Rencontre avec le journaliste et Grand Reporter guadeloupéen Nicolas Négoce, correspondant en Afrique de l’Ouest francophone pour BBC World News. De passage en Guadeloupe, il est revenu sur son parcours de journaliste et sa vie en Afrique notamment à Abdijan en Côté d’Ivoire où il travaille pour BBC Africa.
Originaire de la Guadeloupe Nicolas Négoce est un journaliste international au CV chargé puisqu’il a travaillé pour BFMTV à Paris, pour CGTN en Afrique de l’Ouest, ainsi que par la chaîne Vox Africa à Londres. Pourtant c’est sur l’Afrique, continent qu‘il connait désormais comme sa poche, qu’il a jeté son dévolu. Depuis 2010, il y a couvert des événements, des conflits politiques, des élections sous haute tension et plus récemment la Coupe d’Afrique des Nations.
A ce stade, il a le mérite de dire qu’il connaît vingt-cinq pays sur les cinquante-quatre que compte le continent mère. Aujourd’hui basé en Côte d’Ivoire, il a vécu auparavant au Togo, en République du Congo et au Sénégal. Loin d’oublier son archipel natal, il y revient régulièrement d’ailleurs c’est en Guadeloupe qu’il a fait ses débuts au sein de la rédaction de France-Antilles ou encore Guadeloupe 1ère.
De passage en Guadeloupe, il est revenu sur son parcours de journaliste et sa vie en Afrique notamment à Abdijan en Côté d’Ivoire où il travaille pour BBC Africa.
Bonjour, Nicolas Négoce, bienvenue sur The Link Fwi. Merci de prendre de votre temps pour répondre à nos questions. Vous êtes de la Guadeloupe et vous êtes journaliste en Afrique mais pouvez-vous vous présentez à nos téléspectateurs et téléspectatrices ?
Nicolas Négoce : bonjour merci de me recevoir alors je suis Nicolas Négoce, je suis originaire des Abymes en Guadeloupe, j’ai grandi ici, j’ai travaillé en France-Antilles pendant 5 ans avant de poursuivre avec BFM TV et ensuite une chaîne panafricaine basée à Londres qui s’appelle Vox Africa qui m’a permis de connaître l’Afrique où j’ai effectué mes premières missions sur le continent africain.
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de devenir journaliste ? Était-ce la vie de globetrotter à la Tintin qui vous intéressait ou était-ce une passion d’enfant et si oui comment est-elle née ?
Nicolas Négoce : Tout à fait c’était une passion d’enfance. Je me rappelle quand j’avais 9 ans lorsque ma mère m’a demandé ce que j’aurais voulu faire comme métier plus tard. Il est vrai qu’à l’époque, j’étais athlète, donc très attiré par le sport mais en même temps, j’aimais parler et poser des questions c’est à cette période que j’ai commencé à me passionner pour le journalisme, il faut dire que j’ai été beaucoup influencé par Christine Kelly et Jean-Philippe Pascal. C’est à partir de ce moment que je me suis orienté vers cette voie. Tout mon cursus a été orienté vers cette ambition, celle de devenir journaliste. J’ai donc eu un Bac littéraire au lycée de Baimbridge, puis de lettres à Schoelcher en Martinique. Ensuite, j’ai intégré l’Ecole de journalisme de Lille . Voilà ça fait une vingtaine d’années que je suis journaliste.
Et si un jeune souhaite devenir journaliste, quel conseil lui donneriez-vous pour l’aiguiller ?
Nicolas Négoce : Je pense qu’il n’y a pas de de cursus obligatoire pour devenir journaliste. un scientifique, un littéraire ou quelqu’un même qui a fait de l’économie ou du droit peut devenir un journaliste mais je crois qu’il faut des qualités fondamentales comme être curieux, aimer les gens, avoir envie d’apprendre envie de comprendre ou avoir l’envie de transmettre, chose qui selon moi est très importante parce que la transmission c’est notre mission première comme relater des faits. Ensuite, on peut se spécialiser dans divers domaines. Me concernant, je suis spécialisé en géopolitique africaine continent que je connais depuis 2010. A ce jour, j’ai habité dans quatre pays différents la Côte d’Ivoire, le Congo; le Togo et le Sénégal. J’ai travaillé et voyager dans vingt-cinq pays du continent, je suis presque à la moitié il y en a cinquante-quatre donc voilà je suis vraiment spécialisé dans tout ce qui est géopolitique, ouest Africaine donc pas mal de pays justement où il y a des soucis notamment ces dernières années où il y a eu des transitions comme au Burkina Faso, la Guinée le Niger, le Mali et plus récemment au Sénégal où nous avons connu une belle transition entre Macky Sall et le président Diomaye Faye qui est le plus jeune président de l’histoire du pays alors qu’avant son élection, il y a eu pas mal de tumultes. J’étais présent à ce moment vu que j’ai vécu au Sénégal durant trois ans et j’ai ouvert les élections là-bas. Aujourd’hui, je réside en Côte d’Ivoire.
Quel est votre parcours tant professionnel que personnel ? Avez-vous toujours été dans le journalisme ?
Nicolas Négoce : si j’ai toujours été dans le journalisme, j’étais encore au lycée de Baimbridge quand j’ai commencé à écrire mes premiers pour France-Antilles. De fil en aiguille, c’est comme cela que j’ai pu intégrer la rédaction locale. Je me suis beaucoup occupé de faits divers de chroniques judiciaires de magazines spéciaux que ce soit sur le tourisme, l’économie. J’ai beaucoup appris à France-Antilles, je suis vraiment très reconnaissant d’avoir commencé ma carrière là-bas et ensuite BFM TV à Paris puis Vox Africa en Angleterre mais j’ai aussi rejoint le bureau Vox Africa en Côte d’Ivoire pour lequel je couvrais l’Afrique de l’Ouest pour cette chaîne panafricaine, j’ai ensuite été rédacteur en chef d’un site sportif au Togo avant de redevenir correspondant pour la télévision chinoise CGTN alors que je ne parle pas du tout le mandarin, pour le coup j’étais correspondant en anglais et français à Lomé,capitale du Togo et donc je couvrais l’Afrique de l’Ouest. J’ai également collaboré avec TV5 et pendant 3 ans j’ai fait des petites infidélités au journalisme parce que j’ai été directeur de communication d’une compagnie aérienne au Congo pendant 3 ans…
Ecair ? Mais elle n’a pas duré longtemps compagnie ?
Nicolas Négoce : Elle a duré 5 ans et j’ai pu apporter ma ma pierre à l’édifice pendant trois ans. Ce fut une expérience enrichissante avec de belles missions où j’ai pu faire de belles rencontres. Je peux dire que grâce à cette expérience, j’ai beaucoup appris sur le monde aérien et comment ça fonctionne en Afrique. Ce fut très intéressant. Après mes 3 ans au Congo en tant que directeur de la communication d’Ecair, j’ai rejoint la BBC au bureau de de Dakar au Sénégal avant de partir à Londres pour à Dakar et aujourd’hui je suis à Abidjan n en charge de toute l’Afrique de l’Ouest francophone.
Qu’est-ce qui vous passionne à continuer à exercer une profession de plus en plus critiquée aussi bien par les populations que par les politiques à travers le Monde ?
Nicolas Négoce : Tout d’abord, je pense que la violence envers les journalistes c’est très dommage. En fait, la violence tout court c’est très dommage. Les critiques constructives c’est important car je crois que quand on est un journaliste, on se remet toujours en question et qu’on nous dise voilà je n’ai pas tout compris ou j’ai l’impression que tu as pris parti ou est-ce que tu peux expliquer cela ? ça a été mon cas justement pendant la période du coronavirus. Vous savez l’Afrique comme les autres parties du monde, il y avait beaucoup de doutes sur sur l’existence de cette pandémie, d’ailleurs il y a encore beaucoup de personnes aujourd’hui qui doutent que le coronavirus existe ? Il a eu des décès. A cette époque, j’habitais à Londres et je faisais partie de ce qu’on appelle les travailleurs essentiels donc ceux qui étaient autorisés à sortir de la maison. J’ai vu les rues de la capitale britannique totalement vide. La BBC avait mis un système où on devait venir au bureau en taxi où l’on devait toujours se faire tester pour ne pas contaminer les collègues et en fait c’est ça a été une période très éprouvante mais très intéressante parce que c’est vraiment là où j’ai compris l’importance de mon rôle de journaliste. Face à autant de questions et de défiance, j’ai proposé à ma rédaction en fait que chaque fois qu’il était possible qu’on puisse à notre audience en fait qu’est-ce qui se passe parce que moi j’avais beaucoup de questions de téléspectateurs, d’amis ou de camarades mais aussi connaissances sur le continent qui me disait : “ ah mais Nicolas il paraît qu’on va pulvériser mon quartier pour tuer le virus est-ce que c’est vrai ? “ Cela peut faire sourire mais en fait c’est triste parce que je n’ai jamais vu un tel niveau de désinformation et et c’était vraiment notre rôle nous en tant que journalistes est d’éduquer, d’expliquer voire d’analyser pour que la population puisse comprendre ce qui se passait donc les critiques c’est important et moi je sais que je demande souvent à ma mère est-ce qu’elle a compris ce que j’explique ? Autre exemple, avec tout ce qui se passe actuellement en Afrique, au niveau des transitions politiques, j’ai des proches en Guadeloupe comme en Martinique qui me demandent “ mais Nicolas est-ce que tu peux nous expliquer qu’est-ce qu’est-ce qui se passe au Mali ? Est-ce que c’est positif ? Et qu’est-ce qui se passe au Burkina Faso ? Est-ce que c’est normal ? Le président Traoré, on l’aime beaucoup “donc je suis obligé de leur apporter une réponse précise car oui le Traoré semble bon mais malheureusement il y a beaucoup plus d’attaques terroristes au Burkina Faso aujourd’hui qu’il y a un an donc il faut toujours être dans le contexte. Il faut toujours comprendre ce qui se passe il faut avoir le background pour se rendre compte en fait que tout n’es pas forcément rose. On parle de sentiment antifrançais oui mais est-ce que chasser la France et aller vers la Russie, est-ce que c’est la bonne décision ? Est-ce que c’est ça l’indépendance ? En fait il y a beaucoup de questions à se poser et quand nous journalistes, on vous donne une information on a envie que vous réfléchissiez que vous analysiez pour que ça puisse susciter un débat.
Justement en parlant de critiques, on voit depuis quelques années un certain détachement, un mépris et même une vraie violence vis-à-vis de la presse, vous qui exercez la profession, comprenez-vous ce mécontentement contre les journalistes ?
Nicolas Négoce : A vrai dire, je ne les comprends pas, parce que selon moi, nous avons un rôle de transmetteurs voire d’intermédiaire. Nous sommes là pour essayer de donner à la population des pistes pour comprendre ce qui se passe dans le monde donc je ne peux pas comprendre pourquoi on serait violenté. Je sais qu’en tant que journalistes, nous prenons des risques. Me concernant, j’ai eu l’occasion d’être dans des zones de guerre ou dans des zones de crise, d’être menacé, d’être séquestré ce fut le cas en 2010, pendant la crise en Côte d’Ivoire j’ai été séquestré et même menacé. En plus, c’était ma première expérience d’être dans une zone de guerre donc c’est vrai que j’ai pris des risques inutiles parce que je n’avais pas compris qu’en fait une balle ça part très vite et que quand ça part ben si tu es touché, c’est fini. Aujourd’hui, je fais beaucoup plus attention mais c’est vrai que c’est toujours dommage d’entendre qu’un journaliste est tombé sous les balles. C’est toujours triste car on prend des risques parce que notre mission est d’informer et c’est triste toute cette violence qui entoure notre profession. Je suis profondément attristé d’entendre qu’il y a des journalistes qui ont été tués au Soudan ou qu’au Mali, il y en a qui ont été séquestrés, kidnappés pendant des mois qu’ y a des rançons qui sont demandées mais ça ne doit pas nous empêcher d’exercer notre mission première qui est celle d’informer.
Vous avez bondi sur la question suivante. Vous avez fait la couverture de plusieurs évènements tragiques et travaillé dans plusieurs pays en fortes tensions géopolitiques. Quel est justement l’événement qui vous a le plus marqué et celui qui vous a fait prendre conscience que vous exercez un métier dangereux ?
Nicolas Négoce : Sans hésitation, je dirais, la crise en Côte d’Ivoire donc la crise de 2010-2011. Juste pour rappeler à tous ceux qui nous regardent, en 2010 donc il y a eu l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire il y avait le président sortant Laurent Gbagbo et son rival Alassane Wattara et selon le résultat des urnes c’est Alassane Watara qui a remporté l’élection présidentielle et qui a pu être installé dans sa nouvelle fonction grâce à l’aide de la France qui est intervenue. Je rappelle que le président Laurent Gbagbo avec son ancienne épouse Simon Gbagbo ont été encerclés par les forces françaises qui a bombardé leur maison. C’est bien plus qu’une simple crise politique puisqu’il y a quand même eu trois mille morts des deux côtés. Il y avait une guerre civile et moi j’ai assisté vraiment à des événements très douloureux où je me suis même demandé quelle était ma responsabilité, c’est-à-dire que j’ai j’ai réalisé un reportage. Je conduisais ma voiture, mon cadreur était derrière à l’arrière et j’avais un chef milicien à mes côtés qui a demandé à ses troupes de brûler vif deux trois personnes qui étaient soupçonnées d’être du camp adverse, devant moi, sous mes yeux. J’ai vu ça et je me suis posé beaucoup de questions car ça a été très vite me suis posé comme question “ bon Nico faut rester cool parce que ça peu être ton tour…
Mais justement comment on réagit face à cela ?
Nicolas Négoce : Pour avoir vécu ce genre de scène, c’est très difficile moi car j’ai vu des mamans avec des bébés essayant de transporter toute leur maison sur leur tête marcher des kilomètres, comme je le dis, ce sont des événements très difficiles c’est vraiment là où j’ai compris l’importance d’être journaliste. Lorsque j’explique à mes proches qui a le couvre-feu et que je conduisais l’une des seules voitures autorisées à rouler pendant la guerre en Côte d’Ivoire, parce qu’on était la presse donc on avait une espèce de sentiment de sécurité mais il fallait toujours faire très attention d’ailleurs, à ce propos, je suis tombé sur un barrage donc un barrage avec des militaires qui étaient assez nombreux, certains avaient bu ce qui était beaucoup plus grave, dans ces moments, c’est très confus. On ne sait pas qui est qui donc il faut vraiment faire très attention. La crise en Côte d’Ivoire a été une bonne école. Plus récemment, en fin Février, il y a eu la crise politique au Sénégal où j’ai dû faire des directs avec mon casque et mon gilet par balles, ça tirait, il y avait du gaz lacrymogène, il fallait faire super attention. Après, je n’ai pas eu l’opportunité d’aller dans des zones encore plus difficiles. comme au Soudan par exemple ou au Nigéria dans le Nord avec Boko Aram ou encore au Mali mais c’est vrai que j’ai rencontré déjà plusieurs reprises le danger dans le cadre de mes de mes fonctions.
Vous travaillez pour la BBC en Afrique mais qu’est-ce qui vous a poussé à travailler pour cette institution médiatique britannique et après toutes ces années, voyez-vous la différence avec les médias français ou francophones ?
Nicolas Négoce : En fait, lorsque je travaillais pour la chaîne Vox Africa à Londres, je me souviens que tous les soirs quand je finissais le travail, j’allais à la salle de gym et puis je rentrais chez moi et je regardais la BBC et ça a duré pendant des années j’étais fan j’adorais le générique ainsi que le traitement de l’actualité que j’ai trouvé très juste pas du tout avec un agenda caché comme pour certains médias et c’est un peu mon rêve un jour de travailler à la BBC mais je n’aurais jamais pensé que ce que ce rêve serait devenu réalité comme je n’aurais jamais pu penser que moi enfant du quartier de Lacroix-Boissard, j’aurais pu un jour parcourir le monde actuellement je suis à soixante pays. C’était mon rêve de voyager, d’être journaliste à l’international et aujourd’hui je suis correspondant Afrique de l’Ouest francophone pour la BBC et je remercie le Seigneur pour cela. Comme je le disais en début d’interview, j’ai commencé en 2017 au bureau de Dakar où j’étais vraiment en radio je présentais les matinales donc je travaillais beaucoup de nuit ensuite je suis parti à Londres où j’ai présenté les journaux en français et je faisais pas mal d’intervention et de reportages pour les journaux en anglais. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de revenir sur le continent en tant que correspondant Afrique de l’Ouest francophone et j’ai saisi cette opportunité puisque même si j’étais tombé amoureux de Londres, pour moi, il n’y avait rien de mieux que d’être en Afrique. Je pense que le retour aux sources a été important symbolique et que ma place est sur le continent. Je vois que de plus en plus, mes frères Guadeloupéens ou Martiniquais sont intéressés à venir découvrir le continent je les y encourage. Quand je vois qu’en Côte d’Ivoire, il y a une association des Antillo-Guyanais qui a fêté ses soixante-dix ans ou qand on voit le rapprochement entre le Bénin et les Antilles-Françaises et qu’une association a même été créée par des antillo-guyanais au Sénégal, on se rend compte qu’ y a un véritable appel et qu’il y a une véritable coopération à mettre en place bien qu’elle soit déjà là, il faut juste l’intensifier pour que ceux qui viennent notamment les plus jeunes comprennent un peu leur histoire et leurs origines.
C’est vrai que l’on parle beaucoup de l’Afrique depuis le début de l’interview mais comment ça a commencé cet amour pour l’Afrique et étiez-vous déjà attiré par lui et combien de pays avez-vous visité ?
Nicolas Négoce : Je suis tombé amoureux de l’Afrique je crois depuis la Guadeloupe. A l’époque où j’étais journaliste à France-Antilles, je parlais un peu de tout, je traitais un peu de tout comme je le disais. A plusieurs reprises j’ai écrit des papiers sur l’association Ayoka qui est une association d’ivoiriens et j’ai commencé à côtoyer pas mal d’Ivoiriens, des Béninois ici et voilà comment tout a commencé. Puis, quand j’ai intégré en 2008 la chaîne de télévision Vox Africa, j’ai fait mon premier voyage en Côte d’Ivoire avec les Frères Calou qui sont des anciens footballeurs internationaux et après les frères Calou je suis revenu pour la campagne présidentielle donc là j’ai fait le tour du pays malgré la crise. Sur place, j’ai mangé dans les maquis aux plats très pimentés pourtant moi à la base je ne mange pas de piment, au passage si vous ne mangez pas de piment, vous êtes mal tombés car en Afrique notamment en Côte d’Ivoire, il y a du piment partout (rires). J’ai appris à aimer le piment, j’ai dansé aux rythmes des différentes ethnies et je suis tombé amoureux de ce payx et ensuite il y a eu l’élection présidentielle période de grand suspens. Honnêtement, ça a été très chaud et après il y a eu la crise politique suivie de la guerre civile. J’ai vraiment vu les différentes facettes de la Côte d’Ivoire. Malgré les problèmes politiques, je n’ai plus eu l’envie de retourner à Londres. J’ai donc dit à ma patronne Rolande Kammogne que je ne voulais plus rentrer à Londres que je voulais rester en Côte d’Ivoire c’est comme cela que j’ai ouvert le bureau Voxafrica en Côte d’Ivoire et puis après je suis parti au Togo pour tenter une autre aventure et là encore, je suis tombé amoureux du Togo et ensuite il y a eu le Congo Brazzaville et voilà comment tout a commencé et depuis ça s’est poursuivi.
Quelles similitudes retrouvez-vous entre votre pays la Guadeloupe et les pays africains notamment ceux de l’Ouest ?
Nicolas Négoce : Comme j’ai coutume de le dire, nous sommes très différents et en même temps nous sommes très liés alors en ce qui me concerne, mon pays préféré en Afrique sur le vingt-cinq que j’ai déjà visité c’est la Côte d’Ivoire mais le pays qui me rappelle un peu les Antilles c’est le Sénégal car il est entouré d’eau et il y a beaucoup de plages et moi j’adore la mer et quand je vais au Sénégal j’ai vraiment l’impression que je suis en Guadeloupe sauf qu’il y a une hospitalité qui est incroyable au Sénégal c’est-à-dire que les gens même s’ils ne vous connaissent pas, ils vous invitent à manger chez eux. De plus, le pays est magnifique avec des paysages magnifiques. C’est aussi le cas du Bénin ou de la Côte d’Ivoire, pour moi, j’ai l’impression d’être à Port-Louis ou à Petit Canal et même à certains endroits à Gourbeyre. Il y a vraiment des similitudes en termes de faciès mais la gastronomie est vraiment différente à des égards même s’ils y a des éléments sous lesquels on peut y voir des ressemblances. Par exemple, petit, j’ai été habitué à manger du fruit à pain, de la banane, de la pomme de terre et même de l’igname bouillis, pas en Côte d’Ivoire, là-bas, c’est frit. Les ignames bouillis sont très rares. Autre exemple, en Guadeloupe ou dans la Caraïbe, on mange la banane bouillie mais en Côte d’Ivoire, on va plutôt manger l’aloco donc des bananes plantins frites cependant, c’est au Cameroun que l’on retrouve les ignames bouillis. Toutefois, vous devez sans doute le savoir, même dans les pays en Afrique il y a énormément de différences, c’est-à-dire que le Maroc ce n’est pas la même chose que la Côte d’Ivoire qui elle-même est différente de l’Afrique du Sud qui est aussi différente du Cap Vert et ainsi de suite. Cependant, une chose que l’on retrouve partout, c’est la générosité et la richesse au niveau de la culture, de la gastronomie et de l’hospitalité. Dans quasiment tous les pays que j’ai visité, j’ai toujours été surpris par l’hospitalité de la population. Comment on vous accueille, c’est incroyable. On se sent vraiment comme à la maison.
Vous qui êtes installé en Afrique et qui avez vu vingt- cinq pays et qui avez résidé dans quatre d’entre eux, quel regard portez-vous sur ce continent que l’on voit d’avenir mais en même temps qu’on décrie ?
Nicoals Négoce : Durant mon court séjour en Guadeloupe, j’ai rendu visite à une cousine et elle me disait de faire attention à moi quand je suis là-bas. Je lui ai demandé la raison de sa mise en garde car l’Afrique c’est cinquante-quatre pays, il doit y avoir grand maximum quinze qui ont des troubles politiques mais dans la grande majorité des états africains, tu peux marcher à deux ou trois heures du matin dans les rues, rien ne t’arrivera. Tu es plus en sécurité que sur la Place de la Victoire ( Pointe-à-Pitre). Il ne faut pas garder cette image négative que nous avions auparavant de l’Afrique un continent qui est en croissance, j’y réside, j’ai vécu au Sénégal ce sont des pays très sécurisés qui sont en croissance qui évoluent. Il n’y a pas si longtemps, le Sénégal nous a donné une belle leçon de démocratie et pourtant les choses n’ont pas été faciles avant l’élection présidentielle mais aujourd’hui un nouveau président Diomaye Faye vient de lancer un dialogue national et qui essaie de faire en sorte que tout le monde se sente intégrer dans le projet que l’ancienne opposition essaie de mettre en place donc le Sénégal est revenu dans cette positon qui était sienne, à savoir celle d’être l’une des meilleures démocraties du continent. C’est vrai qu’il y a d’autres pays par e pour qui les choses sont peu compliquées où la population a peut-être arrêté d’espérer ou euh où il y a pas d’espoir mais malgré tout quand vous êtes dans ces pays, il y a une générosité une joie de vivre. C’est vrai que les choses ne sont pas faciles. Il est vrai que vous irez dans des pays où vous verrez des Palaces et juste à côté des gens qui vivent dans des bidonvilles et qui meurent de faim. Je ne cache pas qu’il y a beaucoup de pays où plus de 50 % de la population ne mange pas à sa faim mais vous savez ce qui est impressionnant c’est que dans ces pays où vous avez 50 % de la population qui ne mange pas à faim, vous ressentez quand même une joie de vivre, c’est-à-dire que moi qui suis Guadeloupéen, Caribéen et Français Afrocaribéen, j‘ai grandi dans une société où on aime se plaindre mais l’Africain en général, je ne plain jamais, c’est un battant. L’Africain ou l’Africaine, va aller vendre des citrons pour gagner 2 € 3 € par jour mais avec ça elle arrive à nourrir sa famille et remercie le Seigneur. Là-bas, il y a une résilience qui est incroyable et qui sert d’exemple, elle inspire énormément.
C’est vrai qu’on l’oublie souvent cette résidence mais on passe aux deux dernières.
Depuis quelques années, il y a une forme de rejet de la politique française en Afrique, on voit l’arrivée de pays comme la Chine, la Turquie mais surtout la Russie avec le groupe Wagner qui interviennent, forment les armées ou les polices de ces pays, investissent sur le continent, quel regard portez-vous sur ces nouvelles relations entre pays émergents ? et quel regard portez-vous sur le rejet français actuel, du moins le rejet de la relation entre la France et ses anciennes colonies ? La France a t-elle encore sa place en Afrique ?
Nicolas Négoce : Pour tout vous dire, l’Afrique fait réver, c’est un continent très riche avec beaucoup de potentiel. Cest un continent d’avenir et donc c’est normal qu’il y ait une bataille des puissances occidentales pour l’Afrique, la France est très mal vue en ce moment du fait de son passé colonial. En ce moment, ce n’est pas facile d’être Français en Afrique. Par exemple, je devais aller en mission au Mali récemment et mon visa été refusé. C’est la première fois de ma vie que je vois mon visa être refusé en quatorze ans de vie sur le continent et j’ai été hyper touché car moi qui me considère désormais comme Africain, voir mon visa qui a été bien rempli se faire refuser juste parce que je suis Français. Je prends cet exemple pour vous montrer l’impact que les dissensions ont aujourd’hui au niveau géopolitique en Afrique mais je trouve quand même que ça mérite plusieurs réflexions. D’accord, on ne veut pas de la France mais on ouvre la porte à la Russie qui promet d’aider militairement qui vient avec le groupe Wagner sur lequel j’ai enquêté au Mali. Avec tous les rapports qu’on a, les atrocités commises par le groupe Wagner, il y a beaucoup de questions à se poser. En tant que journaliste spécialisé justement en Afrique de l’Ouest et donc aussi a aux pays du Sahel qui aujourd’hui ont une oreille attentive voire tendent la main à Wagner je pense qu’il y a des questions à se poser. En ce qui concerne la Chine, elle a toujours été présente en Afrique mais à la différence de la Russie, Pékin refuse jusqu’à présent l’ingérence. La Chine privilégie les échanges commerciaux en son avantage. Elle mise sur le principe de venir aider en prêtant de l’argent pour construire mais s’il y a des coups d’État et tout ça, elle n’est pas dedans, elle ne soutient pas. Elle est plus du genre à soutenir le pouvoir en place. Elle refuse l’ingérence car la Chine veut s’affirmer pour gagner. La Turquie aussi construit beaucoup et de plus en plus. La Turquie est là justement avec son média TRT qu’elle a beaucoup développé en français et en haoussa qui est une langue parlée au Nigéria donc la Turquie s’affirme. Puis vous avez pleins de différentes puissances les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, l’Inde sont là les États-Unis également mais malheureusement ils ont été chassés, enfin surtout les militaires américains ont été chassés du Niger et remplacés là encore par des soldats russes. Mais, il est vrai que, toutes les puissances occidentales et pas que sont en Afrique et battent pour y rester. En fait, tout le monde a compris en fait qu’il y a un intérêt en Afrique. Même si il y a ce sentiment antifrançais il y a encore de nombreux pays y compris ceux en transition dans le Sahel ou les nouvelles démocraties ouest africaines avec de nouveaux présidents jeunes qui continuent de collaborer avec la France sans problème. Je peux citer le président Diomaye Faye qui a été élu à la suite du président Macky Sall a indiqué à plusieurs reprises que la coopération allait s’effectuer avec tous ceux qui sont amis avec le Sénégal, dont la France. Peut-être autrement mais il n’y aura pas de rupture.
Selon moi, c’est important car quand on regarde des pays comme le Burkina Faso, le Niger ou encore le Mali qui ont opéré une grosse rupture avec Paris, les attaques terroristes se multiplient alors que la Guinée, elle, ce dans ce schéma-là. Elle a gardé des relations normales avec la France et pour moi, tout ceci mérite réflexion. Toutefois, c’est surtout l’avenir qui nous dira comment les choses vont s’agencer.
Mais vous qui êtes sur le terrain, comprenez-vous le rejet anti Français de la part de la population, de la classe politique de ces pays ?
Nicolas Négoce : Je le comprends tout à fait. Au regard de l’histoire coloniale, par rapport à certaines décisions passées ou à certains comportements dentant je comprends qu’une partie de la population, des politiques en Afrique francophone puissent avoir un rejet envers la France.
Et où pouvons-nous te suivre, es-tu sur les réseaux sociaux ?
Nicolas Négoce : Oui, je suis présent sur les réseaux sociaux : Nicolas Négoce tout simplement. J’ai également mon site inernet : nicolasnegoce.com. Puis, n’hésitez pas à rester tous connectés sur BBC Africa pour que vous puissiez voir ce que je fais.
merci beaucoup Nicolas Négoce
Nicolas Négoce : C’est moi qui vous remercie.