Maryse Coppet, avocate au barreau de Bruxelles et lobbyiste engagée à l’Union Européenne, revient sur des sujets brûlants qui touchent l’Outremer : la vie chère en Guadeloupe, l’octroi de mer, et l’influence du lobby Béké. Découvrez son analyse et son travail au service des intérêts ultramarins dans cet entretien exclusif.
Ah ! La vie sous les tropiques, la farniente sur les plages aux eaux turquoises, les rivières crystallines, l’ambiance festive du carnaval, autant de clichés qui donnent envie aux voyageurs en quête de sérénité. Cependant, derrière ce décor de rêve, il y a un revers.
Ces îles pourtant paradisiaques sont loin d’être des paradis pour ceux et celles qui y sont originaires. Entre le chômage plus important que l’Hexagone qui touche 30 à 40% de la population notamment les jeunes. Un taux de pauvreté plus important qu’en France Hexagonale. Selon les dernières données de l’INSEE, en Guadeloupe 20% des personnes dites seules sont en situation de grande pauvreté 17% des familles monoparentales pareil. En Martinique, on estime que 13% des personnes seules vivent dans une grande pauvreté tandis que 17% des familles monoparentales sont une situation financière difficile. Le constat est le même pour ce qui est de la Guyane où en 2023, 14% de la population est en grande difficulté tandis que 32% des familles monoparentales est en situation de grande pauvreté.
Alors que la pauvreté augmente, la situation est compliquée par une Octroi de mer rendant la vie plus chère qu’elle ne le devrait. Ceux et celles d’entre vous qui n’en auraient jamais entendu parler, L’Octroi de mer était une taxe coloniale créée par le ministre du roi Jean-Baptiste Colbert, spécifiques aux colonies françaises mais toujours applicables dans les départements d’outre-mer français (DOM), notamment en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion. Cette taxe est appliquée sur l’importation de biens dans ces territoires, qu’ils proviennent de France métropolitaine, de l’Union européenne ou de pays tiers et elle s’applique sur les biens importés ainsi que sur certains produits locaux en fonction de leur origine et de leur nature. Les taux varient selon les catégories de produits et les collectivités. Ils peuvent aller de 0 % à 30 % environ, officiellement.
La situation est d’autant plus anxiogène que subsiste une inégalité entre les possédants en général les descendants des colons qu’on nomme les Békés et la population en grande majorité afro-descendante dont les ancêtres ont été amenés de force comme esclave dans ces terres pour exploiter les vastes champs de canne à sucre, de café, de cacao ou d’indigo qui ont fait la fortune des colons, des négociants des villes portuaires hexagonales de Bordeaux, La Rochelles, Nantes, Brest ce qui a conféré à la France sa position de puissance dont elle jouit encore aujourd’hui. Les récentes manifestations qui ont eu lieu en Martinique entre Septembre 2024 et fin Novembre de la même année ont fait ressurgir ces problématiques déjà dénoncées en 2009 lors des manifestations du LKP menées par Elie Domota en Guadeloupe et le Collectif du 5 février à la Martinique. Ainsi, les années passent et rien ne change pour les habitants, au contraire, la misère s’accroît poussant les Guadeloupéens(nes) et Martiniquais(aises) à quitter leurs îles pour une vie plus agréable faite de plus grandes perspectives vers la France Hexagonale ou vers le Canada.
Diplômée en droit européen, avocate au barreau de Bruxelles, depuis plusieurs années, présidente du M.O.M ( Mouvement pour les Outremers), ancienne déléguée du CREFORM (Conseil Représentatif des Français d’Outre-Mer) aux questions européennes, Maryse Coppet est avant tout une lobbyiste à l’Union Européenne. Face à nos caméras, elle est revenue sur des sujets d’actualité : la vie chère en Guadeloupe et en Outremer, l’octroi de mer, lobby Béké et son travail de lobbyiste à l’Union Européenne.
Me Coppet, bonsoir, soyez la bienvenue dans notre concept “ Rencontre avec “ tourné au Karukera Café. On entend souvent parler de Droit Européen, de Lobbyisme, donc ensemble on tenter d’en apporter les explications. Mais avant tout, qui êtes-vous ? Pourriez-vous vous présenter assez rapidement pour nos téléspectateurs et téléspectatrices ?
Maryse Coppet : Bonjour, avant tout, je vous remercie de me recevoir. Alors qui suis-je ? Me Maryse Coppet, avocate au barreau de Bruxelles je suis originaire de la Guadeloupe. Mais je me considère profondément antillaise, à la fois guadeloupéenne et martiniquaise, de mère Guadeloupéenne et mon père était de la Martinique. J’ai grandi en Guadeloupe jusqu’à l’âge de 17 ans où après mon BAC je suis parti étudié en Belgique à Bruxelles où je suis désormais avocate au Barreau de Bruxelles et en même temps je suis lobbyiste auprès des institutions européennes. Il est vrai que l’on entend souvent parler de moi parce qu’en ce moment je sonne le tocsin car pour moi, il est important que nos départements d’Outremer s’orientent vers la défense de leurs intérêts d’où le lobbying dont on va parler aujourd’hui.
Quel est votre parcours professionnel ? Qu’avez-vous déjà fait après tant d’années ?
Me Maryse Coppet : Oh, tant d’années, vous savez je suis encore très jeune (rires). Comme je vous le disais, une fois que j’ai eu mon BAC, j’ai quitté l’archipel et j’ai fait mes études à Bruxelles en Belgique. Je suis parti avec la volonté de travailler à l’international. Je venais d’un territoire français de 400 000 habitants, j’avais l’envie de découvrir le Monde. Il était donc important pour moi de partir à l’étranger. J’ai étudié entre Londres et Bruxelles. J’ai passé plus de temps finalement à Bruxelles qu’en Guadeloupe en qu’en France. J’ai cette carrière européenne et internationale qui me plaît et comme souvent comme vous le savez, nous les insulaires, nous avons ce besoin de partir pour découvrir le Monde, d’ailleurs, nous sommes riches d’une diaspora répartie aux quatre coins du globe et je trouve ça beau.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir avocate ? Etait-ce un choix d’enfance et vos parents étaient-il d’accord par ce choix de carrière ?
Maryse Coppet : Je dirais que c’est presque inné chez moi la défense des intérêts. Je pense que j’avais suffisamment de caractère pour me dire qu’il fallait porter ma voix. Depuis petite, quand j’étais au collège et au lycée, j’avais cette volonté de défendre mon prochain parce que quand on est originaire des Départements d’Outremer, on est confronté de façon permanente à l’injustice. Une injustice historique notamment au regard de l’esclavage. Ainsi, mes arrières grands-parents étaient esclaves, mes grands-parents ont été enseignants, ils ont eu ce parcours de transmission de se battre et de vouloir toujours mieux pour les nôtres. Mes parents ont toujours voulu faire mieux pour leurs enfants. Ma mère issue d’une famille de sept enfants qui étaient travailleurs et voulaient réussir et pour eux réussir c’est s’épanouir, avoir un travail pour accéder à cette liberté et cela passait par avoir un travail qui nous plaît et d’apporter quelque chose à la société. Elle est devenue pharmacienne. Mon père venait d’un milieu très pauvre, il a perdu son père quand il avait cinq ans, il a quitté l’école quand il avait seize ans, sa mère était tétraplégique mais malgré cette situation cela ne l’a pas empêché de réussir puisqu’il était un homme d’affaires. Il était importateur automobile très connu dans les territoires ultramarins. Comme j’aime à le dire, je suis le fruit d’une alliance avecv ma mère avec son côté intellectuel et un père qui s’était fait seul qui avait sans arrêt envie de cette justice sociale et de donner au peuple, il a même eu des écoles de formation pour les garagistes et il avait aussi cette ouverture sur le Monde. Il me disait toujours, “tu sais d’où tu viens et tu dois savoir où tu vas et qu’on a chacun dans cette société une fonction bien spéciale, on a un rôle à jouer”.
C’est tout ceci qui me donne l’envie aujourd’hui de prendre la parole pour mon peuple. Même si je vis à l’extérieur, je sais d’où je viens qui je suis et pour moi le peuple a besoin de ces notions de défense de ses intérêts. Vous comprenez donc cette volonté de défendre son prochain, je la tiens de mon histoire familiale.
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Vous êtes avocate spécialisée dans le Droit Européen, en 2020, vous avez été élue Déléguée du Créform de la Guadeloupe ainsi que Déléguée Nationale en charges des relations avec les Institutions de l’UE, mais première qu’est-ce que le CREFORM ? A quoi sert-il et quelles sont vos actions pour lui ?
Me Maryse Coppet : Il est vrai que j’ai été sollicitée par le CREFORM en 2020 pour devenir sa représentante en Guadeloupe et je ne connaissais pas. Ils m’ont demandé de représenter les intérêts de l’Outremer au niveau Européen donc c’est le Conseil représentatif des Français d’Outre-mer, c’était la première fois que j’entendais parler finalement d’une association qui avait vocation à défendre les intérêts de nos citoyens d’Outre-mer qui en ont profondément besoin. J’ai donc eu la présentation de cette association mais une fois que je les ai rencontrés, je leur ai dit que je suis une technocrate, je peux donc faire de la procédure communautaire, je vais ouvrir des procédures d’infraction afin que nous ayons une égalité de droit d’accord et lorsque les procédures ont été enclenchées et qu’il était d’accord initialement, Daniel Dalin a demandé à ce qu’on arrête tout et c’est là que l’on parle de lobbying car quand on ouvre la page d’accueil du site du CREFORM, je découvre que derrière eux, se cache EURODOM, le fameux lobby béké de la banane qui est le fondateur de ce conseil représentatif des peuples d’Outremer. Je comprends mieux pourquoi Mr Dalin m’a demandé d’abandonner les procédures que j’avais engagées pour défendre nos citoyens. Il a même contacté la Commission Européenne pour qu’on l’enlève mais aucune crainte elles sont toujours en cours. Elles continuent.
Maintenant vous vous rendez compte que les lobbies puissants des colonies infiltrent ceux qui soi-disant sont censés défendre nos intérêts comme le CREFORM. A partir du moment où vous avez un Conseil représentatif des Outre-mers qui est censé être notre lobby et qu’il est infiltré par un contre lobby, on n’ira pas bien loin. J’ai découvert que nous les ultramarins, nous n’avons aucun lobby véritablement représentatif. J’ai donc créé une association qui s’appelle Mouvement Outremer qui est une association de défense des ultramarins qui a comme objet social d’ester en justice auprès des institutions européennes pour pouvoir introduire des procédures judiciaires parce que ces associations n’ont pas cette capacité et je le déplore. J’ai ouvert récemment une procédure concernant le chlordécone.
Vous comprenez pourquoi je suis consternée de voir que nous avons une association nommée le CREFORM qui n’a pas pour vocation de défendre les populations d’Outremer mais de s’assurer que ceux qui auraient intérêt à défendre les populations soient verrouillés. Cependant, sachez que ce n’est pas la première fois que ça se fait car quand vous prenez les grands textes de l’Union Européenne par exemple la Directive Single Use Plastic ( Directive de plastique à usage unique) vous êtes sûr qu’à chaque fois qu’on a des propositions législatives et des actions de lobbying auprès de l’Union Européenne, vous êtes sûrs que parmi les membres qui veulent défendre un plan il y a des opposants qui infiltrent les organisations qui le défendent. Ils infiltrent car il faut toujours savoir ce que font les autres et du coup ça ne m’étonne pas de la part de lobby comme Eurodom.
C’est vrai que vous êtes Lobbyiste, installée à Bruxelles, capitale de l’Union Européenne, dès que l’on entend parler de Lobby, d’Union Européennne on voit souvent le côté obscur de cette fonction et d’institution, mais qu’est-ce qu’être lobbyiste, le lobby et comment votre travail se déroule au sein de l’Institution Européenne ?
Maryse Coppet : Il faut être honnête, c’est très français de s’imaginer que le lobbying est quelque chose de négatif, il n’y a qu’en France qu’il y a cette vision négative parce que vous de façon très pragmatique vous avez un droit qui est supranational, le Droit Européen qui est au-dessus du Droit Français. Il faut aussi savoir qu’aucune disposition législative ne peut contrevenir et ne peut être en opposition au Droit européen, vous avez un droit avec des directives européennes, elles doivent être transcrites en droit français. Pour faire simple, vous avez un droit qui est au-dessus de celui des vingt-sept états membres, vous pensez bien que ceux qui dictent les textes, ils sont dans leurs bureaux ils ne peuvent donc pas être dans les vingt-sept états donc ils rencontrent les lobbyistes qui sont là pour représenter les intérêts des personnes mais aussi des personnes morales vous avez aussi la protection des animaux ainsi que tous les secteurs sur lesquels l’Union européenne doit légiférer qui sont représentés à travers les lobbies c’est la même chose aux États-Unis à Washington et le lobbying fait partie du cadre réglementaire. On a bon dos de faire croire que le Lobbying est quelque chose de sournois et pas clair mais il faut que vos lecteurs et lectrices sachent que les lobbyistes sont inscrits auprès de la Commission européenne dans le registre de la transparence de l’Union Européenne. Cette commission sait qui nous sommes et ce que nous faisons.
Pour revenir à mon parcours, il est vrai que je suis de la Guadeloupe donc d’un territoire d’Outre-mer mais je n’ai pas fait ma carrière sur la défense de nos problématiques, je suis une spécialiste du secteur de l’énergie, de la santé. Je suis présidente d’Espace Europe Equipement Energie à Bruxelles donc je préside le lobby de l’énergie. Je travaillais sur beaucoup sur le nucléaire sur les énergies renouvelables Atomenergoprom donc les Russes sur les quotas d’Uranium dans l’Union Européenne. J’ai collaboré avec presque toutes les grandes entreprises du secteur de l’énergie. Même au niveau de la santé, j’ai ouvert les procédures d’infraction contre la France que j’ai gagné notamment sur la libéralisation secteur des laboratoires d’analyse médicale avec la prise de participation dans les laboratoires d’analyses médicales qui a permis à la direction générale de la concurrence de saisir le bâtiment de l’ordre des Pharmaciens et à donner des amendes aux pharmaciens. On sait que la France, du fait de son histoire a toujours tendance à être très autocentrée et à vouloir donner des leçons à tout le monde. Je prends un exemple, vous avez sans doute entendu parler de l’Accord de Paris sur le climat et toutes les COP qui ont suivi depuis ? J’ai été intervenante à plusieurs de ces grands meetings internationaux à la demande de l’Union Européenne, j’ai fait la COP Marrakech, COP Berlin etc Toutes ces rencontres sont censées promouvoir le développement durable par les énergies, lutter contre la déforestation et diminuer les gaz à effet de serre mais vous avez un Etat Français qui ne se prive pas de puiser dans le pétrole en Afrique notamment.
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Il est vrai qu’en ce moment il y a un problème en Ouganda avec Total Energies ?
Oui, mais si on prend le cas de nos territoires concernant l’énergie, nous avons les centrales EDF qui fonctionnent au fioûle lourd que l’on va importer par bateau et qui va alimenter ces centrales. Cependant, on ne fait plus de fioûle lourd en Union Européenne, sauf chez nous en Outre-mer français, Guadeloupe, Martinique, l’île de la Réunion. De plus, on subventionne la déforestation des arbres au Canada et au Brésil les programmes d’Albioma qui avec les pellets permettent d’alimenter les centrales pour produire de l’énergie et on assure une espèce de dépendance énergétique avec des émissions de gaz à effet serre. Là encore, on aborde la question du lobbying avec un Accord de Paris et à côté de ça avons la direction générale de la concurrence qui demande à la France d’arrêter cette politique de dépendance énergétique qui est organisée ici en Outre-mer car, il faut arrêter de promouvoir le pétrole et il faut assurer le développement des énergies renouvelables. Pour revenir à nos territoires, nous avons des pellets de bois que l’on fait brûler dans une centrale à Moule pour faire fonctionner la turbine, il faut beaucoup d’eau alors qu’on a des problématiques d’eau en Guadeloupe, les agriculteurs de la Grande Terre n’en ont pas ni la population qui vit avec des coupures régulières, on coupe l’eau agricole, on brûle des pellets de bois, donc il y a pas d’étude environnementale donc on fait des choses qui sont en dépit du bon sens dans nos départements car à la Martinique c’est la même chose car vous avez la centrale Albioma soutenue par Mr Letchimy, mais comme en Guadeloupe, on importe des pellets de bois mais dans tout ça, les DROM sont dépendants énergétiquement des énergies fossiles qui sont acheminées par des transporteurs maritimes donc des bateaux. Il faut savoir qu’à chaque fois que vous importez un combustible, ça rapporte de l’argent aux collectivités donc les collectivités soutiennent cette dépendance énergétique.
Un peu comme l’Octroi de mer, mais nous y reviendrons.
Me Maryse Coppet : Effectivement comme l’Octroi de mer. Vous avez un système économique dans les départements d’Outre-mer qui est un système de dépendance économique organisée avec l’appui des Collectivités parce que l’État a trouvé le moyen de maintenir cette situation avec des lobbyistes qui s’assurent que le système de dépendance se perpétue. En même temps, à partir du moment que cette dépendance vous rapporte, vous avez intérêt à la soutenir.
Il y a pourtant des subventions en matière d’énergies renouvelables, peut-être qu’il n’y a pas d’investissements clairs dedans ?
Me Coppet : Non, ce n’est pas cela. Partout dans le monde, il y a des investissements clairs mais beaucoup moins en France et dans les départements ultramarins contrairement à tout le marketing qu’on peut voir. Dans nos Outre-mer, ils ont trouvé un système incroyable de dépendance que même la Commission Européenne m’a alerté que la France va importer du bois du Brésil ou d’ailleurs avec des fonds FEDER et FAEDER pour un projet économique qui représente un non-sens économique et qui est contraire au Green Deal. J’ai porté plainte contre la France à ce sujet notamment à Marie Galante où l’Etat et les Collectivités voulaient faire une centrale sur l’île avec une grosse importation de bois. D’ailleurs, je suis à la tête du projet Marie Galante Île durable porté au niveau national et européen sous le nom INSULAE qui vise à assurer un développement territorial à tous les niveaux, social, éducatif (numérique, économie circulaire) et même énergétique, parce que l’Union Européenne travaille sur l’autonomie énergétique de tous les territoires insulaires à ce titre je travaille donc sur toutes les îles de l’Union européenne et ensemble nous avons fait un modèle de développement basé sur l’autonomie énergétique mais pas que puisque on travaille sur l’économie circulaire, l’éducation et la téléphonie dans des territoires que l’on nomme des zones non interconnectées et vous avez un modèle extraordinaire pour l’Afrique et pour le monde entier.
Est-ce que n’importe qui peut devenir Lobbyiste ? Y’a t-il un parcours à suivre, des études à faire ?
Me Coppet : Ah non, j’ai fait 12 ans d’études. J’ai fait des études de droit à Bruxelles ensuite j’ai fait mon Master en Droit européen à Londres où je travaillais. Puis, j’ai fait une école de commerce à Bruxelles. Ensuite, j’ai fait une formation à l’ENA en financement multilatéraux, un cursus court mais c’est surtout de la pratique faite de réunions avec la Commission. J’oublais aussi que je suis aussi spécialisée en Inpi en droit de la propriété intellectuelle. A Londres, j’ai travaillé dans le plus gros cabinet dans le domaine. Être lobbyiste passe par comprendre les rouages juridiques et la mécanique de textes européens parce qu’un client qui vient me voir il a une problématique de marché où il est confronté à un abus de position dominante à une fermeture de son marché ou un non-respect législation européenne je peux l’informer de ses droits présents, travailler avec la Commission Européenne et puis ouvrir des procédures d’infraction qui requièrent la qualité d’être avocat et de connaître sa matière.
Donc ce n’est pas tout le monde qui peut le devenir ?
Me Coppet : Non non.
Nous sommes en Guadeloupe, donc aux Antilles-Françaises, à chaque grève ou mouvement social, les Békés sont pointés du doigt pour leur mainmise économique sur nos îles, sont-ils un lobby et sont-ils si puissants qu’on veut le faire croire ?
Me Maryse Coppet : Ce n’est pas une question de faire croire, ce sont des faits. Aujourd’hui l’alimentation ainsi que tout le secteur de la distribution et même au delà car il y a très peu de secteurs qui ne leur appartiennent pas. Nous avons clairement une position dominante et même dans un abus de position dominante. Nous sommes en présence d’un oligopole ce qui veut dire que c’est un groupe qui détient tout de A à Z avec une succession d’entreprises et d’intermédiaires qui permettent d’augmenter les marges. Concrètement, vous avez une entité qui décide de tout : au niveau juridique, elle décide de qui aura les subventions. Ce lobby décide également quelle est la législation européenne qui va s’appliquer aux Départements d’Outre-mer. Pourquoi, il a autant de pouvoir ? Parce que tout simplement, systématiquement les élus des départements d’Outre-mer et tous les secteurs ont délégué leur pouvoir de signature à ce lobby. A ce propos, je vous invite à regarder le site de la Commission Européenne qui prouve mes dires car il y a des éléments publics.
Tout est publié ?
Me Coppet : Oui, si vous regardez le registre de la transparence, le lobby d’ Eurodom s’affiche comme le représentant de tous les acteurs économiques des Département d’ Outre-mer qui est Eurodom.
Et qui ou quelle entité est derrière Eurodom ?
Me Maryse Coppet : Derrière Eurdom c’est le groupe Bernard Hayot ( GBH).
D’accord.
Me Coppet : Ensuite, vous voyez sur la liste de représentativité d’Eurodom, vous voyez la Région Guadeloupe, la Région Guyane et en Martinique comme ils sont chez eux, il décide de tout et il ne s’en cache pas. Pour étayer mes propos, je peux citer un rapport du Sénat fait par Victorin Lurel qui mentionne Eurodom comme le lobby qui décide de tout même le FEDOM et LODEOM et donc l’Octroi de mer même la Pêche et tous les secteurs économiques à Bruxelles. D’ailleurs sur cet oligopole, la Commission Européenne m’a déjà interpellé sur ça car les fonctionnaires européens se retrouvent en face de Békés alors qu’ils savent que la population de nos territoires est noire. Tout ce que je dis est factuel.
Est-ce que selon vous, nous aussi, antillais, afrodescendants nous créions des lobbys pour faire aussi entendre nos voix à l’Elysée et même à Bruxelles ? Déjà est-ce qu’il y a un lobby antillais ( autre que les békés) dans ces institutions ?
Me Maryse Coppet : Ecoutez, c’est pour cela qu’aujourd’hui, je prends mon bâton de pèlerin avec la création de l’association Mouvement Outremer et il est important que les gens adhèrent à l’association et qu’ils me parlent de leurs problèmes afin que j’en fasse l’écho à Bruxelles. J’ai beaucoup regretté que la Chambre d’agriculture est déléguée son pouvoir de signature au lobby d’ Eurodom qui désormais décide à quel agriculteur sera attribué le FAEDER raison pour laquelle nous ne faisons que de la canne à sucre et de la banane alors qu’on ne produit pas autant de sucre qu’on veut nous le faire croire.
Ah bon ? Comment ça ?
Me Maryse Coppet : Si vous ne le saviez pas la majorité du sucre que l’on consomme chez nous n’est pas produit localement. Quand vous allez en Martinique, le sucre dénommé le Galion, c’est un sucre qui est importé. Très récemment, l’autorité sanitaire a rappelé certains sachets de cette marque puisqu’il y avait eu un grand risque sanitaire parce qu’il y avait des objets métalliques qui avaient été introduits dedans. Donc le sucre produit localement n’est pas totalement local. Si vous prenez les hectares de terre et que vous faites le calcul avec les tonnes de sucre ou les litres de rhums fabriqués, vous comprendrez mieux que nous ne pouvons produire autant. Vous pouvez aller chercher sur internet en tapant “ le Galion retour de produits.” C’est aussi le cas pour Marie Galante ou Gardel, le sucre est en sachet et beaucoup n’est pas produit localement.
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En 2009, la population Guadeloupéenne, Martiniquaise étaient dans les rues pour demander la fin de la vie chère, cette année la Martinique est arrivée à un état insurrectionnel du fait de la vie chère, j’ai comme l’impression que la vie chère n’est jamais réglée mais y-a t’il une réelle volonté d’y mettre fin ?
Me Maryse Coppet : Honnêtement, il n’y a pas de vraie volonté d’y mettre fin, ni venant de l’Etat ni de nos élus. J’appuie mes dires sur la multitude de rapports qui nous démontrent que la vie chère est liée en premier lieu à l’Octroi de mer et quand on voit les propos tenus par des élus en Martinique très récemment [lors de la récente manifestation] qui affirmaient que ce n’était rien, alors qu’un affirmant qu’avoir un Octroi de mer de 22% à 25% sur le riz n’était pas grand-chose alors que ça rend le quotidien de nos compatriotes cher. Avant, il convient pour moi de définir ce qu’est l’Octroi de mer pour que ceux et celles qui liront cette interview comprennent bien.
Cette taxe est une législation spécifique aux Départements d’Outremer. Elle date du XVIIe siècle. A cette période, le pouvoir colonial s’est assuré que les colonies n’allaient produire que des choses à exporter vers la Métropole coloniale et qu’elles n’allaient produire aucun produit manufacturé. Pour y parvenir, ils vont créer une barrière douanière à l’entrée de ces territoires afin de ne rien importer comme produits manufacturés. Elle a aussi existé en Afrique quand ces pays étaient des colonies, aujourd’hui qu’ils sont indépendants, elle n’existe plus. Toutefois, elle est restée chez nous dans les Outremers français. Elle naît avec le pacte colonial car la colonie ne sert qu’à un chose produire du coton, du cacao, des épices mais surtout du sucre qui était l’or noir de l’époque, d’où la traite négrière avec des millions d’esclaves envoyés de force vers ces territoires pour travailler et en retour la métropole consommait le fruit de leur dur labeur. Si vous ne le saviez pas, les Outremers ont interdiction de produire du vin [depuis Napoléon] car la “mère patrie en faisait et il n’était pas question d’en produire localement. Malgré l’évolution statutaire de nos régions, cette législation est restée et elle perdure avec la complicité des élus locaux car les dirigeants et les colons de l’époque pour la maintenir ce sont dits qu’une partie des recettes de l’Octroi de mer irait à ces élus locaux [noirs] qui deviendraient les premiers défenseurs de son maintien et du coup de la poursuite du système colonial et les penseurs de ce système y sont arrivés. De nos jours, nous avons donc un système qui s’assure que tout ce qui va rentrer sera taxé.
Cependant, cette taxe rend la vie difficile pour ceux qui y vivent. Par exemple, si vous êtes boulanger, vous importez la farine, le beurre et les matières premières pour cela vous allez payer un Octroi de mer externe qui va de 0 à 130% donc dire que c’est peu de choses quand on sait que pour la plupart des produits alimentaires la taxe est à 60% donc quand vous achetez vos produits vous payez ça directement avant même d’avoir vendu vous imaginez la trésorerie qu’il vous faut pour payer l’Octroi de mer ? Mettons-nous à la place de ce boulanger qui doit fabriquer son pain avec la douane qui lui prend 15% de son chiffre d’affaires. Ce qui veut dire qu’on lui enlève tout le bénéfice qu’il devrait avoir. C’est donc la raison pour laquelle vous n’avez pas de développement économique, pas de production locale. J’ai évoqué le cas du boulanger mais je peux aussi parler du chocolatier. Dans nos latitudes, on pourrait faire du chocolat en noisette mais on ne peut pas car vous avez du cacao et si vous voulez puisque pour avoir le produit finit il vous faudra importer les noisettes mais on va les taxer à un niveau d’Octroi de mer tellement élevé qu’à peine vous aurez mis les noisettes dans le chocolat ça va déjà coûter cher et puis si vous produisez va vous demander un pourcentage de votre chiffre d’affaires. Cette situation est unique au monde mais on le vit chez nous en Outremer.
C’est donc pour cela que la vie est chère ?
Me Coppet : Non, car ce qu’il y a de plus subtile avec l’Octroi de mer, c’est que tout le monde ne le paye pas. Les lobbies dont nous parlions tout à l’heure se sont assurés qu’ils ne paieraient pas. Encore une fois, je n’exagère rien, il y a des études ainsi que les rapports de la Cours des Comptes qui l’expliquent. D’ailleurs, à la Région Guadeloupe, [vu que nous y sommes] il y a une Commission Octroi de mer avec le nom des gens qui y siègent certains sont membres du CESE qui est un grand défenseur de cette taxe pourtant même la Cours des comptes s’en étonne de voir qu’une entité censée défendre les entreprises défendent l’Octroi de mer alors que c’est une taxe très élevée que l’on impose aux entreprises ce qui a pour conséquence le phénomène de vie chère que nous vivons. Par contre, qu’a fait le lobby [lobby béké] ? Il est allé demander à la Commission un système d’exonération. Pour faire simple, cette dite commission statuera sur quel produit sera à tel taux et qui sera exonéré.
Et l’Etat n’a rien à voir dedans ?
Me Coppet : Non, ce sont nos élus qui se réunissent et qui statuent et ils se mettent d’accord sur l’exonération de telle ou telle filière ou l’imposition du taux de taxes souhaité. On nous fait croire que ça participe au développement économique local alors que ça ne fait que bloquer la production locale puisque sa fonction première et cela ne crée pas d’emplois. De plus, la Cour des comptes nous dit que les membres de la commission Octroi de mer qui sont payés par la Région pour travailler ne sont même pas présents lors des réunions et qui plus est, durant ces assemblées, vous avez des entreprises qui s’assurent que les concurrents souvent extérieurs ne vont pas pénétrer le marché donc encore une fois, vous avez une position dominante et même un abus de position dominante avec ce même Oligopole puisqu’il s’assure bien évidemment que les concurrents pays l’Octroi de mer tandis que lui, ne le paye pas. En plus de ça, ils auront de la subvention FEDER, de la défiscalisation et la Cour des comptes parle d’une succession d’aides d’Etat en plusieurs centaines de millions d’€ devrait être notifié à la Commission Européenne et ils ne le font pas. C’est illégal. Vous comprenez donc pourquoi aucun élu n’est venu soutenir les manifestants en Martinique car, ils n’ont aucun intérêt à voir la vie chère disparaître puisqu’ils vivent grâce à elle.
Vous êtes aux avant-gardes si je peux dire de tout ce qui se passe en coulisse, mais quelle est votre vision de l’avenir de la Guadeloupe et plus généralement des Outremers ?
Me Maryse Coppet : Vous savez, j’étais intervenue sur le sujet de la vie chère en 2020, j’avais donné quelques conférences parce j’avais été interpellée par la Commission européenne qui demandait la suppression de ce régime dérogatoire.
La Commission a demandé sa suppression ?
Me Maryse Coppet : oui, elle veut supprimer l’Octroi de mer qu’elle considère comme un pacte colonial car il n’existe nulle part ailleurs dans l’Union Européenne où les gens sont empêchés de travailler sans payer autant de taxes faisant qu’ils payent tout plus cher que les autres citoyens de l’UE. Ceci constitue une atteinte à la libre circulation des marchandises et des personnes car si vous partez de Paris et que vous allez à Cannes, on ne vous demandera pas de payer une Octroi de mer. Par contre, si vous êtes à Paris et que vous souhaitez partir travailler en Guadeloupe deux ans, vous devez payer l’Octroi de mer sur votre voiture du coup, vous êtes obligés d’aller acheter une voiture chez eux qui sont déjà en situation de monopole dans le secteur de l’automobile et ce sont les mêmes qui dominent le secteur de l’alimentation. On les connaît. Tout le système est organisé pour que les populations ultramarines sont juste là pour consommer ce que vend le lobby béké en plus au prix qu’il décide et au passage il coule la concurrence en imposant 60 % de taxes à ce dernier qui est obligé de le répercuter sur le consommateur qui va payer le produit plus cher. Alors que nous savons que ce qui fait baisser les prix c’est la concurrence. Or, nous sommes sur un territoire sans concurrence avec une inflation des prix.
Une autre problématique que nous constatons, concerne les subventions européennes, c’est sans doute une impression mais elles ne sont pas équitables ou du moins qu’il faille être membre d’un réseau particulier pour les percevoir, que ce sont donc les mêmes qui les perçoivent. Justement à qui s’adressent-elles, comment les percevoir et vers qui devrions nous nous tourner pour les avoir ?
Me Coppet : C’est exactement la même chose que j’évoque depuis le début. Les subventions sont décidées par le même groupe, Eurodom qui va décider qui les aura. Je vous parlais des agriculteurs mais sachez que pour les avoir, il faut que vous ayez déjà l’argent sur votre compte avant de pouvoir déposer votre demande de subvention mais encore une fois, c’est une situation unique et visible que dans les territoires ultramarins et qui n’existe pas dans d’autres pays européens. Ainsi, si vous faites une demande de subvention pour un projet que vous avez besoin de 500000 €, vous devez montrer que vous avez 500000 € sur votre compte mais qui a 500000 € sur son compte ? Toujours les mêmes ! Je vous invite à regarder le registre de la transparence et vous ne verrez pas vous-même. Toutes ces données sont publiques. Mon souhait est que le peuple fasse l’effort de lire qu’il arrête de croire que les élus vont changer le système. J’aurais voulu qu’il ouvre les yeux. Je ne trouve pas dans ce territoire des gens et je serais très heureuse de rencontrer des élus ou de voir des gens qui veulent se battre pour ce territoire. En attendant, la phrase que j’entends régulièrement sur les bienfaits de l’Octroi de mer dans notre économie, c’est faux. Le rapport de la Cour des compte est clair, aucun élu ultramarin ne peut venir devant les rapporteurs dire que l’Octroi de mer participe à la création d’emploi et à l’économie locale car tout simplement c’est faux. Les collectivités ultramarines dépensent des fortunes à faire n’importe quoi comme c’est le cas de la mairie de Saint François qui a racheté l’hôtel Méridien avec 12 000€ de charges à payer plus des intérêts à la banque mais cela arrange l’Etat qui garde des collectivités exsangues et dépendantes et le système continue en premier lieu ce lobby.
Me Coppet merci d’avoir répondu à nos questions, mais avant que nous finissions, où pouvons-nous vous suivre, vous contacter ?
Me Coppet : Je vous invite déjà à adhérer à mon association Mouvement Outremer afin que tous les différents secteurs d’activité de la Guadeloupe et des départements d’Outremer soient représentés à Bruxelles et qu’on arrête de déléguer depuis des siècles notre existence notre législation notre avenir à un groupe qui n’a que faire de nous. Rejoignez-moi donc au sein de Mouvement Outremer. On a une histoire coloniale qui date voilà qui est là depuis des siècles on y est encore. Nous sommes encore dans ce pacte colonial et pour en sortir, nous devons prendre le chemin du Droit européen qui comme je le rappelle est un droit supranational.
Combien êtes-vous dans votre association ?
Me Coppet : Nous sommes plusieurs centaines mais nous avons besoin d’être plusieurs milliers voire des millions mais mon souhait est que toute la lumière soit faite sur ces sujets.
Merci beaucoup Me Coppet.
C’est moi qui vous remercie.