Alerte maximale en Equateur depuis l’évasion hier, lundi 8 janvier de José Adolfo Macias connu sous son nom de rue » Fito ». L’homme est à la tête du gang le plus violent du pays, les » Choneros » dont l’activité principal est le trafic de cocaïne. Son évasion vient de déclencher l’état d’urgence pour 60 jours en Équateur. Depuis, les heures semblent longues et la traque continue alors que les membres des Choneros enchaînent les délits en grand à la télévision.
Aucun pays d’Amérique Latine n’est épargné par le trafic de drogue et ses conséquences néfastes. Du Mexique à l’Argentine, les pays hispaniques vivent constamment aux rythmes des règlements de compte sous fond de trafic de stupéfiants qui font des milliers de morts chaque année. Autant dire que l’Amérique Latine est l’une des zones les plus dangereuses dans le Monde. Une situation sécuritaire inquiétante qui touche même des pays qui font peu parler d’eux tel que l’Equateur.
Le petit pays andin, peine à endiguer la violence qui gagne l’ensemble de la société. Longtemps épargné ou délaissé par les narcotrafiquants, l’Equateur est devenu l’une des principales plateformes d’exportation de la cocaïne vers les Etats-Unis, l’Europe ou le Brésil. Depuis, le pays est ravagé par la violence des gangs et des narcotrafiquants, avec un chiffre record de 26 meurtres pour 100.000 habitants en 2022, jusqu’à 40 meurtres pour 100 000 habitants en 2023.
Comme dans l’ensemble de la zone septentrionale de l’Amérique, cette violence est orchestrée par des groupes criminels ou gangs qui s’affrontent dans les rues des principales villes équatoriennes mais aussi à l’intérieur même des prisons. Depuis plus de deux ans, on a dénombré une douzaine de massacres qui ont eu lieu au coeur même des prisons faisant près de 500 morts en 2023. Les gangs équatoriens n’ont donc rien à envier à leurs homologues péruviens, colombiens, brésiliens ou encore mexicains qui excellent dans l’art de faire du mal à autrui.
Pour faire face à la hausse de la criminalité, le pays latino tente de trouve différentes parades comme l’expulsion des détenus étrangers qui seraient au nombre de 3.245 dont 1500 originaires de Colombie, du Pérou et du Venezuela, trois pays connus pour être soit des zones de production ou d’exportation de la cocaïne vers les pays occidentaux.
Parmi ces groupes criminels qui pullulent au sein de la société Equatorienne, il y a le cartel de Choneros, un gang ultra-violent qui compterait environ 8000 membres. Leur chef n’est autre que José Adolfo Macias, 44 ans.
Le narcotrafiquant condamné en 2011 à trente quatre ans de prison pour crime organisé, trafic de drogue et meurtre a réussi à s’évader dimanche avec la complicité de deux gardiens. Il s’était déjà enfui en 2013 avec d’autres détenus membres de son gang, avant d’être arrêté au bout de trois mois de cavale. Pour ce faire, ils avaient traversé en bateau la rivière Daule, qui se trouve à proximité de la prison. En prison, le chef de gang, réputé très charismatique, a même eu le luxe de suivre des études de droit jusqu’à obtenir son diplôme d’avocat.
La police a déclaré avoir remarqué son absence tôt dimanche et n’avoir pu le retrouver nulle part dans l’aile de la prison. Pour le moment, les autorités n’ont pas donné d’éléments sur le scénario de son évasion, et l’homme reste introuvable. Plus de 3 000 hommes en uniforme l’ont cherché en vain sur les toits et même dans les égouts de la prison, note la BBC Mundo. Comble de l’histoire, le chef de cartel était apparu dans un clip de sa fille, connue sous le pseudonyme de Queen Michelle et tourné dans la prison où il était enfermé. Le clip de cette chanson de « narcocorridos » est en effet lunaire car, on y voit Fito caressant un coq de combat et discutant librement avec des codétenus.
Quelques heures après l’annonce de cette évasion, le président de l’Équateur, Daniel Noboa, a décrété l’état d’urgence pour l’ensemble du territoire, y compris dans le système pénitentiaire. Pendant les deux mois à venir, l’armée va veiller au maintien de l’ordre dans les rues ainsi que dans les prisons, tandis qu’un couvre-feu a été déclenché entre 23 h 00 et 05 h 00 heure locale.
Les autorités ont relevé le niveau de sécurité du pays car, malgré son charisme et son goût prononcé pour la dérision, le narcotrafiquant est un homme très dangereux. Son nom a été associé à de nombreux assassinats y compris celui de Fernando Villavicencio, candidat à l’élection présidentielle. L’ancien journaliste et parlementaire se classait deuxième dans les intentions de vote mais il a été tué à la fin d’un meeting électoral à Quito le mercredi 9 août 2023. Le candidat centriste avait clairement affiché sa position et ses mesures contre les cartels, au point qu’il ait été la cible des menaces de mort de la part des Choneros. Cet assassinat qui avait obligé l’ancien gouvernement a déclaré l’état d’urgence pour 60 jours.
En août dernier, le prisonnier le plus précieux du pays avait été brièvement transféré à La Roca, une prison plus petite située dans le même complexe, considérée comme plus sûre en raison du nombre moins élevé de détenus. Ce transfert avait mobilisé des milliers de soldats.
Depuis l’évasion du chef de cartel, les délits et autres faits de violence s’enchaînent. Des soulèvements ont eu lieu dans des prisons et la police a rapporté des violences dans la province d’Esmeraldas (Nord-Ouest), contrôlée par des gangs. Des individus ont lancé un engin explosif près d’un commissariat, a-t-elle indiqué, et deux véhicules ont été incendiés, sans faire de victimes.
Par ailleurs, plusieurs mutineries et prises en otage de gardiens dans diverses prisons du territoire ont eu lieu, le tout relayé par d’effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par des couteaux de détenus masqués. Dès dimanche, des policiers et des soldats ont pénétré lourdement armés dans plusieurs prisons, notamment où des gardiens ont été séquestrés. Les forces de sécurité ont diffusé de spectaculaires images de ces interventions, montrant des centaines de détenus en sous-vêtements, mains sur la tête et allongés sans ménagement sur le sol. L’administration pénitentiaire (SNAI) a affirmé que personne n’avait été blessé à la suite de ces « incidents ».
De plus, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre trois des policiers enlevés contraints, sous la menace d’armes de poing, de lire un message adressé au chef de l’État : « Vous avez déclaré la guerre, vous allez avoir la guerre (…). Vous avez déclaré l’état d’urgence, nous déclarons la police, les civils et les militaires butins de guerre ».
Dernier épisode marquant de cette guerre contre les cartels, des hommes armés ont fait irruption mardi après-midi 9 janvier sur le plateau d’une télévision publique à Guayaquil (sud-ouest), prenant brièvement en otage journalistes et autres employés de la chaîne. Encagoulés, sous des capuches ou en casquettes, visage à découvert, plusieurs se filment et font avec les doigts des deux mains les habituels signes de reconnaissance des bandes criminelles liées au narcotrafic qui font régner la terreur en Équateur.
Au milieu des coups de feu, la diffusion de ces images surréalistes s’est poursuivie en direct pendant de longues minutes, malgré l’extinction des lumières sur le plateau et la caméra qui se fige. Jusqu’à apparemment l’intervention des forces de l’ordre aux cris de « Police! Police!« .
Dans la foulée, le président Daniel Noboa a déclaré son pays en état de « conflit armé interne ». Le président Noboa a aussi ordonné la « neutralisation » de tous ces groupes criminels, dont il fournit une liste exhaustive : Aguilas, AguilasKiller, Ak47, Caballeros Oscuros, ChoneKiller, Choneros, Covicheros, Cuartel de las Feas, Cubanos, Fatales, Ganster, Kater Piler, Lagartos, Latin Kings, Lobos, Los p.27, Los Tiburones, Mafia 18, Mafia Trébol, Patrones, R7, Tiguerones.
« Ce sont des jours extrêmement difficiles », l’exécutif ayant pris « la décision importante de lutter de front contre ces menaces terroristes », a commenté mardi le secrétaire à la communication de la présidence, Roberto Izurieta.
Nouvelle humiliation mardi, les autorités ont annoncé l’évasion d’un autre narcotrafiquant, Fabricio Colon Pico, l’un des chefs de Los Lobos, une bande criminelle rivale des Choneros. Il avait été arrêté vendredi pour le délit d’enlèvement et sa responsabilité présumée dans un complot visant à assassiner le procureur général.
Le gouvernement a déploré un « niveau d’infiltration » des groupes criminels au sein de l’Etat « très élevé » et qualifié le système pénitentiaire équatorien d' »échec« .