Hé oui nous entrons dans la dernière ligne droite des festivités carnavalesques. En effet, il ne nous reste qu’un dernier week-end de fêtes et de parades. Cette année, il fut court mais intense. Evidemment qui dit Mas dit Istwa a mas ! Notre série de reportage sur l’histoire des Mas a Po de la Guadeloupe est de retour pour une saison 4 ! Après un premier épisode consacré à Moun Ki Moun, nous sommes dans la région pointoise où nous avons rencontré les membres du Mouvman Kiltirel Chenn La, qui depuis dix-sept ans apporte sa touche au style Mas a Po.
A l’image du territoire, le carnaval de la Guadeloupe est à son firmament. Il se dévoile, le Monde entier le découvre et l’apprécie. Au point de figurer dans le top 10 des plus beaux carnavals à travers le Monde. Autant dire que le carnaval est une vitrine pour le territoire dont le tourisme joue un rôle important dans le tissu économique local.
A ce sujet justement, très récemment, dans son classement des plus beaux carnavals du monde, le spécialiste du voyage sur mesure, Voyageurs du monde, inscrit la Guadeloupe et la Martinique respectivement à la quatrième et la cinquième place, après celui de Cologne, mais devant le célèbre carnaval de Rio. Même son de cloche du côté de CIVITATIS, un autre magazine spécialisé dans les destinations touristiques, qui place le carnaval de la Guadeloupe ainsi que celui de la Martinique dans la liste des quinze meilleurs carnavals du monde. En effet, le carnaval de la Guadeloupe a le privilège de figurer aux côtés de carnavals de renommée internationale tel que celui de Venise, de Rio au Brésil, de la Nouvelle Orléans ( Etats-Unis), de Notting Hill ( Royaume-Uni), de Santa Cruz de Tenerife ( Espagne) et se positionne après celui de Nice.
Bien évidemment, ces différents classements participent à la promotion des destinations à travers le monde. Une bonne presse donc pour nos territoires et ce pan de notre culture. Vous l’aurez donc compris, le carnaval s’impose de plus en plus comme un vecteur économique pour nos îles.
D’ailleurs pour information, en Guadeloupe, à la différence des autres pays où le Carnaval est une période festive assez courte, celui des Îles de Guadeloupe fluctue. Tout est question d’année et de calendrier. Ainsi, il peut y avoir des saisons carnavalesques plus longues que d’autres, avec des carnavals qui durent un mois voire un mois et demi.
Contrairement aux autres carnavals du Monde, qui ont lieu au cours de la période dite des » Jours Gras », en Guadeloupe et dans ses dépendances, celui-ci commence dès la première semaine du mois de janvier, parfois même dès le 1er janvier et peu s’étendre, comme nous le disions, jusqu’en Février et même en fonction de l’année, jusqu’en Mars. Durant cette période très marquée, chaque week-end, des défilés sont organisés à travers tout l’archipel et les différentes communes rivalisent entre elles pour organiser la plus belle parade de la saison.
Toutefois au-delà de l’aspect économique, le carnaval est la période que les guadeloupéens ne rateraient pour rien au monde. Carnaval c’est la période où les groupes se défient en termes de musicalité, de déguisement et de couleurs. Le mot d’ordre : être original ! C’est aussi la période durant laquelle, les Gwoup à Po sont de sortie et présentent les différents déguisements traditionnels.
Pour celles et ceux qui ne savent pas ce qu’est le Mas a Po, c’est bien plus qu’un style musical, c’est la touche d’originalité du carnaval de la Guadeloupe. Les Mas a po sont même les uniques formations du genre parmi tous les carnavals existants dans le Monde.
Pour aller plus loin dans le descriptif, le Mas a Po est un groupe de carnaval qui utilise des tambours faits de peau d’animal, généralement des peaux de kabris (chèvres) bœufs mais moins récurrent. Ils utilisent aussi des chachas (maracas) et de conques à lambi ( konn a lambi). Sur la région Pointoise, nous trouvent des mas a po dits “ mas a Senjan “ parmi lesquels nous trouvons Akiyo, Mas ka Klé, Le Pwen, VIM, Klé La; tandis que sur la région basse-terrienne, notamment dans la ville de Basse-Terre, la musique jouée par l’un des seuls groupes du chef-lieu est le Mas Gwo Siwo, qui est jouée par VOUKOUM.
Leur musique héritée du gwoka est vigoureuse et ces groupes sont souvent surpeuplés et comme dit l’adage bien créole, “ Mas a Po sé mas a pèp la.” Présents dans le paysage carnavalesque depuis les années 1960, les Mas a po continuent de marquer la culture guadeloupéenne. Sans prétention, ce sont les mas a po qui font l’originalité du carnaval de la Guadeloupe et qui font que celui-ci soit unique en son genre.
Pour les premières formations musicales carnavalesques Mas a po l’objectif était de permettre à la classe populaire des îles de la Guadeloupe de participer au carnaval qui était célébré principalement par la classe bourgeoise locale qui intégrait des formations carnavalesques dites à caisses claires “ beaucoup plus strass et paillettes, et à plumes”. Ainsi du strass et paillettes, les membres des gwoup a po crééent des costumes dits “ linj a mas “ à partir d’éléments naturels présents dans la nature et dans le quotidien : des éléments végétaux, minéraux, synthétiques, animaux : roukou, gwo siwo, tissus autres vieux draps, vêtements usagés, feuilles de bananiers etc. Ces costumes donneront naissance aux masques traditionnels du carnaval de la Guadeloupe : Mas a lanmò, mas a fwèt, mas a miwa, mas a kongo, mas a ruban, mas a hangnyon, mas a lous, mas a woukou, mas a zonbi etc.
Istwa a Mas revient pour une saison 4 :
Depuis 2018, The Link Fwi propose une série de reportages constituée de trois épisodes par an. Cette série est axée sur l’histoire des Mas a po, véritables piliers de la culture carnavalesque de l’archipel.
Depuis la première saison, The Link Fwi tourne des épisodes de façon immersive. A savoir, des tournages en “inside”, où nous partons à la rencontre des fondateurs et des membres de ces groupes. L’objectif est de dresser un portrait de chaque gwoup a po de l’île en donnant la parole à ces acteurs ou actrices principaux. Des reportages informatifs, ludiques et immersifs où nous partons à la rencontre des fondateurs et les membres de ces formations. A travers Istwa a Mas, c’est l’histoire du style “ mas a po “ qui est abordée et dans une moindre mesure, c’est aussi l’histoire des groupes mis en lumière. On y voit la vie associative au-delà des déboulés(défilés), l’ambiance en amont des défilés du dimanche, les ateliers coutures, répétitions, réunions).
Après une première saison tournée en 2019 et consacrée aux groupes Le Pwen, Nasyon a Neg Mawon, Mas ka klé, suivie d’une saison 2 en 2020 axée sur l’histoire des groupes Ti Kanno, VIM, Kle La. Après les deux ans de forte pandémie de la COVID-19 durant laquelle nous avons été obligés de faire une pause, Istwa a Mas a signé son retour pour une troisième saison où nous avons mis en avant Voukoum, 50/50 et Mas a Wobè.
ISTWA A MAS : Chenn la “ Jan nou ka pati jan nou ka viré “
Nous arrivons donc à la dernière ligne droite des festivités carnavalesques. En effet, il ne nous reste qu’un dernier week-end de fêtes et de parades. Cette année, le carnaval fut court mais intense. Malgré ce fait, Istwa a Mas est de retour pour une saison 4. Après un premier épisode consacré à Moun Ki Moun, nous sommes restés dans la région pointoise où nous avons rencontré les membres du Mouvman Kiltirel Chenn La, qui depuis dix-sept ans apporte sa touche au style Mas a Po. Le groupe s’est installé dans le quartier historique de Bergevin et c’est d’ailleurs l’unique Mas a Po du secteur puisque c’est aussi dans ce quartier qu’on retrouve Double Face.
Créé en 2006 par deux cousins originaires de Bergevin. Chenn La est avant tout un hommage à leur quartier d’origine qui était jadis, l’une des zones de passage les plus marquées par les Mas a Po mais aussi, comme le relate, Didier Elice président et membre fondateur de Chenn La, tout partait d’une volonté de recréer le groupe populaire du quartier, au nom éponyme.
Bien que bercés par la musique Mas a Po et entourés de carnavaliers, il fallait pour les deux comparses d’apprendre à jouer du Senjan et s’accaparer la culture Mas a Po. Dès le départ, c’est bel et bien du Senjan qu’ils avaient décidé de jouer. Ils se sont en premiers lieux de ce que faisaient d’autres gwoup a po comme le Pwen, Mas a Wobè ou 50/50. Au final, à force de réflexion et de travail musical que naquit la musique propre à Chenn La qui reste avant tout du Senjan bien que le rythme originel se soit modernisé avec l’apport de nouvelles rythmiques, de nouveaux instruments.
Dans la lignée des autres Mas a Po de la Guadeloupe, le groupe Chenn La est aussi engagé socialement, sociétalement et culturellement dans la sauvegarde des richesses culturelles, ethniques et sociales de la Guadeloupe, n’hésitant pas à se positionner contre les injustices qui ont touché l’archipel et qui continuent de le frapper.
En matière d’intégration de la jeunesse et des femmes, Didier Elice aime à dire que son groupe est mixte, convivial et familial où l’échange dans le respect de l’autre est primordial pour la cohésion de groupe.
Comme nous le relations au début d’article, le carnaval guadeloupéen s’exporte aux quatre coins du moins, on le découvre et sur ce point, le groupe n’a pas démérité puisque depuis sa création, il a fait voyager son Mas vers la Martinique par exemple où des rencontres croisées ont été organisées avec des groupes comme “ Nou Pa sav’ et plus récemment “ I Bon Konsa”.
Malgré une période covid-19 qui a ébranlé le monde du carnaval, où des personnes ont disparu ou ont abandonné l’idée de défiler, dix-sept ans après sa création, Chenn La est bel et bien intégré au paysage carnavalesque guadeloupéen où il a apporte sa touche unique.
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