passeport ce n’est pas un os que vous nous donnez ou nous retirez en fonction de notre degré de soumission vis-à-vis de vous, comme si les Noirs étaient des chiens. Je suis un homme noir libre. » La vidéo mise en ligne en mars 2024 avait suscité des réactions partagées. Certains saluant sa détermination, d’autres arguant d’une nouvelle tentative du militant d’être sous le feu des projecteurs alors que pour l’Etat c’était la réponse attendue pour déclencher les modalités de déchoir de sa nationalité Kémi Seba.
Chose promise chose due, les autorités françaises ont officiellement retiré à l’activiste franco-béninois Kemi Seba, sa nationalité française. Le point de non-retour entre le polémiste anciennement franco béninois Kémi Seba et la France est donc atteint. La perte de la nationalité de l’activité panafricain serait conforme au Conseil d’Etat et elle est déjà inscrite dans le décret du 8 juillet paru au Journal officiel de la République française ce mardi 9 juillet, on apprend que le Conseil d’État a reconnu la perte de la nationalité de Stellio Capo Chici, 42 ans.
De son côté, Kémi Séba n’a pas tardé pour réagir et c’est sur les réseaux sociaux qu’il a réagi en se disant satisfait de se débarrasser de ce fardeau, revenant sur les raisons qui l’ont poussé à quitter le pays qui l’a vu naître il y a quatorze ans et que ne plus avoir la nationalité française est même une fierté pour lui voire une forme de reconnaissance que les autorités françaises lui font.