Claudia Makaïa est une mère de famille atteinte d’un handicap invisible, la polyarthrite Rhumatoïde. Depuis, 2010 son quotidien est rythmé par les douleurs, les inflammations de ses articulations, ses opérations et sa vie de famille. Loin d’être la seule, il existerait chez de nombreux cas en Guadeloupe mais contrairement aux voix silencieuses, Claudia a décidé de parler pour mettre fin à ce tabou apparent.
Il y a près de cinq ans, nous avons été contactés par une jeune femme, originaire de la Guadeloupe. Abonnée à notre média, elle a remarqué que nous donnons régulièrement la parole à des personnes pour des témoignages concernant des problèmes qu’ils vivent ou des situations qu’ils ou elles expérimentent. Elle, elle souhaitait parler de son handicap non visible dû à une maladie que peu de gens ont entendu parler : la Polyarthrite rhumatoïde. A l’époque, elle enchainait les séjours à l’hôpital, les tests médicaux et les opérations au CHU. Autant dire que le temps n’était pas propice à un dialogue autour d’un café face à nos caméras.
Le temps est passé, les années avec, nous avons fait notre chemin et voilà qu’elle nous recontacte car, elle se sent mieux. Du moins, elle a appris à vivre avec la maladie et est disposée à en parler librement car contrairement à beaucoup de personnes atteintes de Polyarthrite Rhumatoïde qui préfèrent garder le silence sur leurs souffrances quotidiennes, Claudia a décidé de se libérer pour briser le tabou qui entoure cette maladie qui la fait souffrir depuis 2010.
Evidemment, à la lecture de ces lignes, vous demandez, ce qu’est la Polyarthrite Rhumatoïde ? Quelques-uns d’entre-vous entameront des recherches Google. Pour faire simple, la Polyarthrite est une arthrite inflammatoire dans laquelle les articulations, généralement des mains et des pieds, développent une inflammation, donnant lieu à un gonflement, une douleur et, souvent, la destruction des articulations. En gros, elle atteint les articulations et provoque la destruction progressive du cartilage et des os, la polyarthrite rhumatoïde entraîne des répercussions fonctionnelles, psychologiques, sociales et professionnelles parfois graves.
Contrairement aux idées reçues, elle peut survenir à n’importe quel âge bien qu’elle n’apparaisse ou du moins, elle est dépistée principalement sur les personnes entre quarante et soixante ans. Entre les raideurs matinales, les gonflements des articulations entraînant des douleurs, des rougeurs dû à l’inflammation cutanée, le tout coupler à de l’extrême fatigue. Par moment, les malades peuvent souffrir de malaise notamment une sensation générale d’être malade ou nauséeux avec pour conséquence une perte de l’appétit et des douleurs musculaires. D’autres encore peuvent développer des nodules sortes de petites bosses douloureuses situées sous la peau autour des articulations affectées. Ils sont fermes au toucher et peuvent varier de la taille d’un petit pois à celle d’une orange. Tant de symptômes dont souffrent les personnes malades de Polyarthrite rhumatoïde mais attention, c’est une souffrance invisible à laquelle est confrontée Claudia.
La jeune mère de famille franchis le pas avec ce témoignage poignant et exorcisant.
Bonjour Claudia,comment vas-tu vas ? Alors tu nous a contactés par rapport à ta santé. Peux-tu nous en parler ?
Claudia : Bonjour, merci de me recevoir dans votre programme. Pour tout vous dire, depuis 2010, je souffre d’une polyarthrite rhumatoïde.
Mais, avant tout, qu’est-ce que la Polyarthrite rhumatoïde ?
Claudia : Pour ne pas perdre les lecteurs et les lecteurs, c’est une maladie auto-immune et chronique c’est-à-dire elle se déclenche entre guillemets suite à un choc émotionnel parfois aussi, suite à une infection tout dépend de la personne mais là je parlerais de mon cas en qui s’est déclenché suite à un choc émotionnel par rapport à une rupture qui ne s’est pas très bien déroulée. Cette maladie attaque toutes les articulations du corp. Elle s’attaque au cartilage que nous avons, vous voyez, la petite capsule qui protège l’articulation. Il faut savoir qu’il n’y a aucun réel traitement et elle abîme les articulations au point où on ne peut plus les utiliser ou encore il faut faire comme moi, bloquer cette articulation pour pouvoir avoir, une vie entre guillemets normale.
Comment tout a commencé ? Quels ont été les premiers signes de la maladie ?
Claudia : Ils ont commencé en 2009. Je me plaignais de douleurs qui affectaient mes cervicales, mes genoux. J’avais des douleurs aux poignets. J’ai été voir mon médecin traitant là qui m’a prescrit un médicament pour de l’arthrose. Il m’a expliqué cela était normal, que je devais souffrir d’arthrose. J’ai donc pris des médicaments notamment des anti-inflammatoires. Malgré cela, elle ne s’estompait pas. En plus, mes articulations gonflaient vraiment et ça se voyait car, comme vous pouvez le voir, je ne suis pas très grosse. Mes genoux étaient énormes, les poignets également. J’avais mal au point que je me suis rendu au CHU afin d’avoir un avis médical et connaître enfin le nom de ce mal dont je souffrais.
Et qu’est-ce qu’on t’a dit au CHU ?
Claudia : A vrai dire, une fois que je suis arrivé là-bas, l’attente a été longue, car, nul n’ignore l’accueil dans les Urgences. J’ai donc dû patienter et le fait d’attendre m’a paru être une éternité, tant le temps d’attente fut long. Une fois en consultations, ils étaient étonnés et trouvait cela même très extraordinaire. Lors des analyses, on m’a découvert un ulcère à l’estomac que j’ai dû opérer avant de passer au traitement de ce qui m’avait vraiment fait venir à l’hôpital. Durant mon hospitalisation au service de chirurgie digestive, le rhumatologue est venu à moi et effectivement il m’a juste palper les articulations, toucher les deux poignets les genoux les pieds et c’était vraiment sensible. Il m’a d’emblée diagnostiqué une polyarthrite rhumatoïde. A ses propos, le fait de l’avoir développer à mon âge n’était pas une chose rare mais que cela était étrange car j’avais 23 ans à ce moment et que selon lui, les personnes qui étaient diagnostiquées avaient entre quarante cinq et cinquante ans. Mes deux poignets sont bloqués, mon pied est opéré. Après analyse, on découvre que j’ai un taux d’os correct limité. En gros, j’ai 80 % d’os abîmés tandis que mon taux d’os sains est très bas, je suis un peu une mamie à l’intérieur.
Comment as-tu accepté le fait que tu avais une Polyarthrite rhumatoïde ? Etait-ce plus difficile au début ou tu l’as accepté dès le départ ?
Claudia : Pour être honnête avec vous, je ne l’ai pas du tout accepté. C’était même très difficile pour moi d’accepter et même d’entendre ce diagnostic. En plus, en 2010, j’avais 23 ans, une petite fille de deux ans et demi à élever car je me suis séparé de son père donc, il fallait que je l’élève seule. Tout un tas de questions se bousculaient dans ma tête car, la polyarthrite rhumatoïde est une pathologie qui affecte tous nos gestes du quotidien . Je prends des exemples assez simples, quand on a la polyarthrite rhumatoïde on ne peut plus forcément baisser la poignée d’une porte ou ouvrir une bouteille d’eau, porter un sac câbat de courses ou même porter un pack de bouteilles d’eau ou encore plus simple, ouvrir un ordinateur portable. J’en ai déjà cassé un comme ça. Nous les malades de polyarthrite, nous avons une vraie faiblesse du corps et notamment des mains. En tout cas, me concernant, j’ai les mains faibles. J’ai donc eu du mal à accepter l’idée de vivre désormais avec cette maladie parce qu’en fait en tant que femme je trouve que c’est une pathologie qui nous empêche en fait d’avoir une vie des plus ordinaires. La maladie nous empêche d’être comme toutes les mamans et d’avoir des moments privilégiés avec nos enfants comme marcher avec eux, aller faire du vélos avec eux, se promener, être debout à faire la queue. Je ne peux plus faire ces petites choses qui font qu’une personne est “normale” même si je n’aime pas vraiment ce terme. En ce qui me concerne, je ne peux plus faire la queue peu importe l’endroit, en caisse, au cinéma etc. Je ne peux plus être en position debout trop longtemps, du coup, je présente ma carte de priorité. Cependant, je me heurte à des commentaires moqueurs ou méchants de la part des autres personnes qui ne croient pas que je suis en situation d’handicap car, il faut dire que je suis jeune, jolie. J’avais droit à des remarques, notamment venant des hommes qui me faisaient des allusions sexistes et sexuelles. Certains me dévisageaient, parcouraient tout mon corps avec un regard pesant limite comme s’ils doutaient de mes propos car je serais physiquement trop bien pour être “handicapée”. Là encore, ils portent un jugement erroné puisque l’on peut être jolie, d’apparence bien portante et être en situation d’handicap, j’en suis la preuve vivante depuis quatorze ans. Face à autant de commentaires négatifs, j’ai décidé que je devais être la voix des personnes qui ont cet handicap pour faire savoir aux gens qu’on peut être jolie, debout et avoir un handicap et surtout il faut que le monde sache que 80 % des handicaps sont invisibles ça fait que même quelqu’un qui a une drépanocytose, la sclérose en plaque, la spondylarthrite ankylosante ou même une plaque dans le dos peut être catégorisée comme personnes en situation d’handicap et ça ne se voit pas. Donc, oui, on peut être debout, marcher, se maquiller, chanter, sourire, rigoler, aller en soirée et avoir un handicap.
Quelles sont les prises en charges ? Te fais-tu soigner en Guadeloupe ou tu dois partir vers l’Hexagone ?
Claudia : A vrai dire, normalement, je devrais déjà être partie sur l’Hexagone vu la violence à laquelle la maladie s’est déclarée. J’ai fait le tour des rhumatologues d’ici et ils sont tous surpris en fait de l’état de mes os puisque cela faisait un an que je vivais avec elle. Mais, j’ai décidé de suivre mon traitement en Guadeloupe, car j’ai ma vie ici, j’ai donc été suivie au CHU. De huit heures à midi, j’étais sous perfusion et sur surveillance au cas où il y a des vomissements. Dans mon cas, des tests ont été effectués afin de trouver le bon traitement. J’ai essayé quatre traitements différents qu’on appelle des biothérapies un peu comme une chimio mais la différence c’est une molécule vivante parce que ça va dans le frigidaire pour la conserver et je me pique tous les samedis chez moi. Avant, c’était au CHU désormais je le fais seule ou parfois avec une infirmière qui m’aide parce que je n’ai pas de force dans mes mains pour me faire l’injection parce que ça ressemble à un stylo qu’on appuie dans la cuisse il faut quand même appuyer un peu et vu que je n’ai pas forcément la force donc ce n’est pas évident. Au regard de ces traitements, sans mentir, ils ont des conséquences lourdes. Ils créent une fatigue insoutenable. Face à cela, je le prends en fin de journée le samedi, un moment où je n’ai plus rien à faire comme cela, je m’endors. Ils fatiguent mais je ressens les bienfaits durant la semaine où je ne souffre de rien. Je tiens du dimanche au jeudi car c’est quand même la fin de la semaine, elle est en générale intense avec les enfants, donc je sens que le corps réclame le traitement pour s’apaiser.
On sait que l’on ne guérit pas de cette maladie mais existe-t’il des traitements efficaces contre elle et quels sont-ils ?
Claudia : D’autres traitements, je ne sais pas mais une chose que je peux dire, est qu’il est important de guérir les blessures émotionnelles car, la polyarthrite rhumatoïde est avant une maladie psychosomatique. Elle est liée à la gestion des émotions et du psyché. Elle va avec l’émotion négative que l’on peut accumuler par exemple, le rejet de soi, ou que l’on cesse de s’aimer qu’on a plus d’estime pour soi-même. J’ai mis du temps à le comprendre, cela m’a pris huit ans d’accepter ma maladie. Je me suis documenté, j’ai lu des ouvrages autour sur le sujet. J’ai vraiment cherché à comprendre la polyarthrite rhumatoïde. Il faut accepter émotionnellement de l’avoir pour pouvoir guérir et ne plus la voir comme un fardeau, comme un poids. Aujourd’hui, j’accepte d’être malade. Je suis aidé par mes enfants, qui comprennent quand je ne vais pas bien. Aussi, une chose que j’aime à dire, est que lorsque nous avons la polyarthrite rhumatoïde, il faut adapter notre vie avec elle car oui adapter est vraiment le mot. De toutes les façons, nous n’avons pas le choix, elle est en nous. On ne va donc pas entrer dans une dépression. Ainsi, si un jour ça ne va pas, il faut l’accepter et faire des choses qui sont possibles physiquement.
Quel est ton quotidien face à la maladie et quel est son impact dans ta vie personnelle et professionnelle ?
Claudia : Pour être franche, au niveau professionnel je trouve que malheureusement le système utilise trop les personnes handicapées pour leur quota pour éviter de payer l’amende. Je dis ça parce que depuis huit ans, j’enchaîne les expériences professionnelles très courtes. Je peux travailler deux mois surtout en fin d’année ou période de vacances. A mon avis, les entreprises ici veulent juste combler leurs effectifs et entrer dans le quotas des 6% exigés par l’Etat. Depuis que je suis malade, je n’ai jamais eu de contrats sérieux et définitifs, un CDI. Pourtant, je suis sérieuse, motivée enfin je suis un bon employé et malgré cela, je n’ai rien de définitif.
Pour moi, ces entreprises m’utilisent et pas que moi, d’autres personnes en situation d’handicap. Après, c’est mon avis personnel. Je trouve qu’on utilise un peu le handicap dans ce sens-là. Ensuite, selon moi, il faut beaucoup accepter d’être aidé. Ce fut mon problème. J’avais du mal à demander de l’aide même à mes enfants ou à en parler. Il faut dire qu’en tant que mère, nous avons plus tendance à nous dire que c’est à nous de tout faire sauf que malheureusement, c’est comme ça, on est malade, il faut l’accepter. Je n’ai pas le choix que de demander de l’aide, d’anticiper et de mettre tout le monde à contribution. Même mon garçon de dix ans, je suis entrain de l’initier. Ma plus grande fille, elle, elle m’a toujours vu malade. Elle avait deux ans et demi quand la maladie s’est déclarée. Tandis que le plus petit, lui n’a pas vu les moments les plus difficiles, il m’a toujours vu debout. D’ailleurs, j’étais enceinte de lui alors que j’étais en chaise roulante et sous perfusion, c’est l’ainée qui a tout vu et tout supporté. Aujourd’hui, je ne cache plus rien. Si je dois pleurer devant eux, je le fais car ils savent que ça fait mal. Je ne nie rien. Je leur explique tout sur la maladie puisque j’estime qu’ils doivent savoir la vérité. Ma grande me demande souvent, comment je fais pour supporter de telles douleurs ?
D’autres personnes me disent qu’ils n’auraient jamais pu faire ce que je fais vu que j’ai des maux de dos, d’articulations et de tête et ça casse vraiment. J’ai souvent mal partout mais malgré tout, je me dois d’être debout pour mes enfants, en même temps, je n’ai pas d’autres choix.
Toi qui vis et te soigne en Guadeloupe, penses-tu qu’il est plus difficile de se faire suivre que dans l’Hexagone et est-ce plus difficile d’être en situation d’handicap ?
Claudia : Ah oui, en Guadeloupe c’est même très difficile de l’être. Même quand tu présentes ta carte d’invalidité, cela relève d’un combat permanent. Je prends l’exemple des caisses dans les supermarchés. Même quand je me rends dans les caisses prioritaires donc réservées normalement aux gens comme moi, même quand je demande à passer avec ma carte prioritaire, les autres clients refusent de me laisser passer. On dirait qu’on les dérange.
Selon toi, personne ne respecte le fait qu’une personne possède la carte d’invalidité ?
Claudia : A non pas du tout. En temps normal, du moins quand on est en France, quand on a un handicap, les caisses prioritaires sont réservées au personnes malades, enceintes ou en situation d’handicap qui ont la carte d’invalidité n’ont pas à faire la queue comme on le fait ici en Guadeloupe mais on voit que nous dérangeons les clients qui parfois peuvent nous invectiver alors que c’est un droit. Du coup, voyant cela et ayant été victime de ces remarques et insultes, je m’adresse directement à la caissière qui connait la réglementation et c’est comme cela que j’arrive à passer en priorité. Après, peut-être que cela vient de moi vu que je suis jeune, physiquement debout et non diminuée, je suis jolie donc ils doivent se dire que je mens. Je ne sais pas mais une chose est sure, en Guadeloupe, c’est compliqué d’accepter une carte de priorité.
Actuellement, je suis dans un centre de formation pour personnes en handicap, le CRP Emergence, et les témoignages sont similaires. Toutes les personnes me disent la même chose. Certaines sont plus âgées que moi, et j’ai beaucoup de retours sur le fait que les gens ne respectent pas celles et ceux qui présentent pourtant leur carte d’invalidité donc de priorité. D’ailleurs, le fait d’accepter une personne invalide est difficile même au sein des familles. Du coup, comment on doit se sentir si les inconnus nous rejettent et que notre famille nous ignore ? Nous, les personnes malades ou invalides, on sait que c’est difficile. On le vit, on le voit même dans le regard de l’autre. D’ailleurs, comme j’aime dire aux autres personnes, “ j’aurais préféré ne pas être malade et ne pas avoir de carte prioritaire.” Ce n’est pas pour le plaisir que nous la prenons. Déjà c’est super long avant de l’avoir. Cela prend au moins dix-huit mois d’attente car on doit d’abord aller voir un médecin puis ça passe en commission, il y a des documents à remplir, un certificat médical à donner avec des preuves de ce que l’on a marqué, comme des scanners, des radios etc.Tout ça pour nous donner ce petit Sésame pour faciliter notre vie et nos déplacements mais malgré cela, on se prend des insultes.
Pourquoi avoir décidé d’en parler sur un média ?
Claudia : Il faut savoir que ce n’est pas ma première interview, je suis déjà passée sur des médias concurrents et c’est vrai que j’ai décidé d’en parler pour ne plus subir. En plus de la maladie, j’ai eu à souffrir de paroles blessantes venant même de personnes proches. Le père de mon fils, donc mon ex compagnon, me dit souvent de ne pas m’occuper de ce qu’autrui dit et de continuer de mener ma vie. Sans cela, sans doute, je ne serais plus sortie, je n’aurais plus jamais présenté ma carte de priorité. J’aurais fait comme toutes les autres personnes en situation d’handicap, je ne serais restée que chez moi. Je me serais cachée des autres par honte ou par peur de déranger. Aujourd’hui, j’ai décidé de prendre ma vie en main, de ne plus souffrir et de parler et comme je le fais bien, je continue car il est important d’en parler pour libérer la parole sur cette maladie ou sur d’autres encore.
Justement, Est-ce qu’il y a d’autres cas comme le tien en Guadeloupe ? Et selon toi pourquoi ils n’en parlent pas ?
Claudia : Oui, il y a d’autres cas comme le mien. J’en croise dans la rue, au supermarché. Je reconnais ces personnes. Je vois cela sur leurs mains déformées. Quand on a la Polyarthrite rhumatoïde, les mains ne sont plus droites, nous avons des nodules. Je vais donc vers elles, et bien souvent elles sont étonnées quand je le leur en parle car selon elles, ça ne se voit pas. En générale, les personnes que je croise, sont des femmes. Certaines l’ont depuis un certain temps mais à la différence, elles ne se sont jamais faite opérer comme je l’ai été. Elles refusent justement de le faire. Les autres ont une polyarthrite pas aussi avancée que ce dont je souffre. Leurs articulations sont si je puis dire, plus saines que les miennes. Elles n’en parlent pas car comme je le disais, elles ne veulent pas avoir des paroles blessantes venant même de leurs familles qui pourraient maladroitement ne pas comprendre le mal qui les ronge. Quand elles ont des enfants, seuls eux sont au courant. Elles vivent leur maladie en silence mais elles se trompent puisque c’est une maladie où l’on doit être en permanence assisté. Tu as souvent mal du coup, tu dois te reposer et comme elles ne le disent pas, elles forcent sur les articulations, elles repoussent leurs limites. Elles prennent des médicaments même trop de médicaments très forts pour ne pas souffrir et cela peut créer une certaine forme de dépendance. Ce fut mon cas mais j’ai réussi à me sevrer du Dafalgan Codéiné que je prenais pendant dix ans. De 2010 à 2020. J’en prenais vraiment trop surtout quand la douleur était invivable. Je suis soulagée de ne plus en prendre ne serait-ce que pour mon foie et pour moi-même qui était devenue limite addicte à ce médicament. Les malades ne le diront pas mais la polyarthrite rhumatoïde créée une forme de dépendance vis-à-vis des antalgiques. On croit qu’on en a besoin mais c’est faux ou du moins, il faut juste se reposer, et tu délègues à tes enfants, ton mari, ton conjoint ou ta famille ou une infirmière les tâches à faire. Des aides à domicile fournies par des associations existent et c’est toujours mieux que de prendre des tonnes de médicaments. Il faut aussi l’accepter et ensuite pouvoir en parler et ne surtout pas tout prendre à notre charge.
Et comment vois-tu l’avenir avec la Polyarthrite ?
Claudia : En 2024, je vois mon avenir beaucoup plus positif. La preuve, je fais cette interview face caméra qui sait, peut-être que je présenterais le journal ou la météo (rires). J’ai beaucoup évolué. A une certaine époque, je n’aurais jamais eu le courage de faire une interview et si je l’aurais fait, il y a des choses que je t’ai raconté à ce moment les larmes auraient coulé toutes seules tu vois je tremblais et si j’en parle librement c’est que je me sens mieux, apaiser et guérie. C’est vrai que l’on ne guérit pas de la Polyarthrite mais je me sens guérie car je l’ai accepté, je vis avec et comme je le disais, je vais vers un avenir meilleur.
La seule chose qui me manque c’est un travail plus stable et une voiture automatique vu que j’ai déjà le permis. J’ai envie d’être encore plus autonome et surtout j’ai envie de dire que le plus dur est passé, j’ai survécu.
Saches que tu parles vraiment et d’ailleurs, dernière question, quel serait ton message pour les personnes qui ont les symptômes de la maladie et qui n’ont pas encore été diagnostiquées ou qui refusent de le faire ?
Claudia : Mon message sera simple, si vous avez mal aux deux poignets, auxdeux genoux et aux deux pieds en même temps il faut voir un rhumatologue parce que ce n’est qu’un rhumatologue qui pourra vous apporter des réponses. Ce n’est pas la peine d’aller voir un médecin généraliste comme votre médecin traitant. C’est une maladie très sournoise et plus on ne s’en préoccupe pas plus ne nous ronge nos os. J’en suis la preuve vivante. Mes deux poignets sont désormais bloqués, je ne peux plus les utiliser, mes pieds, pareil. A ce stade, nous ne pouvons plus retourner en arrière avec de belles mains qui se plient ou autre. Donc, si vous ne voulez pas vous retrouver dans ce genre de situation, aller voir un rhumatologue. Dès lors que vous constatez que vous avez des douleurs récurrentes aux articulations, allez voir un rhumatologue ou alors demandez à votre médecin traitant pour avoir un document pour aller en visite chez un rhumatologue qui fera le diagnostic. En plus, ça ne coûte rien, je crois qu’avec une bonne mutuelle ou la CMU, vous ne payez rien ou pas grand chose. Suivez mes conseils car ça vous saurera les os.