Au Venezuela, la guerre contre la corruption est déclarée. Plusieurs dignitaires du régime socialiste sont derrière les barreaux. Dernier en date, l’ancien homme fort du régime chaviste, l’ex-ministre du pétrole Tareck El Aissami, également vice-président entre 2017 et 2018, a été arrêté mardi avec une cinquantaine d’autres personnes. Il est accusé entre autres de corruption et de détournement de fonds.
Les élections présidentielles vénézuéliennes approchent, la tension est palpable. Nicolas Maduro entend bien conservé le pouvoir qu’il détient depuis la mort de son mentor, le charismatique leader Hugo Chavez. Pour ce faire, toutes les techniques de dissuasion sont bonnes. La liberté d’expression déjà au plus bas est réduite et tous les opposants ou potentiels candidats d’opposition sont écartés par le pouvoir. Cependant, de son côté, l’opposition divisée peine à trouver une cohésion. Entre les intimidations par les services de renseignement ou les hommes de main du régime, les décisions de justice arbitraire, le président Maduro semble être plus fort que jamais.
La candidate initiale de la Plate-forme unitaire démocratique (PUD), l’ultralibérale et radicale Maria Corina Machado a, elle, été déclarée inéligible par la Cour suprême car elle est accusée par le pouvoir de « corruption » et de soutenir une invasion étrangère, des Etats-Unis, ce qu’elle a toujours nié. Maria Machado avait pourtant remporté haut la main la primaire de l’opposition et semblait pouvoir rallier derrière elle une opposition souvent divisée. De plus, le Conseil national électoral a refusé d’inscrire sa remplaçante désignée, Corina Yoris. L’éviction de ces deux candidates a suscité de vives réactions sur la scène internationale. Une fois n’est pas coutume, les présidents du Brésil et de Colombie se sont démarqués de leur allié vénézuélien. « Il n’y a pas d’explication, ni juridique ni politique, au fait d’interdire à un adversaire d’être candidat », a déclaré le président brésilien, Luiz Ignacio Lula Da Silva. Gustavo Petro, en visite officielle à Caracas, ce mardi 9 avril, le président colombien, a appelé de ses vœux « la paix politique au Venezuela ». Alors que démarre la campagne pour la présidentielle du 28 juillet, le climat électoral est enflammé.
Pourtant, tout semblait se faire sans encombre, mais comme nos confrères de Le Monde l’évoquait, Signé en octobre 2023 entre les délégués des deux camps, l’accord dit de la Barbade pour la tenue d’élections justes et équitables a du plomb dans l’aile. Mais, selon les principaux instituts de sondage, 80 % des électeurs vénézuéliens se disent cette fois-ci fermement décidés à voter. « L’abstention n’est plus une option », résume Luis Vicente Leon, de l’institut de sondage Datanalisis. Plus de 70 % de ceux qui entendent voter, disent qu’ils ne donneront pas leur voix à Nicolas Maduro. C’est ce que n’accepte pas le président sortant qui veut s’imposer comme l’unique choix pour les vénézueliens.
Pour preuve, la photo du chef de l’Etat apparaît pourtant à treize reprises sur le futur bulletin de vote publié par le Conseil national électoral. Outre son propre parti, le Parti socialiste unifié (PSUV), douze formations, plus ou moins indépendantes du PSUV, ont en effet choisi M. Maduro pour candidat. Même si, au total, treize candidats sont inscrits, « dont douze d’opposition », insiste le chef de l’Etat, le scrutin se jouera entre celui-ci et un ou une éventuelle candidate de la coalition d’opposition, acceptable pour le pouvoir chaviste.
Faire la guerre aux corrompus pour blanchir son image :
Face aux critiques formulées, le président Maduro a décidé de blanchir l’image » corrompue » de son parti en faisant le nettoyage dans ses rangs.
« Nous allons nettoyer complètement PDVSA de tous ces mécanismes, de toute cette barbarie, de toutes ces personnes qui volent l’argent du peuple, avec des mesures de restructuration draconiennes au plus haut niveau, comme nous l’avons déjà commencé »
Nicolàs Maduro (2023)
C’est le cas tout récemment de l’ex-ministre du pétrole Tareck El Aissami, également vice-président entre 2017 et 2018, a été arrêté mardi avec une cinquantaine d’autres personnes. Menotté, entouré de policiers et vêtu d’un tee-shirt noir, avec la mention « détenu […] pour des graves faits de corruption ». L’image a fait la Une des médias officiels mais aussi ceux proches de l’opposition.
Il a été un des hommes les plus puissants du Venezuela, proche du défunt et charismatique président Hugo Chavez puis de son successeur Nicolás Maduro. L’homme politique de 49 ans est accusé de tirer les ficelles de l’un des plus grands « systèmes de corruption » de l’industrie pétrolière. Il avait démissionné l’an dernier de son poste de ministre du Pétrole (2020-2023), après la révélation d’un énorme scandale de corruption au sein de PDVSA (Pétroles du Venezuela SA), le géant pétrolier étatique. Plusieurs milliards de dollars auraient été détournés par les dirigeants de l’entreprise, l’un des piliers du système chaviste.
Pour tenter de contourner l’embargo pétrolier et les sanctions imposés par Washington contre le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves de pétrole au monde, Caracas a fait le pari, à partir de 2020, de vendre son pétrole brut à travers le réseau des cryptomonnaies. Et le régime a placé un homme de confiance aux manettes : l’ancien vice-président du pays (2017-2018). Alors ministre du Pétrole, El Aissami, d’origine syro-libanaise, fait adopter une loi qui permettait de contourner certaines règles juridiques sans avoir à rendre de comptes. À l’époque, des experts avaient prévenu que la suppression de ces garde-fous offrait un terrain propice à la corruption.
« des ventes en dessous de la valeur du marché et prélevé des commissions tout au long du processus de commercialisation. 54 personnes ont été inculpées » et « 17 mandats d’arrêt »
Tarek William Saab, Procureur général du Venezuela.
Il a également annoncé l’arrestation de Simon Alejandro Zerpa, ancien ministre de l’Économie et de Samar José Lopez, un homme d’affaires accusé de blanchiment d’argent. Un autre nom a été dévoilé, il s’agit de Rafael Ramirez, également accusé de malversations par le Venezuela qui réclame, jusqu’à présent sans succès, son extradition d’Italie, où il s’est enfui. Tous encourent 30 ans de prison.
Depuis 2023, des arrestations ont lieu dans le cadre de cette affaire. L’an dernier, soixante et une personnes avaient été arrêtées dans « l’enquête PDVSA/Cripto », dont des dirigeants de la compagnie PDVSA et des responsables de la cryptomonnaie vénézuélienne Petro, adossée au pétrole, ainsi que des hauts fonctionnaires et élus. Le Petro a été abandonné en début d’année.
Cependant, malgré toutes ces arrestations, le pouvoir chaviste n’a jamais communiqué les sommes détournées mais elles seraient estimées, selon la presse et des experts à quinze milliards de dollars.
À moins de quatre mois de la présidentielle du 28 juillet, cette vague d’arrestations ne tombe pas par hasard. Nicolás Maduro qui brigue un troisième mandat montre clairement qu’il est à l’écoute du peuple. Rien de mieux qu’une purge spectaculaire pour détourner l’attention sur la tournure dictatoriale du régime.
« C’est une purge, il fallait répondre aux critiques concernant la corruption dans le pays. Le président ne peut pas être tenu pour responsable, alors il faudra que d’autres personnes rendent des comptes »
Guillermo Aveledo – Politologue interviewé à l’AFP.
Depuis 2017, l’industrie pétrolière du Venezuela a été visée par plus de 25 enquêtes pour corruption. Elles se sont soldées par l’arrestation de plusieurs dizaines d’employés de PDVSA et de ministres du Pétrole tels que Eulogio del Pino et Nelson Martinez. Ce dernier est mort en prison.
La lutte contre la corruption et ses conséquences néfastes sur l’économie en crise devraient être l’un des thèmes de campagne de Nicolás Maduro candidat à sa réélection.