L’obésité ce fléau de la société moderne antillaise

Fini donc le temps de nos grands-parents. Les chiffres le prouvent, l’obésité est un véritable fléau en Guadeloupe. En cause, les changements de mode de vie dont les transformations de nos façons de consommer, le manque d’activités sportives mais surtout la sédentarité. La Guadeloupe et la Martinique sont des territoires d’obésité.

Oui, la société a évolué et la société antillaise n’a pas été exclue de ces bouleversements. En ce XXIe siècle fait d’avancées technologiques, sociales et individuelles, l’Homme moderne ne vit plus pareil, ne travaille plus de la même façon que par le passé. Il ne consomme plus pareil. Il ne se dépense plus comme par le passé. Fini donc le temps de nos grands-parents et de nos arrières grands-parents qui travaillaient durs la terre ou qui marchaient des jours voire des semaines pour se rendre d’un point à un autre. Disons-le, la modernité faisant, nous sommes devenus sédentaires.

Il est aussi important de rappeler que traditionnellement, les Antilles françaises étaient des sociétés où les habitants consommaient majoritairement des produits locaux. Les repas comprenaient souvent du poisson, des légumes-racines (manioc, igname), des légumineuses (pois, haricots) et des fruits tropicaux (bananes, goyave, mangue). Ce régime, riche en fibres et relativement pauvre en graisses saturées, contribuait à une bonne santé générale. Cependant, à la fin des années 1980 et le début des années 1990, l’apparition et le développement des fast-food et autres établissement de mal bouffe a eu impact considérable sur les modes de consommation. Les grandes surfaces ont également joué un rôle néfaste, puisque c’est au cours de cette décennie que la vente de plus en plus courante d’aliments hors régimes alimentaires traditionnels a débuté. Les produits importés, souvent moins chers, tels que les boissons sucrées, les fast-foods et les snacks riches en calories vides, ont remplacé peu à peu la cuisine locale. De plus, qui dit modernité et sédentarité dit malheureusement, diminution voire manque d’activités physiques régulières indispensables à la bonne santé et en Guadeloupe comme à la Martinique. Aujourd’hui, nous voyons les résultats et nous en payons le prix fort. Les Guadeloupéens comme les Martiniquais sont des populations à risque où l’obésité est devenue un enjeu de santé publique.

En 2023, nous traitions déjà de ce sujet et dans notre article, nous avions révélé que plusieurs enquêtes ont été menées pour montrer l’ampleur de cette épidémie ( oui c’est le cas), c’est notamment le cas de l’Enquête Escal à la Martinique ou Kannari en Guadeloupe comme sur l’île soeur. Comme l’indique l’enquête  » Alimentation et nutrition dans les départements et régions d’Outre-mer », qui se repose justement sur différentes études, notamment l’enquête Escal, à la Martinique plus de la moitié de la population adulte était en surcharge pondérale, dont 33 % en surpoids et 20 % en obésité avec, pour l’obésité, près de deux fois plus de femmes concernées (26 % de femmes contre 14 % d’hommes). Les prévalences ont augmenté en une décennie, comme l’indiquait l’enquête Kannari en 2013, avec une progression de huit points pour l’obésité. Ainsi, chez les adultes de 16 ans et plus, la surcharge pondérale touche 52 % d’hommes contre 64 % de femmes en 2013 (fig. 2) L’obésité abdominale touchait en Martinique près de six adultes sur dix (59 %), en augmentation de six points de pourcentage depuis 2004 (53 %, enquête Escal). La prévalence de l’obésité abdominale augmente avec l’âge. Parmi les enfants (3-15 ans), près d’un sur quatre était en surcharge pondérale et moins de 8 % étaient obèses selon l’enquête Escal, tandis qu’en 2013 l’enquête Kannari estimait chez les enfants à 35 % la prévalence de surcharge pondérale, dont près de 10 % d’obèses.

L’enquête sur la nutrition et les aliments en Outre-mer se reposant toujours sur d’autre enquête comme Kannari, souligne que les résultats en Guadeloupe étaient très proches de ceux de Martinique, avec une surcharge pondérale chez plus de la moitié des individus de 16 ans et plus (57 %) et qui augmentait avec l’âge : la prévalence varie de 25 % chez les adultes âgés de 16 à 24 ans à 75 % chez les personnes de 65 ans ou plus. Les résultats sur l’obésité abdominale de Guadeloupe étaient similaires à la Martinique (six adultes sur dix). En Guadeloupe, les femmes sont davantage touchées que les hommes par l’obésité avec plus du double de femmes concernées (31 % de femmes contre 12 % d’hommes). Pour l’obésité abdominale, l’écart est aussi très important (79 % de femmes contre 37 % d’hommes). Pour la population infantile, la prévalence globale de l’obésité et du surpoids atteignait 22 % des enfants (5-14 ans) en Guadeloupe.

Plus récemment, selon l’INSEE, en 2019, le surpoids et l’obésité affectent particulièrement les populations antillaises: 52 % des Guadeloupéens et 53 % des Martiniquais, soit davantage que les habitants de France métropolitaine (47 %). L’obésité touche un Guadeloupéen sur cinq (14 % en France métropolitaine). Les femmes sont même les plus touchées que les hommes, soit 23% contre 15%. Selon la ligue contre l’obésité les femmes sont même en situation d’obésité tandis que les hommes sont quant à eux en surpoids. Contre toutes attentes, ce sont les personnes issues de la tranche d’âge de 30 à 75 ans qui sont les plus concernées soit 20% des 30 à 75 ans et 10% des moins personnes de 15 ans à 29 ans. Cependant, la fréquence du surpoids chez les adultes guadeloupéens atteint 55%, avec une prévalence – le pourcentage de personnes obèses en Guadeloupe – de l’obésité de 23%, bien au-dessus de la moyenne hexagonale qui est de 15%. Chez les enfants âgés de 5 à 14 ans, la situation est également préoccupante : 23% d’entre eux sont en surpoids et 9% souffrent d’obésité, contre 3,5% dans l’Hexagone.

Dans son étude de 2018, le Dr André Attalah qui officie également comme Maire de Basse–Terre(Guadeloupe) ainsi qu’en tant que cardiologue et président de la Fédération hospitalière, estime que 22% des adultes vivant en Martinique sont obèses. Ils sont 22,9% en Guadeloupe, 17,9% en Guyane. De son côté, lors de son sondage, la Ligue nationale contre l’obésité a estimé que  22,4% des adultes des régions d’Outremer sont en situation d’obésité contre 17,9% en Hexagone et chose alarmante, toujours selon l’association,  51,8% de la population ultramarine est obèse ou en surpoids contre seulement 48% sur le reste du territoire national.

L’obésité et ses conséquences :

Nul ne peut nier qu’un obèse ou une personne en surpoids a plus de chances de développer des problèmes de santé graves parfois irréversibles comme du diabète et de l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, et certains types de cancers. Aux Antilles françaises, ces maladies représentent une part importante des pathologies observées et elles sont bien plus importantes dans ces territoires que dans l’Hexagone.

 Aux Antilles, la prévalence du diabète traité est de près de 9 % en Guadeloupe et 8 % en Martinique (données Santé publique France, 2016), alors que la moyenne pour la France entière (hors Mayotte) est proche de 5 %. En Guyane, la prévalence du diabète traité est près de 8 %.

Evidemment qui dit diabète dit hypertension artérielle et là encore les territoires ultramarins sont plus concernés que les régions hexagonales. Selon l’enquête Podium9 en 2008 montrent que la prévalence de l’hypertension artérielle était de 17,9 % en Guyane, 27,6 % en Martinique et 29,2 % en Guadeloupe. L’enquête Kannari montre que 39 % des Guadeloupéens adultes et 42 % des Martiniquais souffraient d’hypertension artérielle en 2013.

Il faut bien comprendre que l’obésité et le surpoids découlent toutes deux en grande partie d’une mauvaise alimentation. L’Insee dans son enquête de 2019 démontre que la consommation quotidienne de fruits en Guadeloupe est inférieure à celle observée en France Hexagonale (45 % contre 59 % en France et 39 % en Martinique). Même constat pour les légumes frais qui sont bien moins consommés dans les Antilles-Françaises que dans l’Hexagone : seuls 38 % des Guadeloupéens en consomment quotidiennement, contre 63 % des habitants de l’Hexagone (et 35 % des Martiniquais). Qui plus est, les boissons sucrées sont bien trop présentes dans les habitudes alimentaires des Antillais que des Hexagonaux. La consommation quotidienne de boissons sucrées et sodas varie peu selon les territoires, elle concerne 12 % des Guadeloupéens, 9 % des Martiniquais et 10 % des habitants de France Hexagonale.

Toutefois, comme nous le savons, avoir une bonne alimentation requiert une certaine aisance financière et quand on connait la situation économique des Outremers et les taux de pauvreté bien plus élevés que dans l’Hexagone, on comprend pourquoi, l’accès à la mal bouffe et à des aliments de moindre qualité est bien plus facile dans nos régions qu’en France Hexagonale. Oui, le pouvoir d’achat à un impact sur notre façon de consommer. Ainsi, Plus une personne gagne bien sa vie, mieux elle mange. Du moins, plus elle mange sainement et évidemment lorsqu’une personne est en situation de précarité plus elle aura du mal à manger des aliments de bonne qualité nutritive. les informations issues des études en population générale dans les Drom montrent que les prévalences de surcharge pondérale, d’obésité, de syndrome métabolique, de diabète et, dans une moindre mesure, d’hypertension, sont plus élevées chez les personnes ayant un niveau socioéconomique plus faible que chez celles appartenant au plus haut niveau. Les Outremers et dans une moindre mesure étant des territoires sinistrés économiquement, il y a donc plus de chance d’avoir une population à risque par rapport à l’Hexagone. On parle même de déficit nutritif. Il est donc crucial de réduire les inégalités sociales de santé sur ces territoires pour que la situation sanitaire et nutritive s’améliore.

Source : Obésité, diabète, hypertension, les Outremers très touchés.