En ce 1er décembre, les Etats-Unis commémorent un événement marquant de leur histoire. C’était un 1er Décembre 1955, une femme, nommée Rosa Parks est devenue une icône nationale et internationale en disant simplement » non » aux injonctions du chauffeur de bus pour qu’elle laisse sa place à une femme blanche. C’était une autre époque, où les noirs n’avaient aucun droit mais elle a su dire » non »
Le 1er décembre est célébré comme la Journée Rosa Parks aux États-Unis, en souvenir de la courageuse militante des droits civiques Rosa Parks. Bien que ses contributions au mouvement aient eu une grande influence, son incident le plus célèbre a été de refuser de céder sa place dans un bus pendant ses déplacements. Son attitude déterminée est une source de motivation pour tous, tandis que la journée en question plaide pour l’égalité des droits et des chances pour toutes les communautés du pays, ainsi que pour les droits civils.
Tout au long de la journée à travers tous les Etats-Unis, des activités et des événements sont organisés par des églises, des organisations des Droits civiques et des représentants du gouvernement commémorent l’occasion
Pour le rappel historique, il n’y a pas si longtemps, les Etats-Unis que nous connaissons aujourd’hui, étaient loin d’être le pays de la tolérance et de l’ouverture envers les minorités, notamment les juifs et surtout les noirs.
En effet, les afro-américains, descendants des esclaves africains déportés aux Amériques devaient respecter certaines règles de vie sociale complètement injuste mais pourtant, ces règles étaient légales et inscrites dans les lois des Etats du Sud notamment, on les nommait les Jim Craw Laws établissant une ségrégation sociale et raciale dans ces Etats. Par exemple, les afro-américains ne pouvaient pas aller dans les mêmes bars que les blancs, ils n’avaient pas le droit de boire dans les mêmes fontaines à eau que celles des blancs, ils ne pouvaient pas suivre leur scolarité dans les mêmes écoles ou universités que celles réservées aux blancs et comble de l’histoire, ils devaient céder leur place dans les transports en commun aux blancs. D’ailleurs dans ces mêmes transports, les afro-américains avaient l’obligation de s’assoir au fond.
Ces lois étaient la version la plus » softs » ( douce) de cette ségrégation commencée dès la fin de la Guerre de Sécession. Quand ils n’étaient pas discriminés par leurs compatriotes blancs, ils étaient tous simplement assassinés, lynchés et les coupables étaient même relâchés.
C’est après la Guerre de Sécession plus spécifiquement vers 1877( date à laquelle les troupes nordistes victorieuses de la Guerre Civile ( Civil War) quittent les Etats du Sud vaincus et occupés), que les lynchages vont devenir des pratiques courantes aux Etats-Unis mais surtout dans le Sud où ils étaient pratiqués les membres du Klu Klux Klan. Pendant plus de soixante-dix ans, la violence à l’encontre de la minorité noire vont faire partie du décors de ce Sud vaincu par le Nord. Selon, l’association américaine luttant pour la défense des droits de l’homme, l’Equal justice initiative (EJI) près de 4000 Noirs auraient été exécutés sans jugement, dans des conditions sommaires, sur une période de 73 ans. Alors que se met en place, dans ces même régions, le système de ségrégation raciale, le lynchage s’instaure dans ces États pour établir «un système post-esclavagiste de domination raciale» le tout reposant les Lois Jim Crow qui ont été déclarées inconstitutionnelles en 1954 avec l’arrêt Brown v. Board of Education puis en 1964 avec le Civil Rights Act et le Voting Rights Act de 1965.
Plusieurs lynchages sont encore dans les mémoires, tels que celui de W.R Taylor pendu par la foule en 1889, celui de Ed Johnson en 1906, le lynchage de Laura Nelson et de son fils en 1911 accusés de vol de bovin, le lynchage de Jesse Washington dans la ville de Waco au Texas en 1916. En 1921, une femme blanche est assassinée de coups de feu. John Lee Eberhart, un jeune homme noir qui avait travaillé pour la famille de la victime est immédiatement suspecté ; on l’arrêta en possession d’un pistolet ayant appartenu au mari de la victime. Il fut arrêté et avoua la crime. Une foule l’enleva de la prison ou il était détenu, lui fit un procès sommaire et le brûla vif. Il y a également le lynchage de George Gay pendu par la foule qui lui tira une centaine de balles, en 1922.Ou encore l’histoire de Mary Turner, une afro-américaine enceinte, tuée pour avoir protesté contre le meurtre de son mari: elle fut pendue par les pieds, puis brûlée vive pendant qu’un homme tuait l’enfant qu’elle portait. On parle aussi du lynchage de trois hommes noirs à Kirvin au Texas en 1922, ces derniers accusés d’avoir assassiné une femme blanche, ont été battus, castrés, poignardés, leurs corps attachés furent incendiés. Autre événement historique, le Massacre de Tulsa dans l’Oklahoma entre le 31 Mai et le 1er Juin 1921 ( bilan officiel en 1921; 45 morts, mais en 2001, il a été revu à la hausse, entre 100 et 300 morts selon le rapport de la Commission d’Enquête). Dernier fait de violence, le lynchage d’Emmett Till, adolescent de 14 ans, lynché en 1955, pour avoir sifflé une femme blanche. Des exemples parmi des milliers et qui se sont déroulés en toute légalité.
Le seul crime des ces milliers de victimes souvent innocentes, fut d’avoir « offensé la suprématie blanche » : un regard, une rumeur, une dispute, des insultes, un témoignage à charge contre un Blanc etc.
Pourtant malgré toutes ces souffrances, une femme, ( pas la première) s’est dressée et est devenue malgré elle la porte voix de ces opprimés ce qui conduira au mouvement des Droits Civiques dirigé par Martin Luther King. Tout a commencé un soir d’hiver de 1955, quand cette femme afro-américaine de 42 ans, fatiguée après une longue journée de travail en tant que couturière, est montée à bord d’un bus à Montgomery, en Alabama, pour rentrer chez elle. Elle a payé son billet et a pris un siège vide dans la zone de l’autobus marquée « de couleur ».
A cette période, Montgomery avait adopté une loi visant à séparer les passagers des bus en fonction de leur race. L’avant du bus était réservé aux citoyens blancs, les sièges à l’arrière aux citoyens noirs. Mais c’était aussi devenu une coutume que les chauffeurs d’autobus demandent à un passager noir de céder sa place s’il n’y avait pas de sièges « réservés aux Blancs ». Cependant, l’acte qu’elle va faire sonnera le glas de la politique de ségrégation en vigueur dans la ville et dans l’ensemble de l’Etat. Pour revenir à l’histoire, alors que le bus se remplissait, le chauffeur de bus James Blake a exigé qu’elle et trois autres passagers noirs cèdent leur place. Rosa Parks seule a refusé.
Bien des années plutard, lorsqu’on lui demanda les raisons de son refus, elle répondit en ces termes à la BBC,
» « I did this because I felt I was being violated as a human being. I had had a hard day at work on the job, [I was] physically tired as well as mentally vexed. I was sick of this type of thing we had to endure as a people because of our race »
Rosa Parks for the BBC.
« Je l’ai fait parce que j’avais l’impression d’être violée en tant qu’être humain. J’avais eu une dure journée de travail, j’étais physiquement fatigué et mentalement vexé. J’en avais marre de ce genre de choses que nous devions endurer en tant que peuple à cause de notre race.
Rosa Parks à la BBC
Son acte de désobéissance eu des répercussions qu’elle-même n’aurait jamais imaginé. Comme l’expliquent nos confrères de la BBC, : » Les répercussions ne se sont pas fait attendre. Le bus a été arrêté et Parks a été rapidement arrêté par la police locale. Le 5 décembre, elle a été reconnue coupable d’avoir enfreint les lois sur l’isolement, condamnée à une peine avec sursis et à une amende de 10 dollars, plus 4 dollars de frais de justice. »
L’arrestation était une conséquence des lois Jim Crow. Toutefois, il est bon rappelé que ce n’était pas la première fois qu’une personne de couleur, refuse de céder sa place à une personne blanche, mais c’est bel et bien Rosa Parks qui réveilla cette colère enfouie. Par exemple, bien avant elle, il y eut le cas de la jeune Claudette Colvin, 15 ans, neuf mois avant l’action de grâce de Rosa Parks. Mais cette fois-ci, l’acte de défi silencieux s’est avéré être un catalyseur de changement.
Néanmoins certains lui reprocheront d’avoir capté l’audimat du fait de son parcours professionnel. Il faut dire que Rosa Parks était une militante active du Mouvement des Droits Civiques et était secrétaire de la section de Montgomery de la puissante NAACP ( National Association for the Advancement of Colored People).
À la suite de son arrestation, un boycott du système de bus de la ville a été organisé par la Montgomery Improvement Association, dirigée par un pasteur de 26 ans nommé Martin Luther King Jr. Le boycott a duré plus d’un an, paralysant le système de transport public en raison de la perte de revenus, et a attiré l’attention nationale sur le racisme systémique inhérent aux lois Jim Crow. Si bien que la Cour suprême des États-Unis a rendu une décision en décembre 1956, après 381 jours de boycott, déclarant que la loi sur la ségrégation était en violation de la Constitution.
Disons-le, l’efficacité du boycott a servi de catalyseur pour les manifestations ultérieures pour les droits civiques au fil des ans. Les parcs sont apparus comme un symbole de la résistance contre les inégalités.
Mais, pour avoir dit « non » Rosa Parks fut licenciée, reçut des menaces de mort par téléphone, son mari a lui aussi perdu son travail et aussi menacé physiquement. Face à toutes ces pressions, le couple quitta l’Alabama pour s’installer à Detroit dans le Michigan et même dans cette nouvelle ville, les critiques, menaces et harcèlement ne s’estompèrent pas.
Cela n’a pourtant pas découragé Rosa Parks qui continua de militer à Détroit pour les Droits Civiques des personnes de couleur, l’amélioration de leur condition de vie dans la ville industrielle comme l’accès un meilleur logement et surtout le droit de vote et de participer à une élection. Elle s’est portée volontaire pour le candidat démocrate local John Conyers dans sa candidature au Congrès, qui, une fois élu, l’a embauchée comme assistante dans son bureau de Detroit, un poste qu’elle a occupé jusqu’à sa retraite.
L’impact de l’arrestation de Rosa Parks est allé bien au-delà de la simple fin de la ségrégation raciale dans les transports publics. Sa force tranquille face au racisme a galvanisé la communauté noire, jetant les bases de campagnes pour les droits civiques, y compris la marche historique sur Washington en 1963 et l’adoption éventuelle de la loi sur les droits civiques de 1964 et de la loi sur le droit de vote de 1965.
Femme d’influence avant l’heure, elle marqua son époque de son empreinte, par un simple » Non » elle changea le court de l’histoire de son pays, les Etats-Unis mais aussi le Monde au point que son nom est désormais associé à la lutte contre le racisme et la ségrégation. Son refus d’abandonner son siège a alimenté l’élan d’un mouvement de masse qui finirait par démanteler les politiques racistes de ségrégation. Et elle est elle-même devenue un symbole de la lutte pour la justice et l’égalité.
D’ailleurs comme le déclarait son avocat à la BBC,
« I think that if there was any one point, one event in the civil rights movement that started in the 1950s you can pinpoint to the Montgomery Bus Boycott and Miss Parks… which was symbolised by this courtroom and her conviction in it, »
Fred Gray Rosa Park’s Lawyer for BBC.
« Je pense que s’il y a eu un point, un événement dans le mouvement des droits civiques qui a commencé dans les années 1950, vous pouvez mettre le doigt sur le boycott des bus de Montgomery et Miss Parks… qui a été symbolisé par cette salle d’audience et sa condamnation dans celle-ci »,
Fred Gray, avocat de Rosa Parks pour la BBC.
En 1999, le Congrès américain lui décerne sa plus haute distinction, la médaille d’or du Congrès, la qualifiant de « mère du mouvement des droits civiques ». Icone nationale et planétaire, Rosa Park s’est éteinte chez elle à Detroit, le 24 octobre 2005, après un long combat contre une maladie dégénérative.