Nous sommes en 2025, soit cent soixante dix-sept ans après l’abolition de l’esclavage et pourtant, le Code Noir n’a jamais été aboli. Il s’agit d’une abolition partielle. Interpellé par Laurent Panifous, le président du groupe LIOT à l’Assemblée sur la question, le Premier ministre a assuré qu’il était « persuadé » que le texte avait déjà été abrogé. François Bayrou a annoncé, ce mardi 13 mai son intention de proposer un texte abolissant formellement le Code Noir, ce texte qui régissait l’esclavage.
Dans les faits, l’esclavage est aboli en France depuis 1848. Mais, techniquement, il ne l’est pas tout à fait. C’est ce qu’a voulu souligné Laurent Panifous, président du groupe LIOT à l’Assemblée Nationale en interpellant le Premier ministre François Bayrou, sur la question. Le chef du Gouvernement était lui-même étonné que ce code d’un autre temps, n’ait jamais été aboli par cette même Assemblée où trône la statue de Colbert. En effet, nous sommes en 2025, soit cent soixante dix-sept ans après l’abolition de l’esclavage et pour il est toujours en vigueur. On peut donc dire que la France a aboli partiellement l’esclavage.
« Si l’on peut croire que le décret de l’abolition de l’esclavage de 1848 a abrogé le Code noir (le texte de 1685 qui régissait l’esclavage, ndlr), il n’en est rien. Aucun texte ne l’a formellement aboli »
Laurent Panifous, président du groupe LIOT à l’Assemblée Nationale.
Le premier ministre a annoncé son intention de proposer un texte abolissant formellement le Code noir.
« Grâce à votre question, je découvre cette réalité juridique que j’ignorais absolument, et j’imagine tous ceux qui sont autour de nous, que le Code noir n’a pas été aboli en 1848 comme nous le croyons, après avoir été aboli pendant la Révolution française, puis rétabli par Napoléon[…] Je prends l’engagement, au nom du gouvernement, qu’un texte actant l’abolition du Code noir sera présenté au Parlement et, je l’espère, voté à l’unanimité[…] Si le Code noir n’a pas été aboli en 1848, il faut qu’il le soit, il faut que nous ayons la volonté (…) de réconcilier la République avec elle-même. »
Le 10 mai, journée nationale des mémoires de la traite négrière, François Bayrou avait appelé à Brest à ne pas se taire face à « l’histoire terrible et monstrueuse de l’esclavage ». Il avait décrit « une histoire terrible et monstrueuse par ses dimensions comme par son objet : environ quatre millions de femmes, d’hommes et d’enfants ont connu l’esclavage de 1625 à 1848 dans les colonies françaises ».
Si François Bayrou espère que le texte abolissant le Code noir sera voté « à l’unanimité », il n’a pas précisé quand il sera présenté aux parlementaires.

Mais qu’est-ce que le Code noir ?
Le Code Noir est un texte législatif rédigé en 1685 sous le règne de Louis XIV, à l’initiative de Colbert, pour réguler la vie des esclaves dans les colonies françaises (Antilles, Guyane, Réunion, Louisiane, etc.). Il est l’un des documents les plus infâmes de l’histoire coloniale, institutionnalisant l’esclavage dans un cadre juridique précis En tant que tel, il constitue l’acte fondateur du droit colonial français. Le Code noir continuera d’être appliqué jusqu’à la seconde abolition de l’esclavage, sous la Deuxième République, en 1848? Mais, il n’a jamais été aboli.
Elle reconnaît aux esclaves leur qualité d' »être de Dieu », sans pour autant leur octroyer une personnalité juridique propre. Le texte est tout d’abord appliqué en Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Christophe. Il est ensuite étendu à Saint-Domingue en 1687, puis à la Guyane en 1704. À partir du XVIIIe siècle, d’autres textes modifient, complètent et durcissent l’édit d’origine. On commence véritablement à parler de « Code noir ». Cette expression prend alors différents sens pour désigner les multiples règlements relatifs à l’esclavage, voire le droit colonial français dans son ensemble…
Il contient soixante articles qui détaillent les droits des maîtres, les obligations des esclaves et les relations entre colons et captifs. Ainsi, selon le texte de Loi, les maîtres ont un pouvoir total sur les esclaves : droit de punir, de vendre, d’échanger ou de léguer. Ils doivent toutefois fournir nourriture, vêtements et logement aux esclaves. Ils ont également l’obligation de les baptiser et de les éduquer dans la religion catholique.
Quant aux esclaves, Il leur octroie un statut intermédiaire entre celui d’homme libre et de bien meuble pouvant être acheté ou vendu. Ils n’ont aucun droit civil et ne peuvent ni se marier sans l’autorisation du maître, ni posséder de biens personnels. Ces derniers, n’ont pas le droit de porter plainte contre leurs maîtres même en cas de mauvais traitements puisque le maître avait le droit de punir physiquement son esclave. Les abus graves (meurtre d’un esclave par exemple) sont en théorie punis par la loi, mais en pratique, les sanctions étaient rares. Par contre, si un esclaves se rebellait contre celui ou celle qui le possède, il subit des châtiments corporels pouvant aller jusqu’à la mort.
Voici quelques extraits :
Article 33
L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort
Article 34
Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu’ils soient sévèrement punis, même de mort, s’il y échet.
Article 35
Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales, mulets, bœufs ou vaches, qui auront été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort, si le cas le requiert.
Article 36
Les vols de moutons, chèvres, cochons, volailles, canne à sucre, pois, mil, manioc ou autres légumes, faits par les esclaves, seront punis selon la qualité du vol, par les juges qui pourront, s’il y échet, les condamner d’être battus de verges par l’exécuteur de la haute justice et marqués d’une fleur de lys.
Article 38
L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis une épaule ; s’il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort.
Article 39
Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs, seront condamnés par corps envers les maîtres en l’amende de 300 livres de sucre par chacun jour de rétention, et les autres personnes libres qui leur auront donné pareille retraite, en 10 livres tournois d’amende par chacun jour de rétention.
Article 40
L’esclave sera puni de mort sur la dénonciation de son maître non complice du crime dont il aura été condamné sera estimé avant l’exécution par deux des principaux habitants de l’île, qui seront nommés d’office par le juge, et le prix de l’estimation en sera payé au maître ; et, pour à quoi satisfaire, il sera imposé par l’intendant sur chacune tête de nègre payant droits la somme portée par l’estimation, laquelle sera régalé sur chacun desdits nègres et levée par le fermier du domaine royal pour éviter à frais.
Donné à Versailles au mois de mars 1685.
Signé : Louis le quatorzième.
177 ans après l’abolition de l’esclavage, apprendre que le Code Noir n’est toujours pas aboli par cette même France donneuse de leçon, réveille des souvenirs longtemps enfouillis ou tus par des générations de descendants d’esclaves. C’est pour dire, l’hétitage négatif qu’il a laissé dans les sociétés antillaises, guyanaises et réunionnaises. Il a ancré des dynamiques sociales, des rapports de force et un héritage culturel marqué par la souffrance, la violence sociale et les inégalités raciales. Aujourd’hui, il reste un symbole de l’oppression coloniale, étudié pour comprendre les bases légales de l’esclavage en France.
Après l’annonce du Premier ministre François Bayrou, ce mardi 13 mai, de présenter un texte au parlement pour abroger le Code noir, les députés Olivier Serva et Max Mathiasin qui ont corédigé la question au gouvernement de leur groupe (LIOT), ont immédiatement réagi. De même que le sénateur de Guadeloupe, Victorin Lurel.
Il s’agit de rompre définitivement avec l’héritage juridique et moral de l’ancien régime colonial. Nous parlons ici de dignité humaine, de symbole, que l’on doit, au nom de la justice réparatrice, à ces femmes et ces hommes mis en captivité, et à leurs descendants. Cette question, corédigée par les députés Olivier Serva et Max Mathiasin, a reçu une « standing ovation » de l’Assemblée nationale.
Olivier Serva et Max Mathiasin, députés de Guadeloupe
Je suis heureux d’entendre l’engagement ferme et résolu du Premier ministre de présenter une loi d’abrogation du Code noir en réponse à une question des députés du groupe LIOT. J’attends que cette loi soit déposée par le Gouvernement dans les meilleurs délais.
Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe
Pour Victorin Lurel, il est désormais « essentiel qu’il [le gouvernement] envisage par ailleurs l’abrogation du décret n° 29 du 24 novembre 1849 relatif à la répartition de l’indemnité coloniale et de l’article 5 du décret relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et les possessions françaises du 27 avril 1848 ».
ABROGATION DU CODE NOIR
— Victorin LUREL (@VictorinLurel) May 13, 2025
Après l’abrogation de l’ordonnance de 1825 et des lois d’indemnisation des colons de 1849 obtenues en 2017, je suis heureux d’apprendre la volonté de @bayrou d’abroger le Code noir, toujours vivant dans notre corpus juridique.
Au delà de cette loi, le… https://t.co/QVHLDFczpA pic.twitter.com/bapvKmTs0P
Certes le code Noir, cette abomination du roi qu’on appelait à tort « soleil » n’a pas été aboli mais le décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 stipule à l’article 7 que « le sol de France affranchit l’esclave qui le touche ». C’est une des plus belles phrases que j’ai jamais lue. Quel dommage cependant que dans le même décret l’on ait pas pensé à abolir ce fichu code Noir par la même occasion. Mais il devenait caduc de fait…
Bonjour,
Grande abération d’apprendre que le Code noir n’est pas totalement aboli ! Mais pas du tout étonné. Étant natif de La Guadeloupe, je considère la question avec un grand intérêt et mise tous sur le vote à l’unanimité.