Aide à l’installation en Outre-mer : le gouvernement retire l’article 55 du projet de loi de finances

Le projet était très controversé puisqu’il prévoyait une aide à l’installation en outre-mer pour tous les résidents de l’Hexagone sans distinction, justifiant d’un projet professionnel durable. Acculé par les critiques, le gouvernement représenté par le ministre des Outremers Gérald Darmanin et son Ministre délégué chargé des Outremers, Philippe Vigier est revenu sur la loi. L’aide à l’installation en Outre-mer est donc supprimé sur projet de Loi de Finances.

C’était la plus grosse polémique du moment au sein de la majorité présidentielle et les élus ultramarins. L’article 55 du Projet de loi de finances pour l’Outremer prévoyait un budget de 23 millions d’euros pour que « toute personne résidant en France métropolitaine justifiant d’un projet d’installation durable dans les outre-mer se verrait attribuer au titre de la continuité territoriale, une aide financière pour le transport, plus une allocation à installation ».

Il s’agit là, d’une demande issue du groupe LIOT qui souhaitait une aide au retour des Ultramarins dans leur territoire d’origine. Une demande qui s’inscrit dans le cadre des mesures à prendre contre le déclin démographique, d’une part et contre le vieillissement en facilitant l’installation de jeunes de préférence.

Cette demande avait un objectif précis, permettre aux ultramarins installés dans l’Hexagone de retourner dans leurs territoires d’origines. Il faut savoir que ces territoires qui souffrent d’un vieillissement accéléré de leurs populations et le départ de sa jeunesse. D’ailleurs, Olivier SERVA de la LIOT d’indiquer et même d’insister : « On veut que ce soit uniquement des personnes qui ont des centres d’intérêt matériels et moraux en Outre-Mer. Mais je veux rajouter une autre condition encore plus restrictive. Je veux que cette mesure ne concerne que les personnes qui ont bénéficié d’un passeport aller de Ladom. En clair, par exemple, si un étudiant né en Guadeloupe a bénéficié d’un passeport pour aller étudier en France hexagonale et il veut revenir, il le pourra ».

Cependant, la loi pourtant bien ficelée avait été complètement décousue de son projet initial et c’est le Gouvernement qui en était le principal fautif. En effet, comme nous l’écrivions, le projet était très controversé puisqu’il prévoyait une aide à l’installation en outre-mer pour tous les résidents de l’Hexagone sans distinction, justifiant d’un projet professionnel durable. Une décision qui a suscité de vives critiques tant de la part des élus ultramarins que dans la presse, puisque cette Loi avait des relents coloniaux. Choqués, même des députés issus de la majorité présidentielle ont manifesté leur désaccord avec ce texte. Dans une sortie très polémique, Jean-Philippe Nilor, député de la Martinique, avait accusé le gouvernement de « génocide par substitution » terme employé par Aimé Césaire pour évoquer le départ massif des jeunes ultramarins entre les années 1960 et 1980 dans le cadre du BUMIDOM. Olivier Serva avait lui aussi exprimé son mécontentement :

« Il n’est pas question qu’il fasse passer quelque chose qui ne correspond pas aux desiderata de la population ultramarine et qui fasse entrer en Outre-Mer des gens sans attache venus investir avec l’argent de l’État ».

Olivier Serva.

En Guadeloupe le CIPN allait jusqu’à mettre cet article 55 en parallèle avec l’article 55 du Code Noir.

De son côté Alain PLAISIR du CIPPA, comparait cette mesure à la prime d’éloignement qui était accordée aux métros qui venaient dans les DOM. Il réitérait sa proposition de changer de statut pour l’article 74 et jusqu’au statut de PTOM comme St-Barth. Car pour lui, il n’est pas possible de mettre en place des mesures ciblées dans le statut actuel.

Il y avait un risque de voir s’installer une population sans attache avec ces territoires, sans projet ou tout simplement avec plus d’argent, au détriment des populations endogènes plus lésées. Disons-le, une possible discrimination tant sociale que raciale menaçait la cohésion de ces terres. De plus, le souvenir encore difficile du BUMIDOM reste encore trop présent dans les mémoires collectives pour qu’une situation pareil se réitère.

Acculé par les critiques, le gouvernement représenté par le ministre des Outremers Gérald Darmanin et son Ministre délégué chargé des Outremers, Philippe Vigier est revenu sur la loi. Enfin !

Pour rappel, Vendredi dernier, lors des Rencontres de Saint-Denis, le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, avait remis un courrier des élus GDR (dont une grande majorité sont des Ultramarins) au président de la République, demandant le retrait de cet article. La Première ministre Elisabeth Borne s’était montrée ouverte sur la question.  Pour celles et ceux d’entre vous qui s’en souviennent, le gouvernement avait utilisé le 49.3 pour faire passer le texte sans vote à l’Assemblée nationale, ce qui avait empêché les élus de débattre sur ce fameux article.

Ce matin, mercredi 22 novembre, les parlementaires ultramarins avaient rendez-vous avec Gérald Darmanin et Phillipe Vigier. A la sortie de cette rencontre très attendue, le retrait de l’article a été confirmé par le Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer en personne et ce même si le projet de loi Finances a été validé hier par la commission des Lois du Sénat. Le texte est donc finalement amputé de l’article 55.

L’article 55 tel qu’il était rédigé devrait disparaître du projet de loi de finances (PLF) qui arrive au Sénat jeudi 23 novembre. Néanmoins dans son communiqué, le Ministre de l’Intérieur a promis qu’il sera réécrit « pour faire bénéficier uniquement aux ultramarins l’aide au retour dans les territoires concernés », a-t-il précisé. Une information confirmée par le Ministre délégué aux Outre-mers, Philippe Vigier lors d’une session à l’Assemble Nationale cet après-midi.

« une proposition commune de rédaction sera faite, dans le cadre d’une coconstruction entre les parlementaires et le gouvernement ». On tiendra compte (…) des CIMM, les Centres d’intérêts matériels et moraux, de manière à ce qu’on puisse donner une priorisation aux Ultramarins, pour qu’ils puissent retourner au pays.

Philippe Vigier Ministre Délégué aux Outre-mers.

Les parlementaires ultramarins satisfaits mais sont vigilants :

Les parlementaires ont accueilli favorablement cette annonce. C’est le cas d’Olivier Serva, député de la Guadeloupe, qui a répondu au message du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer sur le réseau social X (ex-Twitter).

C’est une belle victoire pour les territoires Ultramarins et les parlementaires mobilisés. Merci au Ministre Gérald Darmanin pour son écoute et sa réactivité

Olivier Serva député de la Guadeloupe.

Johnny Hajjar, député de la Martinique, a lui aussi affiché sa satisfaction 

C’est une première victoire et un premier pas, mais nous restons vigilants. D’autre part, afin de conserver les moyens financiers qui étaient alloués à cette mesure, nous sommes en train de procéder à une réécriture du texte pour maintenir ces moyens au service des peuples et des populations des Outre-mer.

Jean-Hugues Ratenon député LFI de l’île de La Réunion, a aussi exprimé sa satisfaction :

« Alors même que le gouvernement avait refusé d’étudier nos amendements de demande de retrait ou de réécriture en hémicycle, notamment en se basant sur le bénéfice des CIMM, c’est avec satisfaction que j’accueille ce jour la décision de procéder à un rétropédalage de la part du Gouvernement au sujet de l’article 55 du projet de loi de finances 2024 […] Dès mars 2023, je me suis opposé aux propos du Président de la Ladom concernant la mobilité bilatérale entre la métropole et les Outre-Mer. J’avais souligné le caractère inapproprié de financer l’installation de métropolitains dans nos régions, un point de vue que j’ai maintenu et défendu avec vigueur (voir communiqué de presse). En octobre, là encore par communiqué de presse, j’avais de nouveau alerté sur le risque de déviation des objectifs du dispositif de continuité territoriale. Cette victoire a démontré que lorsque nous sommes unis, nous pouvons influencer efficacement les décisions gouvernementales. J’invite les uns et les autres à poursuivre cette démarche dans l’intérêt des populations ultramarines car tout dépendra de la réécriture. En effet, nous savons tous qu’il est difficile de faire confiance à ce gouvernement ».

Christian Baptiste, député de la Guadeloupe, s’est voulu rassurant au sortir de la rencontre avec le gouvernement :

Je voudrais rassurer nos populations des régions ultramarines. L’article 55 qui ouvrait la voie à tout un chacun de revenir sur nos territoires en dehors de nos compatriotes ultramarins, ce sera le retrait de cet article. Après, nous serons dans la discussion et voir quelles sont les conditions qui pourront être établies pour permettre à nos compatriotes qui sont venus ici dans l’Hexagone et pour pouvoir revenir après, pour pouvoir alimenter et revitaliser, revitaliser nos territoires

Malgré la satisfaction, tous disent la même chose, ils se méfient de l’actuel Gouvernement preuve du manque de confiance qui règne entre les parlementaires et l’exécutif du fait de nombreux mois de tensions liés à la Loi sur la Réforme des retraites et l’utilisation à outrance du 49.3 par la Première Ministre, Elisabeth Borne.