Depuis le 06 février 2023, Xavier Lefort est le Préfet de la Guadeloupe. Conscient des difficultés spécifiques du territoire, l’homme est volontaire à les surmonter avec les élus locaux. Nous sommes allés à sa rencontre dans ses bureaux de la Préfecture de Basse-Terre pour évoquer sa fonction et ses objectifs.
Prefet. Dans une région française hexagonale, ce titre honorifique républicain suscite l’indifférence puisque le Préfet est un grand inconnu pour les habitants qui ne connaissent que le nom de ceux qui les représentent, leurs élus : les maires et présidents de collectivités. Cependant, dans une région comme la Guadeloupe où les souvenirs de l’esclavage et de la colonisation sont encore présents dans un passé qui ne passe pas, le Préfet est souvent vu comme la voix officielle d’un Etat lointain colonisateur qui impose ses volontés de façon autoritaire en ignorant les spécificités locales.
Pour les opposants de la présence française dans le territoire, le Préfet n’est ni plus ni moins qu’un gouverneur autoritaire méconnaissant les us et coutumes voire même un être sanguinaire capable de réprimer les travailleurs et paysans comme ce fut le cas lors d’événements tragiques de l’histoire de l’archipel : Massacre de la Saint-Valentin en Février 1952 et le plus sanglant d’entre eux, Mai 1967/ Mè 67.
Personnage clé dans le rouage institutionnel, le Préfet a vu ses fonctions évoluées. En effet, jusqu’en 1982, les Préfets remplissaient une double mission à la tête du département : ils représentaient l’État et détenaient le pouvoir exécutif. Depuis la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et des régions a transféré la fonction exécutive aux présidents de conseil général (devenu conseil départemental en 2015) et régional. Toutefois, le préfet a conservé un rôle de garant des politiques nationales, il conserve des responsabilités cruciales, notamment en matière de sécurité et de gestion des crises, mais il n’intervient plus directement dans la gestion quotidienne des affaires locales.
Depuis le 06 février 2023, Xavier Lefort est le Préfet de la Guadeloupe. A l’image de ces prédécesseurs, il endosse une double casquette, à savoir celle de Préfet de la Région et du Département Guadeloupe. Conscient des difficultés spécifiques du territoire, l’homme est volontaire à les surmonter avec les élus locaux. Nous sommes allés à sa rencontre dans ses bureaux de la Préfecture de Basse-Terre pour évoquer sa fonction et ses objectifs pour le territoire qu’il administre.
Mr Xavier Lefort, Bonsoir, bienvenue sur The Link Fwi. Merci de prendre de votre temps qui est assez court, pour répondre à nos questions. Déjà, pour ceux qui ne savent pas qui vous êtes, vous êtes Préfet de la Guadeloupe, mais pour l’interview, on dit Mr le Prefet ou Mr Lefort ?
Xavier Lefort : Bonjour, merci de me recevoir. On dit Mr le Préfet. Monsieur le fort ça va très bien mais en général, on appelle plutôt les préfets par leur fonction.
Donc pour celles et ceux qui ne vous connaitraient pas. Qui êtes-vous ? quel est votre parcours scolaire, professionnel. Est-ce que vous avez toujours été Préfet ?
Xavier Lefort : Alors, j’ai un parcours plutôt scientifique. J’ai fait une école d’ingénieur. Jai passé une première partie de ma vie professionnelle dans la Marine comme Commissaire de la Marine. Poste que j’ai occupé durant plus d’une dizaine d’années. Après cette première partie de carrière, je suis rentré dans une administration, plutôt, dans une magistrature qui est la Cour des Comptes. En général, les gens savent ce qu’est la Cours des Comptes ne serait-ce que parce qu’on connaît son rapport public annuel. Il y a donc les Chambres Régionales des Comptes ( CRC), La Cours des comptes contrôle les administrations de l’Etat, tandis que les Chambres Régionales des comptes contrôlent les collectivités territoriales. Ainsi avec la Cours des Comptes, nous contrôlons les finances publiques. J’y suis resté quelques années, d’ailleurs, j’en suis toujours membres d’ailleurs puisque les membres de la Cours. Il faut savoir que les membres sont des magistrats qui sont amenés à faire des contrôles dans les dites administrations. Me concernant, j’étais plus dans le secteur du scolaire. que ce soit l’enseignement scolaire, l’enseignement supérieur et la culture. La Cour des comptes est ce qu’on appelle un Grand Corps de l’Etat et les membres sont amenés à faire des allers et retours dans l’administration “ active” même si je n’aime pas trop ce terme. Du coup, j’ai été aussi Directeur Général d’une agence de l’Etat que l’on nomme opérateur, il y en a plusieurs, le CIRAD, le BRGN, l’ Agence nationale de la cohésion des territoires mais en ce qui me concerne c’était l’ADEM, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et comme son nom l’indique, elle s’occupe de mettre en place, les politiques en matière de transition écologique ou de transition environnementale.
Puis, j’ai retrouvé ma “maison mère” en retournant à la Cours des Comptes où cette fois, j’ai été le secrétaire général adjoint et par la suite secrétaire général. C’est à l’issue de ce parcours que j’ai été nommé par le Président de la République, Mr Emmanuel Macron, dans des positions préfectorales en Mayenne donc j’ai été préfet de la Mayenne, dans les Pays de la Loire et depuis février 2023 comme Préfet de la Guadeloupe.
Mais qu’est-ce qu’un Préfet ? A quoi sert-il et quel est la différence entre lui et le gouverneur ?
Xavier Lefort : Avant de parler de la différence entre le Préfet et le Gouverneur qui n’existe plus à ce jour, il est important de revenir sur la fonction de Préfet de Département. Le Préfet dans un département ou dans une région est celui qui représente le Gouvernement, donc l’ensemble des ministres et le Premier ministre dans la région où il a été nommé. Il dirige l’administration de l’Etat dans une région ou dans un département. Alors, je sais que c’est très vaste. Depuis 1800 date où Napoléon Bonaparte a créé ce titre, sa fonction première du préfet c’est d’administrer l’ensemble des services dans un département qui ce qui permet de toucher à différents sujets comme s’intéresser aux questions d’urbanisme, de sécurité, des sujets agricoles, environnementaux, d’aménagement du territoire, de cohésion du territoire et de sécurité publique.
D’ailleurs, la mission la plus importante est la sécurité de ses concitoyens. Il a autorité vis-à-vis des services de sécurité donc il a autorité vis-à-vis des services de sécurité que sont la police la gendarmerie mais aussi les sapeurs-pompiers et puis en cas de crise, il a une fonction de Directeur des opérations c’est-à-dire que c’est le préfet qui coordonne c’est-à-dire que c’est le préfet qui coordonne l’ensemble des moyens publics lorsqu’on est en situation de crise sociale il doit maintenir l’ordre public ou encore encore en cas de crise climatique, il réunit l’ensemble des services et coordonne l’ensemble des moyens de secours et d’intervention comme ce fut le cas lors des cyclones Fiona, Maria, Tami ou Philippe ou les dépressions tropicales que j’ai connu depuis ma prise de fonction. A ce moment, le Préfet est à la tête du centre opérationnel départemental du COD où il coordonne l’action de tous les services de l’Etat y compris les services des collectivités y compris les services publics comme EDF, ORANGE pour assurer la continuité de l’action.
Justement, comment devient-on Préfet, est-ce qu’il y a un parcours spécifique à suivre ? Après le Bac faut-il aller dans une Université simple, passer des concours pour accéder à de grandes écoles ? ( ex-ENA, des écoles militaires comme Saint-Cyr Coëtquidan) ?
Xavier Lefort : Il n’y a pas de formation de préfet parce que l’emploi de préfet est ce qu’on appelle un emploi à la discrétion du gouvernement. Du coup, c’est le président de la République sur proposition du Premier Ministre et du Ministre de l’intérieur qui nomme es préfet. Il n’y a aucune condition ni d’âge, de diplôme ni d’expérience particulière. En général, les Préfets et Préfète sont des gens qui ont une solide connaissance de l’administration pour diriger l’administration. Ils sont donc passés par des écoles qui forment des administrateurs. On pense à l’École nationale d’administration ( ENA) qui est aujourd’hui devenu l’Institut national du service public. Pour beaucoup d’entre eux, ils ont une carrière qu’on appelle une Préfectorale. Ils ont été sous-préfets, puis préfets. Après, ce n’est pas le cas de tout le monde. On peut avoir effectuer effectivement une carrière dans d’autres administrations, (comme ce fut mon cas) et se retrouver à ce poste après une expérience confirmée dans la direction des services ou dans l’administration de l’Etat. Cependant, il y a des gens qui viennent d’univers complètement différents comme celui de l’entreprise. Vous voyez, il n’y a aucune formation type. Sans doute, je ne réponds pas à la question et j’en suis désolé mais il n’y aucune règle particulière pour devenir Préfet. Il suffit d’avoir une bonne expérience en administration, de connaître son fonctionnement pour le devenir. Par exemple, vous pouvez trouver des gens qui viennent de l’administration territoriale, comme les collectivités territoriales et qui ont exercé des fonctions de Directeur Général des services ( DGS) au sein des Régions, des Départements ou des Collectivités d’une certaine taille. Il y a donc une grande diversité des profils.
Vous parlez de nomination mais comment, vous avez su que vous deviendriez Préfet de la Mayenne ou de la Guadeloupe ? Est-ce que vous avez reçu un appel téléphonique, un email ?
Xavier Lefort : Tout passe par le cabinet du Ministre de l’Intérieur qui vous informe que vous êtes nommé à votre fonction. Votre nom est cité en Conseil des Ministres qui se font en général le mercredi. Vous êtes prévenu effectivement par le Cabinet qui vous dit que si cette décision est entérinée par le Président, vous prendrez vos fonctions dans quelques semaines dans le département dont vous aurez la charge. La nomination du Préfet se déroule au même moment que celle des Directeurs d’administration qu’on nomme les Hauts fonctionnaires lors du Conseil des Ministres.
Un peu comme les ambassadeurs alors ?
Xavier Lefort : Les ambassadeurs sont nommés en Conseil des Ministres mais ils reçoivent leurs postes via le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères mais c’est tout à fait le même processus de nomination.
Avant la Guadeloupe, quelle est la région ou quelles sont les régions que vous avez administrée (ées) ?
Xavier Lefort : J’étais préfet de la Mayenne. C’était mon premier poste de préfet. On va dire que je suis entre guillemets un jeune préfet parce qu’il y a des gens qui ont effectivement une expérience préfectorale plus longue moi. La Guadeloupe est mon deuxième poste en tant que tel. C’est que ça change de passer de la Mayenne à la Guadeloupe, mais c’est aussi ça l’intérêt du métier, de voir des situations très différentes et puis d’apporter dans le département dans lequel on est la vision, le fonctionnement d’un autre département où les choses se font différemment. Les contacts sont un peu différents avec les différents interlocuteurs que ce soit dans le monde économique, agricole donc c’est une expérience toujours très riche. de se confronter avec la gestion et l’administration d’un autre département. C’est vrai que ça change de passer d’un département hexagonal à un archipel. Peut-être que la Mayenne n’est pas très différente de la Sarthe ou du Maine et Loire. La Guadeloupe est un département particulier. C’est un département ultramarin qui a donc des spécificités, qui est à la fois un département, une région donc le préfet du département est le préfet de la région. Ensuite, il y a des particularités qui sont propres. Par exemple, rien que le fait ne serait-ce que de vivre sur une île au milieu de l’Atlantique. Du coup, les choses sont moins simples qui si nous étions dans un territoire hexagonal, donc quand vous avez un problème dans le public ou de sécurité civile, vous ne pouvez comptez que sur vos propres forces, quand vous êtes en Mayenne, vous pouvez faire appel aux moyens de l’Ille et Villaine ou de Sarthe, tandis qu’ici, même la Martinique qui est le département d’à côté n’est pas limitrophe. C’est donc une situation spécifique en termes de sécurité et de moyens d’approvisionnement où il faut prendre en compte l’environnement international parfois compliqué. Nous sommes entourés d’un certain nombre de pays avec qui nous entretenons des relations. Nous sommes dans des dépendances économiques, par rapport à l’Hexagone. Ce qui fait que l’exercice de ma fonction que j’ai pu avoir par le passé est aujourd’hui, moins simple mais j’ai su m’adapter.
Et quelle est la journée type d’un Préfet ? est-ce que votre programme est déjà fixé ou alors ça change tout le temps avec des imprévus ?
Xavier lefort : Il faut savoir qu’il n’y a aucune journée type d’un préfet. Vous ne pouvez pas imaginer ce qui peut arriver. Vous pouvez avoir une journée qui démarre par un accident à gérer ou un conflit social où vous êtes attendu en médiation. La journée d’un préfet change du tout au tout. Il y a à la fois de l’animation interne des équipes de la Préfecture en comité de direction ou en bilatéral pour traiter tel ou tel sujet. Le préfet a des grands interlocuteurs ou des grands subordonnés, que sont le directeur de l’agriculture, le directeur de l’emploi du travail et des solidarités, le directeur des affaires culturelles ou le directeur de la mer. Ces échanges sont réguliers. Puis, il y a aussi le fait d’être sur le terrain et pour moi c’est très important d’aller à la rencontre de tous les acteurs qui font la vie du département. En premier lieu desquels, les élus, les maires, les présidents de Région et du Département qui sont des interlocuteurs quotidiens. En début d’interview, je vous le disais, le Préfet a à la charge les administrations de l’Etat qui a en charge les politiques publiques dans le département et elles sont très vastes vu que l’Etat a des compétences très étendues comme je l’ai énuméré précédemment. Cependant, depuis la Loi de décentralisation de 1982, beaucoup de ces politiques publiques sont partagées avec les Collectivités locales.
Il faut savoir que la France est à la fois un pays décentralisé avec des collectivités locales et elle est aussi déconcentrée. Pour ceux et celles qui ne comprennent pas, dans la décentralisation, les collectivités sont en charge d’un certain nombre de compétences. Si je devais prendre des exemples, le Département a des compétences en matière de cohésion sociale notamment au regard de la protection de l’enfance. La Région, elle, a des ressorts en matière économique. Néanmoins, l’Etat a lui aussi autorité économique, social ainsi que des compétences agricoles sur le plan des aides agricoles, mais aussi l’Etat a une autorité l’inspection du travail ou encore en matière d’urbanisme et d’écologie etc. Nous sommes donc dans des politiques partagées avec les Collectivités. Vous comprenez donc qu’il est important que nous nous rencontrions pour se parler et faire le point sur les sujets que l’on copilote ensemble. Je peux parler de la thématique de l’eau qui nous intéresse Etat, Département et Région, nous nous rencontrons quasiment chaque semaine pour effectivement s’organiser et se répartir le travail pour faire avancer le dossier et prendre les décisions qui sont à prendre à notre niveau. Les Maires ont aussi besoin de l’appui de l’Etat dans leur fonction afin d’être aidé et conseillé sur le plan financier car l’Etat apporte un certain nombre de financements. L’Etat dépense rien que sur la Guadeloupe un peu plus d’un milliard et demi d’euros. L’Etat est donc un acteur économique important pour le territoire. En tant que Préfet, je rencontre aussi les acteurs du monde économique industriel, donc ce sont des relations quasi quotidiennes car je peux intervenir en action directe en apportant une aide quand il y a sinistre ou dans un rôle de médiation quand il y a un conflit dans une entreprise donnée, très récemment c’était dans le monde agricole avec les ouvriers de la canne à sucre ou EDF. C’est aussi ça le rôle d’un Préfet, être un médiateur et mettre tout le monde autour d’une table et trouver des solutions pour sortir de la crise.
Nous allions venir à cette question, donc il vous arrive de jouer les médiateurs dans les conflits sociaux, d’ailleurs quand vous avez pris vos fonctions, il y avait la grève EDF et les coupures de courant qui survenaient. Cela ne vous a pas trop choqué de prendre des fonctions dans une région avec beaucoup de conflits sociaux ?
Xavier Lefort : J’aime à dire que la Guadeloupe est une région-département tonique. (rires). Les gens savent ce qu’ils veulent mais ils ont parfois du mal à se mettre d’accord donc le Préfet à ce rôle tiers en étant extérieur d’avoir la confiance des deux parties opposées, car les gens se connaissent du coup, ils ont des difficultés relationnelles et donc, le fait d’avoir un acteur neutre, impartial, qui essaie de trouver une solution, c’est important. Comme vous l’avez mentionné, dans le conflit EDF qui opposait la direction aux syndicats engendrant des délestages ou dans le conflit de la canne à sucre entre les ouvriers et Gardel, ils ont nécessité tous deux la présence de l’Etat parce que derrière ces sujets-là, ce n’est pas uniquement régler un conflit interpersonnel entre des personnes qui n’arrivent pas à se mettre d’accord ça c’est aussi apporter des solutions puisque s’il y a un conflit, ce n’est simplement dû au fait de la mésentente il y a un système économique avec ses défaillances sur lesquelles il faut trouver des réponses, réinventer une organisation de la filière, rééquilibrer les différentes aides versées par l’Etat qui est un énorme contributeur financier à travers les aides agricoles.
J’en parlais également, mais le préfet a aussi un rôle en matière d’économie, c’est vrai que ce rôle est beaucoup moins visible, mais quand vous avez des entreprises en difficulté, elles se tournent vers l’Etat à travers le préfet qui dispose d’un certain nombre d’outils, comme on a pu le voir durant la période Covid-19. Il y a eu des plans de relance. Fort heureusement, cette période est terminée mais avec le directeur de l’emploi et du travail à accompagner un certain nombre d’entreprises.
Et n’est-ce pas trop mal vu que vous, Préfet, interveniez ?
Xavier Lefort : Je n’ai jamais eu ce sentiment que c’était mal vu. Au contraire. J’étais bienvenu dans la discussion et tout le monde se félicitait de la présence de l’Etat. Même les syndicats avec qui j’essaie d’avoir des relations excellentes, de respecter leurs actions syndicales et en même temps, je respecte l’engagement des professionnels et des chefs d’entreprise. Ce qui est important c’est la neutralité et l’impartialité du Préfet.
En début d’interview, vous faisiez la différence entre le Préfet de région et le Préfet du Département, quelle est t’elle ?
Xavier Lefort : Effectivement, vous avez des préfets de région et des préfets de Département. Dans une région type hexagonale, vous avez une région et plusieurs départements, le préfet de la région est aussi le préfet du département. Par exemple, le Préfet de la Bretagne est aussi le Préfet est aussi préfet du département de l’Ille et Villaine. Pareil pour le préfet de la Région des Pays de la Loire, est aussi préfet du département de la Loire Atlantique. Le préfet de la Région coordonne les actions des préfets de département. Il a un rôle notamment en matière d’animation économique, il a auprès de lui un secrétaire général pour les affaires régionales qui travaille sur les sujets notamment d’emploi, d’économie, de soutien à l’économie, d’aide aux collectivités. Pour revenir à la Guadeloupe, nous sommes dans une région monodépartementale donc le Préfet du Département classique s’occupe de l’administration de son Département et puis au niveau régional, il anime toutes les politiques notamment économiques. Par exemple, très récemment, j’ai rencontré le Président de Région pour signer avec les associations de consommateurs, pour organiser un meilleur contrôle des prix. Le tout est financé par l’Etat. On parle de vie chère, donc le rôle du Préfet du département et donc de la Région est d’assurer un meilleur suivi de ces questions de vie chère en instaurant un bouclier qualité prix et s’assurer du bon fonctionnement de l’ Observatoire des Prix pour mieux contrôler les prix.
En Outremer, donc ici en Guadeloupe, dès que l’on parle de Préfet, malheureusement, du fait de l’histoire, on pense au Gouverneur qui administrait la colonie, quelle est la différence entre un gouverneur et un préfet ?
Xavier Lefort : Aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir. Il faut que nous sortions de schéma car depuis 1947, la Guadeloupe n’est plus une colonie mais elle est devenue un département au sein de la République. Il n’y a donc plus de différence dans l’administration de l’archipel comme de la Martinique ou de la Guyane-Française par rapport à l’administration du Tarn et Garonne de la Moselle, des Ardennes. Le Préfet de la Guadeloupe n’est pas différent de celui des régions citées ou de celui de la Somme ou du Morbihan. C’est une organisation classique dans la République. Certes, il y a eu une histoire, la Guadeloupe était une colonie jusqu’en 1946 jusqu’à cette date, l’archipel était dirigé par un Gouverneur, comme Félix Eboué par exemple. Ce gouverneur rassemblait l’ensemble des pouvoirs et des compétences entre ses mains. Cette concentration de pouvoir n’existe plus de nos jours. Le Préfet est dans son rôle. Il y a des responsabilités institutionnelles qui sont exercées maintenant de façon complète et totale par le Président de région ou de département. Selon moi, il est important de le rappeler qu’en Guadeloupe, l’organisation institutionnelle ne diffère pas des autres régions et/ou départements hexagonaux ou ultramarins. Le préfet n’a pas vocation à se substituer aux présidents de collectivités. Il est important qu’on le sache. Chacun à ses compétences dans son rôle respectif, sinon ça s’appelle une confusion des institutions et ce n’est jamais bon pour la démocratie.
Comprenez-vous cette peur, cette appréhension, cette méfiance vis-à-vis du préfet, qu’il peut y avoir chez nous du fait de l’histoire coloniale ?
Xavier Lefort : Honnêtement, je n’ai pas l’impression qu’il y a une défiance vis-à-vis de mon rôle et de l’Etat, j’ai plutôt le sentiment sincèrement qu’il y a une attente vis-à-vis de l’État parce qu’il est neutre dans certains conflits. Puis, il représente une action sociale, économique et de sécurité dont tout le monde reconnait l’efficacité. Pour la petite anecdote, je me promène souvent en Guadeloupe tout seul en faisant mes courses ou quand je me balade, les gens me reconnaissent, ils sont très sympas et ils me félicitent pour ce que font les services de l’Etat. Je dirai donc que les relations avec les concitoyens est très positive et très agréable en Guadeloupe. Ici, me Préfet est très connu car on le voit partout, il est amené à s’exprimer souvent dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Dans l’ancien département où j’étais, je sortais dans la rue mais personne ne me connaissait, ici c’est différent, quand je sors faire mes courses à Basse-Terre, tout le monde me reconnaît. Il y a des salutations chaleureuses. Il y a donc une relation particulière à l’autorité de l’Etat par l’autorité préfectorale. Selon moi, les gens sont en demande de cette présence de cette action de l’Etat qui rassure, car elle assure la sécurité de nos concitoyens. Elle permet de jouer un rôle important sur le plan économique et social et les gens sont attentifs à ce rôle que je joue.
Justement, comment arrivez-vous à faire le lien entre la population, les politiciens locaux et l’Etat sans qu’il n’y ait de ressentiment vis-à-vis de vous et de l’Etat ?
Xavier Lefort : En ce qui concerne les citoyens car il ne pourrait pas avoir une relation avec 380 000 personnes. Cependant, quand on est Préfet d’un département, on est en lien direct avec les élus. En Guadeloupe, nous sommes dans une région-département avec un nombre limité de communes qui sont estimées à trente-deux, dans un département hexagonal, vous avez entre deux cinquante et trois cent cinquante communes. Le préfet ici a donc une relation plus personnelle avec les trente élus. Toutefois, le préfet n’est pas le seul à avoir cette relation particulière, les sous-préfets d’arrondissement l’ont également. Ces derniers sont dans leur arrondissement et ils exercent un peu les mêmes fonctions que le préfet vis-à-vis des acteurs économiques des concitoyens donc il y a le sous-préfet de Pointe-à-Pitre qui est Jean-François Moniotte et le sous-préfet de Basse-Terre qui est Maurice Tubul. Le sous-préfet de Basse-Terre est connu sous l’étiquette de secrétaire général de la préfecture. Puis vous avez le directeur de cabinet qui est Monsieur Franck Dorge de Vacher de Saint-Geran. Ensuite, vous avez un secrétaire général pour les affaires régionales. Le préfet est donc entouré d’une équipe de sous-préfets qui jouent ce rôle relationnel avec les élus locaux. Ces derniers m’appellent régulièrement pour des questions de légalité quand ils ont besoin de faire des choses sur leur commune, car, j’oubliais, le Préfet a aussi un rôle de contrôle de la légalité qui est important vis-à-vis des collectivités, leurs présidents et les actions qu’ils entreprennent. Rôle de légalité mais aussi de sanction mais le plus souvent, nous le faisons dans une posture de conseil. Souvent les élus demandent l’appui juridique de l’Etat savoir ce qu’ils peuvent faire ou si ce qu’ils envisagent de faire sur le territoire de leur commune est légal donc conforme aux lois. Un élu n’a pas forcément les forcément les formations de juriste ou de juriste des codes des finances publiques locales, il est donc de notre devoir d‘appuyer les Maires.
Dernière question, quel est votre plus gros défi en Guadeloupe ?
Xavier Lefort : Le premier et le plus grand des défis est de répondre aux attentes des citoyens sur tous les plans (social, économique et sécuritaire) d’ailleurs la question de la sécurité est quelque chose de prégnant. Nous connaissons les indicateurs et quand on les compare aux données nationales ou hexagonales, nous voyons qu’il y a un phénomène de délinquance violente qui est très forte en Guadeloupe. Nous devons lutter contre cette délinquance qui augmente. En plus, nous sommes dans un environnement international qui est violent. Il y a évidemment plusieurs éléments d’explication, la population est confrontée à des difficultés sociales qui sont plus fortes que dans l’Hexagone. Ces difficultés sont réelles, couplé à cela, la Guadeloupe est entourée d’Etats extrêmement délinquants ou fortement violents avec des trafics en tout genre notamment le trafic de drogue, d’armes etc. Tout ceci fragilise notre situation. Nous sommes à mi-chemin avec la Colombie et la Floride et ça rend le sujet plus compliqué et c’est une priorité à travailler. Pour y parvenir, cela suppose de mettre en place des actions de répression, pour cela, c’est le rôle des forces de l’ordre ( police et gendarmerie) mais ça suppose aussi des actions de prévention par l’éducation ou par de meilleures prises en charge des familles monoparentales et c’est vraiment une priorité.
L’autre grande priorité, bien qu’elle ne relève pas des prérogatives de l’Etat, c’est l’eau. C’est important de le souligner. Cependant, l’Etat contribue par ses moyens son expertise de rétablir un fonctionnement des infrastructures nominales d’eau. Il faut rappeler, que l’État n’a aucune compétence dans ce domaine, normalement ce sont les collectivités locales qui ont cette charge mais après, l’Etat ne peut pas se désintéresser de ce sujet.
C’est important que vous le disiez car la population croit que l’eau est une compétence de l’Etat.
Xavier Lefort : C’est vrai qu’il est important de rappeler pour tout un tas de raisons, historiques notamment, qu’il y a eu une très mauvaise gestion de l’eau en Guadeloupe, avec des collectivités qui n’ont pas fait au fil des ans les travaux d’infrastructures ou de mise aux normes et de mise à niveau du réseau de distribution ayant pour résultat qu’aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation difficile. Il faut qu’on en sorte. Je constate la volonté très forte des collectivités de résoudre le problème et il est du devoir de l’Etat de les appuyer, d’apporter une expertise à travers la DEAL (Direction de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement) qui a cette compétence en matière d’écologie et d’environnement. L’Etat apporte des moyens financiers pour aider les collectivités locales mais, l’Etat ne peut pas tout faire, le reste est à leur charge mais il faudra que nous reprenions en interne des collectivités ces compétences pour que nous l’exercions comme toutes celles que nous partageons avec elles. C’est un travail de longue haleine qui ne va pas se résoudre en quelques mois puisque ça demande de revenir sur quarante ans de très grandes difficultés, d’absence d’investissement dans les infrastructures. C’est donc à l’Etat de réunir autour d’une table les différents acteurs des collectivités afin que tout le monde avance dans le même sens.
D’accord, merci Monsieur le Préfet.
Xavier Lefort : Je vous en prie.