Keros N présente son nouvel album : Grand Cru 

Le chanteur Keros-n est l’invité de The Link Fwi pour parler de son nouvel album  » Grand Cru ». Face à nos caméras il est revenu sur la création de ce nouveau projet qu’il considère être le meilleur de sa carrière et il a donné sa vision de notre société ballottée par les crises sociales.

Tout bon antillais qui se respecte. Non que dis-je ? Tout bon Guadeloupéen, qui est né dans les années 1990 et qui a eu le privilège de grandir dans les années 2000 a au moins une fois entendu les textes enflammés d’un jeune Saint-Rosien à peine plus âgé qu’eux. Ce jeune artiste évoluant dans l’underground local balançait ses morceaux sur le Kalott Lyrical et à chaque fois, ils étaient enflammés. 

Avoue, en évoquant ce site streaming 100% local, ça te replonge dans de vieux souvenirs et là tu te dis “ je suis vieux”. Pas de panique. Tu as juste grandi à la bonne période où les idées foisonnaient et les gens osaient réaliser de grandes choses auxquelles ils n’avaient pas conscience. C’est d’ailleurs le cas de Keros-N qui n’est donc plus à présenter tant il a marqué sa génération mais pas que puisqu’il a su transcender même les plus jeunes ainsi que les moins jeunes. Autant le dire, Keros-N est une figure incontournable de la musique urbaine créole. 

Alors que la Martinique est en pleine explosion sociale du fait de l’inflation galopante, le chanteur Keros-N publie un freestyle nommé  » Fwansé «  dans lequel il évoque les maux de notre société et le manque de considération de la France. Un morceau qui annonce le retour du chanteur de Sainte-Rose avec la sortie de son nouvel album Grand Cru. Un album de vingt et un titres dans lequel il explore des sonorités qui vont du dancehall en passant par des influences zouk et trap. En somme, un bon condensé de nouveautés avec une forte empreinte caribéenne. Sur ce nouveau projet, on retrouve de grands noms de la musique locale que sont, Fanswa Ladrezeau, Jean-Pierre Coquerel mais aussi des collaborations avec ses acolytes Nicy, Shaba et même un artiste de Trinidad.

Nous avons voulu en savoir un peu plus sur la création de ce nouveau projet qu’il considère être le meilleur. Keros-N est l’invité de Rencontre Avec que nous tournons dans le magnifique cadre du Karukera Café.

Bonsoir Kerosn , bienvenue sur The Link Fwi.  C’est un honneur pour nous de te recevoir  notre concept “Rencontre avec” tourné au Karukera Café.

Bonsoir Kerosn , bienvenue sur The Link Fwi.  C’est un honneur pour nous de te recevoir  notre concept “Rencontre avec” tourné au Karukera Café. Depuis 2 décennies tu nous berces de tes textes à la fois engagés, romantiques, trash qui parlent de la rue mais aussi mais avant tout, qui es-tu ? Pourrais-tu te présenter à celles et ceux qui ne te connaîtraient pas justement ? 

Keros-N : Salut à tous, je suis Keros-N, artiste, chanteur, auteur, interprète Guadeloupéen originaire de Sainte Ros, la capitale du monde et c’est tout car  je n’ai pas envie de te dire chanteur de rap ou de dancehall aussi puisque je fais un peu de tous les styles amoureux de musique. Je suis un amoureux de musique.  

Quel est ton parcours, comment es-tu entré dans le monde de la musique et qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’être artiste ? 

Keros-N : Ma grande soeur faisait partie d’un sound system et j’assistais aux répétitions.  J’étais enfant, donc je pense que par mimétisme, j’ai commencé à en faire et j’ai continué jusqu’à présent. Je n’ai fait aucun choix,je me suis laissé porter par l’amour que j’avais pour elle et j’ai continué.  

Si aujourd’hui tu es devant nos caméras c’est pour parler de Grand Cru, ton nouvel album de 21 titres. Qu’est-ce qui le différencie des mixtapes et des autres albums que tu as fait au fil des années ? Et pourquoi Grand Cru ?  

Keros-N : Parce que tout simplement, c’est un savoir-faire qui a été peaufiné, affiné, assemblé de telle manière que le résultat final c’est un vrai Grand Cru donc ce n’est pas un produit qui va vieillir mal. C’est un album si on l’écoute dans 10 ans, il y aura encore des thématiques d’actualité. Il y aura encore des textes qui vont te parler, c’est un projet qui parle à plusieurs générations c’est un vrai grand cru et ce qui le différencie des autres projets que j’ai pu faire par le passé, pour les précédents, j’ai fait une compilation de mes meilleurs sons. Ensuite, avant cet album-là, intellectuellement, ça n’a jamais été ma démarche de faire des albums, c’est souvent la production qui venait et qui me disait “ Bon Kero, il faut que tu sortes un projet.” J’avais du stock vu que je lâchais des sons assez régulièrement. J’ai la chance d’écrire assez rapidement du coup on ne faisait que sélectionné ceux qui nous semblaient les meilleurs et les plus populaires et on arrivait à sortir des albums. Cette fois, la démarche a été différente. Pour Grand Cru, c’est vraiment moi qui me suis dit « je veux faire un album et je veux que de A à Z l’album raconte une histoire tout en parlant à tout en chacun c’est-à-dire que sur ce  projet de vingt-et-un son n’importe qui peut trouver au moins deux morceaux qui lui plaisent. C’était ça l’objectif. Je voulais que quand quelqu’un écoute le premier titre jusqu’au dernier, l’auditeur se dise qu’il y a un message, une volonté et je peux dire, humblement, que c’est assez bien réussi.  

Keros-N présente Grand Cru. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE ) au Karukera Café

Depuis vingt deux ans tu es présent sur la scène musicale, vois-tu une évolution dans ton travail musical et en es-tu conscient ?   

 Keros-N : Clairement oui. Il y a une évolution dans mon travail. Une évolution dans la manière d’aborder les choses. Une évolution dans la manière de dire les choses et dont je vois les choses. Tout simplement, quand nous étions jeunes, on avait des sons qui disaient plus ou moins simplement que nous étions les meilleurs. C’est normal, nous étions jeunes maintenant il y a un peu plus de maturité, les musiques disent, c’est encore nous les meilleurs mais elles diffusent d’autres messages pour ne pas essayer de refaire les mêmes erreurs du passé. A travers mes morceaux, je veux que nous prenions conscience de qui nous sommes en tant que peuple. Je parle de choses auxquelles tu réfléchis au quotidien et quand tu prends de l’âge.  

Grand Cru c’est 21 titres avec des collaborations avec Warped, Gato Da Bato, Nicy, Shaba, mais aussi Jean-Pierre Coquerel et Fanswa Ladrezeau, comment les connexions se sont faites ? 

Keros-N : Effectivement, Shaba Miky Nicy c’est l’équipe. Nous nous connaissons depuis le collège, depuis 2006. Pour Gato da Bato, lui et moi avions déjà fait un feat ensemble il y a plusieurs années. Je ne me souviens plus de la date exacte, il me semble que ça date de plus de dix ans et depuis, on est resté toujours en contact. Quand je publie des musiques ou Mixtapes, il repartage de façon spontané et naturel, moi de même quand il produit quelque chose, en plus, j’aime beaucoup ce qu’il fait. En ce qui concerne Warped, ça fait super longtemps que nous nous connaissons. Nous avons fait l’école primaire ensemble, puis nous nous sommes perdus de vue. Nous nous sommes revus, bien des années après grâce à nos carrières respectives, sur des scènes, des festivals, des concerts. On s’est toujours dit qu’il faut que nous fassions un son ensemble mais du fait de nos emplois du temps respectifs assez chargés, l’occasion ne s’est jamais présentée. Cela fait au moins dix ans que nous en parlons.  

Donc c’est la première fois avec Warped ? 

Keros-N : oui, c’est la toute première fois avec lui. Il y a aussi une collaboration avec Boyboy, un artiste de Trinidad-&-Tobago que j’aime bien. Sa présence n’était pas prévue dans l’album mais il faut savoir que j’avais prévu un morceau avec lui avant l’album pour faire la promo mais je me suis entouré d’une équipe très compétente qui m’a indiqué que finalement, il devrait figurer dessus. Jean-Pierre Coquerel et Fanswa Ladrezeau c’était des feats auxquels je tenais depuis des années. J’avais déjà écrit les refrains, sans instrus, sans rien depuis au moins deux, trois voire quatre ans et peut-être même plus. De plus, je voulais attendre le bon moment pour les solliciter. Pour moi, ce sont deux monuments Guadeloupéens et nous avons trop tendance à attendre que la personne décède pour lui donner sa valeur. Du coup, j’ai vraiment tenu à collaborer avec eux parce qu’ils sont forts, ils ont un apport culturel que je trouve inégal, incomparable. Cette fois, je n’ai pas voulu faire beaucoup de collaborations, car je voulais faire un album pour les fans de la première heure mais pas que, vu que je voulais que ceux qui me découvrent s’y voient aussi. Grand Cru, c’est vingt et un morceaux, si j’avais fait douze featurings, cela ne serait pas être honnête envers ceux et celles qui m’écoutent. Quand ils écoutent ou achètent l’album c’est Keros-N qu’ils veulent, pas moi avec d’autres artistes dans un projet complet.  

Ton album aborde différentes thématiques comme la résilience, le dépassement de soi, l’amour, mais aussi les problèmes sociaux, d’où puises-tu tes inspirations ? 

Keros-N : De la vie en général. Je m’inspire de ce que je vois autour de moi. J’ai juste une grande bouche, je n’aime pas l’injustice. Quand je vois quelque chose qui ne me semble pas normal, je n’arrive pas à laisser cela passer. Tout ce que j’aborde dans l’album est basé de tout ce que nous vivons au quotidien, sur ce qu’on doit travailler chez nous-mêmes et sur les idéaux. 

La musique est donc pour toi le moyen de véhiculer des messages ? 

Keros-N : C’est exactement ça. Dans le style de musique que je fais, à savoir le Dancehall et le rap, ces deux genres étaient faits pour dénoncer des faits de société, être engagé, pour militer pour notre communauté ça a été un peu perdu avec les années. Maintenant, c’est devenu plus festif, plus rigolo. Toutefois, j’avais des choses à dire. Sur cet album, j’ai réussi les objectifs que je m’étais fixé. Il y a des sons comme  » Ti Bato » par exemple, c’est presque intemporel car il y aura toujours une différence entre la manière de réfléchir d’un petit garçon et celle d’un adulte. Il y aura toujours des trucs qui entre temps vont venir s’immiscer entre les deux, l’hypocrisie, l’envie, la jalousie et la convoitise autant de sentiments qui n’auront pas disparu dans dix ou vingt ans. Je peux également parler de Joli Bato qui traite de la problématique de l’autonomie alimentaire et le fait que nous soyons obligés d’attendre de l’extérieur pour s’alimenter et même si on travaille dur pour que nous soyons moins dépendants des exportations, ce n’est pas aujourd’hui que nous parviendrons à résoudre ce problème. Ce sont des musiques intemporelles.  

Keros-N présente Grand Cru. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE ) au Karukera Café

C’est vrai que tu parlais de l’évolution du dancehall mais toi qui est artiste depuis deux décennies comment perçois-tu cette évolution ? On voit que nos artistes des Outremers sont beaucoup plus visibles.  

Keros-N : Pour moi c’est trop léger. Il y a beaucoup d’inspirations musicales qui viennent de chez nous et pourtant peu admettent faire des musiques antillaises. C’est le cas par exemple du zouk, beaucoup le chantent mais ils préfèrent dire “ pop urbaine”. Je ne sais pas si c’est de la honte ou si c’est mieux de prétendre d’avoir inventé quelque chose. J’ai vu récemment sur la scène musicale nationale, une jeune artiste qui a sorti du Bouyon, mais le Bouyon vient de la Dominique, donc de la Caraïbe. Après, je ne dis pas que ce sont strictement les créolophones qui peuvent le chanter mais que les gens en France ou ailleurs savent que ça vient de chez nous. Puis, selon moi, depuis Kassav’ nous n’avons pas beaucoup d’artistes antillais qui ont explosé d’eux-mêmes. Nous devons toujours faire appel à des acteurs Français. C’est la raison pour laquelle, je dis que pour moi, nous sommes encore loin vu que même musicalement, nous avons besoin encore de solliciter la France. Pour moi, nous sommes qu’au début. En plus, quand on sait que des personnes étudient nos musiques et cultures, repartent avec ce qu’ils ont appris chez nous pour le refaire à leur sauce mais ils ne mentionnent jamais que ce qu’ils font vient de la Caraïbe.  

Tu es un artiste multifacette mais depuis “ Black” on voit de plus en plus le côté militant et engagé, récemment tu as sorti “ Fwansé “ qui dénonce les relations entre nous Français des Outremers et l’Hexagone, quelle vision portes tu sur notre société actuelle, où violence, précarité, chômage sont légion ? Quel avenir dans nos relations avec l’Hexagone ?  

Keros-N : Pour être honnête, l’avenir j’aimerais bien ne pas en voir dans nos relations car pour moi, elles sont inégalitaires. Les relations qu’entretient la France avec la Guadeloupe mais pas que, avec les Antilles-Guyane et les Outremers, sont d’ordre coloniales. Il est vrai que nous avons les aides sociales mais ce que nous gagnons, nous allons les dépenser ces aides sociales là dans certaines structures qui achètent en France leurs produits de consommation et qui injectent dans la politique et la société. Quand tu crois qu’ils te donnent un truc, en vrai, ils le regagnent avec les intérêts puisqu’ils font leurs marges. Je ne suis pas là à dire qu’il faudrait qu’on nous donne au contraire, il faut que nous nous réveillions pour faire nos propres affaires et ne plus se laisser faire mais pour moi, nous sommes juste dans une illusion d’être et de pouvoir faire ce que l’on veut. De plus, quand on regarde la situation locale, notamment les problèmes de l’eau, je suis sûr que si ce genre de problème survenait en Bretagne ou en Auvergne, le Gouvernement aurait déjà trouvé une solution en débloquant des fonds, en poursuivant en justice les fautifs. Si en Bretagne encore une fois ou en Auvergne les terres avaient été en empoisonnées sciemment et volontairement, il n’y aurait pas eu le même traitement juridique ou médiatique. Pareil pour le cas des aliments trop sucrés. Si dans les territoires hexagonaux, des aliments étaient 30% plus sucrés qu’à Paris, tu n’aurais jamais vu ça.  

Vu que nous parlons des problèmes sociaux, comme on a pu le voir, depuis le mois de Septembre à la Martinique, il y a une vraie contestation sociale liée à l’inflation et aux injustices historiques entrainant des émeutes mais pourquoi en Guadeloupe, ça n’a pas explosé comme là-bas ?  

Keros-N : Tout simplement parce que les gens ont été beaucoup déçus…  

Déçus par quoi ?   

 Keros-N : Aujourd’hui c’est en Martinique que ça explose mais bien souvent, c’est en Guadeloupe que tout commençait. Puis, les gens ont l’impression qu’à chaque fois, ils mènent des combats qui n’aboutissent pas. Quand tu envoies quelqu’un faire une lutte comme on a pu le connaître, il se prend des coups. Il ne faut pas oublier ça. Tout le monde se souvient de 2009 mais il y a des gens qui ont perdu leur travail avec le mouvement social LKP. Tout comme il y a des gens qui ont perdu leur emploi en 2021 contre l’obligation vaccinale. Il y a des chefs d’entreprise qui ont perdu leurs entreprises qu’ils ont pris des années à créer. Ces situations ont enlevé toutes volontés et tout courage au peuple. Les gens marchent dans les rues, croient se battre pour la bonne cause et au bout du compte quand on voit le résultat final de tout, ils ont l’impression d’avoir été trahis par les personnes qui sont censées le représenter. Du coup, comment lui demander de retourner dans la rue pour reprendre les mêmes combats qui auraient dû être normalement réglés ? Après peut-être aussi que les méthodes ne sont pas les bonnes. Je ne sais pas pour la Martinique vu que je n’y suis pas mais chez nous, en Guadeloupe, nous avons trop tendance à vouloir faire mouvement pour défendre le peuple mais en même temps, je bloque la rue du peuple donc je l’empêche de faire ses activités. Je ne suis pas contre la grève, mais si tu sanctionnes la personne que tu défends, en vrai ça sert quoi ? Voilà pourquoi, en Guadeloupe, il n’y a pas eu de mouvement social en 2024.  

Keros-N présente Grand Cru. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE ) au Karukera Café

Dans “Fwansé” tu dis “ dé twa tèbè mwen hypokrit pas an sé on Lirel” est-ce que c’est vu comme un reproche que tu entends souvent ?  

Keros-N : “ Dé twa tèbè ki di mwen an ipokrit pas an sé on Lirel” Pour réponds à cette question, pour être franc, oui, ce reproche m’a souvent été fait, comme si en naissant, j’aurais pu décider de ce que mon oncle, trente ans avant moi, avait fait ou aurait fait de sa longue carrière politique. Ces gens sont bêtes, comme on dit, ce sont des haters qui n’ont rien trouvé à dire sur moi et mon engagement pour la musique et notre société. Ils vont donc attaquer mon appartenance à ma famille et mon oncle. Honnêtement, je ne sais même plus quoi répondre à ces critiques qui sont pour moi, des futilités, des bêtises. Je suis Keros-N j’ai trente-huit ans, je suis chanteur et entrepreneur, mon oncle est lui, il a plus de soixante ans, je ne vois pas ce que j’ai avoir avec lui qui est dans la politique depuis même avant ma naissance. Cependant, comme je l’ai dit dans le texte, ce sont “ dé twa tèbè “ pas une majorité de personnes qui me le dit. A présent, ça passe au-dessus. Si on cherche des dossiers compromettants sur moi, ils seront déçus car il n’y a pas grands choses.  

Dans “ Vizé pli lwen “ tu dis “ an té ké janmen pèd tan an mwen lari” et tu dis aussi que tu ne souhaites pas voir tes enfants dans la rue est-ce un regret de l’avoir été ou de l’avoir côtoyé et quel message veux-tu transmettre à cette jeunesse antillaise qui est justement attirée par la rue ? 

Keros-N : Est-ce un regret ? Non pas vraiment. Toutes les expériences que j’ai vécues ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je n’ai donc aucun regret. La seule chose, quand tu as déjà vécu certaines galères, tu es passé par des moments difficiles, tu ne souhaites pas que tes enfants les vivent. Pareil, je n’ai pas envie que les jeunes de chez nous fassent les mêmes erreurs. 

Justement, quel serait ton message pour cette jeunesse qui est encore attirée par la délinquance ?  

Keros-N : Attention, pour moi, les jeunes en Guadeloupe ne sont pas forcément attirés par la délinquance comme on peut le penser. La rue est simplement plus facile pour eux mais c’est plus difficile de la quitter. Quand tu penses la quitter, elle te rattrape un jour ou l’autre. Ils ne sont pas attirés par ce monde, ils n’ont pas le choix. La violence de la rue est plus présente chez nous que dans l’Hexagone. Par exemple, en France, tu vois une présence policière constante. Peut-être que j’exagère mais tu as là-bas un policier tous les dix mêtres en plus des caméras. Là-bas, tu as des contrôles routiers régulièrement. Par contre, en Guadeloupe, une personne peut avoir une altercation avec une autre à Basse-Terre, elle a le temps de rentrer chez elle à Saint-François pour prendre son arme à feu et revenir sur le lieu du litige pour tirer sur l’autre individu. Entre temps, il n’y avait aucun policier, aucun gendarme. De plus, en France Hexagonale, il y a plus de structures et d’infrastructures pour l’insertion des jeunes. Ensuite, nous n’avons pas la même culture, la même façon de voir les choses. Nous sommes Caribéens et Guadeloupéens, ils sont Français.  

Tu fais donc la distinction entre la France et la Guadeloupe ? 

Keros-N : Clairement oui ! Nous ne sont pas Français. Nous sommes une société différente avec des mœurs différentes. Nous sommes le fruit d’une histoire violente et l’ADN a une mémoire. Nous sommes les descendants de celles et ceux qui ont été esclaves et colonisés. Ils ont pris des coups de fouet. Nous sommes donc une jeune civilisation violente. Nous avons encore les stigmates de ce qu’on a vécu donc c’est plus ou moins normal cette banalisation de la violence. Si un travail de déconstruction avait été fait peut-être que les choses auraient été différentes. Tu ne peux pas demander aux gens d’oublier tout leur patrimoine culturel et génétique du jour au lendemain, il faut du temps.  

Et sur ces vingt-un titres, quels sont ceux dont tu es le plus fier ?  

Keros-N : ? Kontinyé Kouwi avec la Russie et les morceaux avec Jean-Pierre Coquerel et Fanswa Ladrezeau. Kontinyé Kouwi car c’est une suite de Dayè qui fait partie de mes classiques. J’ai voulu que les que les vrais fans de la première heure se reconnaissent tout de suite dès la première. En plus, ce titre est fait avec La Russie des amis de très longue date et ça fait longtemps que nous n’avons pas chanté ensemble. Puis, comme je disais, je suis très fier de la chanson avec Coquerel et Ladrezeau pour le côté culturel qu’ils ont. La voix de ces gars-là est puissante. Quand ils chantent, on dirait la voix d’un ancêtre, un fantôme qui chantait. (Rires). Les gars sont des légendes et c’était un honneur de les avoir. Après, je suis fier du morceau avec Warped car comme je l’évoquais, lui et moi nous nous connaissons depuis l’enfance, nous sommes toujours dit que nous ferions une musique ensemble, l’occasion s’est présentée et nous l’avons fait.  

Le titre “ Joli Bato “ avec Fanswa Ladrezeau est clairement une critique de la société de consommation dans laquelle nous sommes entrés, comment vois-tu l’avenir de notre territoire ?  

Keros-N : Tout va dépendre de nous, des combats que nous mènerons et jusqu’où on sera prêt à aller. Soit on va continuer de mal en pire parce qu’ils n’ont pas de solution pour nous, en même temps, ce n’est pas l’objectif de la France que les choses s’améliorent chez nous du coup les choses vont se dégrader soit, on les améliore par nous-mêmes et nous parvenons, le mérite nous reviendra. Tout dépendra des choses que nous entreprendrons et réaliserons pour améliorer notre quotidien grâce à notre ténacité. Mais je crois que si on continue dans le chemin sur lequel nous sommes ça ne va pas aller en s’améliorant puisque depuis des années que ça dure, rien ne s’est jamais amélioré. Les personnes qui sont à la tête du gouvernement donc du système dans lequel nous sommes, ne l’ont pas inventé, ils l’ont trouvé comme il est et ce dernier perdure depuis des siècles, ils ne font que le perpétuer. Je ne pense pas qu’ils ont l’envie de le changer. Quand quelqu’un se dit légitime à avoir un droit sur toi, est-ce qu’il va arrêter du jour au lendemain cette domination sur toi ? Pour y mettre un terme, tu seras obligé de le forcer. Si nous ne faisons rien, il va continuer. Il va même se cacher derrière le fait qu’il a trouvé ça comme ça, c’est donc à nous qui subissons depuis de faire en sorte que ça s’arrête.

 

Keros-N présente Grand Cru. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE ) au Karukera Café

Il y aura t-il une suite à Grand Cru ? Partiras-tu en tournée pour le défendre ? 

Keros-N : Alors oui. Il y aura une tournée avec des concerts, des showcases en France, en Martinique et en Guyane mais pour parler franchement, j’irai là où le projet m’emporte. Sinon au niveau musical, non je ne pense pas faire une suite à Grand Cru, qui est un projet unique. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’autres albums. Pas de panique, il y en aura d’autres (rires). Grand Cru c’est Grand Cru laissez le tel qu’il est.  

D’accord, et où pourrons-nous suivre le reste de ton aventure musicale ? Es-tu présent sur les réseaux sociaux ? 

Keros-N : Oui, je suis présent sur les réseaux sociaux que ça soit Instagram : Keros-n officiel Facebook : Kerosn , X (ancien Twitter) kerosnofficiel et TikTok pareil : Kerosn_officiel.  

Keros-N nous te remercions.  

Keros-N : Merci à vous de nous avoir reçu.