Les cinq révoltes d’esclaves méconnues. Part 1.

Le capitalisme est né aux Antilles et aux Amériques au XVIe siècle quand des êtres humains originaires d’Afrique furent réduits en esclavage et arrivèrent par millions sur ces terres d’Amérique afin de travailler dans des conditions terribles pour abreuver les bouches européennes de sucre, de rhum et d’épices. Pourtant, loin d’accepter passivement leur situation, ils luttèrent durant ces siècles sombres de l’humanité. Lutter était pour eux, l’occasion de retrouver leur dignité. Voici l’histoire de ces cinq révoltes d’esclaves méconnues.

Comme le disait Samora Machel, premier président du Mozambique et panafricaniste charismatique  » La liberté n’est pas seulement l’absence de chaînes ; c’est la capacité de choisir notre propre chemin et de déterminer notre propre destin. » Cette phrase énoncée par ce chef d’Etat africain à la période des indépendances sur le continent mère résume à elle seule, la lutte menée pendant des siècles, par ces hommes ou ces femmes, contre l’injustice coloniale et surtout contre l’asservissement des leurs.

Le contact entre l’Homme occidental et les autres peuples des Amériques puis d’Afrique à partir du XVe siècle engendra nombre de tragédies humaines. A savoir, le génocide des peuples Amérindiens et dans un même temps, l’esclavage des peuples africains. C’est pourtant, de cette relation conflictuelle faite de violence et de domination, que naquit le capitalisme. Karl Marx le souligna.

Il n’avait pas tord puisqu’au début du XVe siècle, les Portugais débarquèrent en premier sur les côtes africaines avec un objectif clair : Exploiter, comme les arabes le faisaient déjà, d’autres humains à des fins de profits. Ils furent suivis des Espagnols, dont le Royaume enfin unifié, après des siècles de présence arabo-musulmane, étaient décidés à s’aventurer sur les routes transatlantiques afin d’étendre leur puissance et christianiser d’autres peuples. Au tout début de l’année 1445, une bulle du Pape Nicolas V avait autorisé le roi du Portugal à réduire en esclavage, les « Sarrasins, païens, et autres ennemis du Christ ». Les Rois catholiques (Ferdinand d’Aragon (1452-1516) et Isabelle de Castille (1451-1504) avaient accepté dès 1501 que les colons des Caraïbes y amènent des esclaves africains, puis, en 1517, Charles-Quint avait autorisé la traite à destination d’Hispaniola. Ainsi, Portugais, Espagnols furent les premiers à réduire en esclavage des individus et à les transporter vers d’autres destinations telles que les Açores, Madère, Canaris, Sao Tomé e Principe, Cap Vert ou encore plus loin, les côtes du Brésil, de la Nouvelle-Espagne ( actuel Mexique) Cuba et l’île d’Hispaniola ( aujourd’hui divisée entre Haïti et la République Dominicaine). Au début du XVIIe siècle, la Hollande, le Royaume-Uni et la France rejoindront le cercle des nations esclavagistes.

Nous n’exagérons rien lorsque nous disons que la Traite négrière a été le socle du système capitaliste qui régit encore notre monde. Cette traite des êtres humaines fut un véritable système économique auquel ont participé aussi bien les Royaumes Européens avec leurs négociants, leurs armateurs et leurs assureurs que les Royaumes Africains, comme le Royaume d’Ashanti, celui du Dahomey ou l’Empire Congo etc. Même si le sujet fait encore débat, sur la question de la responsabilité des rois et principautés africains dans ce commerce bâtit sur la violence. A vrai dire, tout le monde y trouvait son compte.

On estime qu’entre douze et dix-huit millions d’africains ont été enlevés lors de razzias ou capturés lors de guerres tribales souvent menées par les Royaumes-Africains entre eux. Ces individus dont l’humanité était d’office niée étaient transportés vers les côtes occidentales ou orientales du Continent où ils étaient parqués dans des forts tenus par des représentants des couronnes européennes. A ce titre, le premier fort d’esclaves fut Elmina et il fut construit en 1482 par les Portugais, dans l’actuel Ghana. Dans ces forts, les esclaves capturés étaient enfermés dans des cachots sombres, souvent dans des conditions insoutenables, manquant d’hygiène corporelle et d’entretien physique, en attendant d’être vendus. Les femmes étaient souvent victimes de viols de la part des négriers, parfois même avant l’embarquement.

C’est d’ailleurs dans ces forteresses que les commerçants européens négociaient directement avec les chefs locaux ou leurs représentants. Les tractations pouvaient prendre des semaines voire des mois. Une fois les cargaisons « composées », les esclaves étaient embarqués sur des navires négriers pour le tristement célèbre « Passage du milieu » vers les Amériques à bord de navires négriers dans lesquels ils étaient entassés par centaines à fond de cale, dans des conditions, là aussi, inhumaines. Entassés, couchés côte à côte, avec moins de 50 cm d’espace par personne. Ils étaient parfois empilés sur plusieurs niveaux (2 ou 3 étages), augmentant les risques d’asphyxie. Quant à la nourriture, généralement insuffisante ou de très mauvaise qualité, les captifs devaient se contenter d’un mélange de fèves, de riz ou de farine, souvent gâté. Beaucoup refusaient de manger et préféraient mourir de faim. Les épidémies étaient très courantes et le taux de mortalité pouvait atteindre 15 à 20 % sur un seul voyage. Pour maintenir le voyage jusqu’à son terme, l’équipage imposait un climat de peur. Les esclaves qui tentaient de se révolter ou de fuir étaient brutalement réprimés. Les meneurs étaient fouettés parfois jusqu’à la mort. Quand ils ne l’étaient, ils étaient mutilés, pendus ou jetés par dessus bord. Les femmes n’étaient pas pour autant épargnées. En effet, elles subissaient régulièrement des agressions sexuelles, des viols de la part de l’équipage. Environ deux millions de captifs seraient décédés durant la traversée entre le XVe et le XIXe siècle. C’est dire l’horreur qu’il y avait abord de ces navires marchands couverts par des assurances qui prenaient en charge les « pertes ». Tout un système.

Après plusieurs semaines (4 à 12 semaines) en mer, les survivants débarquaient dans les ports des Amériques des USA jusqu’à l’Argentine. Sur place, les esclaves étaient exposés sur des places de marché, entièrement nus, évalués comme du bétail face aux prospecteurs mandatés par ceux qui deviendraient les maîtres. Ceux-ci, cherchaient les plus robustes pour les champs de canne à sucre, de coton ou les mines où les conditions de travail étaient inhumaines. On estime qu’un esclave dans une plantation ne dépassait pas l’âge des 40 ans. Selon les historiens la vie sur les plantations était marquée par l’exploitation brutale, la violence systémique et l’humiliation quotidienne. Les esclaves y étaient traités comme de simples biens, privés de droits, de liberté et souvent séparés de leur famille.

Chargés de tous les travaux pénibles du domaine, ils n’eurent de la part de leurs impitoyables maîtres, d’autre salaire que la réprobation et les nombreux coups de fouet qui détériorèrent leur existence. L’habitation ne fut donc pas pour eux un havre de paix, mais plutôt un milieu carcéral où tous leurs faits et gestes, déjà soumis à la discrétion de leurs propriétaires, étaient réprimés avec la plus grande sévérité quoiqu’ils étaient déplacés ou non. Quand ils essayaient de fuir, les fugitifs subissaient flagellation en public ainsi que le marquage au fer chaud pour la première évasion. Pour la deuxième, ils étaient mutilés ( jambes ou pieds coupés) pour limiter leur déplacement. A la troisième tentative, ils étaient exécutés. La seule porte de sortie pour eux était la mort.

Ce n’est qu’à partir de 1833 pour les colonies britanniques, 1848 pour les îles françaises, 1865 pour les Etats-Unis, entre 1821 et 1873 pour les anciennes colonies espagnoles, 1886 pour Cuba, 1889 pour le Brésil, pour qu’enfin, ils goutent à une forme de liberté. Pourtant, loin d’accepter passivement leur situation, ces hommes et ces femmes luttèrent durant ces siècles sombres de l’humanité. Lutter était pour eux, l’occasion de retrouver leur dignité. Voici l’histoire de ces dix révoltes d’esclaves méconnues.

  1. Révolte de Diego : 1522 Hispaniola : Au début du 16ème siècle, la colonie de Saint-Domingue, l’un des premiers bastions de la colonisation espagnole dans le Nouveau Monde, était en plein essor. Les colons espagnols, après avoir pratiquement anéanti la population indigène Taíno par les maladies, les guerres et les travaux forcés, se tournèrent vers l’importation d’esclaves africains pour suppléer à la main-d’œuvre nécessaire aux plantations de sucre et aux mines d’or. Ces esclaves, déracinés de leurs terres et de leurs familles, étaient soumis à des conditions de travail exténuantes et à des traitements inhumains. Leurs vies, marquées par la brutalité et l’exploitation, semaient en eux un ressentiment grandissant. Considérée comme la première révolte d’esclaves documentée dans les Amériques. Les esclaves africains d’ethnie wolof asservis sur le plantations espagnoles se soulevèrent contre l’amiral Don Diego Colon, le propre fils de Christophe Colomb. Les plantations furent attaquées, les colons espagnols pris par surprise étaient en panique ce qui plongea l’ensemble de la colonie dans la peur. Malheureusement, la rébellion sera écrasée violemment par les troupes espagnoles mieux équipées mais de nombreux insurgés parvinrent à s’échapper et trouvèrent refuge dans les montagnes où ils formèrent les premières communautés de « marrons » indépendantes repliée dans les montagnes de la Grande île Caribéenne. Les membres de ces communautés se mélangèrent avec les derniers amérindiens encore présents et donneront naissance à une population métissée, les Zambos dont on retrouve encore des traces dans la population dominicaine actuelle. Cette révolte jeta les bases de la relation de violence et de méfiance entre les maîtres et les esclaves pour les siècles à venir dans l’ensemble des Amériques. On peut aussi dire qu’elle donna naissance au caractère de résistance des captifs sur l’île d’Hispaniola qui gagneront leur liberté en 1804 en faisant de la partie Occidentale, la première république noire : Haïti.

  • 2) Les Guerres de Bayano (1548) : Au seizième siècle, il existait deux principales colonies espagnoles dans l’isthme de Panama, Nombre de Dios sur la côte caraïbe et Panama sur la côte pacifique. Entre ces deux ports s’étendait une jungle continue, interrompue uniquement par de longues chaînes de hautes montagnes déchiquetées que séparaient des vallées arrosées par des cours d’eau. Au XVIe siècle, cette région fut le théâtre de groupes armés composés d’esclaves noirs en fuite qui n’acceptaient pas leur état de servitude et se réfugiaient dans les montagnes où ils menaient une vie libre inspirée des coutumes tribales d’Afrique. On les appelait cimarrones (cimarrons) qui se rassemblaient en Palenques qui constituaient un danger permanent pour les établissements espagnols parce que leurs habitants venaient en bandes armées attaquer les villes et les villages. L’isthme de Panama est l’un des endroits où les cimarrons acquirent le plus de pouvoir et connurent la plus grande expansion. Aucune des révoltes de cimarrons survenues au seizième siècle dans d’autres parties de l’empire espagnol, que ce soit au Mexique, en Colombie ou au Venezuela, n’égala en nombre, en intensité, en détermination et en durée le mouvement qui secoua le Panama. Forts de nombreux partisans et d’une situation géographique avantageuse, les cimarrons panaméens étaient dirigés par des hommes capables et intrépides prêts à prendre des risques importants et notamment à s’allier avec les pirates français et anglais. La période la plus violente de leur histoire se situe entre 1549 et 1582, période marquée par un conflit permanent avec les autorités espagnoles. La soumission des cimarrons de Vallano en 1582 mit un terme à cette lutte avec un accord de paix qui leur reconnaissait leur liberté. À partir de cette date, le mouvement cimarron organisé disparut de l’isthme de Panama, mais la résistance des esclaves et les cimarrons continuèrent d’exister durant toute la période coloniale. En 1548, sur les terres bouillonnantes du Panama, s’élevait un héros dont le nom résonnerait à travers les âges : Bayano. Selon le peu de sources historiques,  est décrit comme un bel homme de forte constitution, très « hispanicisé » sachant, se faire comprendre en espagnol, et qui occupa probablement un poste assorti d’un certain pouvoir sur sa terre natale.  Ses partisans le servaient et le considéraient comme un roi, et il les gouvernait comme tel, obtenant d’eux qu’ils lui obéissent, qu’ils le craignent et qu’ils suivent ses ordres. A l’année 1548,  profitant des failles de leurs maîtres et de l’esprit de solidarité entre les esclaves, Bayano, rejoint par environ 1200 hommes et femmes, lança une révolte audacieuse. Lui et ses compagnons échappèrent à leurs oppresseurs et se réfugièrent dans les montagnes et les forêts denses du Panama, fondant une communauté libre. Durant plusieurs mois voire plusieurs années, ils lancèrent des attaques coordonnées contre les habitations et les forces coloniales espagnoles. Utilisant des tactiques de guérilla ingénieuses, ils frappaient les colons espagnols de manière imprévisible, semant la confusion et la peur. Ces attaques non seulement perturbèrent gravement les opérations espagnoles, mais inspirèrent également d’autres esclaves et indigènes à se rebeller. Bayano s’imposa rapidement comme un leader charismatique et un stratège militaire redoutable. Le gouverneur du Panama Alvaro de Sosa (1553-1556) lança contre Bayano à partir de 1553 trois expéditions militaires, qui échouèrent toutes. L’une d’elles, dirigée par Gil Sanchez, parvint à la zone dominée par les cimarrons et se retrouva face à Bayano, qui emporta la bataille et tua le commandant de la troupe espagnole. Finalement, les Espagnols recoururent à la ruse pour capturer Bayano.. Proposant des pourparlers de paix, ils réussirent à le tromper et l’arrêtèrent. Bayano fut envoyé à Lima, au Pérou, puis à Séville, en Espagne. Là-bas, il fut présenté au roi, qui, impressionné par son courage et son leadership, lui accorda un certain respect. Néanmoins, Bayano passa le reste de sa vie en captivité, loin de la terre pour laquelle il s’était battu. Les Guerres de Bayano eurent un impact profond sur la région et changèrent la perception de la résistance des esclaves. La révolte montra que les esclaves pouvaient non seulement s’organiser et résister efficacement, mais aussi qu’ils pouvaient sérieusement ébranler l’ordre colonial. Bien que Bayano ait été capturé, son esprit de résistance et son courage laissaient un héritage indélébile. Son histoire devint une légende de la résistance contre l’oppression, inspirant d’autres esclaves à lutter pour leur liberté. Les palenques, ces communautés de marrons, continuèrent d’exister et de résister, jouant un rôle crucial dans la lutte contre l’esclavage en Amérique latine.
  • 3) Les révoltes de Palmares (Brésil, 1605-1694) Le Brésil est le pays qui a le plus bénéficié de cette main d’oeuvre servile et corvéable venue d’Afrique. Dès le début du XVIe siècle, les côtes brésiliennes accueillirent cette nouvelle population transportée de force à fond de cale. Utilisés pour remplacer les populations indigènes jugées trop faibles aux yeux des autorités coloniales portugaises, les esclaves africains travaillaient en premier lieu dans les mines d’or que regorgeait la plus grande colonie lusophone. C’est vers la seconde moitié du XVIe siècle, avec l’expansion de la production, hautement profitable, de la canne à sucre dans les grandes plantations seigneuriales du Nord-Est brésilien, que le trafic négrier s’est intensifié l’importation d’esclaves d’Afrique : ils seront plusieurs millions à subir ce sort, au cours des trois siècles suivants. Selon les données historiques, plus de cinq millions d’africains ont été transportés vers cette destination de souffrance. Soumis à des conditions de vie et de travail souvent inhumaines, dont le symbole reste la flagellation, nombreux sont ceux et celles qui ont tenté de s’échapper vers les denses forêts que comptent encore le Brésil. Ces fugitifs marrons bâtirent des communautés organisées, hiérarchisées nommée les Macombos, plus récemment qualifié de Quilombo, un terme à la signification similaire en portugais brésilien contemporain. Mocambo, qui est probablement dérivé du mot ambundu mu-kambo qui signifie ‘cachette’. Quilombo est probablement dérivé du mot ki-lombo qui signifie, dans la même langue, camp d’initiation masculin et par extension, camp militaire.  Palmarès était elle-même surnommée par ses habitants Angola Janga qui provenait peut-être du kimbundu ‘Angola Iadianga’ qui signifie le ‘premier Angola’. Le nom ‘Palmares’ est un nom portugais simplement donné en référence au grand nombre de palmiers situés dans la localité. Palmares était apparemment dirigé par un monarque élu ce qui a conduit certains observateurs à qualifier cet état de république. Il régnait sur une population essentiellement masculine de culture et de religion luso-africaine. La présence d’une église sur le territoire de l’état était par exemple contrebalancée par l’usage rituel des peaux de panthère. Ainsi, en 1605, dans la région de Pernambuco au Brésil, une quarantaine d’esclaves se révoltèrent contre leur maître. Ils tuèrent tous les employés blancs et brulèrent les maisons ainsi que la plantation. Ils se réfugièrent dans une zone de montagnes hostiles, appelée Palmares en référence aux nombreux palmiers qui peuplaient cet endroit. Le groupe y fonda un royaume, composé de 11 places fortifiées, qui perdura pendant presque cent ans, auquel se joignirent des esclaves en fuite, arrivés des plantations environnantes, mais aussi des Indiens, des Mulâtres et de nombreux Blancs, déserteurs ou paysans sans terre, portant la population du royaume à environ 20 000 âmes, qui se mélangèrent et créèrent ainsi leurs propres culture et religion, développant même les premières formes d’un nouvel art martial, la capoeira. Ce peuple leva une armée et résista à sept assauts des forces portugaises et une attaque de l’armée hollandaise, qui avait colonisé une partie de cette région auparavant. Dans la jungle, ils inventèrent des techniques de guerre qui impressionnèrent les européens et préfiguraient les techniques de « guérilla » actuelles. Ils refusèrent même une offre de paix du roi du Portugal. n 1640, les Néerlandais le voient à leur tour comme un  ‘danger’ et décident d’attaquer l’état d’alors environ 11000 habitants en 1643. Cette campagne n’a guère davantage de succès et laisse Palmares libre de toute attaque portugaise jusqu’aux années 1670.
  • 4) Les Révoltes de Palmarès dirigées par Zumbi. Parmi les leaders charismatiques, il y a eu Zumbi. Célébré encore aujourd’hui au Brésil comme un symbole de résistance. Zumbi n’a jamais été un esclave mais il est né libre à Palmares qui fut comme le nous le disions précédemment, fut construit par un groupe de marrons échappés des domaines du Nordeste et qui avaient établi un village indépendant, qui devint par la suite plus qu’un village, mais un ensemble de villes fortifiées, organisée politiquement et socialement. Cet endroit difficile d’accès fût nommé Palmares, et était situé dans la Serra da Barriga de l’actuel Etat d’Alagoas. Selon les historiens, la population totale de Palmares, aurait atteint 20 000 habitants, soit 15 % de la population brésilienne. Dans le Quilombo, la préservation d’une identité africaine constituait avec les coutumes, le ciment communautaire qui incitait au marronnage d’innombrables esclaves des sucreries et plantations environnantes. Pour revenir à Zumbi, est né libre mais fût capturé dans son enfance par des soldats portugais puis confié au Père Antonio Melo, de la paroisse de de Porto Calvo. Il étudia le portugais et le latin, fut enfant de chœur et fût baptisé Francisco. En 1670, il s’enfuit de la paroisse, pour retourner au Quilombo. Courageux, doué d’une bonne capacité d’organisation et de commandement, il devint un grand chef et un mythe pour les noirs ; non un mythe caché mais une révélation. “Zumbi” signifie force de l’esprit. Entre 1672 et 1680, des Portugais de l’Etat de Pernambuco lancent huit expéditions contre l’Etat de Palmares. Bien que deux d’entre elles causent des dommages sur l’état noir, ce dernier parvient à garantir sa souveraineté à un tel point qu’un des agresseurs portugais déclare en 1681 qu’aucune de leurs attaques n’a eu le moindre effet sur Palmares. Une attaque de 1677 a cependant eu un effet. Le chef de l’époque appelé (ou titré?) Ganga Zumba fut blessé et nombre de ses jeunes parents furent capturés. Il accepta la paix proposée par le gouvernement de Pernambuco qui autorisa son règne sur ses sujets à condition de quitter Palmarès pour Cacau, une zone plus proche de l’autorité du gouvernement et de restituer les esclaves fugitifs à ce dernier. Zumbi et ses hommes ne l’acceptèrent pas. C’est alors que Zumbi devint le grand général en chef du Quilombo de Palmares, en 1679. Lui, ses hommes et tous les quilombolas qui se joignirent à eux étaient très redoutés par les portugais. Ensemble, ils menèrent des attaques coordonnés contre le pouvoir colonial portugais. Guerrier redoutable, il refusa toute soumission aux portugais. Entre 1692 et 1694, les Portugais isolèrent Palmarès grâce à des fortifications et parvinrent à faire le siège de la ville. Après 20 jours de siège, ils durent à nouveau avoir recours à un renfort composé de 3000 hommes. En 1694, désespérés les portugais envoyèrent en plus de leur armée, des troupes de mercenaires (noirs, mulâtres, blanc, indiens…) conduits par le bandeirante Domingos Jorge Velho contre le quilombo. Un de ses fidèles lieutenant Antonuo Soares, le trahit et conduisit les portugais à la cachette de Zumbi qui fut capturé. Macaco, la ville de Zumbi fut détruite par Bernardo Vieira. Les noirs furent soit tués, soit emmenés en esclavages et Zumbi fut emprisonné. Cinq cent habitants de Palmares moururent dans les combats ou en se jetant (ou tombant?) des murs de la fortification. Un autre demi-millier d’habitants furent capturés. C’était la fin de l’état afro-brésilien de Palmares. Zumbi parvint à s’échapper et continua à mener des guérillas pendant près d’un an. Après avoir été dénoncé par un de ses proches il fut tué le 20 novembre 1695  par André Furtado. Sa mort ne marqua en rien la fin de la résistance des noirs face au crime de l’esclavage. Ainsi, d’autres états refuges afro-brésiliens naîtront après la chute de Palmares mais aucun d’entre eux n’eut autant d’importance que Palmares ni une durée atteignant de près ou de loin son siècle d’existence. Une fondation historique à la résistance africaine au Brésil était née.
Statue moderne de Zumbi de Palmares au Brésil
  • 5 ) Conspiration du comté de Gloucester (1663) : L’Amérique du Nord n’a pas été exemptée de rébellions. Selon le chercheur Herbert Aptheker (1915-2003), il y eut 250 à 311 révoltes d’esclaves en Amérique coloniale et aux États-Unis entre 1663 et 1860. Toutefois, une révolte a marqué les esprits. Elle fut l’une des première documentée dans ce qui deviendra les Etats-Unis. La Conspiration de Gloucester, également connue sous le nom de complot des serviteurs ou de rébellion de Birkenhead, 1er septembre 1663) fut une insurrection planifiée dans le comté de Gloucester, dans la colonie de Virginie, à laquelle participèrent des serviteurs sous contrat et des esclaves. L’esclavage avait été institutionnalisé en Virginie en 1640, mais les planteurs continuaient à compter sur le travail des serviteurs sous contrat, dont les conditions de vie étaient souvent à peine meilleures que celles des esclaves. Les conditions de vie difficiles et la brutalité du système esclavagiste engendraient un profond ressentiment et un désir de liberté parmi les esclaves. Ces sentiments de révolte se traduisaient souvent par des actes de résistance passive, des évasions et, parfois, des conspirations pour des rébellions armées. Le 1er septembre 1663, neuf serviteurs sous contrat et quelques esclaves se réunirent pour planifier la révolte qui devait être lancée le 6 septembre dans le but de forcer le gouverneur de Virginie, William Berkeley, à modifier les lois concernant les serviteurs sous contrat afin qu’ils soient libérés après un an de servitude au lieu de sept. Les détails exacts de la conspiration sont peu connus en raison du manque de documents contemporains. Cependant, il est clair que les conspirateurs avaient élaboré un plan organisé et s’étaient secrètement préparés pour l’insurrection. Ils prévoyaient de se soulever de manière coordonnée pour maximiser l’impact et prendre les colons par surprise. Cependant, il semblerait les conspirateurs aient été dénoncés par un esclave du nom de John Birkenhead. Celui-ci, sa loyauté, fut libéré et reçut 5 000 livres de coton ou de tabac, tandis que les conspirateurs furent pendus. La conspiration du comté de Gloucester est parfois citée comme ayant influencé la rébellion de Bacon (1676), qui impliquait également des serviteurs sous contrat et des esclaves et qui fut la première insurrection armée à grande échelle de l’Amérique coloniale.
  • 6) Bonus : La révolte de Nathaniel Bacon ( 1676). La révolte de Nathaniel Bacon (1676) fut la première insurrection armée à grande échelle en Amérique coloniale, opposant le propriétaire terrien Nathaniel Bacon (1647-1676) et ses partisans, des serviteurs sous contrat noirs et blancs et des esclaves africains, à son cousin par alliance, le gouverneur William Berkeley (1605-1677) et aux riches propriétaires de plantations de Virginie orientale. Le conflit commença à propos de la répartition équitable des droits fonciers et de la proposition de Bacon de supprimer ou d’éradiquer les autochtones qui vivaient encore dans la région après les guerres anglo-powhatanes (1610-1646). Bacon mourut de dysenterie après avoir brûlé Jamestown et la révolte fut écrasée par Berkeley. La révolte fut qualifiée plus tard de précurseur de la guerre d’indépendance américaine (1775-1783) dans la mesure où elle fut interprétée comme une révolte contre l’autorité britannique visant à établir une autonomie coloniale. En réalité, la révolte de Bacon n’avait rien à voir avec des objections coloniales à la domination britannique et tout à voir avec la cupidité et la corruption coloniales. Bacon avait raison d’accuser Berkeley de favoriser ses amis dans les accords commerciaux et les ventes de terres, et Berkeley avait raison d’accuser Bacon de trahison et de vigilantisme à l’égard des autochtones. La révolte serait mieux décrite en tant que conflit entre l’élite des propriétaires de grandes plantations près de la côte et ceux qui gardaient de plus petites fermes à l’intérieur des terres, rejoints par des serviteurs sans terre et des esclaves. La révolte fut importante en ce sens qu’elle fut la première à unir des serviteurs sous contrat noirs et blancs avec des esclaves noirs contre le gouvernement colonial et, en réponse, le gouvernement établit des politiques pour s’assurer que rien de tel ne se reproduise. La nouvelle législation entraîna la dissolution de la politique des serviteurs sous contrat, une augmentation du commerce des esclaves, l’encouragement de l’idéologie de la suprématie blanche et une nouvelle perte de terres et de droits pour les autochtones. En fait, les conséquences de la révolte de Bacon peuvent être considérées comme l’établissement d’un racisme institutionnalisé et systémique dans les colonies anglaises qui allaient devenir les États-Unis d’Amérique.