L’étude a le mérite d’être claire. Les Outre-mer mais surtout la Guadeloupe sont des terres de corruption. Du moins, c’est ce que révèle le récent rapport du Ministère de l’Intérieur à travers l’enquête menée par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) en collaboration avec l’Agence Française Anticorruption ( AFA.) Selon les données publiées, les détournements de fonds publics, le favoritisme et les atteintes à la probité restent importants dans les collectivités ultramarines surtout en Guadeloupe.
La corruption : du latin corruptio est l’action de corrompre, de soudoyer quelqu’un notamment un fonctionnaire. Pour aller plus loin, c’est surtout un acte par lequel une personne investie d’une fonction publique, privée ou une institution étatique abuse de son pouvoir ou de sa position pour obtenir un avantage personnel, souvent en échange de faveurs, d’argent ou de services. C’est une perversion ou/et une infraction pénale commise et condamnable puisque la personne à la tête d’une institution privée ou publique le fait dans l’optique d’acquérir des avantages illicites ou d’abuser de son pouvoir à des fins personnelles. La corruption peut impliquer de nombreuses activités, notamment le trafic d’influence et le détournement de fonds, les pots de vin, le favoritisme et la fraude et peut également impliquer des pratiques légales dans de nombreux pays.
Bien que notre pays, la France ne soit pas considéré comme un pays hautement corrompu, elle figurait pourtant parmi les cancres de la classe. Notre bon pays des Droits de l’homme dégringole même dans le classement international réalisé chaque année par Transparency International qui dans donne une note sur 100 aux différents pays du Monde. Pour faire court, 100 = pas de corruption perçue, 0 = corruption très forte perçue. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la France est bien un pays où la corruption est réelle. Selon l’ONG, a France aurait perdu cinq places, tombant à la 26e position, dix rangs derrière l’Allemagne, deux rang devant les Etats-Unis pour atteindre un score de 67/100. Nous sommes loin de la probité du Danemark 90/100, de la Finlande 88/100 de Singapour 84/100 de la Nouvelle-Zélande 83/100, du Luxembourg 81/100 ou de la Norvège et de la Suisse respectivement 81/100. Une position délicate pour une Etat donneur de leçons.
Dans son rapport, Transparency International pointe du doigt la collusion entre l’intérêt général d’ordre public et les intérêts privés des grandes entreprises. De plus, l’enquête dénonce, l’influence des cabinets de conseil dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques, ainsi que le poids des lobbys et l’utilisation des fonds publics par des personnalités ayant des mandats électoraux qui se retrouvent à faire du favoritisme en recrutant des proches ou en attribuant des marchés publics à des entreprises dirigées par des connaissances. Des situations de collusion qui mettent à mal la confiance que les Français(aies) pourraient avoir envers leurs élus.

Une lutte contre la corruption insuffisante en France :
Pour l’ONG même si des élus sont poursuivis et condamnés, la France ne ferait pas suffisamment pour lutter contre la corruption. Sa position dans le classement reflète un recul sans précédent dans la lutte contre la corruption.
Pour y parvenir, Transparency International préconise un renforcement des moyens du Parquet National Financier ( PNF) car selon elle, les ressources allouées au PNF restent notoirement insuffisantes et inférieures à celles prévues dans l’étude d’impact réalisée lors de sa création. De plus, pour TI, il est impératif que les Juges du Parquet National Français soient totalement indépendant et que la classe politique n’interagisse pas dans les réquisitions des juges, » l‘exécutif doit engager au plus vite une réforme pour aligner le statut des magistrats du Parquet sur celui des magistrats du siège ». Autre mesure demandée par l’ONG, est l’obligation des parlementaires, des membres du gouvernement et leurs conseillers à rendre publics leurs rendez-vous avec les groupes d’intérêt ( Lobbies). Enfin, pour finir, Transparency International recommande de rattacher au Premier Ministre le pilotage de la politique publique de lutte contre la corruption et ce dernier, doit enfin mettre en œuvre un Plan national pluriannuel de lutte contre la corruption.
Toutefois, en France, des actions sont pourtant bien entreprises pour lutter contre ces phénomènes. On peut citer la Loi Sapin I votée en 1993 ou les lois du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Sans oublier la Loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui a été adoptée en décembre 2016. Elle encadre les actions de lobbying afin d’éviter les conflits d’intérêts entre un élu et une entreprise privée. A ce titre, les représentants d’intérêts doivent s’enregistrer sur un registre numérique et doivent respecter un code de conduite et déclarer leurs activités d’influence.
D’ailleurs, la Loi Sapin II a notamment permis la création de l’Agence Française anticorruption ( AFA). Placée sous l’autorité du ministre de la Justice et du ministre du Budget, bien qu’elle n’ait pas d’autorité judiciaire, elle est dirigée par un magistrat ou haut fonctionnaire qui est nommé en Conseil des ministres, elle encadre les actions des entreprises de plus cinq cent employés, mais aussi les entreprises du Cac 40. Elle peut aussi auditer aussi bien les entreprises que les collectivités territoriales et les grandes administrations. Elle peut être saisie pour avis par les autorités judiciaires, les administrations ou les entreprises elles-mêmes. Lorsqu’un cas de corruption ou un conflit d’intérêt est repéré par l’AFA, elle peut saisir l’autorité hiérarchique ou disciplinaire en cas de manquement et transmettre des faits au procureur de la République si elle découvre des éléments potentiellement délictueux.
D’autre part, le président Macron dès son élection avait promis aux Français d’assainir la vie politique française. Malheureusement même dans son propre camp, de nombreuses figures majeures sont tombées pour corruption, fragilisant encore plus la confiance que pourrait avoir le peuple envers ses représentants. cette dernière décennie aussi bien en France Hexagonale que dans les Outre-mer, on a pu voir une multiplication des condamnations d’hommes et de femmes politiques, déclarés coupables de corruption entrainant leur inégibilité avec exécution provisoire. De ce fait, la fin de leurs mandats électoraux et donc, leur démission. La très récente condamnation de Marine Lepen à 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire est un exemple parmi tous ces procès qui ont eu lieu ou qui sont en cours.
Evidemment, les affaires de corruption sont nombreuses et les médias régionaux comme nationaux n’en font l’écho que des personnalités publiques les plus connues. Le phénomène de corruption ne concerne uniquement la personne qui a le mandat électoral mais, peut être concerné les membres son cabinet, les personnes qui travaillent au sein de l’administration. Dès qu’elles ont un degré de pouvoir quelconque. Selon le Service National des Statistiques 934 infractions d’atteinte à la probité ont été enregistrées par la police et la gendarmerie nationale en 2024, après 863 en 2023. Le nombre des atteintes à la probité enregistrées, essentiellement des délits, poursuit sa hausse en 2024 (+8,2 %), comme en 2023. L’ampleur est telle que selon l’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS), 191 000 personnes âgées de 18 ans et plus vivant en France Hexagonale, en Martinique, en Guadeloupe ou à La Réunion (soit 0,4 % de l’ensemble de la population de cette tranche d’âge) déclarent avoir été confrontées à une situation de corruption dans le milieu professionnel en 2022. Pour 28 % des cas, l’objectif était d’obtenir un service (une place en crèche par exemple) ou d’en accélérer l’obtention. Une situation qui perdure puisqu’à peine 1 500 personnes physiques victimes d’infractions d’atteinte à la probité qui sont enregistrées et seules 1% des personnes se disant victimes ont osé porter plainte. Conséquences, le nombre d’infractions à la probité a augmenté.
Après avoir baissé en 2022 pour atteindre 760 (-7 %), il est revenu à 863 en 2023 puis 934 en 2024, soit +14 % par rapport au niveau de 2021.
Rapport SSMSI
Toujours selon le rapport SSMSI, la hausse en valeur absolue est portée par l’augmentation du nombre d’infractions de corruption (+46 entre 2023 et 2024), de prise illégale d’intérêts (+12) et de favoritisme (+11). Les infractions qui ont le plus progressé en pourcentage sont la concussion (+29 % entre 2023 et 2024), la corruption (+17 %) et le favoritisme (+14%). Cependant, le service d’Etat note que l’augmentation est portée sur les infractions de corruption (+46 entre 2023 et 2024), de prise illégale d’intérêts (+12) et de favoritisme (+11) et les infractions qui ont le plus progressé en pourcentage sont la concussion (+29 % entre 2023 et 2024), la corruption (+17 %) et le favoritisme (+14%). Ainsi, toujours selon le SSMSI, entre 2016 et 2024, le taux d’évolution annuel moyen du nombre total d’atteintes à la probité a progressé de 5% dans l’ensemble du territoire national.
Les Outre-mer et la Corse, régions très concernées :
Néanmoins, comme l’écrit le SSMSI, l’augmentation du nombre d’atteintes à la probité observée au niveau national entre 2016 et 2024 ne résulte pas de dynamiques régionales particulières : les évolutions dans les différentes régions au cours de la période sont très volatiles. Sans surprise, c’est bien en Corse et dans les régions d’Outre-mer que les cas d’atteintes à la probité sont les plus enregistrées.
La Corse-du-Sud et la Haute-Corse comptabilisent plus de 6,3 infractions en moyenne par an pour 100 000 habitants entre 2016 et 2024. Les cinq départements et régions d’Outre-Mer (DROM) comptabilisent entre 2,5 et 5,5 infractions par an en moyenne pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale (qui n’inclut pas les collectivités d’outre-mer) s’établit à 1,1. Cela représente soixante dix infractions par an en moyenne dans les DROM entre 2016 et 2024, dont 99 infractions en 2024. Quant à Paris, on y dénombre 2,3 infractions en moyenne pour 100 000 habitants entre 2016 et 2024 ». Sauf que, là encore, les données diffèrent d’une région à une autre. Certains départements ultramarins ont des atteintes à la probité plus marquées que d’autres. C’est le cas de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, Mayotte ainsi que les COM de Polynésie-Française, Wallis-et-Futuna où les taux d’infractions à l’atteinte à la probité dépasse les 4,1/100 000 habs. Tandis que dans les Collectivités de Martinique, Guyane, La Réunion et Nouvelle-Calédonie les infractions d’atteinte à la probité sont moindres bien qu’elles soient toujours plus élevées que les autres régions hexagonales où l’on est entre 1,5 et 4,1 cas pour 100 000 habitants sur la même période. Dans tous les cas, c’est quatre fois + que dans l’Hexagone. Cela représente pour les départements et régions d’outre-mer soixante dix infractions par an en moyenne. Alors qu’en France Hexagonale, toujours selon l’étude, on y compte 23 infractions par an en moyenne entre 2016 et 2024, dont 24 infractions pour chacune des deux années 2022 et 2023. Six seulement ont été recensées en 2024, mais les résultats sont provisoires car certaines procédures ne sont pas encore clôturées.

Par contre, que ça soit en France Hexagonale que dans les Outre-mer, les mis en cause sont avant tout des personnes physiques alors que pour les victimes, 55 % sont des personnes morales. Les hommes sont prédominants, aussi bien parmi les victimes que parmi les mis en cause. 54% des principaux acteurs des atteintes à la probité sont âgés de 45 ans et plus et ils sont de nationalité française ( 94% des cas).

Une corrélation entre la pauvreté et la corruption ?
Loin de ces clichés, les populations des régions d’Outremer sont confrontées à des difficultés bien plus criantes que leurs compatriotes hexagonaux. Selon les chiffres INSEE 2023 la grande pauvreté est 5 à 15 fois plus fréquente dans les départements d’outre-mer (DOM) qu’en Hexagone. Elle y est aussi beaucoup plus intense. Dans les quatre DOM historiques (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion), les familles monoparentales, les personnes sans emploi, les retraités et les ménages dits complexes sont particulièrement touchés. Outre sa dimension monétaire, la caractéristique majeure de la grande pauvreté par rapport à des situations moins aiguës de pauvreté est la fréquence de privations, y compris pour des besoins fondamentaux comme la nourriture ou l’habillement pour 4 à 8 personnes sur 10 en situation de grande pauvreté. À l’exception de la Guyane, le renoncement à la voiture est moins fréquent qu’en France Hexagonale.
Toujours selon l’organisme des statistiques au seuil national, le taux de pauvreté monétaire est 2 à 4 fois plus élevé en outre-mer qu’en France métropolitaine, en lien avec des niveaux de vie plus faibles dans les DOM. On sait aussi qu’en matière de privation, c’est en Outremer qu’elle est le plus criante. En effet, selon l’INSEE la privation matérielle et sociale y est également de 3 à 5 fois plus fréquente que dans l’Hexagone.
En Guadeloupe, 20% des personnes dites seules sont en situation de grande pauvreté et 17% des familles monoparentales le sont tout autant. A la Martinique, 13% des personnes seules vivent dans une grande pauvreté alors que 17% des familles monoparentales avec très souvent une mère seule sont en grande pauvreté. En Guyane, on constate que la situation est tout aussi difficile pour les personnes seules, 14% de la population est en grande difficulté tandis que 32% des familles monoparentales est en situation de grande pauvreté. Dans l’Océan Indien, sur l’île de La Réunion, 21% des personnes seules sont considérées comme très pauvres et 24% des familles monoparentales sont en situation de grande pauvreté alors que pour la France Hexagonale, 2% des personnes seules sont catégorisées comme très pauvres et 5% des familles monoparentales le sont. Pour ce qui est des couples avec ou sans enfants, en Guadeloupe, 8% de ceux sans enfants sont très pauvres et 4% des couples avec enfants le sont. A la Martinique, c’est 4% des couples sans enfants qui sont dans la catégorie très pauvres et 6% des couples avec enfants sont très pauvres. A la Guyane, les disparités sont plus grandes. En effet, 13% des couples sans enfant sont dans une situation de grande pauvreté tandis que 21% des couples avec enfants le sont. Pour ce qui est de la France Hexagonale, 1% des couples sans enfant sont catégorisés comme très pauvres et 2% de ceux avec des enfants sont très pauvres. La situation de Mayotte est d’autant plus criante. Bien qu’il n’existe pas de réelles enquêtes sur la question de la pauvreté et des privations qui y découlent. Grâce à l’INSEE, nous savons que 194 000 personnes vivent avec un niveau de vie inférieur à 50% de la moyenne nationale soit 74% de la population mahoraise. Une situation difficile qui s’est aggravée avec le passage de l’Ouragan Chido qui a ravagé l’archipel français de l’Océan Indien.
La pauvreté engendre bien souvent de la violence et des trafics en tous genres. Elle ouvre aussi la voie à une dépendance économique vis-à-vis de ceux qui détiennent une once de pouvoir économique et politique. Ce qui conduit à des situations de corruption. Dans les régions ultramarines, où les populations sont en grande précarité, l’étroitesse géographique, couplée à la promiscuité des individus, accentue cette vulnérabilité. Les différentes affaires qui ont marqué les médias régionaux ces dernières années en sont la preuve. Encore faut-il que les journalistes locaux osent en parler et mener des enquêtes. Généralement, elles sont conduites par des journalistes venus de l’Hexagone. La raison ? Là encore, sous les tropiques, journalisme et politique sont encore plus intimement liés. Exemple : l’affaire Gilbert Pincemail.
De plus, dans les Outre-mer, peu de personnes dénoncent les auteurs d’atteintes à la probité. Cette situation s’explique, une fois de plus, par la trop grande proximité avec le ou les coupables. Par ailleurs, quand il y a procès, les décisions judiciaires prennent du temps. Quand les peines tombent, elles sont plutôt légères. L’accusé/condamné peut continuer à exercer ses mandats. A croire qu’il y a une vraie impunité. On pense à l’actuel président de la Région Guadeloupe, Ary Chalus, condamné récemment à 15 mois de prison avec sursis, 2 ans d’inéligibilité, 25.000 euros d’amende et une interdiction d’être membre d’un bureau associatif durant 3 ans. Il a depuis fait appel mais la décision définitive ne saurait tarder.
La corruption est un problème global donc c’est aussi celui de la France et de ses Outre-mer mais encore faudrait-il que nous, Français, comprenions que nous sommes co-responsables de l’exemplarité de nos élus.