Le Communisme à Cuba est-il entrain de tomber ? Il est sans doute trop tôt pour le dire mais depuis plusieurs jours, la colère gronde au sein de la société cubaine. En cause, les habitants de l’île subissent de longues coupures d’électricité ou faire des queues interminables pour avoir une chance de se procurer des produits de base. Le pouvoir parle « de terroristes basés aux Etats-Unis » et « les ennemis de la Révolution » qui exploitent selon lui la vague de colère contre les longues coupures de courant et les pénuries alimentaires dans le pays mais le communisme vacille mais ne tombe pas (encore)
Pour beaucoup, Cuba est la destination touristique rêvée. L’île des Caraïbes a de tout temps fasciné, suscité l’admiration et subjugué l’imagination des voyageurs occidentaux. Avec ses plages de sable fin agrémentées de cocotiers sur lesquelles des millions de touristes se sont (et continent) de se prélasser avec un verre de mojito rhum citron menthe, tout en fumant un Cohiba, le tout avec pour fond sonore de la salsa, cette danse chaude et populaire très typique de pays latinos qui le soir venu anime les rues touristiques de La Havane.
Mis à part l’aspect culturelle ou touristique, on retient que cette île, qu’elle aura défié le Monde occidental notamment les Etats-Unis depuis sa révolution de 1959 menée par des figures charismatiques qu’ont été Fidel Castro, Raul Castro, Che Guevarra, Camilo Cienfuegos pour ne citer qu’eux. Depuis plus de cinquante ans, l’île caribéenne, est dirigée depuis 1962, d’une main de fer par le parti unique, le parti communiste cubain, introduit par le clan Castro. Disons-le, la Révolution cubaine a changé le cours de l’histoire de l’île mais aussi plus largement, celle du continent américain et même du Monde. Avec sa révolution, La Havane tourna le dos aux Etats-Unis pour le communisme.
Cuba, c’est plus de soixante ans de politique faite de confrontation avec le puissant voisin états-uniens symbole de la Guerre Froide. On se souvient de l’épisode de la Crise des Missiles de Cuba qui entraîna les deux superpuissances de l’époque, les Etats-Unis et l’URSS au bord d’une guerre nucléaire. Conséquence, le jeune président américain John Fitzgerald Kennedy imposa un blocus, toujours d’actualité à ce jour et désormais anachronique. Sous la houlette des frères Castros, c’est aussi soixante années de politique Tiers-mondiste avec dès les années 1960, un engagement militaire aux côtés des leaders des mouvements de décolonisation en Afrique ( Congo, Angola, Mozambique, soutien à l’ANC de Nelson Mandela, Ethiopie, Zimbabwe etc) ainsi qu’un soutien sans faille aux guérillas marxistes sur le continent américain, par exemple avec les FARCS en Colombie. Les médecins cubains se sont fortement illustrés dans la lutte contre l’Ebola en Afrique de l’Ouest. Puis, l’île communiste a envoyé des centaines de professeurs à travers différents pays des Amériques pour lutter contre l’analphabétisme. Cuba s’est également une politique sanitaire interventionniste, avec l’envoie de médecins aux quatre coins de la planète. Dernier épisode en date, La Havane a dépêché des centaines de médecins notamment en Italie pour lutter contre la pandémie de Coronavirus. D’ailleeurs durant la pandémie, l’île de la Martinique, fut le premier territoire français à faire appel à l’expertise des médecins cubains pour faire face aux nombres croissants de malades de la Covid 19.
Pourtant, l’éternelle île révolutionnaire, célèbre à travers le Monde pour sa culture et son histoire métissée riche et haute en événements marquants, qui attirait des touristes par millions, vit-elle ses dernières années de communisme ?
Il est sans doute trop tôt pour le dire mais depuis plusieurs jours, la colère gronde au sein de la société cubaine. En cause, les habitants de l’île subissent de longues coupures d’électricité et doivent patienter des jours durant ou faire des queues interminables pour avoir une chance de se procurer des produits de base.
Comme le rapportent nos confrères du Temps et Le Monde, dimanche 17 mars 2024, ils étaient plusieurs milliers à travers tout le pays à braver les interdictions de manifester en vigueur sur l’île pour réclamer la fin des coupures d’électricité, d’eau et surtout à manger. Les manifestations se sont surtout faites à Santiago, deuxième ville de Cuba avec plus de 500 000 habitants, à Bayamo, moitié moins peuplée, ou encore à Holguín, des centaines de personnes ont défilé aux cris de «corriente y comida» («du courant et de la nourriture») et de «no mas muela» («arrêtez le baratin»). Dans ces villes distantes d’un millier de kilomètres de la capitale, La Havane, les coupures d’électricité se sont aggravées depuis le début du mois de mars et peuvent durer vingt heures d’affilée.
Le mouvement protestataire de dimanche est le plus important depuis les mobilisations de juillet 2022, qui avaient rempli les rues de nombreuses villes, un fait inédit en plus de soixante ans de régime socialiste. Prises de court, les autorités avaient tardivement réagi, laissant le temps à des centaines de vidéos de se répandre sur les réseaux sociaux et de grossir les défilés. Les censeurs ont retenu la leçon : dimanche, les services de données mobiles pour les téléphones portables ont été rapidement suspendus. Les images des protestations ont donc été limitées et dans la presse le président Diaz-Canel qui a remplacé la fratrie Castro a expliqué que ces manifestations étaient orchestrées depuis l’étranger par des terroristes. Le régime évoque « des terroristes basés aux Etats-Unis » qu’il qualifie « d’ennemis de la Révolution » qui exploitent selon lui la vague de colère contre les longues coupures de courant et les pénuries alimentaires dans le pays.
Le lendemain soit le lundi, le vice-ministre des Affaires étrangères, Carlos Fernandez de Cossio, a « transmis officiellement » au chargé d’Affaires américain Benjamin Ziff « le rejet ferme de l’ingérence et des messages calomnieux du gouvernement américain et de son ambassade à Cuba concernant les affaires intérieures » cubaines, a indiqué le ministère cubain dans un communiqué.
Le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez, avait déjà exhorté Washington à ne pas « s’ingérer dans les affaires intérieures du pays » après la publication dimanche par l’ambassade des États-Unis à Cuba d’un message sur X appelant « le gouvernement cubain à respecter les droits […] des manifestants et à répondre aux besoins légitimes du peuple cubain ».
Pour le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel les accusations cubaines sont « absurdes ». « Je pense que ce que nous voyons est le reflet de la situation désastreuse qui règne sur l’île », a-t-il souligné, exhortant « le gouvernement cubain à s’abstenir de toute violence et de toute détention injuste ».
Pour le journal d’opposition Diario de Cuba, c’est la rhétorique habituelle du pouvoir communiste depuis l’avènement du communisme sur l’île. Pour la journaliste Luz Escobar exilée à Madrid depuis un et demi. :« Les gens ont faim, il n’y a presque rien à manger et les coupures d’électricité signifient que le peu qu’ils ont dans leur frigo va pourrir, Pour calmer la colère des manifestants, à Santiago, les autorités locales ont apporté un camion de riz et un de lait. Mais cette colère ne va pas s’éteindre, car les gens ont perdu l’espoir et la faim a tué la peur… » D’ailleurs la journaliste cubaine, à la tête du site d’information en ligne 14yMedio, a rejoint la longue liste des journalistes d’opposition cubains a avoir choisi l’Espagne pour destination d’exil.
Depuis 2021, Cuba connaît une grande crise économique qui a des conséquences sociales. Une crise qui avait déjà poussé les cubains dans les rues pour crier leur ras-le-bol face à la misère qui les accables. Selon l’AFP, le 11 juillet 2021, des milliers de Cubains manifestaient de manière inédite aux cris de « Nous avons faim ! » ou « À bas la dictature ! ». Une manifestation avait été réprimée sans ménagement par les forces de sécurité. Des centaines de manifestants ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 25 ans de prison.
Une répression et une situation économique critique qui ont poussé de nombreux cubains à quitter leur pays. Nombreux sont ceux à partir vers les Etats-Unis où une importante communauté cubaine s’est installée en Floride depuis la fin des années 1960, soit depuis l’avènement du régime communiste. Le Canada, ou encore l’ancienne puissance coloniale, l’Espagne sont également des terres d’accueil pour les immigrés cubains. Rien que pour l’année 2022, 500 000 cubains ont quitté l’île qui les a vu naître pour la route de l’exil. Ces trois dernières années, plus de 4 % de la population de Cuba a quitté l’île : cet exode est sans précédent. Ils sont plus de 220 000 à avoir franchi la frontière des Etats-Unis entre octobre 2021 et septembre 2022 et selon nos confrères du Courrier International, entre 2021 et 2023, ils sont près de 425 000 à avoir rejoint les USA. C’est la plus grosse crise migratoire jamais connu par Cuba. De nouvelles destinations d’installation d’exilés cubains sont apparues, c’est le cas du Brésil, de l’Uruguay ou du Mexique. Pour ce qui est du trajet effectué par les migrants originaires de Cuba, le Courrier International explique que « les modalités de déplacement ont évolué. Les exilés cubains sont moins nombreux à tenter la périlleuse traversée du détroit de Floride, unique route maritime, d’une centaine de kilomètres à peine – reliant La Havane à Miami, et préfèrent aujourd’hui des itinéraires terrestres. Ils quittent désormais leur île par avion et s’envolent vers des pays où ils sont exemptés de visa, comme le Guyana ou plus récemment le Nicaragua. Une première étape, avant de commencer un long périple jusqu’à la frontière américano-mexicaine. Mais ces nouvelles routes n’en restent pas moins dangereuses : selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en 2022, au moins 686 personnes sont mortes en tentant d’atteindre les États-Unis en passant par le Mexique, ce qui en fait l’itinéraire le plus meurtrier du monde. »
De multiples causes de l’échec de la Révolution :
Les causes de la crise économique sont nombreuses, l’une des premières raisons est sans nulle doute la pandémie de Coronavirus. Période très spéciale durant laquelle, l’ensemble des pays ont pris des mesures sanitaires extrêmes dont les plus marquantes furent de proscrire tous les voyages, avion comme croisière. Cuba, qui avait misé durant toute la décennie des années 2000 à 2019 sur le tourisme pour booster et diversifier son économie déjà en berne, le coup fût rude, et ce même si la Covid-19 a été maîtrisée ( en apparence) par les autorités habituées à intervenir dans des territoires où sévissent des maladies tropicales et des épidémies. Le pays lui-même avait imposé des restrictions de déplacements à sa population, déjà habituée à vivre dans l’impossibilité de se déplacer d’une région à une autre de la grande île des Caraïbe. Cependant, ce n’est qu’après que le pays caribéen a été touché car les restrictions sanitaires internationales et l’interdiction de voyager ont entraîné de nombreux cubains qui s’étaient tournés vers le tourisme, dans la misère. Du jour au lendemain, Cuba s’est retrouvée sans les dix millions de touristes occidentaux habitués à venir bronzer sur les immenses plages dont dispose l’île. Quand on sait que dans l’industrie touristique beaucoup de personnes vivent et mangent grâce à cela on peut évaluer les dommages dans leur quotidien. Affamés et sans emploi, les cubains étaient descendus par milliers pour demander des solutions pour que leur vie s’améliore. Evidemment, les autorités ont plus opté pour la répression que pour le dialogue. Sans doute aussi, l’Etat cubain avait placé trop d’espoir dans cette niche porteuse à court terme en omettant d’investir ou en délaissant d’autres secteurs qui auraient pu rendre l’économie cubaine plus attractive. Jusqu’à présent, le pari touristique de Fidel Castro, en 1993, pour sortir l’île de la pauvreté reste en marche.
Les sanctions américaines en vigueur depuis 1960 :
Nul ne peut nier que Cuba est l’un des pays les plus sous sanctions internationales depuis que le territoire avait fait le choix de la Révolution le tout suivi d’une politique de nationalisation des entreprises américaines qui occupaient tout un pan de l’économie cubain mais cette politique fut mal vu par le puissant voisin américain. Pour la petite histoire, le président et ancien Général Dwight Eisenhower inaugura une nouvelle politique visant à éliminer les régimes communistes dans le cadre de la Guerre Froide y compris à Cuba. Parmi les mesures prises, l’annulation de la quote-part sucrière cubaine, embargo sur les livraisons de pétrole et autres matières premières, poursuite de l’embargo sur les armes imposé en Mars 1958 et, mise en place d’une campagne de terrorisme et de sabotage sur le territoire cubain. La même année, le président Général Dwight Eisenhower accorda une aide financière de 13 millions de $ US aux opposants cubains afin de créer un camp d’entrainement au Guatemala destiné à former des combattants anticastristes. Pour faire face aux conséquences économiques, Fidel Castro se rapprocha de l’Union Soviétique.
Le jeune président John Fitzgerald Kennedy, nouvellement élu, non informé de l’opération, prit au dépourvu ne pu qu’accepter la mission. C’est ainsi qu’en Avril 1961, une équipe de dissidents composée de 1400 réfugiés cubains recrutés et entraînés par la CIA. Malgré une bonne préparation, le Débarquement de la Baie des Cochons fut un échec cuisant pour la nouvelle administration américaine. En effet, ceux-ci comptaient sur un soulèvement de la population pour faire basculer la situation, mais celle-ci n’eut jamais lieu. En réponse à cette attaque, le régime révolutionnaire dirigé par Fidel Castro décréta le socialisme ce qui entraina une rupture de toutes les relations diplomatiques avec les Etats-Unis et pendant très longtemps, leurs intérêts ont été défendus par l’ambassade de Suisse présente à La Havane tandis que l’ambassade de Tchécoslovaquie défendait ceux des cubains à Washington. Pour aller plus loin dans sa guerre contre le communisme tropicale, le 23 Février 1962, Washington décréta l’embargo commercial contre l’île. Suite à cela, Cuba se détourna définitivement des Etats-Unis pour se rapprocher de l’Union Soviétique et des autres pays socialistes en place à cette époque. Il faudra attendre 2015 pour qu’un rapprochement soit opéré entre l’ancien président Barack Obama et son homologue Raul Castro.
Néanmoins, sous la mandature du Républicain Donald Trump, les sanctions économiques ont été durcies avec des conséquences économiques sur la vie des cubains encore perceptibles aujourd’hui.
Une dépendance trop grande vis-à-vis de l’URSS, du Venezuela et de la Russie :
Depuis la Révolution de 1959, le régime castriste a tourné ses yeux vers l’ex-URSS, désormais la Russie. Que ça soit pour la formation de ses cadres, de ses médecins, de ses instituteurs, de son personnel militaire et même pour créer son puissant service de renseignement la DI ( Direccion de la Intelligencia), c’est le grand frère soviétique, du moins, le grand frère russe qui s’est occupé de tout en contrepartie, Cuba fournissait du sucre de canne, du cacao et autres produits agricoles dont les soviétiques, enfin non, les russes raffolaient pour leurs pâtisseries, leur café, leur chocolat et autres éléments de leur alimentation. Pourtant, une évènement va changer le cours de l’histoire, la Chute du Mur de Berlin en 1989 entraînant par la suite en 1991, l’effondrement du bloc de l’est et l’indépendance des pays qui constituaient l’Union des Républiques socialistes et soviétiques. A partir de cette période, l’île socialiste va vivre des années noires faites de pénuries alimentaires et de départs massifs vers les côtes de Floride. Situation paradoxale pour un pays qui rêvait d’un socialisme à visage humain.
Il faudra attendre le début des années 2000 pour que Cuba connaisse un nouveau bol d’air frais avec le retour des relations diplomatiques avec la Fédération de Russie dirigée par un Vladimir Poutine tout juste installé au Kremlin qui, à peine investit fera une visite officielle en décembre 2000, ouvrant la voie à un nouvel axe de coopération sous divers aspects. Tout d’abord, l’aspect économique, la Russie a apporté son aide pour le développement de l’île, notamment l’expertise russe pour extraire du pétrole dans le Golfe du Mexique avec l’accord du gouvernement cubain en juillet 2009. De plus, la Russie a permis à Cuba d’acheter des matériels agricoles modernes en vue de remplacer les vieux tracteurs ou camions de l’ère soviétique. Ensuite, la question militaire. L’armée cubaine, jadis, était une armée expéditionnaire dans le cadre de l’expansion révolutionnaire, s’est engagée, parfois en toute autonomie, dans des conflits armés de décolonisation, bien loin de chez elle, principalement en Afrique de l’Algérie à l’Angola, la Namibie, en passant par la Guinée, le Mozambique, l’Ethiopie autant de guerres qui feront de Cuba une puissance militaire. Sauf, qu’avec la fin de la Guerre Froide et toutes les crises qu’a travers le pays, la grande armée cubaine n’est plus que l’ombre d’elle-même. relations russo-cubaines iront même jusqu’à voir le retour de la Marine de guerre dans les Caraïbes avec pour ports de ravitaillement La Havane ou Santiago.
L’autre alliance qui a permis de redonner une certaine couleur à l’économie cubaine, est celle avec le Venezuela. Bien qu’historique, elle s’est accentuée avec l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999. Arrivé au pouvoir en 1999, le jeune colonel de l’armée vénézuélienne est arrivé à la tête d’un Etat disposant des plus grandes réserves de pétrole au monde. Les premières collaborations entre les deux nations vont commencer au milieu des années 2000. A partir de cette période, les deux nations hispaniques vont développer l’opération « Milagro » qui, au cours des dix premiers mois de l’année 2005, a permis de rendre la vue, gratuitement, à près de 80 000 Vénézuéliens dont beaucoup, victimes de la cataracte ou du glaucome, durent être transférés à Cuba pour y être opérés. En 2006, quelque 14 000 médecins cubains opèrent dans les quartiers pauvres du Venezuela. En contrepartie, le Venezuela va fournir du pétrole brut bon marché dont Cuba a grand besoin. Par la suite, Cuba dont le système de santé était,à cette période, l’un des plus en pointe va envoyer des dizaines de milliers de médecins et d’enseignants pour soigner et alphabétiser son allié sud-américain. D’ailleurs, les deux Chefs d’Etat, aujourd’hui décédés, Hugo Chavez et Fidel Castro ont été les principaux artisans de la création de l’organisation Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), sorte d’organisation d’échanges dont le but principal annoncé est de développer le niveau d’éducation, de santé publique et le commerce équitable. Au delà de la coopération économique et sanitaire, nous savons que c’est Cuba qui a réorganisé le service de renseignement de la République Bolivarienne, bien que les deux parties continuent de nier ce fait.
Conforté par ses deux alliances, le gouvernement cubain n’a sans doute pas vu venir le changement qui s’opérait. De prime abord, l’arrivée au pouvoir du Républicain Donald Trump, qui durant sa mandature a été l’un des présidents qui a le plus imposé des sanctions à Cuba. L’ancien président qui pourrait bien faire son retour à la tête des Etats-Unis a été en rupture avec la politique de détente initiée par son prédécesseur, Barack Obama. L’homme d’affaire représentant la droite américaine a été clairement en guerre ouverte avec La Havane au point que durant sa présidence cent quatre vingt dix sanctions sont imposées à Cuba en quatre ans, dont notamment l’interdiction des croisières américaines et les obstacles à l’envoi d’argent de leurs proches vers l’île alors que sous Obama, ces mesures avaient été allégées. Par ailleurs, le gouvernement Trump a interdit aux entreprises pharmaceutiques américaines d’envoyer des médicaments vers Cuba, d’ailleurs, les nouvelles lois sous les quatre ans de présidence Trump sanctionnent toute importation de médicaments vers Cuba si au moins 10 % en est produit aux États-Unis et quand on sait que 80 % des brevets du secteur médical sont déposés par des multinationales pharmaceutiques américaines, et Cuba ne peut donc en bénéficier. A ce sujet, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme indiquait dans son rapport que « les restrictions imposées par l’embargo ont contribué à priver Cuba d’un accès vital aux médicaments, aux nouvelles technologies médicales et scientifiques ». En janvier 2021, neuf jours avant la fin de son mandat de président des États-Unis, Donald Trump impose de nouveau des sanctions contre Cuba, celle-ci déjà durement touchée par le renforcement de l’embargo américain en pleine pandémie de coronavirus se voit classée comme terroriste, un classement que le président Obama avait retiré en 2015.
Deuxièmement, longtemps un allié fiable pour son économie, la relation cubano-vénézuelienne va connaître un coup de mou avec notamment les décès des deux leaders charismatiques. Suite à la mort d’Hugo Chavez, Caracas va vivre la plus grave crise politique de son histoire contemporaine, une crise couplée par une récession économique dès 2015. Cependant, la situation va se détériorer lorsque l’administration Obama va imposer des sanctions contre les officiels vénézuéliens mais aussi sur l’économie vénézuélienne du fait de la répression des manifestations anti-Maduro entre 2015 et 2017. Néanmoins, c’est bien Donald Trump qui donnera le coup de grâce en mettant en place toute une série de sanctions sur les membres du Gouvernement Maduro mais aussi sur l’économie. Des sanctions qui seront renforcées en 2018 où cette fois, elles ont concerné les productions pétrolières, aurifères et minières. Donald Trump imposera aussi des sanctions aux banques du pays qui ont l’interdiction de faire des transactions en dollar. Des restrictions qui conduiront le pays, jadis l’un des plus riches du continent américain vers une crise économique, migratoire sans précédent. On parle d’environ 7,8 millions de vénézuéliens qui ont pris le chemin de l’exil. Incapable d’exporter son pétrole, Cuba va aussi être touchée par la crise.
Troisième problème qui est survenu, c’est évidemment la guerre en Ukraine qui a commencé en 2014 mais dont le point d’orgue est véritablement l’invasion du territoire ukrainien, lancée par la Russie de Vladimir Poutine. Une « opération spéciale », qui a conduit l’Occident à infliger des sanctions à Moscou. Des sanctions économies, militaires, technologiques, et pharmaceutiques. Des sanctions limitées que la Russie est parvenue à contourner à travers des établissements bancaires situés dans le Golfe, en Europe ou en Asie. Sur ce point, la situation pourrait se tendre puisque de nouvelles sanctions du Trésor américain, font planer la menace de très lourdes amendes de non moins légères peines de prison ont récemment poussé ces établissements financiers à mettre fin à leur collaboration avec la Fédération de Russie.
Toutefois, la situation de la Russie a compliqué les échanges avec les autres nations et impossible pour Moscou de vendre directement son pétrole. Or noir dont à grand besoin La Havane.
L’inflation record avec des conséquences sociales :
Dans le Monde entier, la reprise économique post-covid suivie par la deuxième étape de la Guerre en Ukraine avec l’invasion russe de 2022, ont entrainé une flambée des prix de l’essence et du gaz ayant pour conséquence une diminution du nombre de voyageurs vers la plus grande île des Caraïbes mais surtout, les transferts d’argent en provenance de l’étranger ont aussi été touchés et quand on sait que l’économie de base des foyers cubains reposent sur l’argent envoyés par leurs proches installés à l’étranger, il y a des conséquences sur l’économie des cubains restés au pays. Toutefois, pour certains économistes, comme Vincent Bloch, chercheur et auteur de Cuba, une révolution (Vendémiaire, 2016) interviewé en 2022 par Libération, la véritable raison de l’augmentation de la misère sur place est dû au fait qu’en 2021, le président Diaz-Canel a décidé d’unifier les deux monnaies du pays pour n’en garder qu’une, ce qui a eu pour résultat une dévaluation du peso local. Fini le CUC (peso convertible) aligné sur le dollar américain, le CUP (peso cubain) devient la seule monnaie nationale. Mais c’est aussi le retour légal du dollar américain sur le marché cubain. Si les salaires ont été multipliés par cinq par la même occasion, les prix ont bondi à des niveaux bien plus élevés. C’est notamment le cas sur le marché noir qui, renforcé par les pénuries, propose des biens introuvables sur les échoppes légales, à des prix très élevés. Les répercussions nous les connaissons.
Des promesses pour apaiser la colère mais l’avenir reste incertain :
Comme nous l’avons évoqué, l’économie cubaine ne parvient pas à se relever des conséquences du coronavirus. La fréquentation touristique reste très éloignée de son niveau prépandémie et le prêt payant de personnel médical à l’étranger rapporte beaucoup moins de devises fortes qu’auparavant car nombre de pays ont mis fin à l’entraide médicale cubaine qui état une manne financière non-négligeable pour le régime communiste. En 2023, le PIB s’est contracté de 2 %, selon des chiffres officiels mais pour les experts indépendants ces chiffres sont sous-évalués.
Pour tenter de calmer les contestations grandissantes, le gouvernement tente d’apporter des solutions aux maux des cubains avec des promesses. Pour redémarrer son économie nationale, La Havane a grand besoin de carburant. Néanmoins, il semblerait que Cuba ne soit plus en mesure de payer ses fournisseurs. En tout cas c’est ce qu’explique le journal d’opposition Diario de Cuba au sujet du retard d’approvisionnement des hydrocarbures sur le territoire en prenant l’exemple du Tanker Eco Fleet en provenance de la Tunisie avec 39 000 tonnes de gazole à son bord, qui aux dernières nouvelles se trouvait à proximité de La Havane depuis le 25 février, mais n’a toujours pas débarqué sa cargaison. Le site d’opposition Diario de Cuba émet deux hypothèses pour expliquer ce mystère : soit un problème technique, soit un retard de paiement de Cuba.
D’autre part, selon Libération, d’autres ressources en carburant sont annoncées, en provenance du Mexique ou du Venezuela. Un pétrolier russe devrait apporter 650 000 barils de pétrole brut à la fin du mois. La précédente livraison en provenance de Russie remonte à plus d’un an. Les contacts entre les deux pays sont fréquents : Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie de Vladimir Poutine, était à La Havane en février. Et un prêt important (mais la somme n’a pas été divulguée) a été accordé par Moscou à Cuba il y a quelques jours.
Face aux crises, les deux pays renforcent de plus en plus leurs liens plus que jamais mais il y a des limites. En effet, poussés par la misère et la famine, certains cubains crédules cherchent du travail à l’étranger au point de tomber sur des offres malveillantes comme celles de partir comme mercenaires pour l’armée russe en Ukraine. C’est ce que relate 20 Minutes avec l’histoire d’un Cubain de 35 ans portant des dreadlocks raconte ainsi avoir répondu à une publication sur Facebook proposant des travaux de construction en Russie. « Je ne pensais pas venir faire la guerre ». Ou encore, l’histoire de cette mère de famille racontée par The Guardian et repris par Slate, son nom Marilin Vinent, la mère de l’une des personnes arrêtées, a déclaré ce vendredi 8 septembre que son fils de 27 ans s’était rendu en Russie avec d’autres Cubains à la fin du mois de juillet sur la promesse d’obtenir un travail dans le secteur de la construction. «Ils ont tous été trompés», soutient-elle.
Cependant, malgré une alliance historique avec Moscou, La Havane ne compte pas s’engager dans le bourbier ukrainien et interdit à ces citoyens de partir combattre là-bas. La preuve, en septembre 2023, les autorités cubaines ont arrêté dix-sept personnes soupçonnées d’appartenir à un réseau de recrutement cherchant à envoyer des ressortissants cubains sur le sol ukrainien, afin de combattre pour le compte de la Russie. A cette même date, le ministère des Affaires étrangères avait annoncé avoir détecté un réseau opérant depuis la Russie, pour recruter des mercenaires cubains installés tant en Russie qu’à Cuba. Or «Cuba ne participe pas à la guerre en Ukraine», a affirmé le ministère dans un communiqué de presse.
Les témoignages de cubains devenus mercenaires malgré eux s’enchainent. Actuellement, ils seraient environ deux cent cubains affamés, sans emplois, à avoir répondu à des promesses d’embauche en Russie, pays qui ne demandent pas de visa aux ressortissants de l’île du fait de la proximité politique des deux régimes. Cet avantage représente une porte de sortie privilégiée. Par ailleurs, depuis septembre 2022, la législation russe permet aux étrangers qui ont servi dans son armée pendant au moins un an de demander la citoyenneté et de bénéficier d’une procédure simplifiée.
Selon le service de renseignement ukrainien, c’est surtout l’argent qui attire tous ces mercenaires étrangers originaires de pays pauvres. Comme le relate Petro Iatsenko, porte-parole du bureau ukrainien chargé des prisonniers de guerre » dont les propos ont été relayés par Sud-Ouest, « quand les Russes offrent à ces gens 2 000 dollars par mois et disent qu’ils seront utilisés comme gardes du corps ou en troisième ligne, ils sont très tentés ». L’ukrainien a exhorté les pays à agir pour empêcher leurs ressortissants de se faire « duper par des recruteurs qui leur promettent des monts d’or ». Ceux capturés « en uniforme militaire, avec des armes » sur le front seront déférés devant la justice. « C’est au tribunal de décider s’il s’agit de mercenaires », explique Petro Iatsenko, assurant que l’Ukraine veut « les transférer dans leur pays d’origine ».
Malheureusement, malgré les mises en garde du gouvernement cubain, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir tenter l’aventure russe par désespoir économique.
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