27 Mai 1848, une date à ne jamais oublier en Guadeloupe

Le 27 MAI 1848, la crainte d’une insurrection d’esclaves força le Gouverneur de la Guadeloupe Jean-François Layrle a proclamé l’abolition de l’esclavage. Le décret officiel n’arrivera que le 5 Juin à Basse-Terre. Retour sur cet événement majeur de l’Histoire des guadeloupéens !

Pour comprendre l’abolition de l’esclavage, il faut remonter le temps de quelques années. C’est le 4 mars 1831, sous l’impulsion de la « Société Morale Chrétienne » courant abolitionniste de l’époque, que la Traite Négrière fut interdite dans l’ensemble des colonies françaises. Cette date permit à de nombreuses voix longtemps étouffées de s’exprimer en faveur de l’abolition complète de l’Esclavage en France et dans les colonies. Portée par des Grands noms tels que l’Abbé Grégoire, Tocqueville et par la suite Victor Schoelcher, l’esclavage devint une chose immorale qu’il fallait interdire. Plusieurs lois seront adoptées en faveur des esclaves, parmi elles, figure Les Lois Mackau.

Votées en 1845, ces lois reprenaient la logique des textes précédents, mais elles ne marquaient pas de rupture allant vers l’abolition de l’esclavage. Ainsi elles rendent obligatoires la durée minimale accordée à l’instruction des esclaves, ou limitaient à quinze le nombre de fouets que les maîtres pouvaient dispenser sans recourir à une autorisation judiciaire. De plus les esclaves mariés mais de maîtres différents obtinrent le « Droit de réunion ». Une première tentative d’abolir l’esclavage fut impulsée par le roi Louis-Philippe 1er qui dans une ordonnance royale abolit l’esclavage dans tous les « domaines royaux » de la Guadeloupe, de la Martinique, mais la loi n’ira jamais à son aboutissement finale.

Il faudra attendre, le mois de Février 1848 avec l’avènement de la IIe République et le début de l’ère industrielle en France, pour que l’idée d’une totale abolition de l’esclavage émerge.

Le 27 avril 1848, le gouvernement provisoire promulgue le décret d’abolition de l’esclavage. Son article premier stipule que « l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles ». Le 8 mai de la même année, le commissaire général Adolphe Ambroise Alexandre Gatine, membre de la Commission d’abolition de l’esclavage présidée par Schoelcher, monte à bord de la frégate « le Chaptal » avec le décret d’abolition. Direction les Antilles françaises. Pendant ce temps en Martinique, les esclaves s’impatientent devant la lenteur de l’arrivée du décret sur l’île. Des révoltes sporadiques éclatent ça et là. Le 22 mai 1848, une violente rébellion embrase la ville de Saint-Pierre. De peur d’une insurrection généralisée, le gouverneur de la Martinique, Claude Rostoland, proclame l’abolition le 23 mai. L’impatience gagne également la Guadeloupe. Cependant, échaudé par les événements de Martinique, le gouverneur de la Guadeloupe, Jean-François Layrle, décide de prendre les devants. Il promulgue l’abolition de l’esclavage le 27 mai 1848. Quant au décret officiel d’abolition du 27 avril, il arrivera sur l’île, à Basse-Terre, le 5 juin. Si l’on suit le texte à la lettre, l’esclavage aurait dû être aboli en Guadeloupe deux mois après l’arrivée du commissaire général porteur du décret, soit le 5 août 1848.

Le délai d’acheminement oblige, l’abolition a été décrétée le 28 mai à Saint-Martin. Quant à Saint-Barthélemy, compte tenu de ses liens avec la Suède, l’abolition de tous les esclaves y intervient le 9 octobre 1847 soit plusieurs mois avant que l’abolition ne soit prononcée à Paris.

87 000 esclaves libérés !

L’abolition de l’esclavage concerna plus de 87 000 esclaves sur une population de 130 000 personnes. L’un des problèmes du commissaire général Gatine sera notamment d’organiser la « dénomination »(donner un nom) des anciens esclaves, qui n’ont pas de patronymes, contrairement aux Blancs qui n’étaient que 10.000 et aux affranchis. L’abolition de l’esclavage va bouleverser l’équilibre socio-économique de la Guadeloupe.

A part l’indemnisation des colons, aucun projet n’est prévu, aucune réforme agraire ou foncière, cruciale pour l’avenir des nouveaux hommes et femmes libres. Nombre d’anciens esclaves désertent les plantations et les habitations, et les anciens maîtres se trouvent confrontés à une pénurie de main d’œuvre.

Au début des années 1850, la production sucrière, qui fait la fortune des colons, chute environ de moitié. Les planteurs ont besoin de nouveaux travailleurs, de préférence docile. Les tentatives de recrutement de « petits Blancs » venus d’Europe sous contrat échouent.

Les colons se tournent alors principalement vers l’Inde et ses nombreux comptoirs français. Le premier contingent d’engagés indiens, environ 300 personnes, arrive en Guadeloupe en décembre 1854 à bord du bateau ​« l’Aurélie ». Entre 1854 et 1889, plus de 42.000 travailleurs indiens accostèrent en Guadeloupe. On estime que plus de la moitié n’y survivra pas, à cause des dures conditions de travail et des mauvais traitements. Et quelques milliers d’entre eux choisirent de repartir en Inde.