En Guadeloupe et à la Martinique, terres de religion mais aussi terres de syncrétisme, la Toussaint est l’occasion d’honorer les défunts et de se souvenir des bons moments passés avec eux. Mais, rien à voir avec les rites pratiqués dans l’Hexagone, qui veulent que la Toussaint soit un moment de tristesse. Aux Antilles, la mort est prise sous son aspect le plus positif.
Il est vrai qu’en France, terre judéo-chrétienne, l’évocation de la mort est placée sous le signe de la négativité. Il y a dans la culture européenne un certain tabou qui entoure la Mort ! On peut même parler d’un certain déni sur la question mortuaire. Fête avant tout religieuse, rendant hommage à tous les Saints du panthéon catholique.
Aux Antilles, malgré une légère perte de vitesse, chaque année, on ne déroge à la tradition. La Guadeloupe et la Martinique, terres d’histoire, de forte spiritualité et de syncrétisme, le culte des morts diffère de celui pratiqué dans l’Hexagone. En effet, si vous vous rendez dans l’une ou l’autre de ces îles caribéennes, vous noterez l’énorme différence entre les deux cultures. Les antillais entretiennent un rapport particulier avec leurs défunts où la douleur de la séparation de l’être aimé laisse rapidement place à l’évocation joyeuse de la vie du disparu.
Chaque année, c’est l’occasion pour les guadeloupéens et les martiniquais de perpétuer la tradition en se rassemblant en famille pour illuminer et fleurir leurs tombes en hommage à leurs proches décédés. Elles nettoient, repeignent, entretiennent et bien sûr, fleurissent les tombes de leurs disparus. A la nuit tombée, le spectacle est au rendez-vous. Les différents cimetières du territoire s’illuminent des milliers de lumignons, à l’image du cimetière de Morne-à-l’eau en Guadeloupe connu mondialement pour ses carreaux noirs et blancs qui s’illuminent de mille feux les soir de Toussaint. A cette période, les communions en Famille dans les cimetières sont l’occasion pour ces populations de se souvenir et honorer leurs morts.
Le fait de nettoyer les tombes signifie que l’on n’a pas totalement oublié les défunts. Jadis, les plus jeunes ramassaient les restes de bougies pour en former une boule : « le caca bougie » et se les lancer en se cachant derrière les tombes.
C’est le soir du 1er novembre, jour de la toussaint, que les Guadeloupéens ont l’habitude de se rendre dans les cimetières et d’illuminer le cimetière. Le 1er novembre jour de tous les saints car c’est un jour férié. Le 2 novembre, jour des morts, est aussi un jour férié en Guadeloupe et l’on retrouve aussi beaucoup de Guadeloupéens dans les cimetières. C’est un plaisir pour beaucoup et l’occasion d’y retrouver des amis ou même de la famille. Cette pratique provient de plusieurs origines, le culte des ancêtres d’origine africaine et le culte chrétien des morts.
Mais, là encore, la Toussaint revêt différents aspects en fonction de l’origine ethnique du défunt. Par exemple, les indiens qui ont quitté l’Inde après l’abolition de l’esclavage ont amené en Guadeloupe ainsi qu’à la Martinique, dans leurs bagages leurs traditions. Ces dernières perdurent de génération en génération. Parmi elles, il y a Samblani, une fête hindouiste originaire de l’Inde du Sud. Elle est célébrée chaque année au mois de novembre afin d’honorer les défunts.
Le sanblani qui provient du terme sambrani (encens) cristallise le syncrétisme indien entre la fête des morts qui est une fête collective chrétienne et l’anniversaire de chaque défunt qui, est, en Inde, une cérémonie familiale individualisée.
Les cérémonies du sanblani sont organisées d’une manière générale à la même époque que la Toussaint se conjuguant ainsi harmonieusement. La cérémonie du sanblani propose aux participants, toutes origines confondues, de partager un repas en commun. Le sanblani repose autour d’un repas préparé selon le rite du Pachel et se compose de sept colombos et de divers plats qu’aimaient les disparus.
Lorsque ce cérémonial est terminé, la maison est quittée en prenant soin de la fermer durant quelques instants, pour laisser les morts goûter au repas. Là encore, au regard des mythologies traditionnelles, ces repas restent un acte de communion auquel participe le mort.
Au-delà d’une tradition religieuse, le Sanblani est un moment de partage en famille et de retrouvailles.
Vous l’aurez constaté, la Guadeloupe et la Martinique sont des terres de religion mais aussi des terres de syncrétisme. La Toussaint est l’occasion d’honorer les défunts et de se souvenir des bons moments passés avec eux. Mais, rien à voir avec les rites pratiqués dans l’Hexagone, qui veulent que la Toussaint soit un moment de tristesse. Aux Antilles, la mort est prise sous son aspect le plus positif.
D’ailleurs, comme l’écrivait Diana Ramassamy dans son article pour « La Tribune des Antilles », « Les fêtes de la Toussaint permettent au-delà de la simple analyse d’observer les attitudes et les comportements de la société antillaise face à la mort. »
Néanmoins, très vivace auprès des générations précédentes, la commémoration des défunts est pourtant concurrencée par d’autres cultures venues d’ailleurs, notamment l’Amérique du Nord, comme la fête anglo-saxonne d’Halloween qui s’est propagée comme une traînée de poudre aux quatre coins de la planète. Preuve de la mondialisation. La Guadeloupe et la Martinique n’y ont pas échappé. Ainsi, jeunes comme moins jeunes célèbrent cette fête méconnue il y a à peine vingt ans.
D’autre part, l’arrivée de religions protestantes venues elles aussi d’Amérique du Nord, sans oublier, le développement de l’urbanisme avec le processus d’individualisation, de la compétition, la vie moderne, l’éclatement de la famille et la déliquescence de la solidarité apportent de multiples mutations au niveau du rituel