Deux entreprises privées, basées à la Barbade et à San Francisco ont annoncé le vendredi 15 décembre dernier, un partenariat pour relâcher des moustiques dans les Caraïbes élevés avec une bactérie qui bloque le virus de la dengue alors que la région lutte contre un nombre record de cas aggravés par le phénomène El Nino, le réchauffement climatique et l’urbanisation.
La vie sous les tropiques est bien souvent fantasmée. Entre les plages et les paysages luxuriants tropicaux autant de clichés dignes des plus belles cartes postales qui font pâlir d’envie plus d’uns. Cependant, vivre sous les tropiques, c’est aussi vivre avec la menace des catastrophes naturelles comme les cyclones, les tremblements de terres, les ouragans et les inondations de plus en plus fréquentes du fait du réchauffement climatique mais, vivre sous ces latitudes, c’est aussi jongler avec les moustiques, vecteurs de maladies tropicales graves comme le Paludisme, le Zika ou encore la dengue.
Pour faire face à ces maladies tropicales qui profilèrent du fait notamment du développement des transports aériens et du tourisme, différentes solutions ont été apportées au fil du temps. Pendant très, longtemps, les autorités des pays et territoires concernés avaient recours à des pulvérisations d’insecticides, pas très efficace mais très polluants.
Aujourd’hui, à l’heure des différentes Cop et autres congrès internationaux sur le réchauffement climatique et ses causes, l’idée a été abandonnée, du moins pour ce qui est de l’Europe et l’Amérique du nord. Il faut dire aussi que le moustique responsable de la dengue, l’aedes aegypti est devenu clairement résistant aux insecticides. Désormais, les scientifiques tablent de plus en plus pour la création de moustiques mutants.
C’est le cas de deux entreprises privées qui ont annoncé vendredi un partenariat pour relâcher des moustiques dans les Caraïbes élevés avec une bactérie qui bloque le virus de la dengue alors que la région lutte contre un nombre record de cas.
Comme le précise le Washington Post : Orbit Services Partners Inc., société enregistrée à la Barbade, s’est associée à Verily, une société de technologie de la santé basée à San Francisco, pour le projet. Les entreprises ont déjà rencontré des représentants du gouvernement de la région dans l’espoir de lancer le projet au début de l’année prochaine, a déclaré le président d’Orbit, Anthony Da Silva. Ainsi, les deux entreprises souhaitent convaincre les gouvernements de Barbade, le Guyana, la Jamaïque, Saint-Kitts et Nevis, le Suriname, la République Dominicaine, Haïti et Saint-Martin d’autoriser les essais avec leurs moustiques modifiés afin de lutter contre la dengue.
Si les gouvernements de ces pays acceptent, les tests pourraient commencer dès le début de l’année 2024.
L’idée est de libérer des moustiques, infectés en laboratoire avec la bactérie Wolbachia qui empêche le développement du virus de la dengue dans le moustique Aedes aegypti, porteur également des virus du Zika et du Chikungunya.
La technique serait déjà utilisée dans d’autres territoires des Amériques et même ailleurs dans le Monde. C’est le cas au Honduras, les Îles Vierges Britanniques, en Californie, à Singapour et même dans le nord de l’Australie. Comme le souligne Associated Press, au Honduras, pays fortement touché par l’épidémie de Dengue, où 10 000 personnes sont infectées chaque année, Médecin Sans Frontières, présent sur place, est partenaire de ce programme de lutte contre le moustique responsable, au cours des six prochains mois pour libérer près de 9 millions de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia.
Des projets similaires utilisant la bactérie Wolbachia ont déjà été mis en œuvre ailleurs dans le monde. Les moustiques sont infectés par Wolbachia en laboratoire, puis relâchés dans la nature, où ils le transmettent à leur progéniture. La bactérie empêche le virus de la dengue de se répliquer à l’intérieur de l’intestin d’un moustique mais, elle existe naturellement dans environ 60% des espèces d’insectes, mais pas chez le moustique Aedes aegypti.
Pour la petite explication scientifique, les moustiques porteurs de Wolbachia ne propagent pas la dengue ou d’autres maladies apparentées comme la fièvre jaune, le Zika et le chikungunya. De ce fait, les femelles infectées transmettent Wolbachia à leur progéniture, qui finiront par « remplacer » une population locale de moustiques par une autre porteuse de la bactérie bloquant le virus.
Toutefois, la technique est loin d’être nouvelle puisqu’il y a environ 40 ans, les scientifiques ont cherché à utiliser la bactérie Wolbachia pour réduire les populations de moustiques. Étant donné que les moustiques mâles porteurs de la bactérie ne produisent une progéniture qu’avec des femelles qui en sont également porteuses, les scientifiques relâcheraient des moustiques mâles infectés dans la nature pour se reproduire avec des femelles non infectées, dont les œufs n’écloraient pas.
Elle a été appliquée à chaque fois qu’une épidémie s’est présentée comme lors de l’épidémie de Zika ou Chikungunya ou encore face à la Malaria.
Environ 400 millions de personnes dans quelque 130 pays sont infectées chaque année par la dengue. Les taux de mortalité dus à la dengue sont faibles – on estime que 40 000 personnes en meurent chaque année. Les Caraïbes et plus généralement les pays d’Amérique sont parmi les régions les plus concernées, car, ont été recensés plus que quatre millions de cas de dengue depuis le début de l’année 2023. Un nombre particulièrement élevé depuis le début 1980, année à laquelle, les premiers registres scientifiques des contaminations ont été effectués.
Selon les chiffres de l’OMS, en 2023, 5 millions de cas de dengue ont été officiellement enregistrés dans le monde avec 5000 fatalités. La majorité des cas (80%) était concentrée dans la région des Amériques.
Dans la région, ces épidémies liées aux moustiques pourraient croitre dans les années à venir du fait du réchauffement climatique, l’humidification de certaines zones géographiques, l’urbanisation. De plus, n’oublions pas que développement du tourisme avec lui le développement du transport aérien favorisent l’implantation du moustique tigre dans certaines régions où il était inexistant.
D’ailleurs, cette année, le phénomène climatique d’El Nino ainsi que les conditions humides et pluvieuses favorisent la reproduction des moustiques tigrés.
Pour la première fois, l’épidémie mondiale de la dengue a fait partie des discussions de la COP28, la Conférence sur le changement climatique, qui se tenait à Dubaï au début du mois de décembre