Dix enfants ont perdu la vie en dix jours à Port‑au‑Prince, dont au moins huit lors d’une opération menée samedi soir dans le quartier de Cité Soleil. Selon des proches et des organisations de défense des droits humains, cette intervention, visant un chef de gang présumé, impliquerait la police. L’UNICEF dénonce une situation « profondément choquante et préoccupante ». Dans le même temps, Washington a arrêté l’entrepreneur haïtien Dimitri Vorbe, recherché depuis 2019 pour des faits de corruption.
Selon les informations relayées par l’UNICEF, au moins six enfants et plusieurs adultes ont été tués dans la soirée du samedi 20 septembre lors d’une frappe de drone dans le quartier de Simon Pelé, à Port-au-Prince. Parmi les victimes figure « une fillette de quatre ans, mortellement touchée alors qu’elle jouait devant sa maison ». Plusieurs autres personnes, dont des enfants, ont été blessées, rapporte l’UNICEF.
Plusieurs habitants ont témoigné auprès des journalistes de l’Associated Press. Comme Claudia Bobrun, 30 ans : « Voici ma fille« , leur a-t-elle déclaré en montrant une vidéo de sa fille de 8 ans gisant dans une mare de sang.
Michelin Florville, 60 ans, a indiqué avoir perdu deux petits-enfants de 3 et 7 ans et son fils de 32 ans. « Les gens couraient à droite et à gauche« , a-t-il raconté.
Nanouse Mertelia, 37 ans, a expliqué avoir retrouvé son fils avec un bras et une jambe arrachés. « Viens me chercher, viens me chercher, s’il te plaît maman« , lui a-t-il dit avant de succomber à ses blessures.
Le RNDDH fait état d’au moins treize morts : huit enfants, trois autres civils et quatre membres présumés de gangs. Sept hommes armés auraient également été blessés. Parmi les victimes figure St-Jean Limonthard, 33 ans, chauffeur de taxi-moto. « J’ai prié pour lui chaque jour, quand il quittait la maison, et voilà qu’il meurt dans son quartier en rentrant du travail », a confié sa mère, Aglamoïde Saint-Ville, 53 ans.
Selon le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) indique que c’est le chef présumé de gang Albert Steevenson, dit Djouma membre de l’alliance de gangs Viv Ansanm, célébrait son anniversaire et distribuait des cadeaux à des enfants lorsque les drones ont frappé le quartier Simon Pelé de Cité Soleil. Le criminel en est sorti indemne. Le réseau accuse la Police Nationale Haïtienne d’être derrière ces attaques mais les autorités Haïtiennes n’ont pas fait de commentaires.
Le communiqué de l’UNICEF précise que, quelques jours auparavant, le 11 septembre, quatre autres enfants avaient perdu la vie dans une attaque menée par des groupes armés alors qu’ils se trouvaient dans leur propre maison, censée être un lieu de sécurité. « Ces incidents ont une fois de plus déchiré des familles et réduit à néant tout sentiment de sécurité pour des enfants qui devraient simplement pouvoir apprendre, jouer et grandir en paix », déplore l’organisation.
L’UNICEF rappelle que le droit international impose la protection des enfants et des services essentiels dont ils dépendent, même en contexte de conflit. « Aucun effort ne doit être épargné pour prévenir les atteintes et protéger la population civile, en particulier les enfants », insiste le communiqué.
Face à cette escalade, l’UNICEF appelle à des « mesures urgentes » pour garantir la sécurité des enfants haïtiens et le respect de leurs droits fondamentaux: « Chaque enfant en Haïti a droit à la sécurité, à la dignité et à la protection », affirme l’agence onusienne, qui réitère son engagement à travailler avec ses partenaires pour assurer que ces droits soient respectés « en toutes circonstances ».
Romain Le Cour, directeur de l’observatoire d’Haïti au sein de l’Initiative globale contre la criminalité organisée, a déclaré que l’attaque soulevait « des questions urgentes de responsabilité ».
« Quarante-huit heures se sont écoulées depuis l’évènement, et les autorités n’ont toujours pas publié de communiqué officiel ni assumé publiquement leur responsabilité. Qui, en fin de compte, assumera la responsabilité de cette attaque : le premier ministre ? Le Conseil présidentiel de transition ? Des sociétés de sécurité privées ? La direction de la Police nationale d’Haïti ? » a-t-il demandé.
Depuis mars, plusieurs frappes de drones ont tué des membres de gangs, mais sans atteindre leurs chefs, qui circulent désormais « plus à l’aise et de plus en plus arrogants, se déplaçant même ouvertement en convois« , selon une organisation de défense des droits humains. Celle-ci insiste sur la nécessité de protéger les civils afin d’éviter les « dommages collatéraux ».
Une nouvelle force d’intervention, composée d’unités de police et de prestataires privés et agissant en dehors du contrôle direct de la Police nationale, a déjà eu recours à ces engins explosifs.
Ce drame survient alors que des sociétés de sécurité privées, dont Vectus Global, liée à l’ex-Navy Seal américain Erik Prince, prévoient de déployer des agents en Haïti pour appuyer les forces locales. Dans un mémo adressé aux membres du Conseil présidentiel de transition, le conseiller-président Fritz Alphonse Jean a remis en question la gestion de ces appareils par le groupe de mercenaires contractés sous la houlette du premier ministre Alix Didier Fils-Aimé. Il affirme que ces contractuels n’ont, jusqu’à présent, neutralisé aucun bandit et déplore la mort de ces enfants dans ce quartier défavorisé.
Dimanche, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a rappelé la nécessité d’une « action internationale urgente » pour restaurer la sécurité en Haïti.
Christopher Landau, secrétaire adjoint du Département d’État américain, a réitéré lundi (22 septembre) l’appel à la création d’une « force de répression des gangs » au siège de l’ONU. « Il est temps d’agir », a-t-il déclaré. « Cette crise ne peut être ignorée ou reportée.
L’un des chefs de Viv Ansanm, Jimmy Chérizier, plus connu sous le nom de Barbecue, a juré de venger les attaques.
Dimitri Vorbe arrêté aux États-Unis pour son implication dans des violences liées aux gangs haïtiens :
Dans un autre temps, l’administration Trump continue sa pression sur les gangs Haïtiens ainsi que leurs soutiens présents sur le territoire des Etats-Unis. Dernier événement en date, l’arrestation du sulfureux homme d’affaires d’origine Haïtienne, Dimitri Vorbes. L’entrepreneur très influent que ça soit dans son pays d’origine que dans la diaspora haïtienne basée aux Etats-Unis, a été arrêté mardi 23 septembre dernier. Le Département d’Etat des Etats-Unis, l’accuse d’« avoir participé dans une campagne de violence et soutenu les gangs ayant contribué à la déstabilisation d’Haïti .»
Pour Washington, la présence du chef d’entreprises sur son sol est embarrassant et constitue une menace pour la sécurité intérieure. Selon les autorités américaines, ces liens présumés entre Vorbe et les réseaux criminels justifient une procédure d’expulsion. L’annonce de son arrestation a aussitôt provoqué une onde de choc dans le milieu des affaires haïtien, où l’homme est une place centrale.
« Le gouvernement américain poursuivra sans relâche ceux qui soutiennent les gangs terroristes par des inculpations, des arrestations, des sanctions, des saisies d’armes et d’autres restrictions à l’immigration », a déclaré lundi Christopher Landau, secrétaire adjoint du Département d’État américain.
M. Vorbe et sa famille possèdent la Société Générale d’Énergie S. A., une entreprise privée d’électricité qui a été l’un des principaux fournisseurs d’électricité de l’entreprise publique haïtienne. La famille Vorbe très proche de l’ancienne famille présidentielle Duvalier, était également connue pour d’importants projets de construction de routes et d’autres infrastructures sous l’ancien président René Préval.

Selon nos confrères de la Gazette Haïti, il est recherché dans son pays natal depuis 2019 où il l’objet d’ un mandat d’amener émis par les autorités judiciaires haïtiennes pour « surfacturation, d’enrichissement illicite, faux et usages de faux et d’association de malfaiteurs dans le cadre de son contrat avec l’état hatien. » En octobre 2019, le gouvernement de Jovenel Moïse engage des avocats pour défendre les intérêts de l’État haïtien dans l’affaire de contrats entre celui-ci et des fournisseurs d’électricité dont la Sogener. Il part en exil en décembre 2019.
Pour Jake Johnston, directeur de recherche internationale au Center for Economic and Policy Research, installé à Washington, « Ils [ Vorbe et sa famille] recevaient beaucoup d’argent de l’État ». Avec Réginald Boulos, il faisait partie de ces oligarques haïtiens qui s’opposaient à la politique de Jovenel Moïse.
De plus, l’entrepreneur Haïti basé en Floride est aussi soupçonné d’avoir joué un rôle majeur dans le scandale Petrocaribe. De plus, depuis qu’il s’est installé aux Etats-Unis, il avait été arrêté en août 2020 par le Service d’Immigration des Etats-Unis et immédiatement incarcéré au Krome Detention Center. Il avait été relâché sous caution quelques jours après.
Pour Kim Ives, rédacteur en chef en langue anglaise d’Haïti Liberté, Dimitri Vorbe, Réginald Boulos ainsi que d’autres membres des familles les plus puissantes d’Haïti auraient orchestré l’assassinat de l’ancien chef de l’Etat, Jovenel Moïse.
En Haïti, certaines familles de l’élite haïtienne sont depuis longtemps accusées de financer et de collaborer avec les gangs qui font la loi dans 90 % de la capitale du pays.
Le gouvernement Trump mène une lutte sans relâche contre tous celleux qui ont des liens avec les groupes criminels haïtiens. Le 22 septembre dernier, l’Ambassade des USA en Haïti indiquait que Washington avait sanctionné Arnel Belizaire et Antonio Cheramy pour corruption majeure pendant leur mandat. Eux et leurs familles sont désormais interdits d’entrer aux États-Unis. Leur abus de pouvoir a interféré avec les processus gouvernementaux d’Haïti et a contribué à l’instabilité du pays — des actions qui ont également nui aux intérêts nationaux des États-Unis.