De Marie-Galante à Atlanta, carton plein pour Maïré Bavarday-Rosa avec Ecomspaces aux Etats-Unis.  

La Marie-Galantaise, Maïré Bavarday-Rosa remporte le 2ème prix du Black Ambition, une bourse d’entreprise lancée par Pharrell Williams aux Etats-Unis. Depuis 2020, Le Black Ambition a pour but d’aider à financer des start-ups prometteuses créées par des entrepreneurs afro-américains ou issus des minorités à travers l’ensemble des Etats-Unis. Une consécration pour l’entrepreneuse marie-galantaise que s’est fait connaître avec Relay Shop USA, son entreprise de réexpédition de produits des Etats-Unis vers la France et les Outremers. Toutefois, c’est avec sa deuxième entreprise Ecomspaces qu’elle a remporté le deuxième prix. Elle nous en parle dans cette interview.

Si l’on vous dit qu’il y a bien des années que nous voulions faire une interview de Maïré Bavarday-Rosa, entrepreneuse guadeloupéenne installée aux Etats-Unis. Pourtant, à chaque fois, l’occasion ne se présentait pas à nous. Pourtant, il y a peu, environ une semaine, via un réseau social réunissant des professionnels, la marie-galantaise nous a contacté pour parler de son actualité qui s’avère particulièrement riche. La jeune cheffe d’entreprise basée à Atlanta dans l’état de Georgie a remporté le 2ème prix d’une bourse d’entreprise, nommée Black Ambition et lancée par Pharrell Williams aux Etats-Unis.  

Depuis 2020, Le Black Ambition a pour but d’aider à financer des start-ups prometteuses. On connaissait Maïré Bavarday-Rosa pour son entreprise de réexpédition de colis, Relay Shop USA. Toutefois, le jeudi 9 novembre, ce n’est pas seulement pour cette entreprise qu’elle a reçu ce prix mais pour une autre entreprise créée à partir de son expérience d’entrepreneure, : Ecomspaces.Sur le site internet, la jeune femme explique proposer des packages d’accompagnement aux entrepreneurs qui veulent éviter les mauvaises expériences de la vie de chef d’entreprise. Le tout à partir de sa propre expérience : Relay Shop USA. Une consécration pour l’entrepreneuse marie-galantaise.  

Loin du tumulte des grandes mégalopoles que sont New York, Chicago, Los Angeles ou Miami, c’est à Atlanta qu’elle a posé ses valises en 2011, pour ne plus partir. Moins connues que ces grandes sœurs, citées en début de paragraphe, Atlanta est une quand même une ville historique, capitale de l’état de Géorgie, première grosse ville nord-américaine gérée à 100% par la communauté afro-américaine, Atlanta fut le centre névralgique de l’émancipation politique et économique des noirs en Amérique du Nord durant l’esclavage et même après.  

Ville économique et culturelle, Atlanta est la ville natale de Matin Luther King mais aussi de plusieurs artistes issus de la scène hip hop US comme 21 Savage, Waka Flocka Flame, Gucci Mane, Usher, Lil Jon, T.I, Ludacris, Jermaine Dupri, Ciara, Jeezy, Migos, Young Thug, Rich Homie Quan, Outkast, Future pour ne citer qu’eux. De plus, la grande ville du sud des Etats-Unis, abrite également de nombreux musées liés à son histoire et à celle des afro-américains. C’est à Atlanta que de nombreuses personnalités afro-américaines ont fait leur premier million de quoi inspirer Maïré qui revient à travers cette interview revient sur l’ensemble de son parcours et sa participation au Black Ambition 2023.  

Emrick : Bonsoir Mairé, sois la bienvenue sur The Link Fwi. C’est un plaisir pour nous de te recevoir enfin sur notre média, Pour information, cette interview se fait à distance puisque tu es sur le territoire des Etats-Unis, plus exactement à Atlanta dans l’état de la Géorgie. Mais avant tout, qui es-tu ? Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et lectrice ? 

Maïré Rosa : Bonjour, je m’appelle Maïré, je suis originaire de Marie-Galante mais actellement je suis domiciliée à Atlanta aux Etats-Unis depuis 2011. Avant ça, j’étais à Montréal où je travaillais dans le domaine de la prévention de la criminalité avec les jeunes dans la ville. J’ai également exercé cette fonction à Londres mais aussi à Atlanta. Par la suite, j’ai monté ma première entreprise ici à Atlanta.  

Emrick : Depuis combien de temps tu vis en Amérique du Nord, notamment les Etats-Unis et dans quelle ville et quel Etat te trouves-tu ? 

Maïré Rosa : En 2000, après mon Bac, je suis partie faire mes études à Montréal au Québec, province du Canada. En 2008, j’ai quitté Montréal pour Atlanta, j’y ai vécu pendant un an. J’étais passé dans la ville pour une nuit, en 2006 et j’avais adoré la ville qui est magnifique et j’ai trouvé les gens assez charmants dans le comportement. Je suis donc revenue à Atlanta où j’ai travaillé pendant un an. Ensuite, je suis partie à Londres ( Grande-Bretagne) où j’ai travaillé, comme je le disais, dans le domaine de la prévention de la criminalité auprès des jeunes, mais après cette expérience londonienne, j’ai décidé de m’installer à Atlanta, c’était en 2011 et depuis lors, je suis toujours dans cette ville de Géorgie. Avant de créer mes entreprises, au départ, je travaillais dans le social, avec les jeunes et c’est pendant que j’occupais ce poste dans le social que j’ai monté ma première compagnie.  

Emrick : Comment est la ville d’Atlanta ? Est-ce que c’est comme les clichés véhiculés sur les Etats-Unis, à savoir le fast, l’ostentatoire, la pauvreté, la violence ou c’est tout autre ? 

Maïré Rosa : alors là pas dutout ! La vie à Atlanta est loin de tous ces clichés comme tu dis, véhiculés par la presse ou les films. La ville d’Atlanta est même très calme. Justement, j’étais à New-York pour la finale de la compétition, je n’avais qu’une hâte c’est de retourner à Atlanta. A la différence de d’autres villes, Atlanta est une ville boisée, elle est entourée de forêt. Puis, les gens sont différents des autres métropoles états-uniennes. Ils sourient. Sont très avenants. Par exemple, si tu as un problème, tu es perdu, tu cherches un chemin, les gens ne vont pas hésiter à s’arrêter pour t’aider. Tu n’as même pas besoin de demander, ils savent que tu as besoin d’aide. La chose qui m’avait marquée le plus c’était bien ça. De plus, il y avait de véritables possibilités pour travailler ou entreprendre. Ce qui m’avait également plu est le fait de pouvoir voir et être en contact avec de nombreux chefs d’entreprises de couleur dont un bon nombre issu de la communauté afro-américaine. Ici, particulièrement, tout le monde entreprend. Il n’y a pas une personne qui n’a pas une entreprise. Il n’y a pas de limite comme on dit ici.  

Maïré Rosa à la Black Ambition 2023. Crédit : photo personnelle

Emrick : C’est vrai qu’Atlanta est la plus grosse ville afro-américaine du sud des Etats-Unis et même de l’ensemble du territoire. Les afro-américains occupent différents postes importants de la Cité. Est-ce toujours le cas ?   

Maïré Rosa : Un peu moins qu’avant car c’est vrai qu’avec le boom actuelle, la ville accueille de plus en plus de personnes qui viennent de partout des Etats-Unis, des personnes d’origine sociale ou ethnique différentes s’y installent et désormais, les choses commencent peu à peu à changer mais, il est vrai que c’est une ville à majorité noire. L’histoire de la ville est même liée à celle de la communauté afro-américaine. Comme vous le disiez, la ville est gérée par la communauté noire qui excelle dans divers domaines, sport, musique, entreprenariat, politique etc..  

Emrick : Atlanta est donc la preuve que les communautés noires, donc nous, pouvent s’auto-gérer et exceller ?  

Maïré Rosa : Exactement. Atlanta est l’exemple que nous pouvons le faire ensemble.  

Emrick : Tu nous parles d’Atlanta et de ta vie en Géorgie, mais qu’est-ce qui t’a poussé à vivre et à faire une vie professionnelle aux Etats-Unis ? 

Maïré Rosa : Me concernant, ce fut principalement la question des opportunités. Il m’a fallu une nuit dans cette ville, dès l’aéroport, pour savoir que c’est ici que j’allais faire ma vie. Ici, peu importe de là où tu viens, depuis que tu as les capacités et la volonté, tu travailles. Personne ne va te limiter, au contraire, ils vont t’encourager à faire de plus grands efforts. Ensuite, comme je le disais, le fait d’avoir vu des personnes comme moi, ( femme noire de la caraïbe), occupées des postes à haute responsabilité, cela m’a donné envie de rester. Rien qu’à l’aéroport, de l’accueil, aux services à la personne, aux taximen ou l’agent des douanes voir des noirs occupés ces fonctions, m’avait choqué mais cela m’avait plu. Non seulement il y avait des noirs mais il y avait surtout beaucoup de femmes à ces hautes fonctions. A l’époque de mon arrivée, il y avait une femme noire à la tête de la ville. Alors pour moi c’était quelque chose d’incroyable alors que pour eux, c’était une chose tout à fait normale. Ce n’est qu’avec le temps que j’ai compris qu’ici, que tu sois millionnaire, milliardaire ou personnalité publique à succès et être noir, ce n’est pas un problème du tout cela est même commun. Autre exemple, après ma victoire au concours Black Ambition où j’ai reçu le chèque de 250 000$, à l’aéroport de New-York tous les noirs s’arrêtaient pour me féliciter, lorsque je suis arrivée à Atlanta, j’étais une personne lambda, j’ai dû avoir, juste deux personnes qui m’ont arrêté pour me congratuler et prendre une photo avec moi. Après, je n’étais pas déçue ou même étonnée, c’est Atlanta, des noirs qui réussissent, il y en a beaucoup. C’est Atlanta.  

Emrick : Au niveau investissement et business on évoque très souvent New York, Miami, Chicago ou Los Angeles mais pas vraiment Atlanta comment est-la vie économique sur place ? Est-ce que les possibilités d’investissements sont aussi grandes que dans les villes mentionnées ?  

Maïré : Oui, la ville est d’ailleurs en plein boom. C’est d’ailleurs un problème car depuis la pandémie de la Covid-19, les Américains, notamment ceux d’autres métropoles plus grandes, ont découvert les charmes de la ville. Cela à des conséquences malheureusement. L’arrivée de ces populations a fait grimper le marché de l’immobilier. Durant les deux dernières années, Atlanta a été la ville qui a connu la plus forte augmentation de population, du fait de l’arrivée de nouveaux habitants. C’est une ville très attractives économiquement, il y a des personnes originaires de New-York ou la Californie qui décident de s’installer ici. A mon sens, cela n’est pas très positif car pour ne rien cacher, tout a augmenté. C’était d’ailleurs, la deuxième raison qui m’a poussée à m’y installer est que tout était abordable pour une grande ville américaine, ce qui était rare. Aujourd’hui, tout est devenu cher et même au niveau business, nous avons dû nous ajuster avec les prix sur place.  

Maïré Rosa à la Black Ambition 2023. Crédit : photo personnelle

Emrick : Donc tu dis qu’actuellement, la ville est attractive économiquement, ce qui signifie que, par exemple ; si je veux trouver des investisseurs pour mon entreprise, j’en trouverai sur place ?  

Maïré Rosa : Du moins quand je suis arrivée en 2011, les choses étaient beaucoup plus simple qu’à présent. De nos jours, avec l’arrivée de toutes ces personnes et entreprises sur le marché, c’est devenu plus compétitif que par le passé. C’est un peu plus compliqué. Après, c’est toujours possible, car il ne faut jamais se limiter mais il faut rester honnête, il y a plus de compétitions qu’auparavant.  

Emrick : Le public s’en souviendra sûrement, mais tu t’es fait connaître grâce à ton entreprise Relay Shop qui est une entreprise de réexpédition de produits US vers les Outremers. Mais comment est née l’idée Relay Shop ? et qu’est-ce que Relay Shop ? 

Maïré Rosa : Relay Shop USA est ma toute première entreprise que j’ai créée en 2014, depuis ma chambre où j’étais en collocation. Depuis cette chambre, je vendais des articles en ligne, des chaussures, des vêtements. A force de vendre en ligne, j’avais les retours de certaines clientes qui me faisaient remonter leurs impressions. Ces clientes étant basées en France ou dans les Outremers-français me disaient qu’elles souhaitaient tel ou tel produit mais que les expéditions étaient impossibles. Elles m’ont demandé si j’acceptais d’utiliser mon adresse aux Etats-Unis pour qu’elles réceptionnent leurs colis, une fois que je les ai renvoyés chez elles. C’est donc comme ça qu’est né Relays Shop USA. Le projet a grossi. On parlait de plus en plus de moi et mon entreprise. Je suis passé à la télé. Les gens ont commencé à nous suivre sur les réseaux sociaux. Les commandes ont explosé. J’ai dû me prendre un local commercial. J’ai commencé à embaucher des gens Tout se déroulait bien jusqu’en 2020, avec la pandémie de Covid-19. A cette période, j’ai vraiment cru que j’allais perdre la compagnie.  

Je ne savais pas comment faire mais en même temps, je ne voulais pas arrêter après une si belle avancée. Surtout que 100% de mon revenu venait de Relay Shop USA. Durant la période Covid, durant trois mois toutes les frontières sont bloquées. Rien ne pouvait être livré, ni en Guadeloupe, ni à la Martinique ni en Polynésie et mois encore en France Hexagonale. En Polynésie-Française tout comme en Nouvelle-Calédonie, rien ne pouvait être envoyé pendant un an et à cette période, c’est la Polynésie qui était mon plus gros marché. C’était terrible. Cela faisait sept ans que je vivais de Relay Shop USA, l’entreprise avait pris une belle lancée et là, coup de frein. Ne pouvant faire d’expéditions, nous ne percevions pas d’argent du coup, je ne pouvais plus payer mes employés. Sans mentir, j’ai beaucoup douté. Je ne voulais pas perdre mon entreprise, mes employés ; et c’est là qu’Ecomspaces est arrivé. Justement, pendant la pandémie, aux Etats-Unis tout le monde achetait en ligne, l’activité a peu à peu repris. Il y a eu un tel boom des commandes en ligne que des milliers d’entrepreneurs ou d’entreprises se sont retrouvées avec des milliers de commandes sous les bras et ne savaient pas comment faire les envois à leurs clients, ils étaient débordés. Ces personnes ou entreprises qui ont entendu parler de nous, nous ont approché afin que nous fassions les expéditions vers leurs clients à leur place. Nous avons dû nous adapter à la demande. Nous sommes donc passés d’une clientèle internationale à une offre plus domestique et nationale. C’est grâce à cela que nous avons pu passer ce cap difficile et que nous existons encore à ce jour.  

Donc pas d’inquiétudes Relay Shop USA va bien ! J’ai maintenant une équipe qui s’en occupe ce qui m’a permis de me concentrer sur le développement de mon deuxième projet Ecomspaces. La version de Relay Shop que le public a connu n’était pas vraiment ma vision, ce n’était pas le rêve que j’avais. Moi, ce que je voulais vraiment, c’est de créer quelque chose qui vienne en aide aux entrepreneurs et c’est ce que nous faisons avec Ecomspaces. Relay Shop USA dans le futur sera plus axé sur les entrepreneurs basés à l’étranger, notamment dans les Outremers et qui désirent commander du matériel ou des choses utiles à leurs entreprises, ils pourront passer commande chez nous. Nous serons donc moins sur les consommateurs mais plus sur les professionnels qui ont besoin d’aide en matière de logistique ou tout ce qui concerne le marketing.  

Emrick : Aujourd’hui, comme tu l’as mentionné à plusieurs reprises, tu n’es pas uniquement à la tête d’une seule entreprise mais tu as créé ta deuxième entreprise, Ecomspaces peux-tu nous en parler ? 

Maïré Rosa : Ecomspaces est né de façon anodine. Tout a commencé en 2017, lorsque je cherchais un local, celui où nous nous trouvons depuis, la personne qui me faisait visiter les lieux et lorsqu’il a ouvert la porte, j’ai de suite vu le lieu où se trouverait l’espace bureau. Ensuite, il a ouvert les portes de l’entrepôt, j’ai été impressionné. L’idée a germé assez vite. Je me disais que ce lieu serait dédié à venir en aide aux jeunes entrepreneurs en quête d’aide. Je me suis dit que je pourrais leur venir en aide dans leurs envois internationaux comme je faisais Relay Shop. Par la suite, nous avons rajouté d’autres services comme la photographie des produits pour leur marketing. Nous avons aussi ajouté des ateliers qui leur sont consacrés. Autant de choses nécessaires pour les entrepreneurs qui vendent en ligne. Petit-à-petit, le projet a avancé et l’idée s’est développée. L’idée était donc de créer un espace ecommerce qui aide les entrepreneurs qui vendent en ligne.  

Emrick : En gros, c’est comme un centre de travail partagé ( co-working) ?  

Maïré Rosa : Voilà. Effectivement, nous avons l’espace co-working. Nous avons des bureaux privés, un studio photo. Nous avons également un espace de création de contenus pour les réseaux sociaux. Nous faisons l’achat de la marchandise s’ils n’ont pas le temps de le faire et pour finir, comme évoqué, nous faisons l’envoie au national comme à l’international. Avec nous, les jeunes entrepreneurs n’ont plus toutes ces questions qu’ils pouvaient se poser, nous leur facilitons la tâche puisque nous faisons quasiment tout pour eux. Après, tout est parti de mon expérience personnelle parce que quand j’ai créé Relay Shop USA, j’ai dépensé des sommes folles comme lorsque j’ai voulu créer mon site etc. J’en parle car, sans exagération, j’ai encore des séquelles de ces mauvaises expériences qui jalonnent la vie d’un entrepreneur.

Credit: Mirtha Donastorg

 

Emrick : Avec Ecomspaces, tu es seule sur ce projet où tu es mieux entourée ? As-tu déjà des employés ?  

Maïré Rosa : Non, sur Ecomspaces je ne suis pas seule, je me suis entourée d’un associé, Nicolas, qui est aussi de la Guadeloupe. Notre rencontre a été fortuite. Il cherchait un stage en entreprise durant ses études et il a contacté Relay Shop USA. Pendant qu’il était en stage avec nous, il m’a prise à part et m’a fait comprendre que Relay Shop USA était une bonne idée mais que je devrais aller plus loin. Il est vrai qu’en ce temps-là je louais déjà mon espaces à des entrepreneurs location qui se faisait sous Relay Shop mais lui, il m’a poussé à aller plus loin. Finalement, au lieu de poursuivre son stage avec Relay Shop USA, il m’a indiqué vouloir faire un business plan, ensemble nous avons trouvé le nom du projet, il m’a motivé à aller plus loin. Je pense que sans ses idées, nous n’aurions pas survécu à la pandémie. Une fois qu’il a terminé ses études et obtenu ses diplômes de l’Université de l’Oregon, il est revenu pour continuer à m’aider sur Relay Shop USA. Ce n’est qu’après que je lui ai proposé d’être mon associé sur cette nouvelle entreprise. Il a des diplômes en Finance, il est aussi gradué en Nouvelles Technologies avec des compétences en développement web. J’avais donc besoin de son profil puisque nous sommes aussi une entreprise reposant sur la tech. Il était donc important pour moi, d’avoir une personne qui soit aussi compétentes dans ces domaines. Du coup, il a accepté l’idée, il m’aidait à distance au début puis m’a rejoint sur Atlanta. Il était très important de l’avoir à mes côtés, surtout qu’il est guadeloupéen comme moi.  

Emrick : Tu as récemment participé à une compétition Black Ambition, une compétition pour les entrepreneurs issus des minorités, quand avait-elle lieu ? Qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’y participer ? 

Maïré Rosa : A vrai dire, ce sont eux qui nous ont approché l’année dernière, mais pour ne rien cacher, je n’ai pas donné de suite à leur proposition. Par la suite, une cliente à Relay Shop USA qui avait participé nous a vanté les mérites du concours. Au-delà de la somme à remporter, il y a tous les avantages d’y participer comme se faire connaitre, développer son réseau etc. J’ai donc décidé d’y participer. J’y ai envoyé ma candidature, nous étions trois mille à travers l’ensemble des Etats-Unis. Sur les trois mille participants, ils ont sélectionné deux cent cinquante entreprises dont j’en faisais partie. Par la suite, les deux cent cinquante participants retenus ont eu droit à trois mois de mentorat avec des conseils avisés venant d’entrepreneurs qui avaient réussi dans leur domaine. A la suite, des trois mois, ils ont analysé l’entreprise qui avait le plus mis en application les nombreux conseils donnés. Sur les cinquante entreprises choisies, seules cinquante ont finalement été retenues et là encore, j’en faisais partie. Il y a trois ou quatre semaines de cela, ils ont sélectionné les huit entreprises finalistes dont j’étais encore parmi les heureux sélectionnés. Il y a une semaine environ, ils ont organisé les finales avec les pitches finaux moment exceptionnel car, ce fut la première fois que je devais réaliser un pitch complet sur mon entreprise et ainsi que moi-même. Je ne l’avais jamais fait, même devant mes amis ou mes employés ou collaborateurs. Certes je n’ai pas remporté la somme finale d’1 million $ mais j’ai terminé deuxième et je suis repartie avec le chèque de deux cent cinquante mille dollars.  

Emrick : Tu as peut-être omis de le mentionner mais parmi les membres du jury, il y avait le producteur et chanteur Pharell Williams, qui est d’ailleurs le créateur du concours. Toi qui l’a côtoyé et vu comment est-il en vrai ?  

Maïré Rosa : Pharell Williams est loin de tout ce que l’on dit sur lui. J’ai pu le constater. C’est une personne très introvertie. Très calme. Il ne parle pas beaucoup mais il sait conseiller. Il donne de bons conseils quand il le faut. Niveau physique, contrairement à ce que l’on pense, Pharell est de taille normale, il fait tout à fait son âge. Il est loin d’être le vampire qu’on prétend. ( rires). Après, c’est un artiste, il est très dans sa bulle. Comme il le répétait tout au long de la compétition, sa plus grande passion est d’aider les entrepreneurs(entrepreneuses) issus des minorités à exceller. Il veut que nous les minorités soyons fiers de qui nous sommes, d’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’il a appelé son concours “ Black Ambition”. Il cherche à mettre en avant les projets et les idées provenant de personnes issues des minorités. Ce concours est un véritable tremplin pour les entreprises comme Ecomspaces. Désormais, nous avons des personnes des quatre coins des Etats-Unis qui veulent collaborer avec nous.  

Maïré Rosa à la Black Ambition 2023. Crédit : photo personnelle

Emrick : Tu as fini 2e sur trois milles candidats qu’est-ce que ça fait ? Et quelle somme as-tu remporté et sous quelle forme cette aide se décline ou déclinera-t-elle ? 

Maïré Rosa : Pour information, le premier prix était d’1 million $, le deuxième prix était de deux cent-cinquante mille $. Nous avons remporté le deuxième prix. Cependant, pour que vous sachiez, ma demande à la fin de mon pitch n’était pas de remporter le un million de dollar mais que nous obtenions des sponsors venant de grandes entreprises comme UPS, Amazon, Shopify etc Chose incroyable, non seulement nous avons remporté les 25 000$ mais ces entreprises ont décidé de nous sponsoriser afin que nous puissions nous aussi aider des entrepreneurs un peu marginaliser, comme ça nous pourrons percevoir la somme tout en aidant les entrepreneurs dans le besoin. Du coup, cette aide est la bienvenue puisqu’elle va nous permettre de développer notre plateforme en ligne. Nous allons devoir embaucher pour palier à une demande de plus en plus grande. Vous l’aurez compris, il y a pas mal de travail qui nous attend en 2024 (rires).  

Emrick : Et sous quelle forme cette aide va-t-elle se décliner et quelle sera la prochaine étape ?  

Il faut savoir que nous ne percevons pas les fonds tant que nous n’avons pas suivi les quatre semaines de formation en conseil financier. L’organisme va nous aider à voir comment utiliser cette somme sans pour autant la gaspiller bêtement. Le véritable objectif de Black Ambition n’est pas de juste donner une somme d’argent à une ou un chef d’entreprise mais bien de savoir comment il sera utilisé car ils veulent que chacune de leur action puisse avoir un impact sur la communauté et même au-delà dans l’ensemble du pays. Chose que j’avais oublié, Louis Vuitton a aussi été le sponsor cette année, donc là aussi, pour l’entreprise de luxe, il est important que cet argent soit bien utilisé car il en va de leur image et donc de leur réputation.  

Donc la prochaine étape est le développement. Nous réfléchissons à une stratégie qui nous permette de nous développer. Très important pour moi, je veux trouver les bons sponsors qui aident les entrepreneurs originaires des Antilles-Françaises, de la Guyane, La Réunion ou même la Polynésie qui veulent s’implanter aux Etats-Unis.  

Emrick : Quel serait ton message pour un ou un jeune entrepreneur (euse) qui souhaite investir aux Etats-Unis ? As-tu un message à faire passer aux personnes qui regarderont votre interview ? 

Maïré : Alors moi, à long terme, est de quitter les Etats-Unis le plus rapidement possible. La vie est devenue extrêmement chère avec l’inflation que nous connaissons. Selon moi, il y aura un crash économique. De nos jours, en tout cas, moi, je me positionne déjà sur des marchés émergents comme l’Afrique. J’ai déjà été en Ethiopie. Cependant, il y a aussi, le Ghana ou la Côte d’Ivoire qui m’intéresse beaucoup. Niveau investissement, les pays émergents sont les endroits où il faut investir désormais. Avant de penser à investir, je conseille d’y aller pour les vacances et comprendre l’environnement mais aussi de visiter les centres économiques de ces pays et voir ce dont ils ont besoin. Je l’ai fait lors de mes séjours en Ethiopie ou en Tanzanie. Je peux vous dire que lorsque je suis retournée aux Etats-Unis et même lors de mon passage en Guadeloupe, je n’avais qu’une hâte est de revenir sur le continent africain. L’Afrique est loin de tous ces clichés véhiculés depuis des décennies. Les pays que j’ai visité et mentionné sont très développés. Les grosses multinationales investissent là-bas donc pourquoi pas nous ? Ne tardons pas avant qu’il n’y ait plus aucune place. Commencez à investir ou à vous informer sur ce qui se passe dans les pays émergents.  

Mes autres conseils, notamment pour les personnes qui vendent en ligne, est encore une fois, de se rendre sur place, aux Etats-Unis et de voir ce qui se déroule sur le terrain afin de lister les choses qu’il manque aux pays etc. Ensuite, il faut être réaliste, aucun citoyen des Etats-Unis ne rêve de finir sa vie aux USA ou du moins travailler dur tout sa vie. Le véritable rêve américain est de pouvoir aller vivre, grâce aux fruits de leur dur labeur, dans des pays comme les nôtres. Beaucoup rêvent d’y vivre mais la réalité est que c’est un pays où l’on travaille beaucoup et tout le temps. Par exemple, même quand vous allez en boîte de nuit, vous pouvez croiser des rappeurs ou des personnalités publiques qui dansent mais là encore, ces personnes sont là parce qu’elles sont payées pour le faire. Vous voyez, même durant des moments de fête, les gens travaillent.  

Nous à notre échelle, nous avons déjà cette liberté qu’eux n’ont pas donc si nous pouvions trouver le moyen de commercer avec les Etats-Unis, d’automatiser tout ceci en conservant cette liberté dont nous jouissons. Ce n’est que lorsque nous résidons hors du territoire que nous voyons l’avantage de vivre dans un archipel comme le nôtre.

Les gens aux Etats-Unis doivent travailler dur pour avoir toutes ces choses que nous avons et dont nous ne voyons pas l’utilité. Vivre à l’étranger nous le fait comprendre. Me concernant, vivre à l’étranger, en l’occurrence aux Etats-Unis a été comme un challenge. Depuis très jeune, j’ai toujours voulu partir, car étant originaire de Marie-Galante, une petite île où l’on fait vite le tour et où tout le monde se connaître quasiment, les Etats-Unis m’ont changé ma vision de la vie et du monde. Maintenant, je me pose comme objectif de partir m’installer en Afrique. Où ? Je ne sais pas encore, sans doute l’Ethiopie ou plus la Côte d’Ivoire. Mon conseil est donc là, de ne pas hésiter à venir sur place dans un pays qui nous fascine afin de voir comment les choses bougent, voir ce qui se fait de bien ou mal et les amener chez nous et vice versa.  

Emrick : Merci beaucoup Maïré d’avoir répondu à nos questions.  

Maïré : Vraiment merci à vous de m’avoir donné la parole. Je voudrais également dire que je suis fière de toutes ces choses qui se mettent en place en Guadeloupe. Moi, je suis partie vivre ailleurs, après, nous ne pouvons pas tous partir et j’en suis consciente. Nous avons besoin de forces vives, de chez nous qui investissent, créent chez nous. C’est bien de partir mais il faut revenir un jour chez soi. Mon plus grand souhait même si je ne reviendrais pas pour y vivre est d’investir en Guadeloupe, à Marie-Galante et faire briller tous ces brillants cerveaux qui sont bien de chez nous. Nous avons pleins de personnes compétentes et brillantes, cela me réconforte beaucoup.