Ruddy Marc Roquelaure présente  » Être noir ». 

L’artiste plasticien Guadeloupéen Ruddy Marc Roquelaure présente sa nouvelle exposition  » Être noir  » au Musarth à Pointe-à-Pitre. Une exposition au titre évocateur qui permet d’apporter une autre réflexion sur l’homme noir et sa place dans la société moderne actuelle. « Être noir », c’est donner sa préférence au fait d’être envisagé et non dévisagé. Alors, qu’est-ce qu’être noir ? sa réponse complète.  

Pourtant, au-delà de ce discours rédigé par Henri Guaino, une réalité qu’a voulu dénoncer le candidat devenu par la suite président. A savoir que l’Individu noir, premier être humain à avoir fait son apparition sur Terre a été lésé dans la marche du Monde. Freiné dans son propre développement, exploité, déporté, colonisé, il a toujours été la cheville ouvrière de ce monde qui l’a toujours rejeté. Cependant, l’heure, est au réveil des consciences sur la place que doit jouer, l’être noir dans cette marche accélérée du Monde mulipolaires.  

Longtemps raillé, discriminé et même déshumanisé, l’Homme noir reprend cette place qui lui a toujours été sienne. Celui d’être le centre, l’équilibre de ce futur que nous espérons différent pour les peuples. Il est fini le temps où l’Afrique et sa diaspora était les instruments corvéables des autres. Nous aussi, nous comptons. Par contre, à nous de prendre la clé de notre liberté et d’avancer avec les autres, sans pour autant tomber dans la plainte perpétuelle.  

C’est aussi le constat que fait Ruddy Marc Roquelaure. L’artiste plasticien originaire de la Guadeloupe est présente sa nouvelle exposition  » Être noir  » au Musarth à Pointe-à-Pitre. Une exposition au titre évocateur qui permet d’apporter une autre réflexion sur l’homme noir et sa place dans la société moderne actuelle. « Être noir », c’est donner sa préférence au fait d’être envisagé et non dévisagé. Alors, qu’est-ce qu’être noir ? sa réponse complète dans la vidéo. 

Ruddy Marc Roquelaure, bonjour, merci de nous recevoir au Musarth pour ton exposition, qui s’intitule “ Être noir”, Mais avant tout, qui es-tu ? Pourrais-tu te présenter à nos téléspectateurs et téléspectatrices ? 

Ruddy Marc Roquelaure : J’aime bien ce genre de questions. Comme vous l’avez dit, je suis Ruddy Marc Roquelaure. Je me définis comme étant un Guadeloupéen, un artiste afro-descendant et engagé dans tout ce que je fais. Au moment où nous enregistrons cette interview, des membres de ma famille qui vivent en France Hexagonale sont venus voir l’exposition, ce qui m’a fait grandement plaisir. Si j’en parle c’est parce que, cela a influencé mon travail d’artiste. J’ai des origines de Marie-Galante, j’ai toujours été connecté avec l’île de la Dominique. Mon enfance a eu un impact sur ma façon de voir et d’aborder le monde. Cela me permettra de parler de ma famille, mes parents, ma mère mais aussi une autre personne qui est très importante dans mon développement, ma belle-mère qui m’a élevé. Je suis donc un artiste qui a été influencé par un certain parcours dans sa jeunesse et par sa famille qui m’a transmis une certaine valeur.  

Quel est ton parcours artistique ? As-tu étudié l’art ou es-tu autodidacte ? 

Ruddy-Marc Roquelaure : j’ai effectivement, étudié l’art. Selon moi, à un moment donné il faut l’étudier à un certain niveau même l’autodidacte, comme tu dis, se retrouve à devoir peut-être regarder un certain nombre de choses pour développer son art. Après, quand on étudie dans une école d’art, dans un centre ou dans un institut ça permet d’aller un peu plus vite dans la démarche. Très tôt, mis à part le fait d’avoir peut-être déjà cette sensibilité, de dessin d’expression plastique et artistique comme les enfants avec qui je peux être amené à interagir dans différents ateliers, je gribouillais. En même temps, on commence tous par là. Cependant, moi, j’ai insisté dans cette voie. J’ai donc eu un BAC Lettres et Art. J’avais pour professeur Messieurs Pezeron sur la Basse-Terre et Mr Sicar sur la Grande-Terre.  

Une fois ce Bac en poche, je suis parti en Martinique où avec Laurent Philippe et Eddy Firmin, j’ai intégré ce que l’on appelait jadis, l’Ecole Régionale d’Art Plastique de la Martinique, qui est devenue par la suite, le Campus Caribéen des Arts. D’ailleurs, je ne suis pas le seul. Il y a toute une génération d’artistes plasticiens, même avant moi qui ont étudié là-bas. Je peux citer Bruno Metura etc. Les professeurs étaient excellents. Pour beaucoup, ils venaient de l’extérieur. Je pense à mon directeur de recherche de troisième année, Mr Luis Panié qui venait du Venezuela ou encore ma professeure de graphismmyuse à  a été Mireille Chicha qui elle venait de France Hexagonale, Paris, je crois. Donc, en Martinique, j’ai eu un DNAT ( diplôme national d’art et technique option art graphique. Je suis donc issu de cette prestigieuse école d’art reconnue au national et à l’international. C’était super intéressant ce qu’on produisait.

L’artiste plasticien Ruddy Marc Roquelaure dans son exposition « Être noir  » au Musarth. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE)
Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir artiste professionnel, avais-tu des artistes qui t’ont marqué ?   

Ruddy Marc Roquelaure : Il faut savoir qu’avant de faire ce choix de devenir artiste, je rêvais d’être sportif. J’adorais jouer au football et j’étais même très bon. Finalement, le choix d’étudier l’art s’impose à moi car j’ai toujours eu ce ressenti, ce besoin de vouloir exprimer quelque chose dans tout ce que je fais, il y a toujours eu ce côté artistique en moi. Quand je fais ce choix, je pense que, je ne sais pas forcément jusqu’où ça va m’amener en réalité. Toutefois, c’est vrai, je suis convaincu que c’est une possibilité c’est une voix d’expression. Mon parcours a d’abord eu un détour musical avec mon père qui était professeur de musique, puis, je fais le Lycée, j’ai obtenu mon BAC Lettres et Art. Je vais à la Martinique où j’étudie l’art en profondeur, j’obtiens mon diplôme. Ensuite, je pars à Vancouver puis Montpellier où je me perfectionne, donc ça m’a accompagné pendant un certain nombre de temps et je pense que c’est vraiment un choix déterminé d’engagement. Je passe par la phase graphisme qui l’une des mes compétences. Je crée pas mal de choses pour des clients tout en continuant de peindre quasiment tous les jours. C’est à partir de ce moment, que je comprends que que j’ai besoin d’une autre liberté, à savoir me consacrer à l’art pleinement. Après, comme je l’ai dit, c’est quelque chose qui a toujours été là, en moi. J’ai donc fait le choix et j’accepte complètement les conditions dans lesquelles ça peut me mettre et je ne vais pas le nier, ce n’est pas évident tous les jours. Je pense qu’il y a quelque chose qui, peut-être me dépasse moi-même qui fait que j’ai  cet engagement pour cet art qui m’a amené ici, au Musarth.  

Mais quels sont les artistes qui t’ont le plus inspiré ?  

Ruddy Marc Roquelaure : Comme je l’ai dit, j’ai été bercé dès l’enfance par le milieu artistique. Mon père était professeur de musique, j’ai grandi au Raizet où au Carbet, Francky Vincent commençait sa carrièr. Ma mère, quant à elle, aimait aussi l’art, elle entretenait des relations amicales avec des artistes comme Nicole Réache qui est la marraine de ma soeur. Avec ma mère, nous allions dans les expositions de Michel Rovelas que j’apprécie. J’allais à celles de Richard Viktor Sainsily, dont j’appréciais le travail. Alors moi, je suis d’une  certaine génération qui a vu des artistes talentueux, émergé Je me rendais donc aux expositions de Chadru, de Nabajoth et tous ceux qui étaient avant moi et qui m’ont inspiré. Arrivé à l’Ecole d’art de la Martinique, évidemment, je découvre différents artistes de différentes époques ( classique, cubisme, réalisme, néo etc) qui ont façonné l’art tel que l’on connait. Je peux citer également Chomeau Lamothe ou encore Jojo Bigor Photographie. Cependant, l’artiste même qui m’a le plus marqué, c’est et ça restera Jean-Michel Basquiat. Je découvre son travail, par hasard. Un jour, des amis m’invitent à regarder un film documentaire sur un artiste new yorkais. En le visionnant, je crois que quelque chose en moi s’est déclenché. J’ai su ce que je voulais produire. Je voulais faire pareil tellement le travail de Basquiat m’a marqué. Pour moi, il était arrivé à un tel niveau inégalé. Je perçois une similarité avec ma vision de l’art, une sorte de proximité intellectuelle. C’était très perturbant. C’est donc à partir de ce moment que j’ai su où je voulais aller artistiquement. J‘ai trouvé son travail magnifique, ça m’a vraiment motivé. Il était arrivé à un tel niveau d’excellence. Après, je peux notamment citer Kerry James Marshall qui est un artiste, on va dire dans l’afro descendance et dont le travail est très pertinent, néanmoins, c’est Basquiat qui m’a le plus touché. Pour autant, durant mes études, jamais, ils ne nous ont parlé de Jean-Michel Basquiat, alors qu’il était excellent, il a fallu que je regarde un film documentaire pour que je trouve le chemin à suivre.  

Ce n’est pas la première fois que tu exposes mais c’est la première fois que tu es en solo dans un Musée ? Quelle impression ça fait d’investir un espace pareil ? 

Ruddy Marc Roquelaure : J’adore ! Je suis être heureux d’être exposé dans ce lieu prestigieux. Quand je vois le parcours que j’ai, je ne peux que dire merci. C’’est vrai que je suis rentré en Guadeloupe en 2013 et depuis j’ai participé à diverses choses comme les Pool Art Fair, des expositions collectives. Ma toute première exposition après mon retour au pays, c’était chez madame Simone Schwarz-Bart où nous étions une dizaine d’artistes voir plus. D’ailleurs pour cette exposition, j’avais fait tout ce qui est la communication graphique et même la scénographie. Plus récemment, à mon retour du Bénin, j’ai fait une exposition solo dans l’ancienne galerie de Thierry Alet, Artruche. L’exposition tombait au même moment que la Route du Rhum. J’avais produit des œuvres à la suite de mon premier voyage en Afrique, au Bénin et j’étais en solo. Là, encore, je retrouve seul, dans ce lieu prestigieux car, quand on veut connaître la culture d’un peuple où ses traditions, ses us et coutumes, quel que soit l’endroit où on peut se retrouver on fait quoi ? On va dans un musée. C’est donc un véritable honneur de me retrouver dans ce lieu de culture, d’histoire. Je me dis que c’est une chance formidable et inouïe de pouvoir présenter mon travail au public dans ce lieu.  

Mais Rudy Marc, qu’est-ce qu’être Noir “ pour toi ?   

Ruddy Marc Roquelaure : Je me suis moi-même posé la question (rires). Pour moi, l’idée c’est la compréhension de soi-même, c’est un état d’esprit qui peut se rapporter à quelque chose, à un lieu donné. Je pourrais entrer dans plus de détails historiques mais ce n’est pas l’idée. Je vais le dire autrement. Selon moi, nous nous autorisons à pousser ce dernier cri d’appel de l’humanité c’est-à-dire que nous entrons dans une transition, dans un nouveau monde, qui pour moi, équivaut à un avenir radieux mais pour pouvoir reprendre notre place autour de la table des décisions du monde, nous avons besoin de nous apaiser et d’apaiser les autres avec des questionnements qui nous retardent dans le développement 

L’artiste plasticien Ruddy Marc Roquelaure dans son exposition « Être noir  » au Musarth. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE)
Du coup, est-ce que ton exposition est là pour redonner redorer une certaine image de l’homme noir et de la femme noire ? ou alors juste pour dénoncer les méandres de son histoire ? 

Ruddy Marc Roquelaure : alors il y a les méandres mais il faut que nous reprenions notre place, c’est pour ça que des fois je cite Basquiat. J’ai transformé l’idée notamment quand je reprends la couronne, j’ai transformé l’idée comme une façon de montrer les possibilités que nous avons, nous devons retrouver notre place, notre souveraineté d’une certaine façon. Il faut que le peuple reprenne confiance en lui. Vous comprenez donc que je ne suis pas uniquement focalisé sur les méandres de l’histoire. A travers mon art, je véhicule l’idée au peuple qu’il doit se réveiller et qu’il prenne conscience de qui il est et qu’il a un potentiel exceptionnel.  

Tu es parti au Bénin et au Togo, comment ces voyages en Afrique t’ont inspiré pour cette exposition ? 

Ruddy Marc Roquelaure : comme je disais au fil de mon  parcours, l’Afrique a toujours été une espèce de fantasme. Plus que j’étudiais l’art, plus que je progressais plus que j’avais conscience qu’il me manquait quelque chose pour combler le vide. J’ai parlé de Marie-Galante, la Dominique ou la France mais, je savais qu’il manquait quelque chose. Quand j’étais étudiant, lors de mes travaux ou même dans les livres, je voyais que des personnages illustres mais ils ne me ressemblaient pas. J’ai dû faire un travail de recherches seul pour comprendre mon histoire et à chaque fois, je tombais sur l’Afrique. Ces voyages-là m’ont ouvert l’esprit. Je pense qu’ils ont transformé mon ADN. Le fait de me retrouver là-bas, oui, j’ai été changé profondément. J’ai pu comprendre vraiment d’où je venais. Je parle de l’ancestralité. C’est sur place que j’ai eu comme une révélation. Tu te retrouves en famille. Tu crois des personnes qui quelque part te ressemblent et sont contents de te voir car, pour eux, tu représentes ces personnes qui sont parties ( du fait de l’esclavage et la traite négrière). A leurs yeux, nous incarnons le retour de ces millions d’individus arrachés à leurs terres ancestrales.  

Je suis évidemment très content d’avoir fait ces voyages et je remercie l’association Arts au pluriel de m’avoir permis de réaliser ça.  Par la suite, je suis allé au Togo où j’ai rencontré un artiste incroyable, Ras Sankara qui est togolais. L’art est donc un moyen de s’émanciper et d’unifier, c’est ce que j’ai pu constater en Afrique.

Es-tu conscient de l’évolution de ton travail ?  

Ruddy Marc Roquelaure: Absolument  

Quelles sont les différentes techniques que tu as utilisées pour arriver à faire tes œuvres ? 

Ruddy Marc Roquelaure : Je suis un artiste peintre qui utilise l’acrylique mais il m’arrive de mélanger des techniques mixtes. Il y a du collage, du marouflage, j’écris aussi et  j’utilise  également beaucoup le pastel que j’aime beaucoup. Pour cette exposition, je me suis dépassé car, j’ai aussi mis des installations, D’ailleurs, ça répond à la question de l’évolution de mon travail. Par exemple, l’une de mes œuvres exposées que j’ai nommé “ Ô Mélanie”, elle entre dans le réalisme alors que l’on me connait pour avoir fait des choses plus abstraites et même très street art. Cette expo m’a poussé dans l’idée de pouvoir proposer d’autres possibilités de réflexion sur l’objet artistique d’où les installations qui à mes yeux sont le tournant de ma carrière. Elle m’a donc permis d’explorer tout le côté créatif  que j’avais en moi.  

L’artiste plasticien Ruddy Marc Roquelaure dans son exposition « Être noir  » au Musarth. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE)
Rudy Marc, quelle sera la suite pour cette exposition ? va-t-elle voyager ?

Ruddy Marc Roquelaure : C’est une belle question. Oui, j’ai vraiment envie de la partager hors de la Guadeloupe. L’idée serait de la faire voyager. J’ai quelques pistes. On y travaille avec la commissaire Christina Jasmin. Me concernant, je pense partir en résidence à Philadelphie l’année prochaine. Je n’en parle pas trop mais je ne serai pas seul, avec d’autres artistes, nous allons expérimenter une technique nommée l’impression, comment travailler sur une certaine surface papier à l’image de ce que j’ai fait sur les feuilles de bananes. Au passage, je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont permis d’exposer au Musarth, Christina Jasmin, l’équipe du Musarth, madame Thérèse Parfait, Mr David Laporal, Mélanie Dubrulle. Même vous qui me donnez la parole. Cela me permettra d’aller encore plus loin dans la monstration de nous, Guadeloupéens, de montrer la Guadeloupe.  

Rudy Marc Roquelaure merci d’avoir répondu à nos questions mais question, où pouvons-nous suivre l’ensemble de ton travail ? 

Ruddy Marc Roquelaure : Effectivement, c’est désormais important de communiquer à travers les réseaux sociaux. Je viens d’avoir un site, rm-roquelaure.fr, là-dessus, consulter les œuvres de l’expo ensuite il y a ma page Instagram : ruddy marc roquelaure, et thoufner thounder pour ceux qui sont sur Facebook c’est un peu une certaine appellation qui est connectée avec une autre page Facebook que j’ai : Ruddy Marc Roquelaure.  

Merci beaucoup Ruddy Marc,  

Ruddy Marc Roquelaure : C’est moi qui vous remercie ça a été un plaisir 

L’artiste plasticien Ruddy Marc Roquelaure dans son exposition « Être noir  » au Musarth. Photo : ELMS Photography ( Emrick LEANDRE)