Au Brésil les peuples autochtones en lutte remportent un procès crucial pour leurs terres

Des Autochtones expriment leur joie après la décision de la Cour suprême.

Depuis plusieurs décennies, au Brésil, les communautés autochtones sont en première ligne face aux politiques destructrices de déforestation et de destruction de leurs habitats ancestraux qui sont de véritables réserves pour la faunes et la flore. Une lutte contre les grandes entreprises de l’agrobusiness qui se fait parfois au risque de leur propre vie. Pourtant, jeudi 21 septembre, la Cours Suprême a conforté leur droit sur leurs terres, rejetant les positions défendues par le puissant secteur de l’agro-négoce.

Depuis plusieurs décennies, au Brésil, les communautés autochtones sont en première ligne face aux politiques destructrices de déforestation et de destruction de leurs habitats ancestraux qui sont de véritables réserves pour la faunes et la flore. Une lutte contre les grandes entreprises de l’agrobusiness qui se fait parfois au risque de leur propre vie. Certains grands groupes constitués en lobby très influents sur la scène politique n’hésitent pas user de la violence pour s’accaparer les terres ancestrales de ces peuples.

Pourtant, jeudi 21 septembre, la Cours Suprême a conforté leur droit sur leurs terres, rejetant les positions défendues par le puissant secteur de l’agro-négoce. Pour les autochtones et les associations brésiliennes de défense de l’environnement, il s’agit d’une victoire après des années de lutte. D’ailleurs pour les défenseurs autochtones, c’était le « procès du siècle », et il a tourné en leur faveur puisque la Cour suprême du Brésil a déclaré inconstitutionnelle la thèse du « cadre temporel ». L’enjeu était d’autant plus crucial que les réserves attribuées aux autochtones sont considérées par les scientifiques comme des remparts à la déforestation et jouent donc un rôle-clé dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Cette thèse du cadre temporel avancé par le lobby de l’agro négoce s’appuyait sur la dite « sécurité juridique » ( loi PL-490) votée sous le mandat de Jair Bolsonaro), des exploitants et proposait de ne reconnaître comme terres revenant de droit aux autochtones que celles qu’ils occupaient ou revendiquaient officiellement au moment de la promulgation de la Constitution, en 1988. Or les autochtones expliquent que certains territoires n’étaient plus occupés par eux à cette époque car ils en avaient été expulsés, notamment sous la dernière dictature militaire (1964-1985). Avec cette loi, les populations indigènes ne pouvaient pas revendiquer les terres qu’ils ont nouvellement occupées depuis. Evidemment, elle nie et ignore toute l’histoire des violences commises contre les peuples autochtones (déplacements forcés, massacres, expropriations…) et qui les ont poussés à occuper de nouveaux territoires ou à revenir sur des terres dont ils avaient été chassés.

Le procès à la Cour suprême qui fait jurisprudence, porte plus précisément sur le cas du territoire Ibirama-Laklano, dans l’Etat de Santa Catarina (Sud), qui a perdu son statut de réserve indigène du peuple Xokleng en 2009, à la suite d’un jugement d’une instance inférieure. Les juges avaient alors justifié leur décision en expliquant que ces terres n’étaient pas occupées par les autochtones en 1988.

Ce jugement est une « réponse très importante aux menaces et à la criminalisation que nous avons vécues ces quatre dernières années », a dit à l’AFP Kleber Karipuna, directeur exécutif de l’Association des peuples indigènes du Brésil (Apib), en référence au mandat de l’ex-président d’extrême droite Jair ,Bolsonaro (2019-2022), mais c’est aussi un appel au gouvernement du président de gauche Luiz Inacio ,Lula da Silva, revenu au pouvoir en janvier, pour qu’il « avance sur la démarcation de terres indigènes », a-t-il ajouté. D’ailleurs, la préservation des droits des autochtones et de l’environnement étaient parmi les promesses de campagne du candidat Lula.

A la surprise générale, la majorité a été atteinte jeudi quand un sixième magistrat, sur les onze qui siègent à la plus haute juridiction du pays, a voté contre la thèse du « cadre temporel » lors de ce procès au long cours débuté en août 2021 et suspendu à plusieurs reprises. Trois autres juges ont ensuite voté contre. Bilan : neuf votes contre, deux pour. Selon l’ONG Institut socio-environnemental (ISA), près d’un tiers des plus de 700 réserves indigènes déjà délimitées au Brésil – la majorité en Amazonie – auraient pu être affectées.

Tandis que la juge Carmen Lucia a évoqué la « dette impossible à payer de la société brésilienne envers les peuples autochtones », Joenia Wapichana, présidente de la Funai, organisme public de protection des autochtones, s’est félicitée du fait que « la justice soit du côté des peuples indigènes ». « Maintenant que le cadre temporel est définitivement enterré, nous allons pouvoir avancer dans la protection de nos terres et de nos droits », a-t-elle dit à l’AFP.

Les deux seuls magistrats favorables à la thèse défendue par l’agro négoce ont été nommés par Jair Bolsonaro. Ce dernier, dont le mandat a été marqué par une forte augmentation de la déforestation, avait promis de ne « pas céder un centimètre de plus » aux peuples autochtones. Les homologations de nouvelles réserves sont en effet restées à l’arrêt durant plus de cinq ans, jusqu’au retour au pouvoir de Lula, qui en a légalisé six nouvelles en avril, puis deux autres début septembre.

La démarcation des réserves garantit aux autochtones le droit inaliénable d’occuper leurs terres ancestrales, ainsi que l’usage exclusif des ressources naturelles, en préservant leur mode de vie traditionnel. En considérant, enfin, que bien que le président Lula ait légalisé six nouvelles réserves en Avril dernier et deux au début de ce mois après que plus de 700 aient déjà été délimitées, il reste, néanmoins, près d’un tiers qui n’ont toujours pas été officiellement homologuées…

Peuples autochtones

Indemnisations

Les magistrats de la Cour suprême doivent encore trouver un consensus sur les questions pendantes, notamment sur de possibles indemnisations par l’Etat de propriétaires de terres qui seraient transformées en réserves à l’avenir.

Cette solution alternative au « cadre temporel » est proposée par le puissant juge Alexandre de Moraes, mais elle est rejetée par les indigènes. Ils craignent notamment qu’une jurisprudence au sujet des indemnisations ne freine l’homologation de nouvelles réserves, car elles représenteraient un coût élevé pour l’Etat. Le Brésil compte près de 1,7 million d’autochtones, vivant dans des réserves ou en dehors, soit 0,83 % de la population, selon les chiffres du dernier recensement.

Des actions contre Bolsonaro :

Comme le rappelle, Greenpeace dans son article daté du 30 août 2021,  » Défendre les droits des communautés autochtones sur leurs territoires, en accordant un statut protégé à ces derniers, permet ainsi de réduire la déforestation et de défendre l’environnement  » et pourtant entre 1985 et 2019, , seulement 1,6% de la déforestation au Brésil a eu lieu dans les territoires indigènes. Pourtant, quand Jair Bolsonaro est arrivé au pouvoir en 2019, l’intensité des menaces auxquelles font face les populations autochtones a redoublé.

On sait que l’ancien président brésilien a en effet favorisé les agro-industriels au détriment de l’environnement et des autochtones. Ainsi, la déforestation a bondi en Amazonie brésilienne, qui a perdu ,11 000 km2 entre 2019 et 2020. Un tel chiffre n’avait plus été atteint depuis 2008.

Face aux menaces pesants contre leurs traditions, cultures et modes de vie, les communautés autochtones se sont mobilisés fortement. Sur le plan judiciaire tout d’abord, puisque l’Articulation des peuples indigènes du Brésil (APIB) a demandé début août 2021 à la Cour pénale internationale d’ouvrir une ,enquête sur Jair Bolsonaro pour « génocide  » et « écocide » . L’association accuse Jair Bolsonaro d’avoir perpétré des crimes alimentant une politique résolument anti-autochtone. Le, chef autochtone Raoni Metuktire a porté plainte contre le président brésilien pour crimes contre l’humanité devant cette même Cour pénale internationale. En cause, notamment : les déplacements forcés de population, les persécutions et les meurtres opérés sous le mandat de Jair Bolsonaro.