Lors de son déplacement aux Samoa pour la réunion des Etats du Commonwealth. Charles III a été confronté aux demandes de réparation des anciennes colonies de la Couronne, mais comme sa mère avant lui, il a tenté de balayer ces requêtes. Toutefois, comme le Premier Ministre des Bahamas l’a souligné, « Le temps est venu » de discuter de « justice réparatrice ».
On le sait, la légende veut que la décolonisation des anciens territoires sous domination britannique ait été plus « douce » que celle des anciennes colonies francophones, hispanophones ou lusophones. Pourtant, la colonisation britannique n’a pas été si « humaine » qu’on a longtemps voulu le faire croire. Plusieurs événements brutaux ont même eu lieu à travers l’Empire Britannique. Que ça soit la répression des Maron de la Jamaïque, la guerre des Boers et la mise en place du système d’Apartheid en Afrique du Sud qui prendra fin en 1990, l’infantilisation et les violences subies par les peuples Aborigènes, Maoris ou Amérindiens et plus encore l’esclavage dont le Royaume-Uni a su tirer un grand profit. Sans oublier, la décolonisation et la division du sous continent Indien qui se sont faites dans le sang et les larmes. On pense également à la répression des Mau Mas u au Kenya. Tant d’événements qui ternissent encore aujourd’hui la relation entre l’ancienne puissance coloniale et ses anciens sujets.
Malgré cette part sombre de leur histoire commune, les anglophones de part le Monde ont toujours su coexister entre eux, au point de créer le Commonwealth of Nations. Cette organisation est née justement, à la dite période de la décolonisation.
Une histoire du Commonwealth of Nations.
Pour la petite histoire, lors de l’accession au trône d’Elizabeth II en 1952, le Commonwealth était composé de 9 membres : le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande, l’Afrique du Sud, le Pakistan, l’Inde et le Sri Lanka. Elle compte à ce jour cinquante six membres répartis aux quatre coins du Monde, un peu comme la Francophonie. On peut citer notamment, Afrique du Sud, Antigua-et-Barbuda, Australie, Bahamas, Bangladesh, Barbade, Belize, Botswana, Brunei, Canada, Chypre, Dominique, Eswatini (ex-Swaziland), Fidji, Gambie, Ghana, Grenade, Guyana, Inde, Jamaïque, Kenya, Kiribati, Lesotho, Malaisie, Malawi, Malte, Maurice, Mozambique, Namibie, Nauru, Nigeria, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Pakistan, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Royaume-Uni, Sainte-Lucie, Saint Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent et les Grenadines, Salomon (Îles), Samoa, Seychelles, Sierra Leone, Singapour, Sri Lanka, Tanzanie, Tonga, Trinité-et-Tobago, Tuvalu, Vanuatu, Zambie. Néanmoins, le Commonwealth s’est agrandi à des pays qui sont normalement francophones comme le Gabon, le Togo, le Cameroun ou encore le Rwanda. Le Commonwealth of Nations s’est surtout 2.7 milliards d’habitants dont la plupart est répartie en Inde, au Bengladesh, au Pakistan et en Afrique soit près d’un tier de l’Humanité.
Depuis sa création en 1952, s’est le souverain britannique qui dirige l’organisation. Si la reine Elizabeth II se trouvait à sa tête jusqu’à son décès le 8 septembre 2022, c’est désormais le roi Charles III qui lui a succédé en tant que dirigeant du Commonwealth. D’ailleurs, Charles III est aussi le souverain de quinze royaumes du Commonwealth que sont la Grande-Bretagne naturellement, mais aussi le Canada, l’Australie, les Bahamas et la Jamaïque . La Barbade a décidé très récemment de prendre son indépendance tout en restant membre du Commonwealth of Nations. Cette fonction de chef d’État est symbolique et a pour but d’incarner l’union des États membres, qui n’en restent pas moins chacun libres, égaux et indépendants. Charles III n’a ainsi aucun pouvoir effectif.
Evidemment, il n’y a pas que le lien historique qui unit ces Etats indépendants ou autonomes. Il existe bien des partenariats étroits qui facilitent les échanges économiques et diplomatiques. Par exemple, comme nous l’expliquent nos confrères de Geo le Commonwealth dispose d’un fonds pour la coopération économique destiné à soutenir la croissance de certains pays, assurant notamment l’apport de compétences techniques et la formation afin de jouer à la fois sur le court et le long terme. Un système de solidarité et de coopération unit donc les membres du Commonwealth. Il existe également un Secrétariat basé à Londres et qui travaille à la promotion des droits humains et des valeurs démocratiques, ainsi qu’à l’observation de certaines élections ou à l’apaisement des conflits.
La question des réparations de l’esclavage et la colonisation comme une épine :
Malgré cette entente quasi cordiale, il y a bien des sujets qui fâchent. Bien entendu, il s’agit de l’esclavage et de la colonisation dont la Grande Bretagne a tiré d’énormes bénéfices au point de faire partie des pays les plus riches du Monde.
Même si le Royaume Uni est le deuxième pays (après le Danemark) dans le Monde à avoir abolit l’esclavage puis interdit la Traite négrière, son économie a quand même bénéficié largement du système esclavagiste. Dès 1500 les britanniques partirent à la conquête de territoires. Selon des estimations très modestes, environ 12 millions d’Africains furent vendus comme esclaves dans les colonies du continent Américain. Dans les seuls navires britanniques, 3,25 millions d’Africains furent expédiés. Ces voyages furent souvent très rentables. Par exemple, au XVII° siècle, la Royal Africa Company pouvait acheter une esclave africaine avec des marchandises commerciales à une valeur de 5 $ et la revendre aux Amériques 32 $, faisant un bénéfice net moyen de 38% par voyage. Avec l’influence des mouvements abolitionnistes, le 02 Mai 1807, le Royaume Uni interdit la traite atlantique, c’est-à-dire la déportation des Africains en Amérique, où ils doivent travailler sur les plantations de coton ou de canne à sucre. En 1833, la Couronne britannique abolit définitivement l’esclavage. Cependant, Londres avait déjà des colonies à travers le Monde, comme l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Canada, l’Inde et commençaient sa course à la colonisation des comptoirs d’Afrique et d’Asie où les populations locales natives étaient aussi exploitées pour les bénéfices des grandes entreprises britanniques, donc pour la grandeur de l’Empire et plus largement pour la prospérité de la famille Royale. Bien souvent au prix du sang.
Depuis vendredi 25 octobre 2024, réunis aux Samoa, archipel du Pacifique Sud, les Etats membres ont longuement débattu sur ces questions face à un Charles III en voyage officiel de onze jours dans le Pacifique. Le souverain britannique a tenté de temporiser ses anciens sujets, alors que son voyage avait pour but de moderniser une organisation aux relents coloniaux. En effet, de nombreuses nations d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique souhaitent que le Royaume-Uni et d’autres puissances européennes versent une compensation financière pour l’esclavage ou qu’elles fassent au moins amende honorable sur le plan politique. Jusqu’à présent, Londres a tout fait pour balayer ce sujet épineux.
Charles est reparti samedi à Londres, avec la reine Camila, avant que la déclaration finale du sommet ne soit adoptée.
Pour rappel, la famille royale britannique, qui a bénéficié de la traite des esclaves et de la colonisation pendant des siècles, a été invitée à présenter des excuses. Mais comme sa défunte mère, le monarque s’est abstenu de le faire vendredi, demandant aux participants au sommet de «rejeter le langage de la division». Le Premier ministre Britannique Keir Starmer a jusqu’ici rejeté publiquement les demandes de réparations et ses collaborateurs ont exclu la possibilité de présenter des excuses lors du sommet.
« Je dois être très clair : depuis deux jours que nous sommes ici, aucune des discussions n’a porté sur l’argent. Notre position est très, très claire à ce sujet »
Toutefois, il est temps que le Commonwealth demande «justice» pour la période brutale de l’esclavage subie par de nombreux pays du groupe, a affirmé vendredi le Premier ministre des Bahamas, Philip Davis, à l’AFP. «Le moment est venu d’engager un véritable dialogue sur la manière de réparer ces erreurs historiques. Les horreurs de l’esclavage ont laissé une blessure profonde et générationnelle dans nos communautés » et « notre histoire est profondément entremêlée, ce qui implique la responsabilité de faire face au passé avec honnêteté. Les requêtes de réparations ne se limitent pas à une compensation financière. Il s’agit de reconnaître l’impact durable de siècles d’exploitation, et de veiller à ce que l’héritage de l’esclavage soit traité avec honnêteté et intégrité, a-t-il déclaré.
Ces réparations pourraient inclure des formes de paiement alternatives, comme le financement de la lutte contre le changement climatique.
À l’issue du sommet, le Commonwealth a annoncé la nomination de la ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey, comme secrétaire générale.
Ancienne députée, elle a dirigé la diplomatie ghanéenne ces sept dernières années, notamment pendant le mandat de deux ans de son pays au Conseil de sécurité des Nations unies, achevé en décembre 2023. Elle a soutenu l’élaboration d’un accord de libre-échange entre les États membres du Commonwealth et affirmé qu’elle était en faveur des réparations historiques. Elle succède à la diplomate britannique Patricia Scotland, première femme à occuper ce poste, et devient, après le Nigeria, la deuxième représentante du continent africain au secrétariat général.
Une fonction que Shirley Ayorkor Botchwey entend dédier à la mise en place de réparations pour les pays victimes de la traite d’esclaves. Elle a par exemple plaidé ces derniers mois pour que les États membres du Commonwealth, dont plus d’un tiers sont africains, s’expriment d’une même voix sur le sujet. C’est d’ailleurs à Accra, que, en novembre 2023, s’était tenu un sommet international pour la réparation de l’esclavage.
Malgré cette apparente division, nul crainte de voir le Commonwealth of Nations se disloquer, au contraire. Il y a comme une entente à l’anglophone entre les Etats membres. Pour Kingsley Abbott, directeur de l’Institut d’études du Commonwealth à l’université de Londres, l’inclusion d’une mention de la justice réparatrice constituerait une « avancée significative » pour le Commonwealth.