Une pétition de vingt députés et d’élus pour demander justice pour Claude Jean-Pierre et la fin de l’impunité des violences policières en Outremer.

La Guadeloupe mais aussi l’ensemble des Outre-mer sont également concernés par les violences policières. Des affaires ont émaillé les gros titres des quotidiens régionaux et pourtant, contrairement à l’Hexagone, il n’y a jamais de condamnation de la part des auteurs, membres des forces de l’ordre, pour ces crimes. Il y a une vraie impunité. Cette fois, un collectif d’élus PS, LFI, LIOT et GDR ont publié ce 6 mai une tribune dans « Libération » sur les violences policières en Outre-mer, évoquant notamment l’affaire du Guadeloupéen Claude Jean-Pierre

Hé oui, contrairement à ce que l’on pense, la Guadeloupe et les Outre-mer, loin des clichés de cartes postales sont des terres où les représentants de l’ordre républicain fonctionnent en toute impunité. Combien d’affaires classées sans suite, combien de familles brisées, combien d’injustices balayées avant que l’Etat prenne ses responsabilités ? Beaucoup. En Guadeloupe comme dans l’ensemble des Outre-mer, les violences policières et de gendarmerie existent. Elles font les gros titres des quotidiens locaux, mais pourtant, à la différence des affaires qui ont lieu en France Hexagonale, les auteurs, membres des forces de l’ordre, ne sont jamais poursuivis, donc, jamais condamnés. Puis, même au niveau de la presse, elles finissent par tomber dans l’oubli et malheureusement, la population oublie, passe à autre chose jusqu’à la prochaine bavure. On s’habitue.

Après, il est vrai que l’archipel est à l’image de la France et dans notre pays, en général, ceux et celles qui portent l’uniforme et qui commettent des violences sont rarement suspendus et condamnés. Les affaires trainent sur la longueur et les auteurs de ces crimes continuent à travailler en toute impunité après avoir été tout simplement déplacés dans une autre région.  Quelques affaires ont fait grand bruit, certains conduisant à des manifestations d’ampleur voire des émeutes. On pense aux affaires Zyed et Bouna en 2005,Lamine Dieng en 2007. Plus récemment ce sont les morts de Liu Shaoyao, El Yamni, Bah, Gaye Camara, Elabdani, Mederres, Gomes, Dramé, Legay, Kébé ,Kameni, Touat, Laronze, Rousseau Sissoko et Cédric Chouviat. Puis, il y a eu l’affaire Nordine, un homme âgé à l’époque de 37 ans qui a été blessé grièvement par un tir émanant de trois policiers de la BAC et qui ne portaient aucun insigne distinctif. Ce sont bien les médiatiques affaires Adama Traoré et les interpellations violentes de Théo Luhaka ainsi que celle de Michel Zecler , (ce producteur de musique d’origine martiniquaise qui a été véritablement agressé par la police dans son immeuble, le motif de l’arrestation fut celui du non port du masque alors qu’il rentrait dans les locaux de son studio de musique.) Sans oublier, les histoires que nous oublions.

Une violence policière et de gendarmerie historique et banalisée :

 Pourtant, toutes celles que nous avons cité finissent par des manifestations d’ampleur débouchant vers des procès et les auteurs mis en examen et même parfois condamnés. Comme nous le disons, pas en Guadeloupe !

Si on replonge dans l’histoire, nous pouvons citer, la brutale répression de Mè 67 dont le bilan humain fut dramatique et la blessure est jusqu’à présent béante et les familles des victimes jamais indemnisées. Autre affaire, celle du lycéen Charles-Henri Salin, assassiné par un gendarme alors qu’il sortait du cinéma Rex. Une affaire qui n’a jamais été résolue puisque le gendarme Maas (c’est son nom), coupable de ce crime, a été dans un premier temps acquitté avant d’être déclaré coupable d’avoir « provoqué la mort sans intention de la donner ». Cependant, toujours selon le Tribunal, il aurait eu « un motif légitime». Il fut même décoré pour ses états de service. Autre affaire, plus récente celle-là, en 2017, à Trois-Rivières, commune du Sud Basse-Terre, un père de famille appelle les secours pour son fils, Didier Assor, un schizophrène. Au final, ce dernier est abattu par les hommes du RAID. Résultat huit balles tirées, une famille endeuillée qui a porté plainte contre l’usage excessif de la force et un système judiciaire toujours silencieux, même huit ans après les faits.  

Il y a surtout l’affaire Claude Jean-Pierre que nous suivons depuis son début. En 2020, ce retraité de 67 ans, sans casier judiciaire, aimé de tous ces proches et voisins. Un homme sans histoire avec la justice est décédé suite à un contrôle de gendarmerie opéré le 21 novembre 2020 sur le territoire de la commune de Deshaies. Cependant, Klodo n’est pas l’unique affaire récente puisque le 9 janvier 2024, Rony Cély, un homme de 39 ans connu pour être un schizophrène est abattu par un gendarme chez son père à Goyave. L’homme vraisemblablement en crise ce jour-là n’était pas connu pour des actes de violence. Là encore la question de l’usage excessif de la force peut être questionné.

Bientôt cinq ans que sa fille Fatié aidé de son conjoint Christophe se battent pour que justice soit faite. Néanmoins, aucun procès n’est pour l’heure à l’ordre du jour. La justice piétine et se fait attendre.

Cette fois, un collectif d’élus PS, LFI, LIOT et GDR ont publié et signé ce 6 mai une tribune dans « Libération » sur les violences policières en Outre-mer qui s’enchaînent et aucune justice pour les familles endeuillées.

Ils sont vingt députés, élus municipaux et régionaux, ultramarins et hexagonaux dans une tribune publiée ce 6 mai dans le journal Libération et intitulée « L’injustice ne doit plus être la règle en Outre-mer ». Ils exigent notamment « la fin des classements sans suite généralisés et une reconnaissance pleine et entière des violences policières dans les Outre-mer« , et que « l’Etat garantisse aux citoyens ultramarins les mêmes droits, la même justice, le même respect« .

Ils demandent « un procès équitable » :


Les députés guadeloupéens signataires contactés, tous évoquent le cas de Claude Jean-Pierre et les images de son interpellation qui ont été diffusées par Le Média puis reprise dans l’enquête Mediapart. S’ils insistent tous sur la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire, ils demandent dans la tribune « un procès équitable dans l’affaire Claude Jean-Pierre » afin de rechercher la vérité.

Pour le député Olivier Serva (LIOT) interviewé par nos confrères de La 1ère :  » Il semblerait que la justice soit hésitante en fonction des personnes, les procureurs changent, prennent des positions différentes,  Là, il y a une juge d’instruction qui avait suscité pas mal d’espoir, où on pensait que le procès arriverait rapidement. Depuis plusieurs mois plus rien ne se passe. Il y a simplement un crescendo dû au fait que nous n’avons pas de réponse depuis plusieurs annéesOn ne veut pas que cette affaire reste dans les tiroirs de la justice française sans jugement. »

L’élu rappelle que si l’affaire « gronde de façon sourde » en Guadeloupe, c’est aussi dû aux émeutes de mai 1967, « une blessure béante« .  « On a des morts sans explication et pas de procès, rien, déplore-t-il. Donc depuis mai 67, nous avons des blessures sur la justice qui ne s’est pas prononcée, qui semble protéger l’action d’un pouvoir colonial, c’est ça, le fond du sentiment que nous avons. » « Et comme nous ne pensons pas que la justice est aujourd’hui toujours coloniale, nous voulons qu’elle nous le démontre« , conclut-il.

De son côté, le député Elie Califer ( PS) interrogé par La 1ère estime que : « Quand je pose ma signature, c’est pour pointer ces violences-là mais surtout pour qu’il y ait une gestion judiciaire de ces violences-là, que les choses aillent jusqu’au boutCar trop souvent il y a parfois des promotions pour les responsables ou parfois des non-lieux. » « Ce sont des affaires qui créent beaucoup de souffrance et nous voulons être solidaires de nos populations »

Pour lui, cette tribune est une façon de mettre en avant cette affaire sur la scène médiatique nationale : « Quand ce genre de choses se passe sur le territoire national [hexagonal, ndlr] il y a la presse qui évoque, les médias qui font des commentaires, quand c’est dans les Outre-mer c’est assez discret. »

Le député guadeloupéen Christian Baptiste (apparenté au groupe PS) rappelle pour sa part que cette tribune n’est que la suite logique d’une série d’actions menées par les députés depuis plusieurs années. Il avait par exemple organisé le 5 décembre 2024 à l’Assemblée nationale, la projection du documentaire de Harry Rosemalck, L’Etat républi-nial, qui revient sur les circonstances de la mort de Claude Jean-Pierre.

« Nous avons aussi pris cette décision d’adresser un courrier au ministre de la Justice, courrier qui partira aujourd’hui d’ailleurs, révèle-t-il. Ce que nous demandons à travers ce courrier au ministre de la Justice, c’est effectivement que la justice puisse jouer totalement son rôle. »

Loin d’être seuls dans ce combat pour la vérité, d’autres députés ont apposé leurs signatures à ce texte. On peut citer : Aly Diouara Député de la 5e circonscription de la Seine-Saint-Denis (LFI) Madioula Aïdara Diaby Conseillère municipale à la mairie de l’Ile-Saint-Denis Antoine Léaument Député de la 10e circonscription de l’Essonne (LFI) Béatrice Bellay Députée de la 3e circonscription de la Martinique (PS) Chantal Lérus Vice-présidente de la région Guadeloupe Carlos Martens Bilongo Député de la 8e circonscription du Val-d’Oise (LFI) Davy Rimane Député de la 2e circonscription de la Guyane depuis le 22 juin 2022 (GDR) David Guiraud Député dans la 8e circonscription du Nord (LFI) Elie Califer Député de la 4e circonsription de la Guadeloupe (PS) Eric Coquerel Député de la 1re circonscription de la Seine-Saint-Denis (LFI) Frédéric Maillot Député de la 6e circonscription de la Réunion (GDR) Jean Marie Hubert Maire de la ville de Port-Louis Jiovanny William Député de la 1re circonscription de la Martinique (PS) Mathilde Panot Députée de la 10e circonscription du Val-de
Marne (LFI) Max Mathiasin Député de la 3e circonscription de la Guadeloupe (Liot) Nini Nadir Conseiller municipal l’Ile-Saint-Denis Raphaël Arnault Député de la 1re circonscription du Vaucluse (LFI) Thomas Portes Député de la 3e circonscription de la Seine-Saint-Denis (LFI).

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