Chaque année pour la fête des grands-mères l’association Akadémiduka organise le grand événement culturel inaugurant chaque année mois de mars : On dimanch o komandman. De quoi honorer les grands-mères aux rythmes du quadrille, pan du patrimoine culturel de la Guadeloupe et même plus largement de la Caraïbe. Retour sur cet événement patrimonial en photos.
En Guadeloupe, la société matriarcale font des grands-mères le pilier de la structure familiale. Support sur qui l’on s’appuie dès la naissance de l’enfant et dans la perfection de son éducation. La place de la grand-mère est donc capitale pour le bien-être social local. C’est donc la raison pour laquelle, la fête des grands-mères a une résonnance particulière. Pour honorer nos
Ainsi, le dimanche 3 mars 2024, la place de la Victoire s’est transformée en grande piste de bal afin de mettre à l’honneur le quadrille, la Biguine, mais aussi les grands-mères à travers son événement culturel inaugurant chaque année mois de mars : On dimanch o komandman.
Pour cette nouvelle édition, l’événement n’a pas eu lieu au Mémorial Acte, mais sur la place de la Victoire s’est transformée en grande piste de bal et pour animer la Place, dix-sept associations de quadrille de l’archipel ont répondu présentes à l’invitation. Et cette année, pour respecter le thème de l’héritage et de la transmission, de jeunes danseuses et danseurs ont revêtu les tenues traditionnelles pour accompagner les plus confirmés.
Sous les notes de musique de l’orchestre de Narcisse Boucard, tous ont assuré le spectacle sous le regard enjoué des spectateurs qui ont bravé la pluie.
A la découverte du Quadrille
Dès que l’on parle de musique de la Guadeloupe, on pense au zouk ou pour les plus connaisseurs, de la biguine ou du fait de l’influence caribéenne, du kompas en provenance d’Haïti. Pourtant, le quadrille figure parmi les musiques traditionnelles de nos îles. Les îles de Guadeloupe ont surtout chacune apporté une touche spécifique à cette danse de salon de la fin du XVIIIe siècle.
Le quadrille est directement issu de la contredanse française telle qu’elle était dansée au xviiie siècle. Après l’abolition de l’esclavage les maîtres avaient interdit la reproduction de leur danse par les anciens esclaves de peur qu’elle ne soit parodiée. Elle restait toujours pratiquée dans les milieux bourgeois, des communes à proximité des usines, par des rythmes européens.
Ce n’est que vers les années 1930, à la découverte de la biguine que les guadeloupéens de la commune de Sainte Anne, lieudit : Deshauteurs ont constitués le quadrille au commandement sur la base des quadrilles à la Française. Au plan musical le nom des figures restera les mêmes.
Un commandeur donnera le départ de la danse, les mouvements à exécuter à chaque reprise de cette musique syncopée constituant la figure et la fin de la danse.
Cependant, comme l’explique Lameca, bibliothèque Caraïbe : Possession française depuis 1635, la Guadeloupe est avec la Martinique plus au sud, un des territoires caribéens où la tradition du quadrille est des plus vivaces. Cinq quadrilles y sont dansés aujourd’hui, mais quatre sont des créations locales.
Les quadrilles guadeloupéens proprement-dits sont tous constitués de quatre figures appelées pantalon, été, poule et pastourelle suivies d’une finale qui varie selon les lieux. Dans les bals de Grande-Terre, la danse finale tend à être un second été ou, autrefois, une boulangère. À Marie-Galante et dans les fêtes de la Côte sous-le-vent, la finale peut être une biguine ou tout autre danse qui plaît aux danseurs. Le quadrille de Vieux-Fort se termine le plus souvent par une saint-simonienne, une danse qui pour les porteurs de tradition serait un antécédent de la biguine.
La Médiathèque Caraïbe poursuit que le nom des figures et les parcours-type des quadrilles guadeloupéens sont caractéristiques de la danse à la française.
Ces quadrilles se sont développés et maintenus chacun dans une région particulière : dans la petite ville côtière de Vieux-Fort sur la Basse-Terre, le long de la Côte sous-le-vent également en Basse-Terre, dans l’intérieur de la Grande-Terre et sur l’île de Marie-Galante. Chorégraphiés pour deux couples, les quadrilles de Vieux-Fort et de la Côte sous-le-vent sont dansés sans commandement. À Vieux-Fort, ces quatre danseurs sont disposés comme suit : un cavalier avec une dame à sa droite se tient face à une autre dame à la gauche de laquelle se trouve le second cavalier. Quand il y a un bal de quadrilles dans la tradition de Vieux-Fort, les danseurs se disposent ainsi en autant de petits quadrilles qu’il peut s’en former avec les danseurs présents.
Pour ce qui est de la musique, l’accompagnement se fera avec des instruments fabriqués sur place, tel ; le siac, le triangle, le tambour de basse, le chacha, l’accordéon, la guitare étaient importés. En ce qui concerne le rythme, c’est généralement un rythme ternaire qui distingue la poule. Les autres figures sont toujours en binaire à deux ou quatre temps.
Lameca va plus loin et donne des détails sur le rôle de chaque instrument qui compose l’orchestre quadrille. Ainsi, des enregistrements effectués au début des années 1970 montrent qu’à travers la Guadeloupe, les mélodies de quadrilles étaient exécutées au violon aussi bien qu’à la flûte, à la mandoline ou encore à la guitare. Depuis la fin du vingtième siècle, tous ces instruments ont disparu et ont été remplacés par l’accordéon. Au milieu des années 2010, des efforts ont été entrepris pour réintroduire le violon dans l’orchestre de quadrille, notamment à Vieux-Fort où le recours au violon pour interpréter les mélodies de quadrille s’est maintenu plus longtemps qu’ailleurs. À l’accordéon qui joue la mélodie, on ajoute quatre ou cinq instruments – des idiophones pour la plupart – pour compléter l’ensemble de quadrille. Ces instruments sont le graj aussi appelé siyak ou mòtòyò (un râcleur en bambou), le chacha (sonnaille), le triangle et le tanboudbass, tous de fabrication artisanale. On leur adjoint de plus en plus souvent une basse électrique et quand le tanboudbass n’est pas disponible une boîte à rythme ou une batterie remplace le tanboudbass, au grand dam de certains porteurs de tradition.
Pour ce qui est de la danse, il y a aussi des différences notables entre les différentes régions de l’archipel guadeloupéen.
Un commandeur dont les rôles diffèrent là encore d’une zone à une autre comme l’explique la Médiathèque Caraïbe » Sur la Grande-Terre, les danseurs sont toujours au nombre de huit, organisés en quatre couples dirigés par un commandeur. À Marie-Galante aussi un commandeur annonce les figures et les parcours, mais si autrefois huit danseurs pouvaient figurer en même temps dans l’espace de danse, ils étaient disposés en deux petits quadrilles distincts, les katos, formés de deux couples chacun. Aujourd’hui à Marie-Galante, les petits quadrilles ou kato se multiplient dans la salle de bal où ils figurent sous le regard attentif du commandeur lançant ses injonctions. «
Autrefois le commandeur jouait d’un petit tambour sur cadre appelé kakòyè sur la Grande-Terre et makè à Marie-Galante. Depuis les années 1970, il ne s’occupe plus que d’annoncer les parcours et les figures car son tambour a disparu de l’orchestre traditionnel.
Le Carême excepté, le quadrille se danse à longueur d’année en Guadeloupe, dans des bals qui rassemblent jusqu’à deux cents danseurs et où de plus en plus souvent les quatre quadrilles sont dansés en alternance.
Moins populaire que le zouk, la biguine ou le bien nommé gwoka, le quadrille a été menacé de disparition car elle était représentée par une petite communauté vieillissante. La transmission était faite en famille. Si vous n’étiez pas de la descendance d’une famille de danseur il vous était difficile de pratiquer cette danse. Pareil, si vous n’aviez pas de proche sachant commandé le bal, il vous était quasi impossible de le devenir. Une transmission était donc nécessaire pour que les nouvelles générations de guadeloupéens puissent se le réapproprier. C’est chose faite puisque jeunes danseuses et danseurs ont revêtu les tenues traditionnelles pour accompagner les plus confirmés.
Félicitations !
Merci pour cet article bien documenté.
On y apprend une histoire et une terminologie très instructive
Bravo !