Métisse, audacieuse, incontournable, Elodie Di Patrizi incarne le renouveau d’une Italie en quête de diversité. Née à Rome d’un père italien et d’une mère guadeloupéenne, elle a grandi dans la banlieue populaire du Quartaccio avant de conquérir les cœurs dans les télécrochets. Aujourd’hui figure majeure de la pop‑urbaine italienne, elle brise les codes, porte haut les couleurs de l’héritage guadeloupéen et revendique sa place dans un pays où la diversité reste balbutiante et où le racisme persiste.
De par sa culture millénaire, ses gastronomies, ses arts qui ont marqué de leurs empreintes l’histoire humaine, l’Italie est un pays fascinant. Il faut dire que le pays compte un patrimoine artistique, historique et culturel riche réparti dans les villes mythiques de Venise, Gène, Pise, Rome, Naples, Turin, Trieste ou encore Vérone. Des lieux enchanteurs qui ont édifié le romantisme à son paroxysme au point de faire de la Grande Botte l’une des plus grandes destinations touristiques en Europe et dans le Monde.
Pourtant, depuis une dizaine d’année, l’Italie fait aussi parler d’elle pour une tout autre actualité : l’immigration massive de réfugiés venant du Proche et Moyen-Orient ou de l’Afrique ( Maghreb et Afrique Subsaharienne). Fuyant la misère, les dictatures en place dans leurs pays ainsi que les guerres civiles ou les violences religieuses, ils viennent par vagues entières vers cette Europe jugée plus sure. Située au Sud du vieux continent, l’Italie est malheureusement l’une des principales portes d’entrées pour ces milliers de candidats à l’exil forcé. Selon le site Statista, ils étaient entre un demi-million voire deux millions de migrants, a être passés par l’ile de Lampedusa ou la Sicile avant de rallier leur destination finale, généralement des pays plus au nord. ( pour aller plus loin : Italy: immigrants’ sea arrivals 2024| Statista )
Des arrivées qui suscitent des débats très animés dans le pays Alpin avec pour conséquences, un durcissement de la politique intérieure italienne et même le retour sur le devant de la scène de partis politiques orientés à l’extrême droite. Le pays a même élu en 2022, l’ultranationaliste, Giorgia Mélonie comme Présidente du Conseil, l’équivalent de Premier Ministre en France. Les mouvements fascistes ont aussi le vent en poupe auprès de la jeunesse. Il est de plus en plus courant que les adulateurs des chemises noires organisent des manifestations grandeur nature dans les rues des principales villes contre les immigrés, l’Islam et les droits LGTQIA+. Un retour dans les heures sombres de l’histoire italienne. Un temps où un certain Benito Mussolini dirigeait le pays Latin d’une main de fer.
Malgré l’ambiance électrique de ces dix dernières années, les Italiens ont érigé une jeune femme en icone de la Popculture. Son nom, Elodie Di Patrizi. Plus connu par son nom de scène Elodie. Une métisse. Cela serait banal dans des pays comme la France ou le Royaume-Uni habitués à la diversité, et encore… En Italie, c’est assez exceptionnel. Modèle pour les plus grandes marques italiennes et mondiales, chanteuse à succès, actrice pour les plus grandes productions de son pays, au fil des années, Elodie s’est imposée comme l’ambassadrice d’une Italie moderne tournée vers l’avenir alors que la question de la diversité peine à s’imposer et où le racisme persiste.
Quand j’ai appris qu’une jeune femme aux origines Guadeloupéennes faisait danser l’Italie, j’étais étonné et je me suis intéressé à elle. J’ai commencé à chercher des informations la concernant. J’ai regardé toutes ses interviews ou émissions dans lesquelles elle apparaissait et je suis devenu fan de ses musiques mais surtout de son parcours pas comme les autres.

Qui est donc Elodie ?
Née le 3 mai 1990 à Rome, dans le quartier populaire de Quarticciolo, Elodie Di Patrizi grandit au sein d’un univers où la précarité et la débrouille font partie du quotidien. Fille d’un artiste de rue italien, Roberto, et d’une Française guadeloupéenne, Claudia Marthe, ancienne danseuse et mannequin, la chanteuse porte en elle un métissage rare dans une Italie encore peu habituée à la diversité.
Mais la petite fille n’a rien d’un enfant privilégié. À seulement huit ans, elle voit ses parents se séparer. Sa mère, fragilisée par une période de toxicomanie, élève seule ses deux filles, enchaînant les cachets, les spectacles et les petits défilés pour assurer le minimum. Le foyer est disloqué, l’argent manque, et les difficultés s’accumulent.
« Son mal-être avait un nom précis : toxicomanie. Je l’ai compris après un certain temps mais je n’ai pas réagi en me fâchant, même si j’ai eu beaucoup de colère en moi pendant longtemps. J’ai dit ok, je vais vous donner un coup de main, j’essaie de comprendre comment aider. Je ne veux pas leur attribuer des fautes, mais j’ai passé des années à essayer de réparer quelque chose qui n’est pas réparable, pas par une fillette».
Elodie Di Patrizi
De cette enfance rude, Elodie retiendra la force, l’instinct de survie et la volonté de s’arracher à un destin tout tracé. Une énergie brute qui deviendra la signature de sa carrière.
Des débuts difficiles à représentantes de la musique moderne italienne :
Malgré ces turbulences, Elodie hérite très tôt de la passion musicale de son père. Mais les difficultés s’accumulent : des études interrompues, un départ du lycée sans diplôme, et à 19 ans, un nouvel exil à Lecce où elle chante et danse pour vivre. Une période rude, marquée par la précarité, mais qui façonne la détermination de la jeune artiste.

La naissance d’une combattante médiatique
Pour se faire connaître, Elodie opte pour les télécrochets, véritable institution en Italie. En 2009, elle tente d’intégrer X Factor, mais échoue aux portes du direct. Six ans plus tard, sa revanche arrive : l’émission Amici di Maria De Filippi la révèle et lui offre une visibilité fulgurante malgré sa deuxième place.
Son premier album, Un’altra vita, certifié disque d’or, ouvre la voie. En 2017, elle foule pour la première fois la scène mythique du Festival de Sanremo avec Tutta colpa mia, qui devient disque de platine. Mais c’est en 2020 que tout bascule : l’album This Is Elodie, véritable tournant artistique mêlant pop, R&B, hip-hop et influences urbaines, la hisse au rang de phénomène national. Plus de 80 semaines dans les charts. Une reconnaissance massive. Une identité musicale enfin assumée.
La même année, elle retourne à Sanremo avec Andromeda, écrite par Mahmood et Dardust, et confirme son statut d’artiste iconique.
Ascension, cinéma et engagements
À partir de là, tout s’enchaîne. En 2021, elle multiplie les projets : participation à Celebrity Hunted sur Amazon Prime, apparition en tant que co-présentatrice de Sanremo aux côtés d’Amadeus et Fiorello, puis la sortie de Vertigine, prélude à un nouvel album. Sa collaboration explosive avec le rappeur Rkomi, La coda del diavolo, certifiée cinq fois platine, devient l’un des plus grands succès de l’année.
En 2022, Elodie ajoute une corde à son arc : le cinéma. Elle fait ses débuts dans Ti mangio il cuore, présenté à la Mostra de Venise, et signe aussi la bande originale du film. Ses singles Bagno a mezzanotte reversé intégralement à Save the Children pour soutenir les réfugiés ukrainiens — puis Tribale confirment son influence sur la scène musicale italienne.
En 2023, elle est de retour à Sanremo avec Due. Son album OK. Respira devient le premier projet d’une artiste italienne certifié platine cette année-là. Forbes Italie la place alors parmi les “100 femmes de succès”.
Son nouvel album » Mi ami mi odi » sortit le 2 mai 2025 est déjà un succès au pays de Dante avec plus de 25 000 copies vendues les premières semaines, la gratifiant d’un nouveau Disque d’Or. Actuellement la chanteuse est en pleine tournée italienne des Stades et des plus grandes salles de concerts. Autant dire qu’Elodie est bel et bien entrée dans la légende.

Une image, un style, une voix
Son parcours artistique s’accompagne d’un univers visuel et stylistique qui séduit les marques. Urban Decay, Pinko, Puma, Calvin Klein, Versace, H&M, Valentino, BVLGARI, Tiffany & Co… Les collaborations s’enchaînent, façonnant une icône nouvelle génération.
Musicalement, Elodie revendique un éclectisme assumé. Dans une interview à Fanpage.it, elle affirme :
« Je suis une fille née dans une cité HLM, donc le rap brut représente parfaitement l’endroit d’où je viens. »
Elle cite Beba, Chadia et Madame parmi les femmes affirmées qui l’inspirent.
À Rolling Stone Italie, elle confie écouter Etta James, Kaytranada, Nina Simone, Beyoncé ou encore Giorgia et Lucio Battisti. Une palette d’influences à son image : hybride, moderne, sans frontières.
L’ascension d’une femme libre
Aujourd’hui, Elodie incarne bien plus qu’une popstar. Elle est le symbole d’une nouvelle Italie : métissée, urbaine, résiliente, fière de ses origines et consciente de son impact. Une artiste capable de transformer les fractures sociales et identitaires de son enfance en force créative.
Des cités HLM de Rome aux scènes européennes, des télécrochets aux plateaux de cinéma, des collaborations de luxe aux hits certifiés… Elodie a construit son chemin seule, pas à pas, voix après voix. Elle est devenue ce qu’elle n’a jamais cessé de rêver : une figure forte, singulière, visible et qui rend visible ce que d’autres auraient préféré taire.

