Orpaillage : En Guyane-Française, des associations poursuivent l’Etat en justice pour son inaction.

Le 3 janvier 2024, des associations guyanaises, dont l’Association des Victimes du Mercure-Haut-Maroni, la COPAG, la JAG, Wild Legal, ont signifié leur intention de déposer une action en justice contre l’État français le 17 janvier prochain, ceci après avoir entendu les propos de la Première ministre Elisabeth Borne. Des propos jugés inacceptables et une action insuffisante.

La Guyane-Française est le plus grand territoire français dans les Outremers. Ballotté par les problèmes sociaux, économiques et sécuritaires. L’un des plus grands problèmes reste évidemment la question de l’orpaillage clandestin qui entraine des troubles sécuritaires puisque derrière ces extractions se cachent de véritables groupes criminels surinamiens ou brésiliens qui n’ont pas peur d’affronter avec violence les gendarmes et même les soldats de la Légion étrangère.

Depuis trois décennies, l’orpaillage illégal sévit dans le Parc Amazonien de Guyane, causant des dégâts environnementaux et sanitaires considérables. Plus de 500 sites clandestins ont été recensés, et chaque année, environ 13 tonnes de mercure sont déversées dans les cours d’eau, affectant gravement la santé des populations locales et l’environnement. Les services de police ou de gendarmerie, même renforcés sont débordés et même les patrouilles ou les descentes militaires ne suffisent plus.

Selon WWF, durant cette période et jusqu’en 2018, environ 215 000 ha de forêts y ont été détruits par l’orpaillage en particulier au cours de la dernière décennie pendant laquelle la superficie touchée a été multipliée par trois. Le Suriname et le Guyana concentrent l’essentiel de cette déforestation. Elle représente 28 000 ha en Guyane.

Comme l’écrit l’ONG environnementale,  Le mercure utilisé pour amalgamer l’or est un polluant dangereux qui s’accumule dans les milieux naturels. Lorsqu’il intègre les milieux aquatiques, des bactéries le transforment en méthylmercure, composé facilement assimilable par les êtres vivants et neurotoxique puissant. La contamination mercurielle, à la fois d’origine naturelle et liée aux pratiques aurifères illégales, peut ainsi se concentrer le long des chaînes alimentaires aquatiques, atteignant des concentrations particulièrement importantes dans la chair des poissons carnivores. Il en découle une contamination des populations locales dont c’est la nourriture quotidienne. Fin 2013, une étude montrait chez les populations locales du Haut-Maroni des concentrations en mercure quatre fois plus élevées que chez les populations du littoral.

En effet, comme le souligne la chaine nationale LCP en 2021, se basant sur les données Gendarmerie, les orpailleurs illégaux seraient au nombre de 8 600, brésiliens pour 97% d’entre eux, originaires d’une des régions les plus pauvres du Brésil, l’État du Maranhão. En situation irrégulière en Guyane, mais également installés dans leur pays d’origine, au Guyana ou encore au Suriname, les garimpeiros seraient, selon l’Observatoire de l’activité minière, au nombre total de 200 000 à 220 000.

De plus, toujours selon l’ONG, l’exploitation illégale de l’or freinerait le développement du territoire guyanais vu que l’or extrait ne rentre pas dans les caisses de la collectivité ou de l’état mais alimente un trafic illégal. Face à une telle situation, la population ne sait plus vers qui se tourner puisque l’Etat semble lui aussi démuni.

Pourtant, il y a quelques jours, Elisabeth Borne était en visite officielle sur le territoire a fait des annonces comme celles de multiplier les moyens humains et matériels pour lutter contre l’orpaillage illégal. Cependant, cette décision est jugée insuffisante par les principaux acteurs associatifs environnementaux.

(FILES) In this file photo taken on January 20, 2019 members of the ninth Marine Infantry Regiment (RIMA) of the French Guiana armed forces and gendarmes inspect materials of illegal gold panners during interventions on different underground gold mining sites. – Three military personal died accidently and one was seriously injured on July 18, 2019 during an intervention as part of the Harpie Operation to fight illegal gold panning, France’s Defence Minister said. (Photo by jody amiet / AFP)

D’ailleurs, ces associations de défense de l’environnement ont déposé un recours gracieux auprès du préfet de Guyane le 16 octobre 2023 mais il est resté sans réponse.

C’est la raison, le 3 janvier 2024, les associations guyanaises, dont  l’Association Des Victimes du Mercure – Haut-Maroni, la COPAG, la JAG, Wild Legal, ont annoncé leur intention de déposer une action en justice contre l’État français le 17 janvier prochain au tribunal administratif. . Elles entendent dénoncer la carence de l’État dans la protection des droits humains et environnementaux.

Interrogée par nos confrères de Guyane La 1ère, Marine Calmet Présidente de Wild Legal souligne que les annonces de la Première ministre Élisabeth Borne, promettant un soutien logistique et humain, sont insuffisantes face à l’ampleur du problème. Selon elle :

c’est l’ensemble de la politique économique, sanitaire et environnementale de lutte contre l’orpaillage illégal qui doit être revu. Pour le collectif, la réponse du gouvernement est comparable à un « pansement sur une jambe de bois ».

Marine Calmet Présidente de Wild Legal.

Cette démarche s’inscrit dans un contexte plus large de reconnaissance des droits de la nature. Les requérants souhaitent que le fleuve Maroni et ses affluents soient reconnus comme ayant des droits fondamentaux, s’appuyant sur des précédents internationaux tels que ceux de la Colombie et du Bangladesh.

Leur action vise non seulement à mettre en lumière les manquements de l’État français, mais aussi à obtenir des mesures concrètes pour lutter contre l’orpaillage illégal et protéger la santé des populations et des écosystèmes amazoniens. La conférence de presse prévue le 17 janvier à Cayenne et en visioconférence sera une étape clé de cette mobilisation juridique et environnementale.