Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, l’heure est à la décolonisation. Après avoir pris part à tous les théâtres d’opérations, les populations des colonies anglaises, espagnoles, néerlandaises et même françaises réclament l’indépendance. Les Outremers français choisissent de rester rattacher à la mère-patrie, la France en optant pour la départementalisation. Malgré ce statut si particulier, des événements sociaux violents liés au désir d’égalité mais aussi d’émancipation voire d’indépendance vont émailler l’histoire contemporaine des vieilles colonies. De nombreux personnages politiques et syndicaux le paieront de leur vie.
Ah ! Le bon vieux temps des colonies ! Ce temps où les nations européennes dominaient le monde; Où la puissance se calculait par le nombre de territoires dominés et où l’on exposait dans les zoos humains, les peuples que l’on civilisait lors des grandes expositions coloniales. Pourtant, il aura suffi d’un conflit pour que ce monde s’écroule.
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Europe qui rayonnait sur tous les continents et tous les océans sort dévaster par les quatre années de conflit d’une violence inouïe. Autrefois, pôle du commerce mondial avec des économies prospères, reposant sur l’importation des produits et autres matières premières provenant de ces territoires inféodés et disséminés au quatre coins du Monde. Le vieux continent est méconnaissable. Le bilan humain est considérable. Près de 40 millions de morts, dont plus de la moitié parmi les populations civiles. Suite aux déportations et aux expulsions, il y a en 1945, près de vingt millions de personnes déplacées et en attente d’être rapatriées. Du point de vue de la morale, l’Europe qui répandait à qui veut bien l’entendre ses valeurs humanistes et civilisationnelles sort ébranler par les pires persécutions racistes, ethniques, religieuses et politiques que l’humanité ait pu connaître. Ces persécutions accompagnées de déportations massives dans les camps de travail ou d’extermination ont attisé la haine entre les peuples européens. Par ailleurs, la découverte des charniers humains dans les camps Nazis ont révélé le pire que le genre humain puisse commettre en terme de cruauté. Ces massacres ont remis en cause les fondements spirituels et moraux de la civilisation européenne. Ainsi, le modèle européen est à repenser.
Reconstruction et décolonisation :
Exsangues, divisées dans ce qui se profile comme la nouvelle rivalité entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique, les nations européennes doivent se relever. La partie occidentale de l’Europe, libérée par les troupes alliées (britanniques et américaines en tête) a bénéficié de l’aide de Washington, établie autour du Plan Marshall qui se déclinait sous forme de prêts accordés aux différents Etats pour aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées. Seule garantie pour bénéficier de ces aides, être un allié des Etats-Unis. A l’Est, le même type d’aide fut apportée par l’URSS aux territoires que son armée occupait. Ce nouvel ordre mondial avec à sa tête les deux grands vainqueurs de cette lutte contre l’Axe du mal ne laissait plus de place aux Empires coloniaux européens. En effet, américains et soviétiques s’accordaient sur une chose, la fin de la colonisation dans le Monde. Position qui allait à l’encontre des principes européens de l’époque. Une décolonisation qui reposait sur la volonté des amis d’hier de se partager le Monde et d’étendre leur sphère d’influence du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest.
Mais comme son nom l’indique, la Seconde Guerre Mondiale concerna également les populations colonisées. Ainsi, après avoir pris part à l’ensemble des topérations militaires sur le vieux continent ou ailleurs dans le Monde ( Afrique du Nord, Asie), les populations des colonies britanniques, espagnoles, néerlandaises, portugaises, et françaises émirent de plus en plus des désirs d’émancipation voire d’indépendance. Très réticentes à l’idée de perdre leur pré-carré colonial, les anciennes puissances européennes ont usé dans un premier temps de la violence à l’encontre de leurs subordonnés coloniaux. Plusieurs exemples reviennent; Massacre de Thiaroye le 1er Décembre 1944 le Massacre de Sétif ( mai 1945), l’insurrection à Madagascar réprimée dans le sang par les autorités coloniales en 1947, répression en Indochine qui entraîna la guerre de libération du Vietnam entre 1945 et 1949.
A l’Est, deux types de décolonisation :
C’est en Asie que le mouvement débuta. Le sous-continent indien ( désormais divisé entre l’Inde, le Pakistan et le Bengladesh ) accède à l’indépendance en 1947 après une vingtaine d’années de lutte politique, menée notamment par Mohandas Ghandi dit le Mahatma Gandhi, Jawaharlal Nehru et Mohamed Ali Jinnah ( qui devint le père de la nation pakistanaise). Ailleurs, sur le continent asiatique, le mouvement de décolonisation se fait dans la violence. En effet, dans les Indes Orientales néerlendaises, aujourd’hui nommée l’Indonésie, la lutte pour l’indépendance se transforma en une guerre coloniale qui prit fin en 1949 avec la proclamation de l’indépendance par Soekarno et Mohammad Hatta. En Malaisie et en Birmanie, les britanniques doivent faire face à des révoltes fomentées par les partis communistes locaux. En Indochine, après des années de lutte clandestine contre les colons français puis contre l’envahisseur japonais, Nguyên Tat Thanh ou Nguyên Ai Quôc connu sous les autres pseudonymes de Hô Chi Minh ou Oncle Hô ( celui qui éclaire) déclare l’indépendance suite au départ des japonais. De peur de perdre sa colonie asiatique, la France dépêche sur place un corps expéditionnaire composé de militaires français mais aussi de tirailleurs sénégalais, de soldats nord-africains et d’antillais qui pour la plupart ont servi durant la Guerre de 1939. S’en suit une guerre de décolonisation contre les forces françaises de retour dans la perle de l’Empire colonial français. Malgré le soutien américain notamment cela de la nouvelle CIA, les français quittent la péninsule en 1954, suite à la défaite Diên Biên Phu. L’Indochine française n’est plus qu’un souvenir et ainsi le Cambodge et Laos accèdent à l’indépendance en 1949 tandis que le Vietnam se retrouve diviser entre le Nord-Vietnam dirigé par les communistes d’Ho Chi Minh et le Sud-Vietnam avec à sa tête le tyrannique Ngô Dình Diêm épaulé par les puissances occidentales, l’indépendance et la réunification du Vietnam ne sera effective qu’après le départ des marines américains suivi de la chute de Saïgon le 30 Avril 1975.
En Afrique, guerre d’indépendance et France-Afrique :
Cette défaite fut un véritable coup dur pour le colonialisme français qui en sort ébranlé. Dès lors, les autorités de la IVe République ne craignent qu’une chose, la propagation de l’idée d’une indépendance de ses colonies d’Afrique et d’Amérique. Pourtant, telle une traînée de poudre, les velléités d’indépendance se répandirent sur le continent africain. Entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, les nations africaines se libèrent du joug colonial. En Afrique, la lutte pour l’indépendance prend différentes tournures. Dans ses territoires, la Grande-Bretagne opta officiellement pour la voie du dialogue avec les élites des futures nations indépendantes, bien que des épisodes violents eurent lieu notamment la rébellion des Mau-Mau entre Octobre 1952 et Décembre 1959. Tandis que dans les territoires lusophones en Guinée-Bissau, Cap-Vert, Mozambique, Angola, la question se règle par les armes. Dans ces territoires, les soldats portugais et insurgés indépendantistes s’affrontent dans des combats d’une extrême violence. Situation similaire en Algérie, pour les français, présents depuis 1830. Néanmoins, le vent tourne à partir de 1954, lorsque des événements éclatent suite à l’insurrection fomentée par le FLN. Le bastion de l’Empire colonial français en Afrique, ( à la différence des autres territoires colonisés, l’Algérie était déjà divisée en trois départements.) se rebelle. Etat d’urgence, attentats, combats dans le maquis, situation insurrectionnelle dans les grandes villes algériennes, répression et usage de la torture ternissent l’image de la France au niveau international. De retour au pouvoir en 1958, De Gaulle déclare l’indépendance de l’Algérie, au grand dam des colons français et des harkis qui désiraient le statut quo. Le général soucieux que la France ne perde sa place dans ce nouvel ordre mondial redessine les cartes en Afrique francophone. En effet, il proposa aux leaders politiques africains de l’époque parmi lesquels Félix Houfouët-Boigny, Léopold Sédar Senghor, Ahmadou Ahijo, Léon Mba etc la Communauté française. Seul Ahmed Sékou Touré, leader syndical et politique guinéen refuse le pacte avec la France du Général De Gaulle et déclara l’indépendance totale de son pays, la Guinée-Conakry. Sékou Touré refusa également la monnaie commune des Etats africain, le Franc CFA, mais il en paya les conséquences de cet affront. Toute la durée de son régime, Sékou Touré du faire face à une politique de déstabilisation pensée par Paris. Ainsi, les jeunes nations africaines verront leur destin lié à celui de leur ancienne puissance coloniale, qui au cours de ces cinq décennies n’aura de cesse de mener une politique d’ingérence tant sur le plan politique, économique et militaire. Un système opaque tristement nommé la France-Afrique, (qui perdure encore aujourd’hui) a soudé les liens « charnels » entre la République Française et ses anciens territoires coloniaux. Depuis cinquante ans, l’Afrique francophone vit au rythme des coups d’état sanglants appuyés par Paris, d’assassinats politiques, de tentatives de déstabilisation politique, économique et d’ingérence monétaire. Sans oublier les interventions militaires dont les dernières en date le Mali et la Centre-Afrique dans un objectif de lutter contre le terrorisme islamique.
Le choix de la Départementalisation pour les vieilles colonies :
Dès 1946, la question de la décolonisation s’est également posée dans les vieilles colonies françaises de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion. Pour ces confettis d’Empire, l’évolution statutaire est une priorité. Il faut dire que la situation de l’époque était loin de celle que nous connaissons aujourd’hui. Pour ces anciens territoires esclavagistes, il était impératif de changer de paradigme. A cette période, les espoirs de changement reposant sur l’égalité avec l’Hexagone étaient grands. Il faut dire que l’économie de ces territoires, reposait exclusivement sur les cultures agricoles, canne-à-sucre, rhum, café, aux mains des grands planteurs, descendants d’anciens propriétaires d’esclaves, » les békés ou les blancs créoles ». Injustice sociale et raciale, inégalité et pauvreté vont pousser les députés ultramarins membres ou proches du Parti Communiste ou de la SFIO ( désormais nommé le Parti Socialiste) à proposer une loi qui tendrait à rendre tous les citoyens ( ceux l’Hexagone et des Outre-mers) égaux. Un choix qui va à contre courant des évolutions politiques de cette période, puisque contrairement à leurs voisines anglophones qui optent pour l’indépendance dans le Commonwealth, les territoires d’Outre-mer font le choix du maintien dans le giron français. C’est donc une étape importante pour ces territoires acquis sous l’Ancien Régime soit avant le XVIIIe siècle et pour leurs habitants français depuis l’abolition de l’esclavage de 1848. Cette évolution statutaire fut le fruit d’une longue et lente évolution politique entamée à la dernière abolition.
Comme le souligne Véronique Dimier :
Leurs structures politiques et administratives devaient suivre de près l’évolution des structures métropolitaines, notamment avec l’application de la loi de 1871 concernant l’élection des conseils généraux, et celle de 1884 concernant l’élection des conseils municipaux. L’assimilation administrative et politique ainsi amorcée était toutefois incomplète, les lois métropolitaines ne pouvant être appliquées qu’après mention expresse du législateur. Pour cette raison, dès 1890, les sénateurs Isaac de la Guadeloupe et Allègre de la Martinique avaient déposé au Sénat un projet de loi concernant la départementalisation de leurs territoires respectifs, suivis en 1915 par les députés Boisneuf de la Guadeloupe et Lagrosillière de la Martinique et, en 1919, par le député Lémery (Martinique)…
La départementalisation était donc l’étape finale à la politique assimilationniste décidée par Paris. Elle signifiait aussi que le droit applicable en métropole dans les départements l’était également de plein droit dans les DOM (sauf mention expresse faite par le législateur), même si la Constitution de 1946 prévoyait la possibilité d’adaptation du régime législatif et administratif métropolitain au contexte local. Aimé Césaire, chantre de la négritude, maire de Fort-de-France et député de la Martinique fut rapporteur de la loi, mais nullement l’instigateur contrairement à ce que l’on pense. Il s’exprimait en ces termes :
« la Martinique et la Guadeloupe qui sont françaises depuis 1635 et qui depuis trois siècles participent au destin de la métropole et qui, par une série d’étapes, n’ont cessé de s’inclure davantage dans la civilisation de la mère patrie, ont été le champ de toutes sortes d’expériences politiques […]. Une politique républicaine constante a été de considérer les Antilles comme une parcelle de la France et comme telle relevant des mêmes lois et mêmes règlements que la métropole ». Et de citer Victor Schœlcher définissant en 1848 la politique coloniale française : « elle a toujours été la même, basée sur les principes de la France qui n’admet pas plus aux Antilles que dans la métropole de distinction entre ses enfants, qui leur reconnaît à tous les mêmes droits et les mêmes devoirs ». Pour Césaire, cette politique de la République s’est d’ailleurs trouvée « récompensée par le patriotisme des populations », populations qui partagent la même langue et la même culture que la métropole, devait-on rappeler à plusieurs reprises dans le débat. La seule critique que puisse faire Césaire, et qui motive pour une grande partie ses propositions de départementalisation, est que « malheureusement ce processus d’assimilation s’est arrêté dans son élan. […] L’assimilation s’est arrêtée aux Antilles et à La Réunion à l’orée de la justice sociale »
Sur le papier la départementalisation est la solution à l’intégration pleine et entière des vieilles colonies dans la grande communauté nationale française. Elle vantait les mérites d’une assimilation réussie avec tous les avantages sociaux et économiques qui permettraient aux Outremers d’avancer vers une certaine modernité, le tout reposant sur les principes d’égalité entre tous les territoires. Pourtant, la déception fut grande pour ces peuples dont la qualité de la vie ne s’était guère améliorée. Pauvreté, insalubrité, analphabétisme, chômage de masse dû aux diverses crises du sucre qu’ont traversé ces territoires, le tout couplé par la pression démographie d’après-guerre, ont engendré la colère et un fort ressentiment face à une France sourde Aimé Césaire exprima très vite sa déception : « (…) la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane sont devenues des caricatures de départements français. Des caricatures oui ! Car, sur fond de misère atroce, de marasme économique et de chômage, on a vu réapparaître, rajeuni même et fortifié, le spectre du vieux colonialisme avec son cortège d’inégalités, de préjugés et d’oppression. »
Césaire dans son Allocution de 1961 évoqua même l’idée d’une autodétermination des Antilles-Françaises. : « l’assimilation n’étant pas autre chose qu’une forme de la domination et peut-être la plus absolue »
« Que les colonies soient toujours françaises, au lieu d’être seulement américaines; qu’elles fassent partie de notre République indivisible; que leurs députés soient appelés dans cette enceinte, y soient confondus avec ceux du peuple entier … si comme on vous l’a proposé, il existait dans les colonies des assemblées délibérantes, investies du droit de prononcer sur tout ce qui pourrait tenir à la législation intérieure, la France n’exercerait plus sur elles qu’une sorte de souveraineté féodale… Admettre un pareil ordre de choses, ce serait organiser sous un autre mode l’indépendance dont nous avons parlé et à laquelle vous ne sauriez consentir (Césaire, 1961) »
C’est à l’orée des années 1960, que la question de l’évolution politique ressurgie. Le Parti communiste fortement implanté dans les milieux ouvriers et ruraux, est le premier à prendre conscience de la nécessité d’une évolution statutaire aux Antilles françaises, mais également en Guyane et à la Réunion. Alors que la France entre dans son âge d’or durant la période des Trente Glorieuses, la décennie 1960-1970 est une période noire pour les Outre-mers. Premier secteur d’activité, l’industrie sucrière va connaître une grave crise liée à la chute des cours du sucre au niveau des marchés mondiaux. De la Guadeloupe à la Martinique en passant par l’île de La Réunion, de nombreuses usines vont alors fermer leurs portes entraînant le chômage de milliers d’ouvriers. Dès lors, une vague de contestations va gagner du terrain tant au niveau de l’opinion publique qu’au niveau des politiques. Dans ce climat économique et social moribond, la France va tenter de répondre aux doléances de la population antillaise et ultramarine: il s’agira avant tout de « redéfinir les pouvoirs locaux » pour contenir les contestations et les inégalités criantes entre la Métropole et les Antilles françaises et plus généralement entre la France et ses Outre-mers. Comme le souligne Henri Bangou en 1988, « il était essentiel pour l’État français de prendre en compte ces doléances sous peine de perdre leurs dernières colonies. »
Révoltes et répressions sous les tropiques :
A l’image d’Aimé Césaire, nombre de personnalités ultramarines de l’époque dénoncèrent, » la nouvelle politique coloniale « de la France. A la Réunion ce sont les frères Jacques et Paul Vergès, fondateurs du Parti Communiste réunionnais qui étaient à la tête de la contestation. A la Guadeloupe, Gerty Archimède, membre du Parti Communiste, première femme députée de l’histoire de la République, dénonça publiquement les nouvelles politiques coloniales de la France aux Antilles. En Guyane, Justin Catayée député de la République mena la fronde. Toutes ces voix discordantes et contestataires gênaient le pouvoir en place. Pour remettre dans le contexte , l’année 1958 est un tournant pour l’Empire colonial français. Plusieurs de ses colonies d’Afrique deviennent des Etats indépendants, l’Algérie bastion du colonialisme français sur le continent échappe au contrôle de l’Etat et se dirige vers l’indépendance. Par ailleurs, dans ce contexte de Guerre Froide , américains et soviétiques soutenaient toutes les formes de revendication d’autodétermination des peuples mais, s’affrontaient dans des conflits interposés. Il s’agissait donc pour la France de garder ses dernières colonies et de surtout maintenir son prestige dans le cercle des grandes nations. C’est sans doute ce qui poussa l’Etat à renforcer sa présence dans les vielles colonies des Amériques et de l’Océan Indien.
C’est ainsi que dans la Constitution, les articles 72 et 73 viendront répondre aux doléances de la population et des hommes politiques locaux. A travers ces articles, les spécificités ultramarines seront prises en compte comme le démontre l’article 73 :
» Tous les projets de loi et décrets tendant à adapter la législation et l’organisation administrative des départements d’outre-mer à leur situation particulière seront préalablement soumis pour avis aux conseils généraux de ses départements. »
On parle alors de décentralisation des pouvoirs. Cependant, au delà de ces apparentes évolutions politiques, on a constaté un renforcement de la mainmise de l’Etat sur les affaires internes de ces régions avec un rôle plus accrus des préfets représentants directs de l’Etat dans l’Outre-mer :
Par déconcentration, les préfets deviennent ordonnateurs secondaires des dépenses civiles des services publics. Un pouvoir hiérarchique réel est instauré dans les services, renforcé par la consultation des préfets sur la nomination de certains fonctionnaires. En somme, on aboutit à une meilleure collaboration avec les élus et à une meilleure coordination des services publics. Mais consigne est donnée de résister aux initiatives dispendieuses et le pouvoir des préfets est renforcé.
Au niveau économique, les territoires ultramarins voient un renforcement de la gouvernance étatique avec notamment la centralisation du pouvoir politique et administratif des DOMS vers la Métropole; la réservation préférentielle des ressources et des marchés des DOMS aux capitaux et produits français; la réservation des transports et des produits des Départements d’Outremers aux transporteurs commerçants, transformateurs et consommateurs français; la dépendance de la monnaie des Outremers liée à l’inexistence d’une banque centrale et à la substitution d’un organisme d’État, l’institut d’émission des DOM, aux banques locales (banque de la Martinique et banque de la Guadeloupe, Banque de la Guyane ) qui détenaient les fonctions d’émission et de régulation de la monnaie jusqu’à 1944. Avec ces mesures, les Outremers perdent toute forme d’autonomie.
C’est principalement du côté de la jeunesse ultramarine que les oppositions deviennent les plus virulentes.
En effet, une poignée de guadeloupéens, de martiniquais, de guyanais et de réunionnais, étudiants pour la plupart, très politisés, bercés par les idées marxistes, encensés par les ouvrages de Frantz Fanon et galvanisés par les indépendances africaines prône l’indépendance totale de leurs territoires. Regroupés au sein d’organisations telles que l’AGEG (Association Générale des étudiants de Guadeloupe), AGEM (Association Générale des étudiants de la Martinique), l’ARC ( Alliance Révolutionnaire de la Caraïbe), le Gong (Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe), puis l’UPLG( Union pour la Libération de la Guadeloupe) pour ne citer qu’elles, ils décidèrent de mener une lutte totale contre le colonialisme français. Déterminés à libérer leurs terres, ils reçurent formation politique et militaire en Union Soviétique, en Chine alors dirigée par Mao Zédong, à Cuba où le pouvoir venait de passer aux mains de Fidel Castro et de ses insurgés mais aussi en Algérie, à l’époque plaque tournante de l’internationale révolutionnaire. De retour chez eux, ces militants de la première heure devinrent très vite problématiques pour le pouvoir colonial français qui les considérait comme des agents communistes. En même temps, la période était propice à l’affrontement entre l’Est et l’Ouest et la jeunesse de l’époque était fortement influencée par les pensées marxistes, maoïstes et castristes. Dans son nouveau reportage, » Camarade Jean », le réalisateur guadeloupéen Franck Salin nous dresse un portrait révolutionnaire de sa Guadeloupe natale, où l’on voit cette jeunesse déçue par les politiques françaises en Outre-mer se radicaliser et monter des comités politiques très actifs pour encadrer, instruire et conscientiser les populations. Des comités populaires sont montés, des syndicats ouvriers et paysans totalement indépendants des centrales hexagonales sont créés. L’heure est à la lutte.
Face au bouillonnement dans son pré-carré historique, la République durcit le ton et mène une répression des plus brutales. Pour les autorités coloniales, l’objectif était d’empêcher que les vieilles colonies ne tombent dans l’escarcelle de Moscou ou de La Havane. De nombreuses figures politiques acquis à la cause indépendantistes ou autonomistes vont payer de leur vie.
L’Affaire André Aliker :
C’est sans doute l’une des affaires politico-criminelles qui jusqu’à présent fait le plus parler. Si bien qu’elle a été déclinée sous forme de livre et elle a même été portée à l’écran par le réalisateur Guy Deslauriers avec Stomy Bugsy pour rôle principal.
Pour nous replonger dans le contexte de l’époque de cette Martinique des années 1930, l’île française est encore une colonie française des Caraïbes, l’idée d’une départementalisation est encore très loin. Pauvreté, analphabétise, insalubrité, maladie tropicale étaient courant. En matière économique, l’île ne vivait que de la culture de la canne à sucre. Société clivante où les noirs, descendants des africains déportés aux Amériques, désormais ouvriers, sont les plus pauvres et les Békés, descendants des anciens propriétaires d’esclaves sont les possédants des usines sucrières qui crachent leur fumée de misère sur l’ensemble du territoire. La vie à l’usine est rythmée par les heures de travail au soleil ou sous la pluie avec des propriétaires et des contre maitres qui font régner la terreur et de violence anticommuniste et antisyndicale avec bien souvent la complicité des magistrats et des fonctionnaires coloniaux.
A cette période, deux hommes vont occuper le devant de la scène mais étant de deux camps opposés, ils vont se détester au point qu’un finira par commanditer l’assassinat de l’autre. Le premier se nomme Eugène AUBERY, ancien contremaître et géreur de sucrerie. L’homme est riche, influent et très puissant. Il a des contacts au plus haut sommet de la vie économique, sociale et politique de la colonie Martinique. L’homme est aussi connu pour sa violence, d’ailleurs pour faire régner l’ordre, il s’entourne d’hommes de main. Disons-le, il est craint des ouvriers.
De l’autre côté, il y André Aliker, afro-descendant, journaliste populaire et apprécié de la classe ouvrière, né au sein d’une famille d’ouvriers agricoles, le 10 février 1894, dans le quartier Roches-Carrées (commune du Lamentin en Martinique). Il suit ses études à l’école du bourg. Durant la Première Guerre mondiale, il se porte volontaire. Sa citation à l’ordre du régiment souligne : « modèle parfait de dévouement et de courage. Toujours volontaire pour les missions les plus périlleuses au cours desquelles il entraîne ses hommes par son allant, son mépris du danger. » De retour au pays, il travaille dans une épicerie à Fort-de-France, rue Blénac, puis s’installe ensuite à son compte dans le commerce de gros et demi-gros. Militant, il est membre du groupe communiste Jean JAURES et animateur du syndicat des employés de commerce. Il est rédacteur en chef, correcteur et diffuseur du journal Justice, Justice, le bien nommé, l’organe de presse du parti communiste en Martinique, fondé par Jules MONNEROT. Alors que la presse était clairement acquise à la parole des propriétaire terrien, André Aliker, passionné par l’enquête de terrain, n’hésite pas à prendre le parti des exploités du système : coupeurs de cannes, dockers, marins pêcheurs. Ce qui lui vaudra l’inimitié des békés qui voyaient en lui un communiste et un agitateur révolutionnaire. Il faut dire que l’homme n’arrangeait pas forcément la situation puisqu’il signait ses articles, sans doute par défiance, “ l’oeil de Moscou”. La confrontation entre les deux hommes est régulière pour Eugène Aubéry, Aliker est un homme à surveiller et s’il va trop loin, il faudra l’éliminer physiquement. Les tensions entre l’homme le plus riche de la Martinique et le journaliste le plus populaire de l’île va prendre une autre tournure.
Tout a commencé, un jour de 1933, il apprend qu’Eugène Aubéry, est au cœur d’un vaste scandale financier mêlant fraude fiscale et corruption de magistrat. Il dévoile alors l’affaire dans le journal. Le gendre Aubéry se rend chez Aliker pour tenter de le corrompre ; ce dernier raconte l’anecdote dans son journal.
L’affaire débute en 1926, lorsque l’administration de l’Enregistrement réclame aux AUBERYS, dont l’actif a été évalué à trente millions de francs, le règlement de la taxe non acquittée de 12% sur le revenu des valeurs immobilières. Le 15 octobre 1929, le Tribunal de première instance de Fort-de-France condamne Mme AUBERY (principale actionnaire) à verser à la colonie près de 8 millions de francs, frais inclus. Le 9 avril 1930, Mme AUBERY, qui a fait appel, gagne son procès. Elle n’aura aucun argent à débourser. Mieux, c’est la colonie qui devra lui verser 80 000 francs ! Le Conseil Général, représentant les intérêts de la colonie, se pourvoit en Cassation. Le 20 décembre 1932, le gouverneur GERBINIS, sans en avertir le Conseil Général, décide que la colonie se désiste et retire donc le pourvoi en Cassation. Le 11 juillet 1933, le journal Justice dénonce le scandale et publie une édition spéciale avec le gros titre : « Alerte ! Le Panama de Lareinty. Les chéquards de la fraude fiscale. Magistrats pris la main dans le sac. »
A force de tirer à boulets rouges sur la famille Aubery, il s’attire les foudres de la bourgeoisie locale acquise à cette famille et très vite, il va vivre sous les menaces et autres intimidations des hommes de main des Aubéry. Ainsi, le 3 novembre 1933, il est passé à tabac sur la place de la Savane, à Fort-de-France, alors qu’il sortait d’une représentation de cirque à laquelle il venait d’assister avec son épouse et ses deux enfants. L’édition spéciale de Justice produit l’effet d’une bombe dans l’opinion publique.
Suite à la parution du scandale AUBERY dans le journal Justice, Lavigne SAINTE-SUZANNE, gendre des AUBERY, se rend chez ALIKER pour tenter de le corrompre. ALIKER raconte ensuite l’anecdote dans son journal. Les tentatives de corruption et d’intimidation se multiplient mais rien n’y fait André Aliker tient ferme ses positions et continue la lutte contre la corruption. Une détermination qui prendra une tournure tragique, puisque le 1er janvier 1934, il est enlevé, bâillonné et jeté à la mer. Il parvient miraculeusement à survivre en regagnant le rivage. Dès lors, Aliker se sentant en danger, prend la plume et écrit à son frère Pierre, pour lui informer qu’Eugène AUBERY a mis sa tête à prix et que sa vie est danger. Lettre sans dotue prémonitoire, Le 12 janvier 1934, il est retrouvé assassiné sur la plage de Fonds-Bourlet àCase-Pilote, les pieds et mains liés.
Le reste de l’enquête est précisé par Yoan Jannet dans son livre “ Morts non élucidées”, qui détaille les jours qui ont suivi l’assassinat d’André Aliker, L’enquête remonte très vite à deux émigrés saint-luciens, MOFFAT etMELLON, ainsi qu’à une Martiniquaise, soupçonnée d’avoir acheté la corde qui ligotait la victime. Si la femme est rapidement mise hors de cause, les deux compères seront traduits devant la Cour d’Assises de Bordeaux qui conclura par un verdict d’acquittement. Rien d’autre ne viendra plus troubler les affaires du béké AUBERY. Hormis la tentative de Marcel ALIKER de venger son frère en tuant le béké. Mais, au moment ultime, le pistolet s’enraye. Arrêté, Marcel ALIKER, après quelques mois de prison, sera acquitté par la Cour d’Assises de la Martinique.
La mort du journaliste martiniquais hante encore la mémoire des Martiniquais et Martiniquaises qui voyaient en André Aliker, Jaurès des Tropiques, le porte-voix des sans-voix. Au-delà de sa mort, c’est principalement l’absence de Justice et l’impunité dont jouissaient, il n’y a pas si longtemps, les propriétaires terriens qui font qu’aujourd’hui encore l’affaire Aliker revient à chaque trouble social que connait la Martinique. Pour les journalistes antillais, André Aliker est érigé en modèle dans des territoires où la proximité est telle qu’elle empêche bien trop souvent, certains professionnels de la presse de mener leur travail d’investigation à bien. L’homme malgré les menaces et les tentatives de corruption, n’a pas flanché et il est allé jusqu’au bout de son travail.
Le meurtre jamais résolu d’Amédée Fengarol :
Si dans l’histoire politique contemporaine des Antilles-Françaises, il y a une événement qui a marqué les esprits et dont on en parle encore à ce jour, c’est bien le décès tragique et suspicieux d’Amédée Fengarol. Tué le jour même de sa victoire aux élections municipales de Pointe-à-Pitre. Aujourd’hui, nombre de bâtiments publics, des écoles, des rues portent son nom mais combien d’entre vous connaissent l’histoire de cette affaire scabreuse qui a marqué les esprits, il y a plus de soixante-dix ans.
L’histoire de Fengarol est liée à celle de son territoire. L’homme nait le 30 mars 1905 à Capesterre Belle-Eau dans une Guadeloupe à l’époque simple colonie française. Il vit le jour alors que sa mère colporteuse revenait de Saint-Domingue. Amédée FENGAROL est déclaré à la mairie de Pointe-à-Pitre. Il vit son enfance et son adolescence à la rue du cimetière au sein d’une famille de trois enfants. Elève brillant, il fréquente l’école des garçons de la rue Henri IV avant de poursuivre sa formation au lycée Carnot d’où il sort, muni de la première partie du baccalauréat. Il devient enseignant pour aider ses congénères à accéder à l’éducation. Il exerce sa fonction dans plusieurs établissements scolaires de l’archipel dont La Rozière au Lamentin, Les Abymes, l’école des Grands Fonds du Moule, à Pointe-à-Pitre et même Sainte Rose. Très vite, il intègre le syndicat national des instituteurs, dont il deviendra le secrétaire général, à l’échelle locale. Un engagement au sein de l’Education qu’il poursuit en politique.
En 1940, face à la capitulation contre à l’Allemagne Nazie et opposé au régime autoritaire de Vichy, représenté par le gouverneur Constant SORIN, il décide de rejoindre les rangs de la résistance locale fondée par Paul VALENTINO en intégrant le groupe clandestin « Pro Patria ». Durant cette période difficile, inspiré par les pensées marxistes qui faisaient légion à l’époque, il fonde avec Hégésippe Ibéné, Rosan Girard et Raphaël Félix-Henri, la Fédération Guadeloupéenne du Parti Communiste Français, en 1944 dont il devient le secrétaire adjoint. Après la guerre, ses qualités de pédagogue lui valent d’être affecté au lycée Carnot (section commerciale). A cette période, il participe également à la fondation de la Ligue de l’enseignement et de la Mutuelle Générale de l’Education Nationale.
Travailleur infatigable, il était de tous les combats pour la justice sociale et le respect de la démocratie, ce qui le mène a entrer de front dans la lutte syndicale, en devenant Secrétaire Général adjoint du Syndicat National des Instituteurs ( SNI) aux côtés de son ami de lutte Félix Edinval. Proche d’Aimé Césaire, de Gerty Archimède et Henri Bangou, il participe comme conseiller général à la transformation de la mutualité en Sécurité sociale pour une plus grand égalité des offres de soins pour tous les Français. Avec la promulgation de la loi portant extension de la Sécurité Sociale en Guadeloupe et même dans l’ensemble des Outremers. D’ailleurs, il préside le premier Conseil d’Administration. Autant de combats qui lui valent d’être très populaire auprès de la classe populaire.
Homme engagé et de conviction, il ambitionne de se présenter aux élections municipales de 1945, qu’il perd mais au cours de laquelle, il s’érige en opposant direct de Paul Valentino. Un an après, il ambitionne de se présenter à l’élection de la deuxième Assemblée constituante de juin 1946. Election durant laquelle il accusa son opposant socialiste, Paul Valentino de fraude.Adversaire qu’il retrouve l’année suivante aux élections municipales de décembre 1947,à Pointe-à-Pitre. Il obtient des résultats confortant, ce qui accroit sa position de futur rival politique de Valentino à Pointe-à-Pitre.
Quatre ans après, son obstination finit par payer et il est élu à l’assemblée départementale la même année. En 1951, Amédée FENGAROL est choisi par son parti pour conduire la liste des communistes et des démocrates aux élections municipales de Pointe-à-Pitre. Sa liste est confortablement élue à la faveur d’une alliance avec son prédécesseur Adrien BOURGAREL du Rassemblement Populaire et Socialiste. Le jour même de son élection, le 11 janvier 1951, il décède dans des circonstances troublantes. Sa mort inexpliquée choque l’ensemble de la population pointoise et guadeloupéenne. Le reste des événements de la triste journée est répertorié par Yoan Jannet dans son livre pour lequel il s’est appuyé sur le témoignage de Max Etna : « Le 11 janvier 1951, le nouveau Conseil municipal se réunit et désigne, dans l’après-midi, Amédée FENGAROL comme maire. Alors que les élections viennent d’être proclamées, des hommes de main, à la solde du socialiste VALENTINO, prennent d’assaut la mairie, tentent de bousculer et de frapper le nouveau maire. FENGAROL suspend la séance. S’ensuit une confusion au cours de laquelle les supporters du maire se regroupent autour de lui afin de le protéger. FENGAROL ne se sent pas bien et demande à boire. Ragaillardi, il chemine vers la permanence de son parti toute proche, où il harangue la foule sans pouvoir toutefois achever son discours. Le mal réapparait. On l’emmène chez le Dr MONTANTIN qui lui fait un lavage gastrique. Puis il est conduit à son domicile. Le malaise perdurant, il est transporté à l’Hôpital Général. Mais une heure et demie plus tard, un cycliste crie dans la rue : « FENGAROL mô ! Yo tchouyé Michaël ! » Ce décès paraissant particulièrement suspect, une autopsie est ordonnée et effectuée entre autres par le Dr JOACHIM de Morne-à-l’Eau, qui conclut à un empoisonnement, chose qu’il ne pourra pas divulguer, suite à un coup de fil étrange, émanant semble-t-il de la Préfecture, lui recommandant la plus grande prudence. Les viscères du mort sont envoyés pour analyse à Paris mais, selon son fils, on n’en saura pas plus… à part le syndrome obsédant de l’empoisonnement qui planera sur les campagnes électorales à venir (combien de candidats refuseront et refusent encore de se désaltérer lors de conférences publiques…) »
Les obsèques d’Amédée Fengarol ont été populaires avec la présence d’une foule immense venue rendre un dernier hommage à ce grand acteur de la modernisation de la Guadeloupe. Plus de soixante-dix ans après les faits, la thèse de l’assassinat plane toujours. Ces proches, dont Harry Durimel, l’actuel maire de la ville de Pointe-à-Pitre qui n’est autre que son petit-fils évoquent encore la question de l’assassinat politique. Déjà en 1951, ses amis et partisans ne balayèrent la thèse de la mort naturelle. Beaucoup parlèrent d’empoisonnement, au curare, substance toxique qui entraîne la mort par asphyxie. Les résultats de l’autopsie pratiquée ne furent jamais communiqués. Mais qui aurait bien pu éliminer ce personnage politique charismatique ? Amédée Fengarol était-il trop gênant pour le pouvoir colonial et pour certains hommes politiques locaux ? Paul Valentino fut-il le cerveau de cet assassinat ? Ou est-ce le SDECE ( ancêtre de la DGSE) qui a organisé cet assassinat par crainte du communisme ? Quoi qu’il en soit, FENGAROL reste l’une des figures emblématiques de l’histoire de la Guadeloupe et sa mort hante encore le paysage politique guadeloupéen.
Le meurtre inexpliqué de Théodore Samson, maire de Terre-de-Haut (Les Saintes, Guadeloupe).
L’affaire qui suit a été jetée dans les oubliettes de l’histoire pourtant, plus de soixante ans après, elle suscite encore les interrogations car, qui aurait bien pu vouloir prendre la vie d’un maire d’une petite commune de l’archipel des Saintes en Guadeloupe ?
Pour dresser le décor, nous sommes en avril 1959, les élections municipales ont lieu. municipales, le maire sortant de Terre-de-Haut, Théodore SAMSON, décède mystérieusement alors qu’il se trouvait dans les bureaux de la Gendarmerie, suite de l’arrestation de son neveu mineur pour une banale affaire. Les hommages furent nombreux mais le ou les coupables ne furent jamais trouvés.
Toutefois, il est important de parler de la victime, Théodore Samson, Il est né le 14 septembre 1892. Il devint marin au long cours, puis charpentier de marine. Il possédait le chantier naval de Coquelet où sont sortis nombre de goélettes et caboteurs reliant à l’époque les Saintes à la Guadeloupe. Théodore SAMSON est élu maire en 1936, succédant ainsi à Benoît CASSIN à l’issue du second mandat de ce dernier. En raison de son ralliement au Général DE GAULLE et à la France Libre, le conseil municipal fut destitué, le 14 mars 1941, par le gouverneur SORIN.
A sa place, fut mise en place une assemblée nommée par le Gouverneur SORIN, à la tête de laquelle se trouvait un dénommé Louis de MAYNARD, notable créole d’origine martiniquaise. Recherché par la gendarmerie comme résistant et possible dissident, Théodore SAMSON prit le maquis dans les collines des Saintes où il demeura jusqu’en 1944.Il échappa chaque fois in extremis à l’arrestation. Après la Libération, Théodore SAMSON retrouva son fauteuil de maire. Maire ouvert, proche et à l’écoute de la population, toujours disponible, sans préjugé discriminatoire ou partisan, Théodore Samson était un vrai démocrate fortement attaché aux valeurs de la République. Profondément attaché à son territoire, c’est durant son mandat que Terre-de-Haut entama sa modernisation : la construction d’une nouvelle mairie en même temps que celle d’un appontement en dur,en remplacement du vieux ponton en bois. Au même moment, l’électricité débarqua sur l’île; sans oublier la construction d’un dispensaire, d’un groupe scolaire ou encore le bétonnage des rues ; l’extension de l’église et la construction d’un nouveau clocher.
Que s’est-il réellement passé ce jour d’avril 1959 ?
Yoan Jannet nous apporte plus de précisions à cette question : En avril 1959, Théodore Samson se trouvait donc dans les bureaux de la Gendarmerie nationale de l’île pour régler un différend entre son petit-fils et un riverain à propos d’une jarre en terre cuite. Que se passa-t-il dans les locaux de la Gendarmerie ? On ne le sait toujours pas exactement. Mais la nouvelle de son décès provoqua instantanément une émeute. La Gendarmerie fut caillassée, à l’aide de cailloux et de conques de lambis, par les Saintois. La révolte dura deux jours avant d’être réprimée par les renforts militaires et policiers venus de la Guadeloupe continentale. Plusieurs des émeutiers, principalement parmi la famille PINEAU, soutien politique de Théodore SAMSON, furent interpellés et conduits, menottés, sur un bateau de la marine nationale, puis convoyés à la maison d’arrêt de Basse-Terre. Une frégate de la Marine nationale resta quelques semaines en rade des Saintes pour ramener le calme. Cet épisode marqua longtemps les esprits. Le premier adjoint, Georges AZINCOURT devint maire en remplacement de Théodore SAMSON, avant de mourir prématurément lui-même, en décembre 1962, des suites d’une péritonite. Il fut remplacé par son 1er adjoint, Eugène SAMSON, qui fut légalement élu en 1965.
Jusqu’à ce jour, la question de sa mort relève du mystère et les réponses manquent. Une chose est sure, sa mort hante encore les esprits des saintois.
Le crash de Deshaie de 1962, attentat ou accident d’avion ?
Les années 1960 était une période de foisonnement pour les mouvements nationalistes et identitaires antillais. Déçus par la Départementalisation et influencé par les mouvements révolutionnaires marxistes qui se développaient aux quatre coins du monde, des groupes nationalistes tel que le Gong ont fait frémir aussi bien les grands patrons que le pouvoir politique de l’époque. Pouvoir qui n’a pas manqué d’utiliser la violence pour calmer les velléités indépendantistes de ces confettis d’Empire.
Justement à ce sujet, il y a un événement historique qui a marqué les esprits tant en Guadeloupe que dans l’ensemble des Antilles-Guyane, c’est le crash du vol vol 117 de la compagnie AirFrance, assurant la liaison Paris-Santiago du Chili avec une escale à l’aéroport du Raizet, en Guadeloupe. L’avion décolle de l’aéroport d’Orly à minuit, heure locale. À l’escale de Lisbonne quelques passagers descendent et huit autres embarquent. Après une nouvelle escale aux Açores, l’avion se dirige vers la Guadeloupe, où il arrive de nuit, vers 4 h du matin. Le temps est orageux, avec des éclairs, de la pluie et des vents de 30 à 40 nœuds. L’avion fait une première approche vers la piste dans des nuages bas mais a semble-t-il des problèmes avec son train d’atterrissage. Il survole la piste et fait alors un demi-tour sur la gauche, selon la procédure d’approche interrompue. L’équipage s’annonce à la verticale de la balise NDB à 5000 pieds, puis la communication avec la tour de contrôle est perdue et quelques minutes plus tard, l’avion heurte la montagne dite du Dos d’Âne, à environ 420 mètres d’altitude, dans une zone boisée à 23 kilomètres de l’aéroport. Les dix membres d’équipage et les 103 passagers, principalement français et sud-américains, sont tués.
A la thèse du simple accident d’avion sont apparus des soupçons d’un attentat visant deux personnalités politiques antillo-guyanaises connues pour leurs positions autonomistes, Albert Béville alias Paul Niger, écrivain et militant indépendantiste et Justin Catayée, député de la Guyane. De nombreux étudiants antillo-guyanais ont également embarqués sur ce vol. Sans oublier, Jorge Gaitán Durán, écrivain colombien d’obédience socialiste. L’écrasement de l’avion n’a pas fait de victimes au sol. Les causes exactes de l’accident restent à ce jour, inconnues mais c’est le profil de ces passagers qui sème le trouble dans cette affaire.
Depuis deux thèses s’affrontent, la première est évidemment celle de l’accident d’avion dû a dû à une panne duVOR (système de positionnement radioélectrique utilisé en navigationaérienne), à l’insuffisance des données météo transmises à l’équipage et à la perturbation du radiocompas par l’orage avec des accusations portant sur une erreur du pilote qui a effectué un atterrissage à vue à 4h du matin, par temps pluvieux, avec du brouillard, de la pluie et une panne d’électricité sur Deshaies. Il est également noté qu’après 9 heures de vol de nuit et deux escales (soit deux atterrissages et trois décollages) le pilote fatigué a pu prendre des risques excessifs à l’approche de Pointe-à-Pitre. Les conditions météo et un équipement au sol défectueux alliés à la fatigue, et sans doute son impatience de se poser pourraient expliquer l’accident.
Tandis que d’autres y ont vu et y voient toujours un assassinat politique visant ces deux personnalités politiques de premier rang dans la lutte pour l’autonomie de leur territoire sans compter que se trouvaient également à bord de jeunes étudiants antillais de retour chez eux pour des vacances et que certains militaient au sein de divers associations estudiantines antillaises dont certaines prônaient l’autonomie voire l’indépendance des Outremers.
Pour celles et ceux qui croient en la thèse d’un attentat contre ces personnes, en premier lieu desquels les familles des victimes elles-mêmes, il y avait bien eu des avertissements, limite des menaces physiques contre Justin Catayée. Puis, comme nous l’évoquions, Dans le contexte de l’époque, de nombreuses colonies françaises aspirent à l’indépendance. L’Algérie mais aussi les départements d’outre-mer d’Amérique. D’ailleurs, comme le relate Yoann Jannet dans son ouvrage :
Justin CATAYEE, aurait été alerté, selon son frère Jean-Louis, sur des menaces à son encontre. Ce dernier raconte qu’alors qu’il mangeait à l’Assemblée nationale avec Aimé CESAIRE et Rosan GIRARD, une dame est venue et lui a dit à l’oreille : « Misié CATAYEE, pa pwan avion la. Avion la piéjé. » Il lui a répondu en souriant : « Sa ki an tèt mwen pa en ba plat pié mwen. » Il a pris un taxi avec un copain à lui, qui travaillait au ministère de l’Intérieur, pour aller à son appartement, dans le 4ème, à Paris. A un arrêt à un feu, son ami, Félix ERBA, lui a dit : « Tintin, pa pwan avion la, pa pwan avion la ! » Il a répondu : « Félix, mwen ké pwan i kan minm ! » L’auteur ajoute que : « Quand il est arrivé près de son appartement à Paris, il n’est pas descendu du taxi, son chauffeur a récupéré sa valise. Il y avait une lettre qu’on avait glissée sous sa porte et, dans cette lettre qu’on a trouvée après, on lui disait de ne pas prendre l’avion. »
Quant à Albert Béville que l’on connait mieux sous son nom de plume de Paul Niger, lui aussi était une figure majeure du militantisme pour l’autonomie voire l’indépendance de la Guadeloupe. Niger faisait partie de ces élites noires galvanisées par la lutte contre l’occupant nazis et ses collaborateurs de Vichy, portée par l’espoir de voir un jour son territoire sortir de la misère coloniale en intégrant pleinement la grande famille nationale, en donnant de son sang et de sueur pour libérer la France, du joug nazi. Il fut mobilisé en 1939 et sa participation à la campagne de France lui valut la croix de guerre. Démobilisé en 1940, il découvrit l’œuvre d’Aimé Césaire, se lia à Léopold Senghor et devint l’un des piliers de la littérature francophone noire de l’époque. En 1946, il fut l’un des membres fondateurs de la revue Présence africaine. Béville fit partie de ces personnalités intellectuelles antillaises qui pronaient l’intégration des vieilles colonies françaises d’Amérique et de l’Océan Indien dans la grande famille nationale en faisant de ces territoires des Départements. Au départ fervent défenseur de cette France, patrie des Lumières qui avait su résister à l’Allemagne Nazie. Pourtant l’intellectuel guadeloupéen fut vite indigné par le système colonial et par les injustices sociales qu’il engendre, il adhéra au Rassemblement démocratique africain, un regroupement de partis africains d’idéologie communiste, puis socialiste. En 1958-1959, il fut le représentant de la Fédération du Mali à Paris, puis en 1959-1960, inspecteur général des affaires administratives et président-directeur de l’Office de commercialisation agricole du Sénégal. Par la suite, il fonda avec Édouard Glissant, Cosnay Marie-Joseph et Marcel Manville le Front des Antilles-Guyane pour l’Autonomie et publia le pamphlet Les Antilles et la Guyane à l’heure de la décolonisation. Ce mouvement indépendantiste fut dissous quelques semaines plus tard et Béville fut interdit de séjour aux Antilles et rétrogradé administrativement. Chose étrange, alors qu’il était interdit de territoire, Paul Niger pu prendre l’avion pour retourner chez lui. Enfin, non, on sait qu’il déjoua la surveillance des services de renseignement de l’époque qui le suivait à la trace et pu embarquer dans l’avion. Vraiment ? Vu les multiples contrôles auxquels les passagers d’un vol sont soumis, c’est peu croyable. D’autre part, de source sure, deux autres députés de la Guadeloupe qui devaient eux-aussi embarquer dans l’appareil à Paris, furent invités à ne pas prendre l’avion ce jour-là. Un commerçant de Basse-Terre en voyage d’affaire à Paris, lui aussi devait prendre l’avion pour regagner son territoire, Basse-Terre, descendu à l’escale de Lisbonne et suite à uncoup de téléphone passé à Paris, décida de ne pas remonter dans l’avion. D’autres témoignages de personnes affluent dans le sens de l’attentat comme celui de ces pêcheurs disant avoir vu l’avion exploser en vol et certains d’entre eux ainsi que des gendarmes ont retrouvé des morceaux de sièges d’avion en mer ou près du stade de Deshaies.
A ce jour, plus de soixante après les faits, le rapport du BEA( Burean Enquête et Analyse) chargé d’investiguer sur les crashs d’avion reste introuvable, à croire qu’il a complètement disparu et chose étrange comme l’on montré les photos de l’époque, le nez de l’appareil était intact alors que l’on dit que l’avion aurait piqué vers le sol avant de s’écraser.Chose encore plus bizarre, le témoignage des aiguilleurs du ciel des Açores, dernière escale avant la traversée de l’Atlantique qui ont dit à travers un télégramme envoyé aux enquêteurs du BEA, « Lorsque nous avons appris ce crash, nous nous sommes rappelé que jamais, l’aviation civile de Guadeloupe s’est autant intéressée à un vol : ils n’ont pas cessé de nous contacter pour savoir si l’avion était bien arrivé, si tout le monde est remonté à bord, est-ce qu’il est parti exactement à l’heure, etc…, etc…, ce qui nous avait surpris. » Il semblerait que là aussi, ce télégramme ait disparu depuis.
Comment un simple crash d’avion a t-il pu déclencher autant de passion ? Il faut dire qu’à l’époque, il était courant que services de renseignements SDECE, ancêtre de la DGSE ou DST fassent des attentats ou des éliminations ciblées d’opposants au colonialisme français dans les dernières colonies françaises d’Afrique ou des Amériques. Pour revenir au contexte historique, les années 1950 début des années 1960, partout, l’ère est à la décolonisation tant dans les territoires britanniques, néerlandais que français. Le contexte politique est tendu dans cette France, ancienne puissance coloniale forcée par son allié les Etats-Unis a donné l’indépendance à ses colonies qui étaient son réservoir tant en homme qu’en production. Les Antilles-Guyane ayant changé de statut, passant de colonies à départements en 1947, la déception est grande car, ce changement de statut n’a pas gommé la misère et les inégalités tant sociales que raciales qui ont pris racine dans l’histoire de l’esclavage. Très vite, les élites politiques antillaises et des mouvements étudiants de l’hexagone portent les revendications de la reconnaissance d’une identité culturelle antillaise, et l’exercice du pouvoir décisionnel par les élus locaux. La revendication identitaire et nationaliste s’exprime également au travers des associations étudiantes antillo-guyanaises installées en France telles que l’AGEG (Association Générale des Etudiants Guadeloupéens). Au départ, ces étudiants se réunissent autour de problématiques culturelles et historiques. Cependant, le contexte de décolonisation des années 50, les rapproche de leurs homologues africains. De plus, la situation politique aux Antilles et la guerre d’Algérie influencent également leur pensée identitaire qui devient bientôt plus radicale. Ils s’affirment nationalistes et réclament l’autonomie. Les velléités autonomistes sont sévèrement condamnées par l’Etat. Ainsi, on note la mise en place d’une section Antilles-Guyane de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire).
Le 15 octobre 1960, Michel DEBRE édite une ordonnance permettant aux préfets d’expulser de leur pays les fonctionnaires ayant un comportement de nature à troubler l’ordre public. Des fonctionnaires antillais se voient alors muter de façon autoritaire dans l’hexagone. D’autres, originaires des Antilles et de la Guyane, mais en poste dans l’hexagone, se voient interdire de séjour en territoire ultramarin. A ce sujet, Yoan Jannet écrit :
Avec l’indépendance de l’Algérie, la France perd le Sahara, là où elle faisait ses essais nucléaires, là où elle lançait ses fusées. Donc, elle a déjà fait le choix de Mururoa pour ses essais nucléaires et elle cherche l’endroit adéquat pour lestirs de fusées. Le 10 mai 1962, le choix de Kourou est acté pour le tir des fusées. Dans la foulée, le gouvernement français décide d’envoyer la Légion Etrangère en Guyane, comme elle l’a fait à Mururoa. Ce qui va mettre la pression en Guyane, c’est le problème de la Légion. CATAYEE n’en veut pas, les partisans de CATAYEE n’en veulent pas. Et justement, ils organisent un rassemblement qui est autorisée par le Préfet sur la place des Palmistes, sauf que, d’ordre du ministère, la manifestation est annulée à midi, trop tard pour prévenir les manifestants. Donc, le Préfet les fait encercler dans l’après-midi et le sang coule sur la place des Palmistes, ce 14 juin, ce que CATAYEE dénonce à l’Assemblée nationale. Il décide de rentrer en Guyane pour conduire une nouvelle manifestation le 25 juin. Beaucoup étaient persuadés que si CATAYEE avait remis les pieds en Guyane, c’était la révolution. “
Ont-ils été tué pour leurs positions radicales à l’autonomie ou s’agit-il réellement que d’un simple accident d’avion dû à l’erreur humaine ? Sans doute n’aurons-nous jamais la réponse adéquate surtout si des services de renseignement sont mélés à cette affaire. Une commission d’enquête mandatée par l’ancien président François Hollande, présidée par l’historien Benjamin Stora et rassemblant des historiens ont pu se pencher sur différents événements historico-politiques comme Mè 67 en Guadeloupe, décembre 1959 à la Martinique et évidemment le crash de 1962. Pour ces trois événements, les historiens sont allés dans le sens du pouvoir ce qui a engendré des divisions entre eux. C’est ce que rapporte Yoan Jannet dans son livre après avoir interrogé René Benelus, qui faisait partie de la Commission Stora :
: « Il faut d’abord savoir que j’en ai démissionné alors que j’avais en charge précisément le dossier de ce vol. Pourquoi ? Je me contenterai de dire que c’est parce que je n’étais pas écouté, parce que ce que je découvrais dérangeait, parce que c’est une question qui continue de déranger. Elle dérange, pas seulement les membres de la commission, elle dérange aussi au niveau du pouvoir puisque je peux vous assurer que, pas plus tard que l’an dernier, j’ai trouvé la trace de nouveaux documents extrêmement compromettants qui m’ont été refusés. J’ai obtenu l’autorisation de les consulter et malgré cette autorisation, ils m’ont été refusés. Et lorsque j’ai demandé des explications, le responsable des dossiers de l’aviation civile m’a dit : Il vaut mieux que vous ne voyiez pas ça ! J’ai fini par avoir ce carton, mais ils ont retiré 25 pages. Ce sont ces 25 pages que je ne devais pas voir comme me l’avait dit le responsable des dossiers.
L’historien Guadeloupe ajoute même que : “ Ce responsable, j’avais eu plus d’une fois l’occasion de discuter avec lui. Il connaissait l’axe de mes recherches. Sa remarque signifiait qu’il avait lu des choses qui pourraient certainement aller dans le sens de mon argumentation. Au moment où je consulte les archives, celles qui sont à Bisdary, à Gourbeyre, ne sont pas ouvertes et, par un concours de circonstances, j’ai accès à ces documents, parce que le jour où j‘y vais, il y a une panne informatique. Le monsieur qui me reçoit me dit : Voilà le document, je vous fais confiance, ne prenez pas de photos des cadavres. Je lui dis que je ne m’intéresse qu’à la littérature. Et c’est ainsi que j’ai pu photographier tout le rapport de gendarmerie avant qu’il ne tombe dans le domaine public. Et je vous avoue, pour avoir entendu plein d’histoires sur ce fameux crash, quand je suis sorti des archives avec ces documents, je les ai dupliqués et j’en ai mis des copies chez des amis. Ce n’est pas de la paranoïa, mais on entend tellement de choses qu’on prend ses précautions.”
Attentat ou accident ? La question reste toujours sans réponse six décennies après les faits…