En 2016, Gabriel, un guadeloupéen de quarante-deux ans quitte la France, son emploi dans la police, ses amis pour une destination qui fait rêver depuis plusieurs siècles les voyageurs et autres personnes en quête de dépaysement ou de vie meilleure : l’Australie. C’est à Perth, qu’il pose ses valises dans l’optique d’étudier l’anglais et même de vivre son rêve australien, qui s’est finalement transformé en cauchemar. Après sa première interview datée de Janvier, nous l’avons recontacté pour prendre le pouls de sa situation actuelle qui s’aggrave.
Ah ! L’Australie. Terre de peuplement mais aussi de contrastes. Terre de tensions et de confrontations raciales du fait de son histoire coloniale brutale reposant sur l’opposition entre le monde occidental blanc et chrétien et les peuples aborigènes natifs de l’île continent. Pourtant, l’Australie fait rêver !
Chaque année, la grande île attire des milliers de migrants. Ils sont animés par cette quête d’une vie meilleure avec la volonté d’offrir à leurs enfants une éducation de qualité ou pour les autres, fuyant l’instabilité politique ou les guerres qui ensanglantent leurs pays.
Selon les estimations, depuis 1950, la grande île du sud accueillerait un flot constant de migrants à raison d’un million de personnes par décennie. Selon les chiffres de 2019, l’Australie aurait accueilli en 534 000 personnes pour la décennie 2009-2019 soit environ entre 30 000 et 50 000 migrants par année. En 2018, ils étaient 7,3 millions migrants vivre dans Australie. Il s’agissait de 29 % de la population née à l’étranger. Une année plus tôt, en 2017, il y avait 7,1 millions de personnes nées à l’étranger.
Néanmoins, malgré l’image de terre d’accueil, l’Australie cache une autre histoire, celle du racisme. Un racisme institutionnalisé. Certains pourraient douter de nos dires, mais, lorsqu’on parle d’un racisme institutionnalisé, il n’y a point d’exagération dans nos propos.
En effet, la colonisation britannique en terre australe a été marquée par des conflits ethniques avec les peuples aborigènes. Le racisme institutionnalisé. L’esclavage des peuples océaniens et même une très longue période de ségrégation raciale qui a débuté en 1901 jusqu’ au milieu des années 1960, avec la promulgation de la loi dite du “ The White Australia Policy” qui entrait dans ce que l’on nommait à cette période, l’Australie blanche.
A travers cette loi, il y a une volonté de la part des différents gouvernements de maintenir un certain “équilibre “ racial sur le territoire australien en limitant l’arrivée et l’installation de nouveaux immigrants principalement originaires de Chine continentale ou du Japon. Par exemple, durant toute cette période, une personne de couleur “ noire” ne pouvait séjourner en Australie. Les principales victimes de cette politique ont été avant tout les aborigènes, les peuples mélanésiens et les asiatiques. C’est en 1973 que la politique de l’” Australie blanche “ prit fin.
Malgré les nombreux changements sociétaux, le racisme reste encore profondément ancré dans la société australienne. Les aborigènes sont encore parmi les populations les plus pauvres de l’île continent. Beaucoup de communautés aborigènes dépendent fortement des aides financières publiques gouvernementales. Beaucoup présentent les pires symptômes de la pauvreté : alcoolisme, drogue, fort taux d’incarcération, chômage, faible degré d’instruction, violence conjugale et fort taux de criminalité.
D’autre part, selon un rapport de l’ONU daté du 22 décembre 2022 ( Australie : les personnes d’ascendance africaine font face au racisme (Experts de l’ONU) | ONU Info (un.org) les Africains et les personnes d’ascendance africaine sont exposés à des « des formes multiples de discrimination raciale, de xénophobie et de racisme systémique dans toutes les sphères de l’Australie, majoritairement [blanche]. En outre, les personnes d’ascendance africaine sont confrontées au profilage racial. Elles sont également victimes « d’insultes raciales, d’abus d’autorité, d’intervention policière excessive, de sous-protection, de ciblage et de violence ». Par ailleurs, le groupe dirigé par la présidente Catherine Namakula a entendu des préoccupations concernant des discours politiques de haine raciste et l’utilisation de stéréotype raciaux négatifs faits par certains politiciens de premier rang et même par les plus grands médias du pays.
Justement en matière de racisme, le 31 janvier 2023, dans un article précédent intitulé « Le rêve australien de Gabriel vire au cauchemar. Il témoigne. » Publié sur notre ancien site TheLink FWI, nous partagions l’histoire de Gabriel, un homme, un Guadeloupéen dont la quête d’une vie meilleure en Australie a rapidement basculé dans un cauchemar inimaginable. Aujourd’hui, nous revenons sur cette histoire édifiante, en plongeant plus en profondeur dans le parcours de Gabriel, ses défis, ses espoirs, et les obstacles auxquels il a dû faire face tout au long de son périple. Cette histoire est un témoignage puissant de résilience, de persévérance et de la réalité parfois complexe des rêves migratoires.
Lien de notre premier article ici : Le rêve australien de Gabriel vire au cauchemar. Il témoigne. (thelinkfwi.com)
Emrick : Bonjour Gabriel, je sais qu’il est tard en Australie, mais il était important pour mon équipe et moi d’avoir de tes nouvelles et savoir si ta situation sur place avait depuis évolué positivement.. Alors, depuis notre dernier entretien, quelles sont les principales évolutions dans ta vie en Australie ?
Gabriel : Après le dernier article, ma situation a continué à se détériorer. J’ai entrepris la démarche de demander la citoyenneté, mais malheureusement, le Ministère de l’Intérieur (Department of Home Affairs) a rejeté ma demande en se basant sur une loi qui n’était en aucun cas lié aux difficultés et aux adversités que j’ai endurées. Il est important de noter que cette loi ne correspondait en rien avec le formulaire que je leur ai soigneusement soumis. Ce rejet est d’autant plus frustrant qu’ils n’ont pris en considération que quatre documents parmi plus de cent que j’avais transmis. Suite au rejet de ma demande de citoyenneté par le Ministère de l’Intérieur (Department of Home Affairs), j’ai décidé de faire un recours au tribunal pour faire réexaminer ma situation. Cependant, le tribunal avait programmé un rendez-vous téléphonique afin de discuter de ma situation, mais ce rendez-vous a finalement été annulé. Par la suite, le tribunal a rejeté mon recours en déclarant qu’il n’avait pas la juridiction pour traiter mon affaire. Ainsi, je me retrouve sans aucune voie de recours, confronté à une situation extrêmement difficile en Australie.
Emrick : Lors de ta première interview, tu évoquais le cas de certains étrangers ayant reçu un soutien considérable et ont obtenu la résidence permanente. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Gabriel : En effet, j’ai remarqué que d’autres étrangers en Australie ont reçu un soutien substantiel de
politiciens, des médias, et de la communauté, ce qui leur a permis d’obtenir la résidence permanente. Cela
m’a laissé perplexe, car je me trouve dans une situation extrêmement difficile malgré les injustices que j’ai
subies. Cela soulève des questions sur l’équité du système.
Au sein des récits captivants qui se dessinent sur la scène migratoire australienne, deux cas méritent une
attention particulière. En premier lieu, se profile le cas de Belinda Checkley, une jeune femme de 36 ans
qui a élu domicile en Australie il y a une décennie. Malgré une première évaluation du Ministère de
l’Intérieur indiquant qu’elle ne répondait pas aux critères d’intervention ministérielle, Belinda a finalement
obtenu le statut de résidente permanente. Ce succès découle d’une mobilisation exceptionnelle, avec une
pétition de la communauté, une couverture médiatique significative, et un soutien inébranlable de son
compagnon australien.
Le second cas concerne Darko Desic, un ex fugitif ayant vécu en Australie pendant trois décennies.
Confronté à des enjeux légaux, notamment liés à la culture de cannabis, Darko est arrivé en Australie
grâce au parrainage d’un membre de sa famille. Son chemin vers la résidence permanente n’a pas été sans
embûches. Néanmoins, grâce à la solidarité de la communauté, à la défense juridique, à la médiatisation, à
une pétition et à la détermination de ses partisans locaux, Darko a finalement acquis la résidence
permanente.
Emrick : Actuellement, où en es-tu ? Peux-tu nous en dire plus sur les étapes à venir dans votre situation actuelle ?
Gabriel : Dans les prochains jours, je suis confronté à une menace imminente de déportation. Mes options pour régulariser ma situation en Australie sont très limitées, et je suis dans l’incertitude quant à mon avenir dans ce pays. Mon histoire illustre parfaitement les difficultés que les étrangers peuvent rencontrer en Australie. Après, j’ai une question à l’intention du président de la République française :
« Monsieur le Président, en tant que citoyen français confronté à des défis et à l’injustice en Australie, je n’ai reçu que peu de soutien. Comment le gouvernement français peut-il aider les citoyens français en difficulté à l’étranger, comme moi, face à des situations complexes et injustes ? »
L’histoire de Gabriel continue d’illustrer les défis auxquels de nombreux étrangers peuvent être confrontés
en Australie. Malgré les épreuves qu’il a endurées, il est confronté à une situation complexe et à une
menace imminente de déportation. Cette histoire soulève des questions sur l’équité du système
d’immigration et les différences de traitement entre les individus. Nous remercions Gabriel d’avoir partagé
ses expériences, et nous espérons que son témoignage contribuera à une prise de conscience plus large des
défis auxquels font face les migrants en Australie.
Si vous souhaitez apporter votre soutien à Gabriel, signez sa pétition pour faire entendre sa voix et lutter contre l’injustice. Signez la pétition ici.