Le Brésil bloque définitivement le réseau social X ancien Twitter.

Depuis plusieurs mois, un bras de fer opposait le milliardaire controversé Elon Musk et Alexandre de Moraes juge à la Cours Suprême du Brésil. Vendredi, le juge qui est à la tête d’une commission chargée de lutter contre la désinformation a ordonné la suspension du réseau social une décision approuvée par l’ensemble de ces confrères qui siègent à la plus haute cours de justice du pays. Il est reproché à l’entreprise du milliardaire sud-africain d’avoir ignoré une série de décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation comme la suppression de comptes de personnalités proches de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro.

Le Brésil pays démocratique est au centre de toutes les attentions. Depuis plusieurs mois, un bras de fer oppose le très controversé milliardaire Elon Musk patron de Tesla et X à Alexandre De Moraes, juge à la Cours Suprême du Brésil. Ces derniers jours, le milliardaire sud-africain était même allé à l’invective et aux insultes à l’encontre de l’homme de Loi du Brésil. Des propos vus et partagés par millions sur le réseau social.

Malgré la pression exercée par l’homme d’affaires et ses millions de followers à travers le Monde y compris au Brésil, le juge De Moraes n’a pas flanché. Il est allé jusqu’au bout de ses menaces. Twitter est désormais banni du pays. Cinq magistrats de la Cour suprême, dont M. Moraes, ont confirmé en session virtuelle la mesure prise vendredi.

 « La liberté d’expression ne protège pas des violations répétées du système juridique », a déclaré lundi le juge Flavio Dino, ancien ministre de la Justice du président Luiz Inacio Lula da Silva.

Ce dernier avait donné mercredi soir 24 heures à la plateforme pour nommer un représentant légal dans le pays, sous peine de blocage. Après le rejet de l’ultimatum, il a décidé la « suspension immédiate, complète et intégrale » du réseau au Brésil. Les Brésiliens qui seraient tentés de recourir à des «subterfuges» pour contourner ce blocage s’exposent à une lourde amende, équivalente à 8000 euros par jour mais on a pu le voir, des membres du gouvernement Brésilien utilisés X.   Certains y voient un deux poids deux mesures et une atteinte à la liberté d’expression et une violation de la Constitution Brésilienne avec ses articles IV et V

IV – la manifestation de la pensée est libre; l’anonymat est interdit;
V – le droit de réponse est garanti, en proportion de l’offense, sans préjudice de la réparation des dommages matériels, moraux ou portés à l’image de l’intéressé;

VI – la liberté de conscience et de croyance est inviolable; le libre exercice des cultes religieux est garanti, ainsi que la protection des lieux de culte et des liturgies.

 Sans surprise, le patron de X, Elon Musk, a laissé exploser sa colère à l’annonce du jugement. «La liberté d’expression est le fondement de la démocratie et, au Brésil, un pseudo-juge non élu est en train de la détruire à cause de motivations politiques».

X was suspended in Brazil during the early hours of Saturday. Source Getty Images.

Pourtant, les accusations du juge brésilien à l’encontre d’Elon Musk et qui ont mené à une telle décision sont graves. Tout a donc commencé lorsque le juge a ordonné, à la mi-août, au patron de X et Telsa de fermer de fermer plusieurs comptes soupçonnés de diffuser de la désinformation, dans le cadre de son enquête sur la tentative de coup d’État de Jair Bolsonaro en 2023. Cette ordonnance visait majoritairement des sympathisants de l’ex-président brésilien d’extrême droite. Elon Musk avait alors dénoncé une tentative de «censure» et promis de lever «toutes les restrictions de comptes au Brésil». Ce faisant, il avait également réclamé la «démission ou la destitution» du juge. Mais celui-ci ne s’est pas laissé impressionner par le magnat américain. Il aussi ordonné des amendes de 20.000 dollars par jour pour chaque compte réactivé et ouvert une enquête pour une présumée «instrumentalisation criminelle» de la plateforme.

Comme l’indique notre nos confrères du Figaro et du Monde : Le bras-de-fer s’est intensifié lorsque le juge a gelé les avoirs financiers brésiliens de Starlink, le fournisseur d’accès à internet par satellite dont Elon Musk est propriétaire, pour récupérer le montant d’amendes non payées par X. Le 17 août, Elon Musk a annoncé la fermeture des bureaux de X au Brésil en invoquant les actions du juge Moraes, tout en maintenant le service disponible pour les internautes. Ce mercredi, le juge a finalement posé un ultimatum à la plateforme : nommer un représentant légal dans le pays dans les 24 heures, sous peine de blocage. Elon Musk ayant refusé d’obtempérer, le réseau social est officiellement suspendu dans le pays depuis vendredi.

En réaction, le propriétaire de X encourage les utilisateurs brésiliens de sa plate-forme à contourner la suspension à l’aide de réseaux privés virtuels (Virtual Private NetworkVPN). M. Musk a même en ce sens acté la gratuité au Brésil des services de Starlink, que propose sa société SpaceX. Comme le rapportait The New York Times, citant les autorités de régulation brésiliennes, ce fournisseur d’accès à Internet refuse, en effet, de se conformer à la décision de blocage de X. Cependant, le milliardaire n’entend pas baisser les bras et continue de fournir gratuitement son réseau malgré les possibles poursuites judiciaires qu’il encoure.

D’autre part, la suspension intervient un peu plus d’un mois avant des élections municipales qui permettront de mesurer le rapport de force entre le camp du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva et la droite, qui fait volontiers d’Elon Musk son champion. Pour rappel, X ancien Twitter était l’outil favori des l’ancien président de la droite radicale brésilienne Jair Bolsonaro.

Quand ce blocage prendra-t-il fin et à quelles conditions ?

Cette suspension actée par la justice n’est pas limitée dans le temps. La suspension doit rester en vigueur jusqu’à ce que X obtempère, paie les amendes qui lui ont été infligées et nomme un représentant légal au Brésil. Cependant, Elon Musk ne semble pas vouloir capituler donc, le blocage pourrait durer encore longtemps, d’autant qu’aucune juridiction supérieure n’est a priori susceptible de contredire la décision du juge Moraes. Privés de leur plateforme fétiche, les 22 millions d’utilisateurs que compte X au Brésil semblent se reporter en masse sur le réseau social Bluesky, qui fait état d’un «grand afflux» d’internautes depuis 24h.

Il est vrai que la décision du juge a fait réagir beaucoup d’utilisateurs mais aussi des ONG et des ligues de Défense des Droits de l’Homme comme Reporters Sans Frontières qui parle d’un blocage regrettable de la plateforme mais tempère en indiquant comprendre la décision qui est justifiée vu que l’entreprise refuse de se conformer à la Loi du pays. En effet, X est très utilisé par les médias, les journalistes indépendants et les lanceurs d’alerte à travers le Monde.

Selon Le Monde, deux cent cinquante groupes de défense des droits et experts issus de la Global Coalition for Tech Justice ont, par ailleurs, appelé les régulateurs du monde entier à suivre l’exemple du Brésil quand il s’agit de « réprimer les actes et omissions préjudiciables de X (anciennement Twitter) et d’autres géants de la big tech ».  Ils estiment que le refus de mise en conformité opposé par le milliardaire américain aux autorités brésiliennes « fait partie d’un schéma familier dans lequel Elon Musk défie la loi et échappe à toute responsabilité ».

Brazil’s Supreme Court Judge Alexandre de Moraes attends an event where he received a tribute by the Public Ministry of Sao Paulo, after the Brazilian Supreme Court ordered an immediate suspension of social media platform X in the country, in Sao Paulo, Brazil August 30, 2024. REUTERS/Carla Carniel

Contrairement à ce que les fans de Musk peuvent prétendre, le Brésil n’est pas le premier pays à bannir l’application aux milliards d’abonnés. D’autres pays ont franchis le pas bien avec Brasilia.  c’est le cas du Nigeria, qui a officiellement interdit Twitter du 5 juin 2021 au 13 janvier 2022, ou encore de la Turquie, où l’accès au réseau social a été suspendu par le président Erdogan en 2014, puis en 2023, suite au séisme qui a frappé la région d’Antioche.

Dans d’autres pays, Twitter, devenu X entre-temps, est bloqué depuis des années, voire des décennies. C’est le cas de la Chine, où le réseau social est banni depuis 2009 et presque inutilisé par les internautes, qui lui préfèrent Weibo et WeChat. En Iran aussi, le gouvernement a mis fin à l’accès à Twitter après les manifestations liées à l’élection présidentielle de juin 2009. Mais contrairement aux Chinois, les Iraniens utilisent X en dépit de l’interdiction, puisque le réseau social a permis de relayer les actes de répression du pouvoir iranien au monde entier. Twitter est aussi banni du Turkménistan depuis 2010, de Corée du Nord depuis 2016 et de Birmanie depuis 2021. En Russie, Twitter est formellement bloqué depuis mai 2022, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. Mais la plateforme reste utilisable grâce à des VPN.

Plus récemment, X s’est vu bannir du Pakistan depuis les législatives de février 2024, pour des «raisons de sécurité» selon le gouvernement contesté au pouvoir. Au Venezuela, le président Nicolas Maduro, dont la réélection de juillet dernier est décriée a ordonné le 9 août la suspension de X pendant dix jours, alors que des manifestations violemment réprimées faisaient rage dans tout le pays. À ce jour, l’interdiction est toujours d’actualité. Toutefois, c’est vrai, le Brésil est le premier pays démocratique à rejoindre la liste des pays  » censeurs » qui sont loin de respecter la démocratie et ses préceptes que sont la Liberté d’expression et d’opinion.

Cependant, la question peut-être posée, quelles sont les limites de ces libertés quand elles servent des services de renseignements étrangers ou des groupes d’individus mal intentionnés qui se servent de la dite Liberté d’expression des Démocraties pour véhiculer des discours de haine et de fausses informations comme se sont accoutumés à le faire les groupes politiques d’extrême droite en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique Latine ? Vous avez quatre heures.