En France le droit à l’avortement entrera dans la Constitution.

C’est fait ! Dans une semaine, la France sera le premier pays d’Europe et du Monde à inscrire l’avortement dans sa Constitution. Ce mercredi 28 février 2024, l’histoire a retenu que le Sénat a approuvé la sanctuarisation de l’IVG dans la Constitution française, une première en Europe et dans le monde. Un long combat pour les Françaises et surtout c’est une défaite pour l’extrême droite et tous les mouvements pro-vie.

La France est une nouvelle fois entrée dans l’histoire en devenant le premier pays d’Europe et même du Monde à inscrire dans sa Constitution, le Droit à l’avortement. Il est vrai que ce droit si cher aux femmes est durement contesté et qu’il est même interdit dans de nombreux pays alors qu’une grossesse sur quatre se termine par un avortement et que 40% des femmes à travers la planète vivent dans des pays ou des états où il est strictement interdit de le faire, donnant lieu à souvent des pratiques d’avortement illégales, selon les récents chiffres une femmes toutes les neuf minutes a recours à un avortement illégal et plus de 25 millions d’IVG dangereuses sont encore pratiquées chaque année, en faisant de l’avortement la troisième cause de mortalité maternelle dans le monde.

Selon Le Monde, l’avortement est encore interdit dans près d’une vingtaine de pays, notamment dans de nombreuses nations d’Afrique, parmi lesquelles l’Egypte, le Sénégal, le Gabon, Madagascar ou encore la Mauritanie. Sur le continent noir, seuls, la Tunisie, le Mozambique, le Bénin et de l’Afrique du Sud l’ont dépénalisé.

Sur le versant sud-américain du continent, l’accès à l’IVG est particulièrement difficile. L’avortement n’est pas autorisé au Suriname, au Nicaragua ou encore au Salvador. Ce dernier Etat a même adopté en 1998 une législation draconienne qui prévoit des peines pouvant aller jusqu’à huit ans de prison en cas d’interruption de grossesse. Les poursuites sont, de plus, généralement engagées pour « homicides aggravés », passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à cinquante ans de prison. Au Brésil, pays profondément catholique, l’IVG est seulement autorisée en cas de viol, risque pour la mère ou grave malformation du fœtus et même là, certains praticiens refusent de le faire par conviction religieuse. En 2020, sous la présidence de Jair Bolsonaro, le plus grand pays d’Amérique latine durcissait sa législation en matière d’IVG après viol. En effet, la femme désirant avorter devra également « raconter en détail » ce qui s’est passé, et sera avertie qu’elle risque des poursuites judiciaires si elle ne peut pas prouver ses dires. Enfin, le viol sera obligatoirement signalé à la police avec dépôt de plainte, que la femme le veuille ou non. Au Brésil, en moyenne, six enfants entre 10 et 13 ans avortent chaque jour dans le pays et quatre fillettes (entre 10 et 13 ans) sont violées chaque heure, selon les données de l’Annuaire brésilien de sécurité publique de 2019. Des chiffres encore sous estimés. La Colombie a dépénalisé l’IVG en février 2022, pour tout motif et jusqu’à vingt-quatre semaines de grossesse. Dans la foulée, le Chili a décidé, le 16 mars, d’intégrer la dépénalisation de l’avortement dans le projet de nouvelle Constitution. Au Mexique enfin, un arrêt historique de la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle la pénalisation de l’avortement en septembre.

Cependant, en Europe aussi, bien que l’interdiction totale soit une exception, il y a quelques Etats qui l’interdise comme à Malte où les femmes avortant risquent bien une peine allant de dix-huit mois à trois ans d’emprisonnement. L’IVG est aussi proscrite dans les deux micro-Etats d’Andorre et du Vatican. En Italie, l’avortement est en pratique inaccessible du fait la profonde foi catholique entrainant de nombreuses oppositions au sein même du corps médical. Selon les derniers chiffres du ministère de la santé, 67 % des gynécologues italiens refusaient, en 2019, de pratiquer un avortement. Ce chiffre monte même à 80 % dans cinq des vingt régions italienne. Cependant, sur le continent européen, l’IVG n’est légale que depuis très peu de temps, on parle de la République d’Irlande où l’IVG n’est légale que depuis 2018, à la suite d’un référendum historique abrogeant son interdiction constitutionnelle. L’avortement a également été libéralisé en 2019 en Irlande du Nord, seule partie du Royaume-Uni où il était encore interdit, mais reste toujours difficile d’accès.  En octobre 2020, le Tribunal constitutionnel de la Pologne a ainsi rendu l’IVG quasi illégale en supprimant la possibilité d’y recourir en cas de malformation du fœtus. Ce critère concernait plus de 95 % des 1 000 avortements légaux pratiqués chaque année dans le pays.

D’autres pays ont partiellement dépénalisé l’avortement mais soumettent son accès à des conditions extrêmement restrictives. Ainsi, l’IVG est accessible uniquement en cas de danger pour la vie de la femme en Côte d’Ivoire, Libye, Ouganda, au Soudan du Sud, en Irak, au Liban, en Syrie, Afghanistan, au Yémen, Bangladesh, en Birmanie, au Sri Lanka, Guatemala, Paraguay ou encore Venezuela. En Asie, la plus haute juridiction de la Corée du Sud a ordonné en 2019 la levée de l’interdiction de l’avortement, jugée anticonstitutionnelle. Toutefois, aucune nouvelle législation n’est encore venue encadrer l’interruption de grossesse. Dans la même sphère géographique, la Nouvelle-Zélande n’a dépénalisé l’avortement qu’en 2020. En Australie, pays fédéral, l’Etat du Queensland a légalisé l’IVG en 2018 et seule la Nouvelle-Galles du Sud, Etat le plus peuplé du pays, continue de la proscrire. En Thaïlande, l’avortement a été décriminalisé en février 2021 et peut désormais être pratiqué jusqu’à douze semaines d’aménorrhée.

Alors qu’ils font figure de modèles dans de nombreux domaine, Les Etats-Unis d’Amérique sont aussi tiraillés par la question de l’IVG. Pays fédéral, la question de l’avortement suscite bien souvent des levés de boucliers au sein des états fédérés, notamment ceux du sud qui l’interdisent clairement. Encore une fois, pour des questions religieuses. Comme l’indique Amnesty International, en1973, la Cour suprême des États-Unis statuait que l’avortement était légal en rendant l’arrêt historique Roe c. Wade. Depuis lors, les militants et les responsables politiques opposés à l’avortement se mobilisent en vue de faire annuler cette décision et nous assistons aujourd’hui aux fruits de ce travail. Les attaques contre l’arrêt rendu dans l’affaire Roe se sont intensifiées lorsque le président Donald Trump a nommé deux nouveaux juges à la Cour suprême, tous deux ayant exprimé des opinions hostiles à l’avortement. Pourtant en 2019, sous le mandat du Républicain plusieurs États américains ont adopté des lois qui interdisent l’avortement dans la pratique, tandis que d’autres ont pris des mesures visant à restreindre très fortement la possibilité d’y avoir accès. Par exemple en Alabama, en mai 2019,  le gouverneur de cet État a promulgué une loi draconienne permettant de condamner à la réclusion à perpétuité les médecins qui pratiquent des avortements. Pourtant, dans la pratique, l’avortement est déjà inaccessible pour de nombreuses femmes en Alabama.  93 % des comtés de l’Alabama ne disposaient pas de cliniques réalisant des avortements. Aussi la plupart des habitants de l’Alabama doivent-ils se rendre dans d’autres États pour avoir accès à l’avortement.

Qui plus est, six États américains ne disposent que d’une seule clinique fournissant des services d’avortement. Vingt-sept grandes villes des États-Unis et une grande partie de l’Amérique rurale sont des « déserts » en termes d’avortement : la plupart des habitants vivent à plus de 160 kilomètres d’un tel service. De plus, cinq Etats-, toujours du Sud chrétien et pro-Trump, la Géorgie, l’Ohio, le Kentucky, le Mississippi et la Louisiane – ont adopté des lois qui interdisent l’avortement après environ six semaines, c’est-à-dire pour beaucoup de femmes avant qu’elles ne réalisent qu’elles sont enceintes. Ces nombreuses interdictions ont des conséquences sur la santé des femmes américaines surtout que les États-Unis ont le taux de mortalité maternelle le plus élevé de tous les pays développés ; les États dotés des lois sur l’avortement les plus restrictives présentent déjà des taux plus élevés de mortalité infantile et maternelle.

Pourtant, en 2022, malgré le mandat du Démocrate Joe Biben,  la Cour suprême des Etats-Unis a annulé, vendredi 24 juin, l’arrêt Roe vs Wade, qui, depuis 1973, accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays. Cette décision ne rend pas les interruptions volontaires de grossesse (IVG) illégales mais renvoie à chaque Etat la décision d’autoriser, ou non, l’avortement sur son territoire. Cette décision couronne cinquante ans d’une lutte méthodique menée par la droite religieuse, pour qui elle représente une énorme victoire, mais pas la fin de la bataille car pour les évangéliques états-uniens l’objectif est d’interdire complètement l’avortement du pays.

Abortion rights activists and anti-abortion activists react outside the US Supreme Court after overturning of Roe Vs. Wade, in Washington, DC, on June 24, 2022. (Photo by Stefani Reynolds / AFP)

La France s’érige en modèle dans le Monde

Malgré cet obscurantisme et cette domination du corps de la femme, la France fait figure d’exception, car oui, dans une semaine, la France sera le premier pays d’Europe et du Monde à inscrire l’avortement dans sa Constitution. Ce mercredi 28 février 2024, l’histoire a retenu que le Sénat a approuvé la sanctuarisation de l’IVG dans la Constitution française, une première en Europe et dans le monde. Un long combat pour les Françaises et surtout c’est une défaite pour l’extrême droite et tous les mouvements pro-vie.

Dès sa campagne électorale de 2022, Emmanuel Macron avait annoncé son souhait d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. Le 24 novembre 2022, les députés avaient adopté à une très large majorité une proposition de loi constitutionnelle en ce sens ; les sénateurs s’y sont rangés à leur tour ce 28 février 2024, après un premier vote resté sans suite en février 2023. Conformément à la procédure constitutionnelle, ce vote favorable par la chambre haute de la République ouvre la voie à une adoption définitive du projet par le Congrès (réunion des deux chambres législatives), convoqué par le Président pour le lundi 4 mars. Sauf surprise majeure, le projet sera donc adopté, la droite et « l’extrême-droite » refusant de s’y opposer par électoralisme. L’objectif de cette entrée dans la Constitution, est comme le président Emmanuel Macron est de « rendre le droit à l’IVG irréversible », soit de faire en sorte qu’il soit inabrogeable quelle que soit la majorité dégagée par les élections, censées être l’expression de la volonté souveraine du peuple. Si l’avortement est constitutionnalisé, tout changement éventuel quant à son statut de droit constitutionnel requerrait non seulement une majorité dans les deux chambres législatives, mais encore un vote du Congrès à raison de trois cinquièmes des parlementaires et même un Président plébiscité par les Français dès le premier tour et disposant d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale serait impuissant à y apporter la moindre modification.