Faute d’avoir obtenu la confiance de l’Assemblée, François Bayrou a présenté sa démission à Emmanuel Macron, ce mardi 09 septembre. Le choix de son successeur a été plus rapide que prévu puisque le chef de l’Etat a nommé Sebastien Lecornu, ancien ministre des Armées et ancien Ministre des Outre-mer.
Le jeu de la chaise musicale à Matignon continue. Après Michel Barnier resté quatre mois à la tête d’un gouvernement. Hier, c’était autour du désormais ancien Premier Ministre, François Bayrou de faire face au vote de confiance des députés. On s’en doutait, ils l’ont rejeté. Cependant, il a fait mieux que de son prédécesseur puisqu’il est resté moins de neuf mois à son poste.
Au début du mois d’août, François Bayrou a engagé la responsabilité de son gouvernement sur un projet de budget prévoyant 44 milliards d’euros d’économies pour 2026.
Lui-même, le savait, et pourtant, il avait pris le risque à la fin de ce même mois de convoquer une session extraordinaire pour soumettre son gouvernement à un vote de confiance. Malgré ses multiples interventions médiatiques pour alerter sur « l’urgence » de la situation financière française, cette stratégie s’est révélée contre-productive.
Avant le vote, le Premier ministre français a une nouvelle fois mis en garde contre l’explosion de la dette qui, selon lui, menace l’avenir du pays, dans un ultime discours avant la chute annoncée de son gouvernement, qui va replonger la France dans une crise politique.
Finalement, sans suspense, Lundi 8 septembre, seuls 194 députés sur 573 votants ont accordé leur confiance au gouvernement. Une coalition hétéroclite – rassemblant l’ensemble de la gauche, le Rassemblement national, une partie des Républicains et du groupe Liot – a scellé le sort de l’exécutif. Là encore, sans grande surprise, la majorité des représentants des Outremers n’ont pas voté la confiance.
Tous les élus des groupes Gauche Démocrate et Républicaine (GDR), Socialistes et Insoumis ont voté contre la confiance au Premier Ministre. C’est le cas par exemple des deux députés guyanais Jean-Victor Castor et Davy Rimane et des Réunionnais Emeline K/Bidi, Karine Lebon, Frédéric Maillot, Perceval Gaillard, Jean-Hugues Ratenon et Philippe Naillet. Même son de cloche pour les deux élus ultramarins du Rassemblement national, la Mahoraise Anchya Bamana et le Réunionnais Joseph Rivière.
Au sein du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), aucune consigne de vote n’avait été donnée lors des réunions préparatoires. Tous les députés ultramarins du groupe ont tout de même voté contre la confiance. Les Guadeloupéens Olivier Serva et Max Mathiasin tout comme la Mahoraise Estelle Youssouffa n’ont pas hésité à retirer leur confiance au Premier ministre. Pour la seule Polynésienne du groupe, Nicole Sanquer, le dilemme était cornélien. Elle a finalement opté pour un vote contre.
Seuls quatre députés ultramarins ont voté pour la confiance au Premier ministre à l’issue de sa déclaration de politique générale. Le Wallisien Mikaele Seo, le Polynésien Moerani Frébault, le Calédonien Nicolas Metzdorf mais aussi le député de Saint-Martin et Saint-Barthélémy Franz Gumbs. Des soutiens logiques vu le positionnement de ces députés.
Alors que les craintes d’un pays sans gouvernement inquiétait, Emmanuel Macron a mis moins de 24h pour trouver un successeur à François Bayrou. Ce sera finalement Sébastien Lecornu, ministre des Armées depuis 2022, qui sera à Matignon. L’ancien LR, Macroniste indéfectible de la première heure, est un membre du gouvernement sans discontinuer depuis juin 2017. En effet, il fut nommé secrétaire d’Etat à la Transition écologique, puis, ministre des Collectivités locales. Ensuite, ministre des Outre-Mer et enfin ministre des Armées depuis 2022. Il devra relever le défi de devenir Premier ministre dans une assemblée éclatée en onze groupes, sans majorité, après sa dissolution en Mars 2024 suivi par le double échec de Michel Barnier en décembre 2024 et de François Bayrou lundi.
A peine nommé et déjà menacé de censure :
La tâche sera rude pour le nouveau Chef de Gouvernement qui devra de renouer le dialogue avec les oppositions et de convaincre les 577 députés car il a en ligne de mire projet de loi de finance qui, selon la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), doit être présenté d’ici au premier mardi d’octobre, soit cette année 2025, d’ici au 7 octobre. Le nouveau Premier ministre est “chargé de consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois”, précise ainsi la présidence de la République.
“L’action du Premier ministre sera guidée par la défense de notre indépendance et de notre puissance, le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays”, ajoute l’Élysée dans son communiqué bien plus long que les précédents annonçant la nomination d’un nouveau Premier ministre. Dans celui‑ci, Emmanuel Macron se dit “convaincu” que, “sur ces bases”, “une entente entre les forces politiques est possible dans le respect des convictions de chacun”. Reste encore à convaincre les diverses oppositions.
En Outre-mer, Sébastien Lecornu est loin d’être un inconnu puisque comme nous le disions, il a occupé le poste de Ministre des Outre-mer durant deux ans au cours desquels, il a lancé le premier comité national de transformation agricole des Outre-mer (novembre 2020), visant à atteindre l’autonomie alimentaire d’ici 2030 tout en développant des filières exportatrices innovantes. Ces comités ont ensuite été déployés localement (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte. D’autre part, en plein cœur de la crise Covid, il a visité La Guadeloupe (août 2021) pour évaluer les mesures sanitaires, renforcer les services hospitaliers et coordonner l’envoi de personnels soignants et sapeurs-pompiers venus de l’Hexagone. Il avait dû faire face aux manifestations anti-vaccinales dans l’ensemble des territoires ultramarins mais plus virulentes en Guadeloupe et en Martinique. Le proche du président avait également dû gérer le troisième Referendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, en pleine pandémie et qui débouchera à la grave crise politique de 2024.
En nommant son homme de confiance venu de la droite comme Premier ministre après la chute du gouvernement, Emmanuel Macron s’attire en effet les foudres d’une bonne partie de l’échiquier politique, de la gauche à l’extrême droite. Elles dénoncent, en grande majorité, un « déni de démocratie ».
En effet, pour Marine Lepen; « Le président tire la dernière cartouche du macronisme, bunkerisé avec son petit carré de fidèles ». Pour elle, « après les inéluctables futures élections législatives, le Premier ministre s’appellera Jordan Bardella. »
Le Président tire la dernière cartouche du macronisme, bunkerisé avec son petit carré de fidèles. Après les inéluctables futures élections législatives, le Premier ministre s’appellera Jordan Bardella.
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) September 9, 2025
« Nous jugerons -sans illusion- le nouveau Premier ministre sur pièces, à ses actes, à ses orientations pour donner un budget à la France, et ce à l’aune de nos lignes rouges », a de son côté affirmé sur X le président du RN, Jordan Bardella, disant son parti « à sa disposition pour les lui rappeler ».
Même constat chez un parti radicalement opposé, LFI. Le chef insoumis Jean-Luc Mélenchon tacle : « la réponse de Macron au renversement de Bayrou : dorénavant c’est absolument comme auparavant ». Il réclame son départ dans les plus brefs délais.
Réponse de Macron au renversement de Bayrou : dorénavant c'est absolument comme auparavant.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) September 9, 2025
Seul le départ de Macron lui-même peut mettre un terme à cette triste comédie du mépris du Parlement, des électeurs et de la décence politique.
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, a été dans les premières à réagir. Sur BFMTV, elle dénonce une « provocation » du chef d’État. « Un, nous n’avons pas été consultés. Deux, si nous l’avions été, nous n’aurions pas donné le nom de Monsieur Lecornu », réagit-elle, précisant qu’une réunion d’urgence du conseil politique des Écologistes allait se tenir dans la soirée.
La nomination de Sébastien Lecornu est une nouvelle provocation d'Emmanuel Macron.
— Marine Tondelier (@marinetondelier) September 9, 2025
Et cette provocation va continuer, car je suis prête à parier que messieurs Darmanin, Retailleau et compagnie vont être reconduits dans les prochains jours.
Le président de la République n'a pas…
Dénonçant aussi « une provocation », la présidente du groupe LFI Mathilde Panot déclare « nous le censurerons » sur X. De son côté, Jean-Luc Mélenchon dénonce « une triste comédie » et réclame à nouveau le départ d’Emmanuel Macron.
La nomination de Sébastien Lecornu à la veille du mouvement du 10 septembre est une provocation.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) September 9, 2025
La même politique pour les riches, minoritaire à l’Assemblée et dans le pays.
Lecornu, celui qui face aux Gilets Jaunes ou aux guadeloupéens en lutte pour le droit à l’eau n’a…
Dans un communiqué de presse, Olivier Faure écrit qu’Emmanuel Macron « s’obstine dans une voie à laquelle aucun socialiste ne participera ». « Il prend le risque de la colère sociale légitime et du blocage institutionnel du pays », ajoute-t-il.
À droite, le président des LR et ministre démissionnaire, Bruno Retailleau s’est félicité que le Premier ministre ne soit pas « socialiste ». « La tâche va être rude », reconnaît-il, souhaitant « trouver des accords » avec lui.
Gabriel Attal, président de Renaissance, soutiendra le Premier ministre. « Tous mes vœux de succès à Sébastien Lecornu dans ses nouvelles fonctions (…) Avec les députés Ensemble pour la République et Renaissance, nous chercherons toujours à aller dans le sens de l’intérêt général et le soutiendrons pour cela », indique-t-il, sur ses réseaux sociaux.
Un autre ancien Premier ministre a aussi commenté cette nomination. Édouard Philippe estime sur TF1 que Sébastien Lecornu « a les qualités » pour « discuter » et « trouver un accord » avec les autres partis.
La passation de pouvoirs entre Sébastien Lecornu et François Bayrou aura lieu demain à 12 heures à l’Hôtel de Matignon, selon l’entourage du désormais ex-Premier ministre
François Bayrou démissionne Sébastien Lecornu nommé Premier ministre
Cest une nomination qui surprend, surtout avec lopposition farouchée des oppositions. On va voir si Sébastien Lecornu parviendra à convaincre pour bâtir un accord de gouvernement dans cette Assemblée très éclatée. La situation est tendue !
Cest une nomination qui surprend, surtout avec lopposition farouchée des oppositions. On va voir si Sébastien Lecornu parviendra à convaincre pour bâtir un accord de gouvernement dans cette Assemblée très éclatée. La situation est tendue !